Ce texte, de notre très regretté camarade Klee Benally, a été publié en mars 2020, pendant la pandémie de COVID. Étant donné que depuis le 5 mars, nos dirigeants européens ont décidé de nous refaire le coup de la guerre nucléaire, pour sauver le capitalisme, je pense que ce texte est de nouveau d’actualité.
Bien qu’il ait été écrit du point de vue des Autochtones colonisés d’Amérique, il concerne tous ceux qui ne peuvent qu’être victimes de la folie de nos dirigeants – pauvres, SDF, smicards, sans-papiers, chômeurs… Sans oublier que la France a aussi ses colonisés, en Guyane, en Polynésie, à Mayotte…
Les prolos européens n’ont pas plus de raison de se reconnaitre dans le délire des gens au pouvoir, ni de subir les catastrophes causées par leur politique suicidaire.
Comme l’écrivait déjà Guy Debord en 1971 (!) nous avons manifestement atteint le « …moment historique longtemps attendu, et souvent prévu sous des figures partielles inadéquates : l’impossibilité de la continuation du fonctionnement du capitalisme ». Bien sûr, ça n’a fait qu’empirer. Ils sont prêts à organiser la fin du monde plutôt que de renoncer à leurs profits sans fin.
Pas sûr que Macron et l’Union Européenne soient capables de déclencher la Troisième Guerre Mondiale, mais ils sautent sur l’occasion d’enrichir les producteurs d’armes et d’énergie aux dépens des pauvres et des gens ordinaires.
Aux U.S.A., Trump choisit de laisser tomber l’OTAN et l’Europe, et de balayer toutes les lois de protection de l’environnement – déjà insuffisantes – pour se lancer dans la course à l’énergie. Les U.S.A. vont donc tout faire exploser, pour exploiter des mines de lithium, d’uranium, etc., mais aussi forer pour du pétrole, du gaz de schistes, du charbon… C’est la raison pour laquelle Zuckerberg, Besos et autres se sont tous ralliés à Trump, leurs projets d’Intelligence Artificielle et autres vont consommer une quantité inimaginable d’électricité.
Mais tout comme les Autochtones n’ont rien à voir avec la folie colonialiste/capitaliste, les gens ordinaires d’Europe ou de leurs colonies n’ont rien à y gagner non plus.
La révolte, et la solidarité mondiale sont URGENTES. « Détruire ce qui nous détruit ».

Christine Prat
5 mars 2025

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REPENSER L’APOCALYPSE : UN MANIFESTE ANTI-FUTURISTE AUTOCHTONE

Par Klee Benally
Indigenous Action
19 mars 2020
Traduction Christine Prat

« La fin est proche. Ou est-elle déjà venue et repartie auparavant ? »
– Un ancêtre

Pourquoi pouvons-nous imaginer la fin du monde, mais pas la fin du colonialisme ?

Nous vivons le futur d’un passé qui n’est pas le nôtre.

C’est une histoire de fantaisies utopiques et d’idéalisation apocalyptique.

C’est un ordre social global pathogène de futurs imaginés, construits sur le génocide, l’esclavage, l’écocide et la ruine totale.

Quelles conclusions peuvent-elles être réalisées dans un monde construit d’ossements et de métaphores vides ? Un monde de fins fétichisées, calculées au milieu d’une fiction collective de spectres virulents. Des livres religieux aux distractions scientifiques fictionnalisées, chacun a imaginé une ligne temporelle si prédictible : début, milieu, et tout au bout, La Fin.

Inévitablement, dans ce récit, il y a un protagoniste combattant un Autre Ennemi (une appropriation de la spiritualité Afro-Haïtienne, un « zombie ? »), et, attention au divulgâcheur : ce n’est pas vous ou moi. Tant de gens sont impatients d’être les seuls survivants de l’« apocalypse zombie ». Mais ce sont des métaphores interchangeables, ce zombie/l’Autre, cette apocalypse. Ces métaphores vides, cette linéarité n’existent que dans le langage des cauchemars, elles font immédiatement partie de l’imagination et de l’impulsion apocalyptiques. Ce mode de « vie » ou « culture », est une domination qui consume tout pour son propre avantage. C’est une réorganisation économique et politique pour coller à une réalité reposant sur les piliers que sont la compétition, la propriété, et le contrôle, dans la poursuite du profit et de l’exploitation permanente. Ça professe « la liberté », mais ses fondements s’appuient sur des terres volées et sa structure même est construite avec des vies volées.

C’est cette « culture » même qui doit toujours avoir un Autre Ennemi, à blâmer, contre qui se plaindre, à affronter, à réduire en esclavage, et à assassiner.

Un ennemi moins qu’humain, afin que n’importe quelle forme de violence extrême ne soit pas seulement permise mais prévue de s’exercer contre lui. Si cette « culture » n’a pas d’Autre immédiat, elle en construit un méticuleusement. Cet Autre n’est pas créé par la peur mais sa destruction est forcée par elle. Cet Autre est constitué d’axiomes apocalyptiques et de malheur permanent.

Cette Autrification, cette maladie weitko [terme Autochtone signifiant à peu près ‘virus mental’, causant des conduites nuisibles, en particulier l’égocentrisme] est peut-être la plus symptomatique dans son stratagème le plus simple, celui de notre refabrication réduite au silence :

Ils sont sales, Ils ne sont pas adaptés pour pouvoir vivre, Ils sont incapables, Ils ne savent rien faire, Ils peuvent disparaître, Ils sont mécréants, Ils sont sans valeur, Ils sont faits pour servir nos intérêts, Ils haïssent notre liberté, Ils sont sans-papiers, Ils sont queer, Ils sont Noirs, Ils sont Indigènes, Ils sont moins que, Ils sont contre nous, jusqu’à ce que finalement, Ils n’existent plus.

Dans ce perpétuel mantra de violence constamment recadré, c’est Vous ou Eux.

C’est l’Autre qui est sacrifié pour une continuité immortelle et cancéreuse. C’est l’Autre qui est empoisonné, qui est bombardé, qui est abandonné sous les décombres.

C’est cette façon de non-être, qui a infecté tous les aspects de nos vies, qui est responsable de l’annihilation d’espèces entières, de la pollution des océans, de l’air et de la terre, de la déforestation par abattage et des incendies de forêts entières, des incarcérations de masse, de la possibilité technologique que le monde finisse au cours d’une guerre, et de l’élévation des températures à une échelle globale, c’est la politique mortelle du capitalisme, c’est une pandémie.

Une fin qui s’est déjà produite.

L’invasion physique, mentale, émotionnelle et spirituelle de nos terres, de nos corps et de nos esprits, pour coloniser et exploiter, c’est le colonialisme. Des voiliers ont vogué sur des vents empoisonnés et des marées sanglantes à travers les océans, poussés par une respiration courte et une impulsion de servage, des millions de vies ont été tranquillement éteintes avant même d’avoir pu nommer leur ennemi. 1492, 1918, 2020…

La fourniture couvertures de guerre bactériologique, le massacre de notre cousin le bison, les barrages sur des rivières qui donnaient la vie, la destruction de terres intactes, les marches forcées, l’emprisonnement selon des traités, l’éducation coercitive par la maltraitance et la violence.

Le quotidien de l’après-guerre, l’après-génocide, le marché de l’humiliation post-coloniale de notre lent suicide de masse sur l’autel du capitalisme ; travailler, toucher la paye, payer le loyer, boire, baiser, se reproduire, partir en retraite, mourir. C’est au bord des routes, c’est en vente dans les marchés ‘Indiens’, c’est servir à boire dans les casinos, refaire les stocks de Bashas [chaîne de supermarchés U.S.], ce sont de gentils Indiens derrière vous.

Ce sont les cadeaux de toutes les destinées manifestes empoisonnées, c’est cet imaginaire mis au futur que ceux qui nous ont capturés voudraient que nous perpétuions et auquel ils voudraient que nous participions. L’imposition de ce monde mort impitoyable était poussée par une utopie idéalisée comme Maison Charnelle, c’était ‘pour notre bien’, un acte de ‘civilisation’.

Tuer l’‘Indien’ ; tuer notre passé et notre avenir avec. ‘Sauver l’homme’ ; imposer un autre passé et avec, un autre futur.

Ce sont les idéaux apocalyptiques des violeurs, des racistes, des hétéro-patriarches. La foi doctrinaire aveugle de ceux qui ne peuvent voir la vie qu’à travers un prisme, un kaléidoscope brisé de guerre totale et sans fin.

C’est une vision apocalyptique qui colonise nos imaginations et détruit notre passé et notre futur simultanément. C’est une lutte pour dominer la signification humaine et toute existence.

C’est le futurisme de notre colonisateur, le capitaliste. C’est tout à la fois chaque futur jamais volé par le pillard, le causeur de guerre et le violeur.

La question a toujours été celle de l’existence et de la non-existence. C’est l’apocalypse, actualisée. Et la seule certitude est une fin mortelle, le colonialisme est la peste.

Nos ancêtres comprenaient que cette manière d’être ne pouvait pas être raisonnée ni négociée. Qu’elle ne pouvait pas être modérée ni sauvée. Ils comprenaient que l’apocalypse n’existe que dans l’absolu.

Nos ancêtres ont rêvé contre la fin du monde.

Beaucoup de mondes ont disparu avant celui-ci. Nos histoires traditionnelles sont étroitement liées au tissu de la naissance et de la fin des mondes. A travers ces cataclysmes nous avons appris beaucoup de leçons qui nous ont formés tels que nous sommes et nous ont appris comment être avec les autres. Nos manières d’être sont définies par le fait de trouver l’harmonie par et à travers la destruction des mondes. L’Elliptique. La Naissance. La Mort. La Renaissance.

Nous avons un nombre inconnu d’histoires innombrables sur le monde qui fait partie de nous. C’est le langage du cosmos, c’est le langage de prophéties gravées depuis longtemps dans les cicatrices des lieux où nos ancêtres ont rêvé. C’est la danse des fantômes, les Sept Feux, la naissance du Bison Blanc, les sept générations, c’est les cinq soleils, c’est écrit dans la pierre, près d’Oraibi, et au-delà. Ces prédictions ne font pas que prédire, elles ont été aussi des diagnostiques, et instructives.

Nous sommes les rêveurs rêvés par nos ancêtres. Nous avons traversé le temps entre les souffles de nos rêves. Nous existons en même temps que nos ancêtres et les générations à naître. Notre futur est tenu par vos mains. C’est notre mutualité et notre interdépendance. C’est notre relativité. Ce sont des plis dans nos mémoires, doucement pliées par nos ancêtres. C’est notre Temps de Rêve collectif, et c’est Maintenant. Alors. Demain. Hier.

L’imagination anticoloniale n’est pas une réaction subjective aux futurismes coloniaux, c’est un futur anti-colons. Les cycles de notre vie ne sont pas linéaires, notre futur existe sans le temps. C’est un rêve, non-colonisé.

Ce qu’est l’anti-futur Autochtone.

Nous ne nous préoccupons pas de comment nos ennemis appellent leur monde mort ni de comment ils nous reconnaissent ou admettent, nous et ces terres. Ça ne nous intéresse pas de retravailler leurs façons de gérer le contrôle ou d’honorer leurs défunts accords ou traités. Ils ne seront pas forcés de mettre fin à la destruction à laquelle leur monde est voué. Nous n’allons pas plaider auprès d’eux pour qu’ils mettent fin au réchauffement climatique, étant donné que c’est la conclusion de leurs impératifs apocalyptiques et que leur vie est construite sur la mort de Notre Mère la Terre. Nous enterrons l’aile droite comme l’aile gauche ensemble, dans la terre qu’ils sont si avides de consommer. La conclusion de la guerre idéologique de la politique coloniale est que les Peuples Autochtones doivent toujours perdre, à moins que nous ne nous perdions nous-mêmes. Les capitalistes et les colonisateurs ne nous mèneront pas hors de leurs futurs mortels.

L’idéalisation apocalyptique est une prophétie auto-réalisatrice. C’est le monde linéaire finissant de l’intérieur. La logique apocalyptique existe dans une zone spirituellement, mentalement et émotionnellement morte qui se cannibalise elle-même. Ce sont les morts qui se relèvent pour consumer toute la vie.

Notre monde vit quand le leur cesse d’exister.

En tant qu’Autochtones anti-futuristes, nous sommes la conséquence de l’histoire du futur du colonisateur. Nous sommes la conséquence de leur guerre contre Notre Mère la Terre. Nous ne laisserons pas le spectre du colonisateur, les spectres du passé, hanter les ruines de ce monde. Nous sommes l’actualisation de nos prophéties.

C’est la réémergence du monde des cycles.

C’est notre cérémonie.

Entre des cieux silencieux. Le monde respire à nouveau et la fièvre diminue.

Le sol est tranquille. Entendant qu’on écoute.

Quand il y a moins de distractions, nous allons là où nos ancêtres ont émergé.

Et leur/notre voix.

Il y a un chant plus ancien que les mondes ici, il guérit plus profondément que ce que la lame du colonisateur pourrait jamais atteindre.

Et là, notre voix. Nous avons toujours été des guérisseurs. C’est la première médecine.

Le colonialisme est une peste, le capitalisme est pandémique.

Ces systèmes sont anti vie, on ne pourra pas les forcer à se guérir.

Nous ne laisserons pas ces systèmes corrompus et malades récupérer.

Nous nous étendrons.

Nous sommes les anticorps.

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Addendum : Dans notre passé/votre futur, il y avait des attaques non systématiques, non linéaires, sur des infrastructures vulnérables comme la fourniture de carburant, les couloirs de transports, la fourniture d’électricité, les systèmes de communication, et d’autres, qui rendait le colonialisme de peuplement impossible sur ces terres.

  • Notre organisation était cellulaire, elle ne demandait pas de mouvements formels.
  • La Cérémonie était/est notre libération, notre libération était/est la cérémonie.
  • Nous respections les enseignements sacrés, nos ancêtres et les générations à venir.
  • Nous n’exigions aucune reconnaissance pour quoique ce soit. Nous ne publiions pas de communiqués. Nos actions étaient notre propagande.
  • Nous célébrions la mort de la solidarité gauchiste et son romantisme apocalyptique myope.
  • Nous ne demandions rien des capitalistes/colonisateurs.


Photo Amy S. Martin

Extrait d’un article du Grand Canyon Trust
Par Amber Reimondo, Directrice de l’Énergie
18 novembre 2024
Traduction Christine Prat

En 1986, le Service des Forêts des États-Unis a approuvé un projet de mine d’uranium privée dans la Forêt Nationale de Kaibab, près du Parc National du Grand Canyon. D’après les connaissances scientifiques de l’époque, le Service des Forêts avait déterminé que la Mine du Canyon (rebaptisée plus tard Mine de Pinyon Plain) ne menaçait pas l’eau souterraine de la région du Grand Canyon, y compris la nappe phréatique profonde de Redwall-Muav, qui alimente les sources du Grand Canyon qui se jettent dans le Fleuve Colorado.

En 2012, le Service des Forêts réexamina son opinion de 1986 et déclara qu’il n’y avait pas de raison de réévaluer les effets potentiels de l’extraction d’uranium à la mine du Canyon, avec l’argument que la science et les faits sur le terrain n’avaient pas changé.

Une science dépassée

Mais au cours de la décennie suivante, les choses ont changé. En 2016, des mineurs qui creusaient ont atteint de l’eau souterraine et la compagnie a dû pomper constamment le puits depuis.

La science sur laquelle l’approbation de la mine reposait, depuis près de quatre décennies, est dépassée et doit être revue. Le procureur général d’Arizona a appelé à réviser la déclaration d’impact environnemental de 1986, maintenant dépassé, qui évaluait les risques posés par la mine pour les eaux souterraines.

Les scientifiques ont appris beaucoup sur l’eau souterraine de la région du Grand Canyon, depuis 2012. Des études indiquent que la Mine du Canyon – rebaptisée Mine de Pinyon Plain en 2020, met potentiellement en danger l’eau souterraine et les sources qui y sont associées, et les écosystèmes du Parc National du Grand Canyon. Il est temps que le Service des Forêts examine la mine de près et prenne la science en considération.

Depuis 2016, plus de 250 millions de litres d’eau ont dû être pompés du puits de mine.

Nous en avons parlé récemment avec les scientifiques Dr. Laura Crossey, Dr. Karl Karlstrom et le Dr. David Kreamer, qui étudient les eaux souterraines de la région du Grand Canyon.

Voir interview en anglais des trois scientifiques :
https://www.grandcanyontrust.org/blog/scientists-call-review-grand-canyon-uranium-mine

Vidéo d’Indigenous Action Media, 2017

Ce n’est pas la première fois – et, hélas, probablement pas la dernière – que des gens qui clament leur affection ou leur estime pour Klee Benally tentent de camoufler le fait qu’il était Anarchiste, révolutionnaire. Les gens ont le droit d’aimer Klee sans partager toutes ses convictions, mais ils n’ont pas le droit de les nier pour rendre leurs proclamations politiquement correctes. Toutes les tentatives seront dénoncées.
Klee ne reconnaissait pas la légitimité du ‘gouvernement’ Navajo, imposé par le colonisateur. Que ces gens-là osent utiliser le malheur qui nous frappe tous, est une insulte à sa mémoire.

Christine Prat

Par Indigenous Action
4 janvier 2024
Traduction Christine Prat

Réaction d’Indigenous Action au geste vide du président Navajo déclarant un ‘Jour de Klee Benally’

Alors que nous étions submergés par le chagrin suite à la perte de notre ami et parent Klee Benally, il y a eu une tentative de nier et d’arracher les griffes de son discours anarchiste critique sans compromis. Le président de la Nation Navajo, Buu Nygren, déclare, par l’intermédiaire d’une autorité injuste, le 5 janvier 2024 Jour du Souvenir. Cette proclamation est une gifle pour son travail incessant pour combattre pour Níhíma Asdzaan [Notre Mère la Terre].

Des Agents Indiens nommés par l’Armée US, aux ‘Code Talkers’ et, finalement au show télévisé de merde qu’est la police tribale Navajo, toute autorité, même les politiques tribales souveraines, reposant sur l’infrastructure meurtrière de l’état du colonisateur, est un acte illégitime de destruction contre Nahasdzáán, que Klee combattait sans relâche.

L’héritage du gouvernement de la Nation Navajo ne diffère pas de celui des Jeux Indiens [casinos]. Une industrie d’exploitation rendue plus accessible par les qualifications obtenues dans les usines du savoir; que vous nettoyiez la pisse et la merde des toilettes d’un casino, ou que vous utilisiez les bureaux du gouvernement tribal pour gérer la bureaucratie du nettoyage de pisse et de merde de colon.

Si le gouvernement de la Nation Navajo avait une quelconque autorité légitime permise par le colonialisme de peuplement, il honorerait Klee en arrêtant l’extractivisme en cours sous prétexte de progrès.

Soutenez Haul No! dans le combat pour empêcher l’uranium d’être transporté à travers les communautés Autochtones.

Par Klee Benally
Indigenous Action Media
22 juin 2023
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan

Environ 33% des Diné n’ont ni eau courante ni électricité.

Pendant 41 ans, Peabody Coal, qui exploitait des mines sur Black Mesa, a consommé 5,5 milliards de litres d’eau par an, de la nappe aquifère Navajo située sous la zone. Bien que les mines soient maintenant fermées et la Centrale Navajo [NGS : Navajo Generating Station] qu’elles alimentaient détruite, les effets sur la santé, l’environnement et les sources d’eau vitales de la région sont très graves.

Depuis 1974, le Congrès des Etats-Unis ont essayé de déplacer par la force les Diné de cette région.

Le projet initial de la NGS avait pour but de fournir de l’électricité pour pomper l’eau destinée aux grandes zones urbaines de Phoenix et Tucson.

Pendant des décennies, tandis que les lignes à haute tension traversaient en tous sens les foyers des familles Diné et que de l’eau était pompée à des centaines de kilomètres pour des piscines et des terrains de golf, des milliers de Diné n’avaient ni eau courante ni électricité.

Aujourd’hui, il y a plus de 20 000 puits de gaz naturel et des milliers d’autres en projet dans et autour de la Nation Navajo, dans le Bassin de la Rivière San Juan.

L’Agence de Protection de l’Environnement des Etats-Unis [EPA] qualifie le Bassin de la San Juan de « bassin de méthane le plus productif d’Amérique du Nord. » Rien qu’en 2007, les grandes compagnies ont extrait 3,7 mille milliards de gaz de houille de la région, en faisant la principale source des Etats-Unis.

Halliburton, « pionnier » de la fracturation hydraulique en 1947, a introduit la « re-fracturation » de puits dans la région. La fracturation gâche et pollue aussi une quantité d’eau phénoménale. Un seul puits de méthane de houille peut utiliser jusqu’à 1,5 millions de litres, et un seul puits horizontal jusqu’à 37,850 millions de litres d’eau.

Le gouvernement de la Nation Navajo soutient ces baux, y compris autour du territoire sacré du Canyon de Chaco [site archéologique exceptionnel].

Le Bassin de la San Juan est aussi considéré comme « le plus prolifique producteur d’uranium des Etats-Unis. »

En 1979, la plus grande fuite accidentelle d’eau radioactive s’est produite à l’usine de traitement d’uranium à Church Rock, Diné Bikéyah [Pays Navajo]. Plus de 1100 tonnes de déchets radioactifs solides et 356 millions de litres de déchets radioactifs liquides se sont déversé dans la Rivière Puerco, suite à la rupture d’un barrage de rétention en terre. Aujourd’hui, l’eau, dans la communauté en aval de « Sanders, Arizona » est toujours empoisonnée par la fuite.

Il y a plus de 2000 mines d’uranium abandonnées toujours radioactives, dans et autour de la Nation Navajo. Vingt-deux puits qui fournissaient de l’eau à plus de 50 000 Diné, ont été fermés par l’EPA à cause des taux élevés de radioactivité.

Il n’y a jamais d’étude systématique des impacts de l’extraction d’uranium de la région sur la santé humaine.

En 2015, l’EPA a renversé accidentellement plus de 11 millions de litres de déchets toxiques de la Mine d’Or King dans la rivière Animas. La fuite toxique a coulé à travers les communautés Diné, polluant la rivière « San Juan » dont dépendent beaucoup d’agriculteurs Diné. Les récoltes ont été perdues cette année-là. Comme mesure d’allègement de la crise de l’eau, l’EPA a d’abord envoyé des barils ayant servi à la fracturation, rincés.

Les Diné combattent sur de multiples fronts, depuis des générations, les Etats-Unis et notre propre gouvernement imposé par le colonialisme, pour défendre ce qui est sacré.

Alors que certains célèbrent la décision de la Cour Suprême sur le maintient de l’ICWA comme affirmation de la « souveraineté Tribale », nous savions bien que la justice du colonisateur ne sert qu’à maintenir le pouvoir colonial.

Si le capitalisme et le colonialisme nous ont mis dans ce pétrin, ils ne vont certainement pas nous en sortir. Quand nous arrêterons de supplier les politiciens de changer quelque chose et d’espérer que le vote ou quoique ce soit puisse changer un système intrinsèquement anti-Terre et anti-Autochtones, nous avancerons sur le chemin de la libération.

Rappelez-vous que le président de la Banque Mondiale déclarait que « les guerres du siècle prochain seront déclenchées pour de l’eau. » Elles sont des conséquences de la guerre menée contre la Terre et ça ne fait qu’empirer. Respectez l’existence ou attendez-vous à de la résistance.

Voir l’article complet, en français : https://chrisp.lautre.net/wpblog/?page_id=6410

Sanders, Arizona, puits d’eau potable devenu radioactif en 2015

Soutenez les projets autonomes Diné pour l’eau !

Tó Nizhóní Ání : www.tonizhoniani.org

DINÉ LAND & WATER: Facebook.com/dinelandnwater

(Méfiez-vous des grandes associations)

 

Par Indigenous Action Media
25 mai 2023
Traduction Christine Prat

Raymond Mattia, de la Nation Tohono O’odham, a été exécuté par des agents de la patrouille des frontières US le 18 mai dernier, chez lui. Il a reçu 38 coups de feu.

Un rassemblement pacifique, pour soutenir toutes les victimes d’actions violentes non contrôlées de la Patrouille des Frontières et d’autres administrations, se tiendra à la Station de la Patrouille des Frontière de Why, Arizona, et à Tucson, ce samedi, 27 mai 2023, de 10h à midi.

Pour plus d’informations, voir la traduction de l’article de Censored News.

***

Déclaration de la famille de Mattia Raymond :

Nous avons essayé de trouver la force d’écrire cette déclaration. Cette tragédie cause tant de chagrin à cause de la façon dont c’est arrivé. Les droits de Raymond ont été violés par les autorités auxquelles nous faisons confiance pour protéger notre Nation. Des membres de la famille, présents près de la scène de crime, ont été témoins d’actions inappropriées et non professionnelles de la part des services. Des proches sont restés dans l’angoisse, ne sachant pas dans quel état était Raymond jusqu’à ce qu’on leur dise, des heures plus tard, qu’il était décédé. Raymond est resté devant sa maison pendant sept heures avant qu’un légiste arrive de Tucson.

À nos yeux et dans nos cœurs, nous pensons que Raymond a été confronté à une force excessive et mortelle qui a pris sa vie. Il était père, frère, oncle, ami et engagé pour la communauté. Raymond luttait toujours pour ce qui était bien et il continuera de lutter, même après sa mort. Ce n’est pas un incident isolé, ça devrait faire prendre conscience de l’oppression sous laquelle notre peuple vit.

Nous tenons à remercier ceux d’entre vous, si nombreux, pour vos condoléances et votre soutien. Un ‘GoFundMe’ sera bientôt disponible pour financer les frais de justice.

Pour soutenir, contacter : justiceforraymattia@gmail.com

Ali Jegk ne figure sur aucune carte. Ça se trouve juste à côté de la frontière, à l’ouest de la Nation Tohono O’odham, près de Menagers Dam:

Traduction française d’un texte d’Indigenous Action Media
D’abord publié en avril 2021
Republié le 22 avril 2023
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan

Ce système ne tombera pas en cendres de lui-même.

La ritualisation du ‘Jour de la Terre’ commercial, et, plus logiquement, les tendances actuelles de pur laver plus vert des compagnies, échouent toutes à réagir significativement en s’attaquant à la destruction environnementale et à la catastrophe climatique imminente auxquelles nous faisons face actuellement.

Le Jour de la Terre commercial est devenu un moyen de nous apaiser et nous distraire des actes de violence perpétrés chaque jour contre Notre Mère la Terre et nos communautés humaines et non-humaines.

Les mêmes corporations qui ravagent Notre Mère la Terre et exploitent ses enfants, essaient de nous vendre des styles de vie personnels lavés plus verts, comme choix de solutions « durables ».

Les corporations à-but-non-lucratif et les politiciens néo-libéraux perpétuent et défendent le système capitaliste destructeur, dans des tentatives de construire une économie « verte » avec de nouveaux arrangements verts et même « rouges ».

Nous ne souhaitons pas que l’État capitaliste, raciste, hétéro-patriarcal, colonial et policier soit « vert », notre intention est d’abolir son existence même.

Nos vies dépendent de la santé et du bien-être de notre Mère la Terre et de tous ses enfants. Nos tactiques seront de plus en plus désespérées à mesure que l’air que nous respirons sera de moins en moins pur, que l’eau que nous buvons sera de moins en moins potable, que le sol où nous plantons sera plus pollué.

La défense des sites sacrés et des terres Autochtones sont les lignes de front sur lesquelles nous luttons pour notre existence. Si nous désirons exister, nous devons continuer à défendre le sacré et libérer Notre Mère la Terre. Défendre le sacré signifie riposter pour protéger Notre Mère la Terre, c’est-à-dire son existence même.

Le réchauffement climatique est une conséquence de la guerre du colonisateur contre notre Mère la Terre.

Pour arrêter complètement ces mines, ces centrales électriques, ces barrages et ces oléoducs, nous devons aussi arrêter la machine politique et les systèmes qui les engendrent.

Nous ne pouvons pas faire durer des modes de vie non-durables.
Le Capitalisme est l’ennemi de Notre Mère la Terre.

Vous êtes la prière de vos ancêtres pour la libération de notre mère la Terre.

Par Indigenous Action
4 avril 2023
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan

Le 30 mars 2023, une déclaration a été publiée par les services administratifs de la Ville-Etat du Vatican, condamnant les « actes de violence, d’oppression, d’injustice sociale et d’esclavage, y compris ceux commis contre les Autochtones. » L’Eglise Catholique a déclaré qu’elle « … répudiait tous ces concepts qui ne reconnaissaient pas les droits humains inhérents des Peuples Autochtones, y compris ce qui est maintenant connu comme ‘doctrine de la découverte’ légale et politique. »

Nous avons l’habitude des supercheries de l’église, cette « répudiation » n’est pas une exception.

Les mots de l’Eglise Catholique ne sont qu’une tentative de limiter les dégâts et de minimiser leur héritage génocidaire, tout en obscurcissant ses profits encore tirés de la perpétuation de la violence coloniale.

En 1493, la Bulle Papale « Inter Caetera », fut prononcée par le Pape Alexandre VI. Le document établissait la « Doctrine de la Découverte » et était crucial pour la stratégie de christianisation de l’Espagne, afin de s’assurer le « droit exclusif » de réduire les Peuples Autochtones en esclavage et de s’emparer des terres envahies par C. Colomb l’année précédente. Ce décret exprimait clairement la menace du Pape d’assimiler de force les Peuples Autochtones au Catholicisme afin de renforcer l’ « Empire Chrétien. » Cette doctrine de « civilisation » a conduit à des générations successives de guerres de génocide et d’écocide menées par les colonisateurs européens contre les vies, les terres, l’esprit des Autochtones et le monde vivant de tous les êtres apparentés. « La Destinée Manifeste », l’intensification de l’invasion des terres Autochtones aux soi-disant Etats-Unis, était inspirée et ratifiée par cette « Doctrine » religieuse.

En 1823, la « Doctrine de la Découverte » fut inscrite dans la loi des Etats-Unis pour nier les droits à la terre des Peuples Autochtones, dans une affaire devant la Cour Suprême, Johnson v. McIntosh. Au cours d’une décision unanime, le Juge en chef John Marshall écrivit que les nations Chrétiennes européennes avaient assumé le contrôle complet des terres de l’ « Amérique » pendant l’ « Âge de la Découverte. » Et en déclarant leur « indépendance » de la Couronne d’Angleterre en 1776, il nota que les Etats-Unis avaient en fait et donc par la loi, hérité l’autorité de ces terres de la Grande Bretagne, en dépit de l’occupation par les Autochtones, qui étaient des païens… » Selon cette décision, les Peuples Autochtones n’avaient aucun droit comme nations indépendantes, mais seulement comme locataires ou résidents des Etats-Unis sur leurs propres terres. La Bulle Papale inter caetera était inscrite dans la loi des Etats-Unis et continue d’être la base de la domination coloniale légale sur la vie Autochtone.

La Doctrine de la Découverte est contestée depuis longtemps par les Peuples Autochtones. Depuis les années 1970, de nombreuses délégations se sont rendues au Vatican et exigé la répudiation. Dans le territoire occupé d’Hawaï, une cérémonie annuelle au cours de laquelle la Bulle Inter Caetera est brûlée, se tient depuis 1997.

En réaction à la répudiation de l’Eglise Catholique, des organisations Autochtones ont critiqué la déclaration et exprimé l’exigence que l’Eglise Catholique assume sa « responsabilité. » Deborah Parker, Présidente de la Coalition Nationale Amérindienne pour la Guérison des Pensionnats, a déclaré : « Tandis que la décision du Vatican de renoncer à la Doctrine de la Découverte est celle qu’il fallait prendre, elle minimise le rôle de l’Eglise et sa responsabilité pour le mal causé aux Autochtones. Elle ne change pas le fait que les opinions de l’Eglise ont donné la permission aux colonisateurs de prendre les terres des Autochtones et de les assimiler… Nous exigeons plus de transparence, entre autres l’accès aux documents des pensionnats Indiens, qu’elle a refusé de nous communiquer. Nous exigeons que l’Eglise rende aux Nations Tribales les terres sur lesquelles elle a géré les pensionnats Indiens. Nous exigeons que l’Eglise soutienne la Proposition de Loi Vérité et Guérison, qui établirait une commission fédérale et effectuerait une enquête complète des politiques d’assimilation des pensionnats Indiens aux Etats-Unis. Et nous exigeons que l’Eglise respecte la souveraineté Tribale et les manières d’être des Autochtones. »

La découverte de 215 restes d’enfants Autochtones en 2021, dans une fosse commune d’une école résidentielle au « Canada », a déclenché une colère collective Autochtone face à l’héritage violent de l’éducation coloniale forcée. La stratégie des pensionnats ou écoles résidentielles, comme elles sont appelées au soi-disant Canada, faisait partie d’une guerre politique, religieuse et idéologique contre les Peuples Autochtones, qui visait les enfants.

En 2007, après des décennies de demandes de réparations au soi-disant Canada, un accord a été trouvé, dans le cadre du plus grand recours collectif auquel le gouvernement colonial ait jamais été confronté. L’accord comprenait le paiement d’une « expérience commune » de 10 000 dollars à environ 90 000 personnes qui avaient survécu aux écoles résidentielles, avec en plus 3000 dollars pour chaque année pendant laquelle ils avaient été retenus dans les écoles. Environ 200 millions de dollars ont été alloués aux programmes de guérison et d’éducation. Dans le cadre de cet accord, l’Eglise Catholique a payé 50 millions de dollars et a offert de payer 30 millions de plus.

Un groupe appelé la Commission Vérité sur le Génocide au « Canada », qui a accusé les écoles résidentielles d’être responsables de la mort et de la disparition de milliers d’enfants Autochtones, a rejeté l’accord et déclaré « Ce pot-de-vin, ce bâillon légal est présenté comme une ‘résolution’ définitive des plaintes des survivants des écoles résidentielles, comme si des crimes innommables comme les stérilisations de masse, les tortures et les meurtres rituels pouvaient être résolus par, ou réductibles à une question d’argent… »

Le 1er avril 2022, le Pape s’est excusé pour le rôle de l’Eglise Catholique dans l’assimilation violente par les écoles résidentielles « canadiennes ». Dans une déclaration écrite, le Pape a reconnu le « manque de respect » colonial et l’assimilation forcée et dit : « Pour la conduite déplorable de ces membres de l’Eglise Catholique, je demande le pardon de Dieu et je veux vous dire de tout mon cœur : je suis absolument désolé. Et je me joins à mes frères, les évêques canadiens, pour vous demander pardon. »

Dans la récente déclaration de répudiation, l’Eglise Catholique a eu l’audace de dire qu’alors que tant de Catholiques « … avaient donné leur vie pour défendre la dignité des peuples [Autochtones]… De nombreux Chrétiens avaient commis des actes démoniaques contre des Autochtones, ce pourquoi des Papes récents avaient demandé pardon à de nombreuses occasions… Comme le Pape François l’a souligné, leurs souffrances constituent une sommation puissante d’abandonner la mentalité de colonisateur et d’avancer avec eux côte à côte, dans le respect mutuel et le dialogue, et de reconnaitre les droits et les valeurs culturelles de tous les individus et de tous les peuples. À cet égard, l’Eglise s’est engagée à accompagner les Autochtones et à appuyer les efforts visant à promouvoir la réconciliation et la guérison. »

Ils ont déclaré cette absurdité : « … l’Eglise s’est engagée à accompagner les Autochtones et à appuyer les efforts visant à promouvoir la réconciliation et la guérison. »

Mais nous entendons toujours des mensonges théocratiques de la part de religieux autoritaires et dogmatiques qui crachent toujours leurs textes tout en assassinant au nom de leur dieu.

Nous ne souhaitons pas être « accompagnés » par l’église pour guérir. C’est dans son ombre que nos traumatismes et blessures continuent. Nous refusons que notre agresseur nous tienne la main et essaie de définir les termes selon lesquels nous pourrions « guérir ». Des déclarations de remords historiques ne changent rien si les systèmes de domination coloniale et d’exploitation persistent.

L’Eglise demande directement pardon, « Ce n’est que justice de reconnaitre ces erreurs, d’admettre les terribles effets des politiques d’assimilation et la douleur ressentie par les Autochtones, et de demander pardon. »

À ceci nous déclarons que nous emmerdons leur pardon. Comment osent-ils demander « pardon » alors qu’ils sont sur un trône payé par le vol de richesses, de terres, de vies et de ressources partout dans le monde ? Nous attendons le jour où leurs murs d’effondreront autour d’eux et les empires construits par leurs idéaux ne seront plus que des cendres fumantes et des ruines.

La Chrétienté dans son ensemble est depuis longtemps l’institution primaire de la violence coloniale hétéropatriarcale qui a perpétué les féminicides pendant « l’inquisition ». Le Malleus Maleficarum et la précédente Bulle Papale Summis Desiderantes Affectibus ont été explicitement utilisés pour diaboliser et assassiner les « sorcières païennes » Autochtones dans toute l’Europe. La doctrine était la base de l’inquisition suprémaciste blanche génocidaire, pour éliminer les Juifs, les Musulmans, les Roms et les cultures locales d’Europe, tandis qu’ils se préparaient à détruire et coloniser les terres autochtones en Afrique et dans les soi-disant Amériques.

L’histoire de leur foi est écrite dans le sang. Ils ne peuvent pas vraiment répudier la Doctrine de la Découverte, parce que c’est la fondation de leur « civilisation ». La civilisation chrétienne a toujours été une guerre spirituelle de domination de Notre Mère la Terre. Pour chaque massacre d’Autochtones, une croix. Dans chaque bureau d’enfant de pensionnat, une bible. Dans presque tous les bateaux d’esclaves d’Afrique, un Chrétien dévot à la barre.

Nous ne parlons pas du colonialisme au passé.

La domination et l’annihilation systématiques des Peuples Autochtones et de leurs modes de vie, des femmes et des queers au « nom de Dieu » continue partout dans le monde. La Doctrine de la Découverte alimente le travail missionnaire actuel de Catholiques et d’autres sectes Chrétiennes qui tentent de convertir violemment des Peuples Autochtones partout dans le monde. Ils tirent leurs tactiques d’évangélisation des pratiques que l’Eglise Catholique a développées pendant l’inquisition et les conquêtes coloniales. Il n’y a pas de différence entre les projets actuels évangélistes, Mormons, témoins de Jéhovah ou autres projets missionnaires qui envahissent l’Afrique, « l’Amérique » du Sud et les réserves. Toutes les dénominations de chrétiens missionnaires font partie de l’héritage de la doctrine qui continue à approuver l’assimilation forcée de Peuples Autochtones jusqu’à aujourd’hui.

C’est aussi l’héritage auquel se rallient les nationalistes suprémacistes blancs chrétiens pour le maintenir dans tous les Etats-Unis. Ils essaient d’enterrer la violence historique en attaquant le spectre de la « Théorie Critique de la Race », tout en continuant à déshumaniser les queers et à attaquer l’autonomie physique des femmes. La façade de condamnation et d’accusation de la victimisation à grande échelle ne suffit pas pour échapper aux conséquences d’une histoire de génocide, d’esclavage et d’écocide.

L’Eglise Catholique essaie de réécrire l’histoire et de se distancer de son rôle et de sa responsabilité dans la violence à grande échelle perpétrée partout dans le monde contre la Terre et la vie.

La déclaration récente dit : « La ‘Doctrine de la Découverte ne fait pas partie des enseignements de l’Eglise Catholique. La recherche historique démontre clairement que les documents des papes en question, écrits dans une période historique spécifique et liés à des questions politiques, n’ont jamais été considérés comme des expressions de la foi Catholique… ces documents ont été manipulés pour des fins politiques par des pouvoirs coloniaux concurrents, afin de justifier les actes immoraux contre les Autochtones qui ont été commis alors, sans opposition des autorités ecclésiastiques. »

En dépit des protestations des Autochtones, le Pape François a canonisé Junipero Serra en 2015. En 1769, Serra fonda la première des 21 missions en soi-disant « Californie ». Sous la conduite de Serra, des dizaines de milliers d’Autochtones ont été réduits en esclavage et brutalisés. Quand des statues racistes ont été démolies pendant les émeutes pour George Floyd, en 2020, des statues de Junipero Serra (au moins 7 ont été abattues et décapitées), de Christophe Colomb et d’autres monuments coloniaux ont aussi été détruits. En soi-disant Californie, 5 personnes ont été accusées de crimes pour le rôle supposé dans la mise à bas du monument de Serra (Pour les soutenir : https://linktr.ee/Decolonizers_Defense ).

De Po’pay à Toypurina, des ancêtres Autochtones ont brûlé leurs missions et tué leurs missionnaires pour défendre Notre Mère la Terre et tout ce qui vit. Quand toujours plus de cadavres d’enfants Autochtones ont été trouvés dans des fosses communes des écoles résidentielles au soi-disant Canada, il a été fait état de 68 églises chrétiennes vandalisées, beaucoup par des incendies allumés par la colère et la vengeance Autochtones.

Aucune excuse ne sera jamais assez. Des excuses ne suffisent pas, une dette est due sous tellement de formes qu’on ne voit pas comment nous pourrions jamais la réclamer. Tandis que beaucoup demandent des réparations, nous devons les contrer : nous ne cherchons aucune forme de paiement ou de récompense autre que la ruine de ces institutions et ces idéaux de domination, de contrôle et d’exploitation. Nous n’adressons pas de demande à ce que nous cherchons à abolir. Comme les sites sacrés sont toujours attaqués et les blessures intergénérationnelles restent ouvertes, nous continuons à résister aux héritages extrêmement brutaux et continuels de la violence religieuse coloniale. Leur répudiation arrive avec plus de 500 ans de retard. Nous cherchons l’abolition et la vengeance.

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Voir l’article précédent : https://chrisp.lautre.net/wpblog/?p=6430

Lecture recommandée :

Une Contre-Histoire des Etats-Unis, Roxanne Dunbar-Ortiz

 

Par Indigenous Action Media
D’abord publié en avril 2021
Sur Instagram en avril 2022
Traduction Christine Prat

LA RITUALISATION D’UN JOUR DE LA TERRE MARCHAND, ET DE FAÇON SYSTÉMATIQUE, LES TENDANCES ACTUELLES DES ENTREPRISES CAPITALISTES DE LAVER PLUS VERT, ÉCHOUENT TOUTES À S’ATTAQUER DE MANIÈRE ADÉQUATE À LA DESTRUCTION DE L’ENVIRONNEMENT ET À LA CATASTROPHE CLIMATIQUE IMMINENTE AUXQUELLES NOUS SOMMES ACTUELLEMENT CONFRONTÉS.
LE JOUR DE LA TERRE MARCHAND EST DEVENU UN MOYEN DE NOUS APAISER ET DE DÉTOURNER NOTRE ATTENTION DES ACTES DE VIOLENCE PERPÉTRÉS CHAQUE JOUR CONTRE NOTRE MÈRE LA TERRE ET NOS COMMUNAUTÉS HUMAINES ET NON-HUMAINES.LES MÊMES ENTREPRISES QUI RAVAGENT NOTRE MÈRE LA TERRE ET EXPLOITENT SES ENFANTS, TENTENT DE NOUS VENDRE UN CHOIX LAVÉ PLUS VERT DE SOLUTIONS « DURABLES » DANS NOTRE STYLE DE VIE PERSONNEL.
LES ENTREPRISES À-BUT-NON-LUCRATIF ET LES POLITICIENS NÉO-LIBÉRAUX PERPÉTUENT ET DÉFENDENT CE SYSTÈME CAPITALISTE DESTRUCTIF, DANS DES TENTATIVES DE CONSTRUIRE UNE ÉCONOMIE « VERTE » AVEC DE NOUVEAUX ARRANGEMENTS PLUS VERTS ET MÊME « ROUGES ».
NOUS NE SOUHAITONS PAS QUE CET ÉTAT MARCHAND, RACISTE, HÉTÉRO-PATRIARCAL, COLONIAL ET POLICIER, SOIT « VERT », NOTRE INTENTION EST D’ABOLIR SON EXISTENCE MÊME.NOS VIES DÉPENDENT DE LA SANTÉ ET DU BIEN-ÊTRE DE NOTRE MÈRE LA TERRE ET DE TOUS SES ENFANTS.

NOS TACTIQUES SERONT DE PLUS EN PLUS DÉSESPÉRÉES À MESURE QUE NOUS AURONS MOINS D’AIR PUR À RESPIRER, MOINS D’EAU POTABLE À BOIRE, MOINS DE TERRE SAINE POUR PLANTER.LA DÉFENSE DES SITES SACRÉS ET DES TERRES AUTOCHTONES CONSTITUE LES LIGNES DE FRONT DE NOS LUTTES POUR L’EXISTENCE. SI NOUS DÉSIRONS EXISTER, NOUS DEVONS CONTINUER À DÉFENDRE LE SACRÉ ET LIBÉRER NOTRE MÈRE LA TERRE. DÉFENDRE LE SACRÉ SIGNIFIE RIPOSTER POUR PROTÉGER NOTRE MÈRE LA TERRE, C’EST-À-DIRE L’EXISTENCE MÊME.LE RÉCHAUFFEMENT GLOBAL EST UNE CONSÉQUENCE DE LA GUERRE DU COLONISATEUR CONTRE NOTRE MÈRE LA TERRE.

POUR EN FINIR AVEC CES MINES, CES CENTRALES ÉLECTRIQUES, CES BARRAGES ET CES OLÉODUCS, NOUS DEVONS AUSSI EN FINIR AVEC LA MACHINERIE POLITIQUE ET LES SYSTÈMES QUI LES ENGENDRENT.NOUS NE POUVONS PAS FAIRE DURER DES MODES DE VIES NON-VIABLES.
LE CAPITALISME EST L’ENNEMI DE NOTRE MÈRE LA TERRE.
VOUS ÊTES LA PRIÈRE DE VOS ANCÊTRES POUR LA LIBÉRATION DE NOTRE MÈRE LA TERRE.

 

 


Par Indigenous Action
Solstice 2021
Traduction Christine Prat

Bien que la contorsion suprémaciste blanche de la « droite alternative » ait largement atteint son but, son désir persiste, avec des stratégies variées, d’arriver à la légitimation sociopolitique. Nous voyons clairement sa trajectoire, des convulsions post-électorales du 6 janvier 2021 et le vacarme approbateur qui s’en est suivi, au verdict de l’affaire Rittenhouse, et entretemps, toute la clique médiatique marchande (les médias sociaux).

Depuis que certains des néofascistes les plus visibles se retrouvent châtrés à la suite des batailles légales de Charlottesville, les colons suivent en direct la déconfiture de leur ordre social.

C’est terrifiant, que leurs préjugés et leur xénophobie soient en train d’être « annulés ».

Ils sont hystériques à propos de la « tyrannie médicale », donc ils s’injectent du vermifuge pour les chevaux dans les veines. Leurs idéaux, brutalement acquis, de « libertés » ont plus d’importance que le bien-être des plus vulnérables (comme ils ont toujours eu plus d’importance que nos vies).

Les artistes conservateurs suprémacistes blancs jouent les victimes d’une « guerre culturelle » qu’ils ont mené contre nos vies et nos terres depuis plus de 500 ans. Nous avons résisté et survécu de générations en générations à cette « guerre culturelle » appelée colonisation.

La réaction des colonisateurs est prévisible, étant donné qu’ils ont toujours eu peur de ce qu’ils ne peuvent pas dominer et contrôler. C’est peut-être dans cette mesure qu’ils craignent tant « l’être woke » [approx. ‘éveillé’], parce que ceux qui restent inconscients sont plus faciles à contrôler et exploiter. Aucun être conscient ne choisirait volontairement une existence de souffrance produite par les cauchemars de quelqu’un d’autre.

Cependant, le terrain (volé) gagné dans les rues au cours des rébellions pour George Floyd, a en grande partie été cédé par des progressistes, se retranchant sur leurs terrains qu’ils imaginent illusoirement (plus) sûrs, pour des raisons électorales. Mais qu’y a-t-il à attendre de ceux qui sont prêts à se mettre à genoux avec des flics et « décolonisent » démonstrativement leurs styles de vie ?

Le décélérationisme progressiste post-élections a émergé dans toute sa gloire réactionnaire et pacifiante.

Les progressistes ont une tendance prévisible à se reposer sur leurs votes, et ainsi abandonner leur énergie à ceux qui les représentent. Mais leur politique est de celles qui devraient être appelées pour ce qu’elles sont : des « MAGA-lithes[*] ». Leurs dénonciations morales s’attardent rarement sur des causes profondes, et lorsqu’ils vont jusqu’à accuser l’Etat et la suprématie blanche, c’est toujours bien cartographié dans la géographie binaire gauche contre droite. Ils n’arrivent pas à admettre que construire et maintenir l’idée d’ « Amérique » est le vrai problème (souvenez-vous de la myopie du slogan du colon : « Nous sommes une nation d’immigrants ? ». Des enfants migrants sont toujours dans des cages, subissant la même politique de violence, juste avec des nouveaux visages politiques, des bombes portées par des drones tournent toujours comme des vautours impérialistes au-dessus de la région géopolitique transcontinentale du Moyen-Orient, et après seulement quelques mois derrière le bureau présidentiel, Biden signé plus de concessions pétrolières et gazières que le démagogue qui l’a précédé.

Lorsqu’ils ne sont pas en train de faire la police contre des mouvements, si une chose est cohérente chez les progressistes MAGA-lithiens*, c’est que leurs accès de scandale doivent être contenus dans le royaume de la politique « légitime ». Ils s’en tiennent à des réformes espérant que l’Etat résoudra les problèmes qui le construisent structurellement et sans lesquels il ne peut exister. Qu’ils optent pour les tactiques de « visibilité » en brandissant des pancartes, ils supplient toujours les politiciens pour lesquels ils ont voté de leur laisser des miettes de la carcasse pourrissante d’un idéal imaginaire appelé « justice ». Ils s’accrochent aux plus lamentables gestes politiques de reconnaissance, par des pions colonisés comme Deb Haaland. Ils sont toujours captivés et offrent leurs ovations patriotiques lors du tour de magie appelé « justice climatique », illusion qu’un système industriel construit sur la destruction de la Terre peut magiquement résoudre la crise sur laquelle il prospère.

En réaction, les progressistes investissent plus dans leur équipe (ce qui n’est qu’un autre aspect de la même politique coloniale) et sont hyper concentrés sur la « réduction des risques » avec des « solutions » rendant le capitalisme et le colonialisme de peuplement plus « verts » avec quelques restrictions économiques.

Derrière tout cela, il y a les capitalistes à but non-lucratif montant des guerres sociales et écologiques « gauchistes », pour leur propre bénéfice.

Rendre le colonialisme de peuplement et le capitalisme plus durables signifie la mort de toute existence Autochtone. Qu’on pense seulement à ruée en masse pour extraire du lithium visant les terres Autochtones à Thacker Pass, Big Sandy Valley, et au-delà.

En pleine pandémie des pandémies, des néofascistes se rassemblent et préparent l’escalade vers la prochaine élection importante et au-delà, fracturant pour du pétrole et empoisonnant des terres sacrées et les eaux avec des oléoducs ; des fxmmes, des filles, des trans et des parents à deux-esprits sont enlevés, des familles déchirées, déportées ; ou bien on les laisse mourir quand elles cherchent un refuge au-delà des lignes politiques coloniales ; nos parents sont dans les rues sans abri dans le froid, nous sommes emprisonnés et tués par les forces de l’Etat en toute impunité ; le tout pendant que l’existence rêvée par nos ancêtres est transformée en un cauchemar obscène, un commerce de  « décolonisateurs™ » de théâtre dominé par les selfies et financé par un milliardaire, agitant leurs drapeaux marqués « land back », empochant de l’argent pour « décoloniser la richesse », avec leurs hipsters les plus woke (et célèbres) parmi leurs alliés colons.

Il est clair que certains ne peuvent pas et ne vont pas cesser d’imaginer des futurs coloniaux.

Pour beaucoup d’entre nous, opposants enragés, reprenant notre souffle entre gaz lacrymogène et bombe à poivre, travaillant par équipes pour faire des livraisons d’aide mutuelle pendant le COVID ou contre la répression d’état (c’est-à-dire nous assurer de rester libres), nous ne pouvons pas ne pas voir les traces sanglantes sur les murs de cet ordre social colonial.

Pour de nombreuses raisons, entre autres notre révulsion des propositions homogénéisantes des politiques gauchistes « révolutionnaires » (spécialement celles de Marxistes Autochtones autoritaires), nous préférons les principes aux plateformes, les enseignements de nos anciens plutôt que ceux d’Européens morts, des attaques autonomes plutôt que des campagnes politiques, et nous avons plus de questions que de réponses.

Que faisons-nous ? Et de qui est composé ce « nous » ? Quelles leçons avons-nous apprises des années de batailles de rue, d’espaces autonomes, et de barricades sur les lignes de front ? Quelles tactiques plus efficaces pouvons-nous développer ? Est-ce que des actions fondées sur des cellules de groupes d’affinité et de loup solitaire, peuvent être plus efficaces que la mobilisation de masse idéalisée ? Est-ce une question de et/ou, ou pouvons-nous creuser plus profondément pour diversifier nos tactiques ? Quelles occasions peuvent être créées par la prédictibilité des réactions des forces de l’ordre ? Quelles institutions, idées et infrastructures pouvons-nous attaquer avec nos moyens ? Comment pouvons-nous assurer effectivement que les agresseurs seront tenus pour responsables dans nos communautés ? Comment pouvons-nous inscrire ces pratiques dans une culture de la sécurité ? Quels sont nos avantages ? Quels sont nos désavantages et comment pouvons-nous les surmonter ou les éviter ? Comment pouvons-nous accélérer les ruptures internes et externes coloniales, sociales, économiques et politiques et précipiter leur ruine ? Quelles nouvelles provocations, interventions et attaques peuvent être élaborées pour miner et déstabiliser l’ordre social colonial ?

Les réponses sont assurément complexes, variées et délibérément incomplètes, parce c’est à beaucoup d’égards ce que nous faisons déjà par de l’éducation et des interventions radicales, avec l’aide mutuelle (pas la merde cooptée à but non-lucratif), la défense de la communauté et des projets d’infrastructure (des conflits) autonomes. De ce point de vue, certaines de nos réactions sont plus orientées vers les questions de comment stabiliser et maintenir des projets radicaux. Comment multiplions-nous et faisons grandir ces possibilités libératrices ?

Dans « Black Seed : Not on Any Map », un nouveau livre (principalement) sur l’Anarchie Autochtones, ces questions conduisent à la tâche proposée par un membre de l’équipe d’Indigenous Action, pour l’anarchie Autochtone (ou l’autonomie, si vous préférez abandonner l’identifiant politique colonial), qui est de remplacer le principe d’autorité politique par le principe de mutualité Autochtone autonome.

Ce n’est absolument pas théorique, c’est l’exhortation de nos ancêtres et la continuité de manières d’exister avec, et non contre, la Nature.

Ce pouvoir est quelque chose que les colonisateurs ne pourraient jamais comprendre complètement, alors ils ont commis tout ce qu’ils pouvaient pour l’annihiler. Des massacres de la Ghost Dance à la violence spirituelle systématique des pensionnats, à l’interdiction pure et simple des pratiques spirituelles jusqu’à la fin des années 1970, à la profanation toujours actuelle, spécifique et intentionnelle des sites sacrés, le pouvoir de la prière et la cérémonie Autochtones a toujours terrifié les colonisateurs au plus profond d’eux-mêmes.

Nous étudions les contours de nos hxstoires de notre émergence. Nous traçons les lignes dans les mains de nos anciens qui guident et forment les cadres de nos actions. Nous retrouvons les pas des anciens pour collecter les médecines sacrées. Nous regardons patiemment la lumière et la façon dont les pluies tombent et se rassemblent, et ainsi nous savons où placer soigneusement les graines. Nous écoutons intensément quand la terre bouge et la lune est cachée par le soleil.

Nous réchauffons nos esprits aux feux sacrés sur les lignes de front à travers tous ces territoires occupés.

De ceux entretenus par les défenseurs des terres Gidimt’en à ceux allumés par les anciens qui résistent à la déportation forcée à Winnemucca, et ceux entretenus par des jeunes trans et deux-esprits Autochtones au Camp Migizi. Le feu sacré de la colère Noire qui a détruit le bureau de police de soi-disant Minneapolis. Les feux sacrés qui ont réduit en cendres les églises responsables des pensionnats.

Nous entretenons toujours des feux.

Vivre une vie en conflit avec la contrainte autoritaire sur une terre volée est une proposition spirituelle, mentale et matérielle, c’est la négation de la domination du colonialisme de peuplement.

C’est notre cérémonie perpétuelle de résistance et de réparation.

En tant qu’agitateurs anticoloniaux, nous ne rivalisons pas pour séduire les sympathies et la charité des colons alliés. La solidarité anticoloniale, c’est l’attaque.

Effrayez à nouveau les colonisateurs.

***

Big Sandy River

Un soir d’automne, il y a quatre ans, Ivan Bender, un Hualapai dans la cinquantaine, alla se promener avec son chien, pour contrôler la terre du ranch dont il s’occupe. Niché au fond de la Big Sandy Valley, le ranch protège Ha’ Kamwe’ – des sources chaudes sacrées pour les Hualapai et connue aujourd’hui en anglais comme Cofer Hot Springs. Comme les ombres s’allongeaient, Bender vit quelque chose de surprenant – des hommes travaillaient sur une colline proche.

« Je leur ai demandé ce qu’ils faisaient, » se souvint Bender. « Ils me dirent qu’ils foraient. » Il s’avère que, en plus des sites sacrés comme les sources chaudes, des sites de cérémonie et des sépultures d’ancêtres, la vallée contient aussi une énorme quantité de lithium. Maintenant, le travail exploratoire de la compagnie Australienne Hawkstone Mining menace ces lieux, et avec eux, les pratiques religieuses des Hualapai et d’autres nations Autochtones. Mais cette menace n’a rien de nouveau : des siècles d’expropriation, combinés avec des décisions de justice fédérales refusant la protection des sites sacrés, ont depuis longtemps dévasté la liberté religieuse des Autochtones.

[*] MAGA-lit: jeu de mots, entre « mégalithe » et « Make America Great Again », le slogan Trumpiste

 


Par Indigenous Action,
Automne 2021
Publié le 7 novembre 2021
Traduction Christine Prat

Le réchauffement climatique est une conséquence directe de la guerre contre Notre Mère la Terre.

À moins d’affronter les idéologies et les structures fondamentales qui précipitent cette crise et les liquider, nous nous condamnons, nous et les générations futures, à la non-existence. Les grandes corporations à but non-lucratif « Super Vertes » et les organisations soi-disant non-gouvernementales (y compris Autochtones) ont posé les conditions de contestation et de triage de cette crise de telle manière que, à travers les proclamations de prévoyance supposant montrer un meilleur futur devant nous, elles se manifestent comme un bref mirage superficiel qui nous renvoie l’image inévitable de notre propre extinction, ou d’une existence dans un paysage d’enfer désolé et décimé. Mais que peut-on attendre d’autre d’une série de tactiques systématisées qui ne nous font que tourner en rond ?

Contrastant avec la crise vraiment léthale, existentielle, à laquelle toute la terre et les espèces qui en dépendent sont confrontées, les tactiques actuelle de la Désobéissance Civile Non-Violente échouent précisément parce que ceux qui les emploient se méprennent systématiquement sur l’urgence de la catastrophe à l’horizon, et adoptent la sécurité de demi-mesures, dans leur prise de position, leurs tactiques, leurs analyses, leur stratégie et leurs structures, comme « protestation » qui se manifeste matériellement comme une acquiescence enjolivée, sous la forme toujours plus symbolique de manifestations et d’aventures, dans la zone de confort politique d’une marche vers une catharsis, come si ça allait empêcher les glaciers de fondre et des espèces entières de disparaitre. Cette vaine attitude de soi-disant « protection », « préservation » et d’accumulation de « pouvoir politique » (lobby) sert au contraire à renforcer l’état et son monopole de la violence, au lieu de les défier. On ne peut que supposer une psychologie derrière cet épuisement créatif et cet aveuglement conceptuel, ou plus simplement une réticence née de la peur d’être taxé d’ « alarmisme » ou d’être « trop radical ». Alors que presque tout le Mouvement Environnemental Néo-libéral pour la Justice Climatique (et on ne peut douter qu’il est « Néo-libéral » sauf à penser que le Capitalisme Vert et l’économie Verte signifient autre chose ?), a sonné l’alarme de la nécessité absolue d’un changement radical. Dans notre cas, en tant que Peuple Autochtone, nous avons sonné l’alarme depuis avant C. Colomb, entre nous, et pour les colons envahisseurs, en leur rappelant qu’on ne peut pas manger de l’argent.

Les tactiques du Mouvement pour la Justice Climatique sont limitées dans la mesure où elles sont exprimées fondamentalement comme une forme de lobbying agressif (aux niveaux National et International). Mais on ne peut pas s’attendre à beaucoup plus, quand elles produisent des stratégies visant à limiter les dégâts, par des réformes politiques et économiques, destinées aux gens, aux forces, aux pouvoirs, aux intérêts et aux institutions mêmes qui ont créé cette crise au départ. Bien que les apparences de problèmes systémiques comme le capitalisme et le colonialisme puissent être exprimées dans des communiqués de presse et écrites sur des banderoles dans les rues, les buts stratégiques qui les sous-tendent reposent sur la reconfiguration de l’ordre social dominant, vers un état-nation orienté plus écologiquement, conscient de l’environnement, contre la force totalisante et globale que sont le Capitalisme et le Colonialisme. « Une transition juste » est une stratégie de rédemption économique pour continuer à préserver des voies qui sont intrinsèquement non-durables ; on ne peut pas chasser le Colonialisme et le Capitalisme par du Lobbying, quels que soient les efforts qu’on fasse.

Le « New Deal Vert », comme sa parente l’ « Économie Verte », ont pour but de maintenir le projet colonial des Etats-Unis, et les relations capitalistes dont les intérêts reposent sur la spécificité de l’ « exploitation » (destruction) continuelle de la Terre entière – en empochant des bénéfices, bien sûr. Dans le cas du New Deal Vert, qui à bien des égards a conçu son propre enfant, le New Deal Rouge, qui, en plus de plagier, diriger et coopter le travail à long terme de Justice Climatique Autochtone – le « New Deal Rouge » de la Nation Rouge, donc, propose une réaction anticapitaliste et  anticoloniale dramatiquement limitée, qui non seulement renforce l’industrialisation mais conduit finalement à une participation continue au Capitalisme lui-même, seulement « renommé » et « réformé », sous une Rubrique Socialiste « transitionnelle », qui conduit aux propositions de leur organisation Marxiste d’un état autoritaire « décolonisé », géré par les travailleurs, comme meilleure solution. Ainsi, tandis que nous mourons collectivement de l’air que nous ne pouvons pas respirer, de l’eau que nous ne pouvons pas boire – ou qui ont atteint un prix inabordable – ici et maintenant, nous sommes supposés attendre la construction d’une Utopie Socialiste de plus. Une utopie construite sur l’actuelle dystopie de déserts qui s’étendent et de catastrophes climatiques sur tous les continents. Du pouvoir nucléaire mortel au lithium et à l’extraction minière de terres rares, et à la privatisation de l’eau, les versions plus vertes de toute économie sont toujours la guerre contre Notre Mère la Terre et toute existence. Mais oui, pour sûr nous « pouvons programmer transitionnellement » notre sortie de tout cela, pas vous. Ce n’est pas une solution, même pas une intervention, encore moins une interdiction, dans ou sur le Capitalisme de Catastrophe Globale, c’est une pensée fantaisiste de groupe. C’est une mort par suicide accélérée.

NOUS NE VOULONS PAS D’UN ÉTAT COLONIAL FAVORABLE À L’ENVIRONNEMENT, NOUS CHERCHONS À ABOLIR SON EXISTENCE MÊME.

L’avant-garde des groupes de justice climatique Autochtones font du prosélytisme avec le récit de leur propre victimisation, dans des termes qui accroissent les fonds accordés à leurs corporations à but non-lucratif pour payer leurs salaires excessifs et des actions de protestation pour le climat, c’est-à dire des coups de Relations Publiques, avec une équipe juridique en réserve. Ceci pendant qu’ils rivalisent pour être sous les projecteurs et manifestent avec des célébrités pour obtenir une reconnaissance organisationnelle et une homogénéité de but populaire, sans parler de la standardisation de la stagnation tactique et stratégique.

L’assertion que nous protégeons 80% de la biosphère mondiale est devenue une variante de l’idée coloniale du « fardeau de l’homme Blanc », ici simplement changé en « fardeau du colonisé ». C’est la logique coloniale distordue de l’activisme climatique : réduire nos manières d’être et nos luttes continuelles complexes à des points de discussion, seulement pour prouver que nous méritons « un siège à la table », c’est le « Changement » par l’arithmétique, en se vendant mieux, en se labélisant et en faisant sa publicité. Par la cérémonie, et une myriade d’actions directes tactiquement dynamiques, nous protégeons toute l’existence – pas seulement des pourcentages. Notre pouvoir ne se trouve pas à la table du colonisateur, il se trouve et se rallume dans les flammes qui le consument.

En calculant que la résistance Autochtone à 20 projets de carburants fossiles a « stoppé ou retardé » des émissions de carbone équivalent approximativement à 25% des émissions annuelles des Etats-Unis et du KKKanada, les activistes climatiques révèlent le pouvoir de l’action directe, cependant ils assignent à leurs campagnes plus de crédit qu’elles n’en méritent. En particulier, en citant les pertes importantes causées à des projets comme le DAPL ou la Ligne 3 dans leurs rapports, les statistiques tendent à créer un climat d’optimisme illusoire, que nous considérons comme une voie pleine de danger et de mort. Si nous ne sommes pas honnêtes à propos des échecs de nos mouvements, à quoi sert de varier les tactiques, et, ce qui est plus important, l’ajustement de notre stratégie totale pour encore un changement de plus des statistiques ? Ça ressemble à un argumentaire de vente malhonnête et laisse de côté les discussions importantes de ce qui marche effectivement pour arrêter la catastrophe climatique. Ça fournit aussi la latitude pour que la prévention du changement climatique et les terribles catastrophes qui y sont liées, soient vus comme « optionnels ». Pas nécessairement existentiel, ce qui est pourtant le cas. Toutes les espèces qui résident sur cette planète sont littéralement menacées d’extinction et de destruction de masse. Nous ne sommes pas convaincus qu’il faille en faire un jeu de chiffres pour célébrer la perturbation de 25% d’une industrie, alors que nous avons perdu 98% des batailles dans une guerre avec de tels enjeux. En particulier quand ces campagnes d’activisme ont dépensé des centaines de millions, alors que des milliers d’entre nous sont en prison et trainés devant des tribunaux racistes. Nous ne sommes pas (entièrement) pessimistes, nous voulons avoir une discussion honnête sur ce qui marche et ce qui ne marche pas. La crise est urgente et le moment désespéré. Ce n’est pas « en suspens », les crises sont ici, maintenant, partout et à tout moment. Si nous nions les échecs et minimisons ou ignorons les leçons que nous pouvons en tirer, comment pourrions-nous changer et accroitre les stratégies et les tactiques plus efficaces ?

Il n’est pas de notre responsabilité de faire durer des modes de vie non-durables.

En fait, C’EST de notre responsabilité de les détruire. Leur entretient comme « durables » est le fardeau assumé de l’actuel mouvement pour la justice climatique, celui qui a terriblement besoin d’un changement radical en soi et pour soi, qui est devenu un projet du « fardeau du colonisateur », construit sur le génocide ininterrompu des colonisés, résonnant depuis le début de ces plus de 500 ans. Si nous ne souhaitons pas être des ennemis de Notre Mère la Terre, c’est à nous de changer, et d’être fidèles à nos responsabilités et à notre mutualité envers la Terre et d’agir en conséquence. Ça a toujours signifié que nous devons chercher à réaffirmer les modes de vies de nos ancêtres par des interventions spirituelles et pratiques (de cultiver notre nourriture à brûler leurs forteresses et tout ce qu’il y a entre les deux). C’est la tension entre l’harmonie et la discorde qui nous a toujours défiés dans ce monde.

Pour arrêter complètement ces mines, ces usines, ces barrages et ces oléoducs, nous devons bloquer la machine et les systèmes politiques qui les engendrent à la racine.

Notre pouvoir n’est pas sous les projecteurs avec davantage de porte-parole qui négocient notre reconnaissance et se produisent pour le public colonial. Il n’est pas limité à la parole des réseaux sociaux ou criée dans un mégaphone lors d’une manifestation autorisée. Notre pouvoir est dans les ombres projetées par les flammes de ce système brulant complètement, pendant que nous allumons une autre allumette.