Par Brenda Norrell
Censored News
Publié le 29 mai 2020
Traduction Christine Prat
Voir article sur le développement de la pandémie, les graves problèmes, le dévouement des associations de bénévoles

Les Navajos atteints de COVID-19 et de pneumonie sont renvoyés chez eux par les hôpitaux, avec très peu de médicaments ou d’informations sur le virus, et personne ne vient contrôler comment ils vont.

En quarantaine chez eux, malades du coronavirus, des Navajos ont raconté leurs histoires à Censored News.

Après avoir été testés positifs pour le virus, et renvoyés chez eux par les hôpitaux, ils n’ont pas de suivi médical.

Il n’y a pas d’officiels de la Tribu pour leur porter de la nourriture et de l’eau.

Les familles Diné auxquelles nous avons parlé, en Arizona, au Nouveau-Mexique et en Utah, n’ont reçu de l’aide que de quelques groupes de base, constitués de bénévoles qui collectent eux-mêmes des fonds et des dons de fournitures, et parcourent les longues pistes non goudronnées jusqu’à leurs domiciles, avec de la nourriture, de l’eau, du matériel de désinfection et des masques.

« C’est la vérité » dit un Navajo de Crownpoint, au Nouveau-Mexique.

Après s’être vu refuser un test à de nombreuses reprises, il n’a été testé qu’après que les siens aient commencé à avoir des difficultés pour respirer.

Après avoir été testé positif et renvoyé chez lui avec le COVID-19 et une pneumonie, il s’est vu refuser de l’assistance à la Maison du Chapitre tribale.

Comme pour les autres Navajos avec lesquels nous avons parlé, il n’a pas eu de suivi médical à domicile.

A Pinon, Arizona, [dans la Réserve Navajo], une famille avec des personnes âgées et handicapées atteintes par le virus, n’a jamais reçu de nourriture ni d’eau des autorités de la tribu. La seule aide qu’ils ont eu venait de l’association Navajo Hopi COVID-19 Relief, qui a apporté de la nourriture et de l’eau jusqu’à leur domicile.

Et quand une famille atteinte par le virus à Monument Valley, en Utah, a eu besoin de nourriture et d’eau, c’est encore Navajo Hopi COVID-19 Relief qui leur a apporté.

Carl Begay, Navajo, a fait la longue route de Flagstaff, Arizona, pour leur apporter des masques et des produits de nettoyage.

Aujourd’hui, le nombre de cas de coronavirus a dépassé 5000 dans la Nation Navajo.

Au cours des dernières 24h – jusque tard dans la nuit de jeudi 28 mai – il y a eu 100 nouveaux cas et huit décès supplémentaires dans la Nation Navajo.

Après minuit, j’ai observé le radar dans le ciel, et vu des souvenirs sinistres.

Des hélicoptères pour des évacuations médicales sont en route de Farmington vers Albuquerque, tandis que d’autres décollent de Safford, et encore d’autres volent vers Gila River, Flagstaff et au-delà.

Au cours des nuits les plus récentes, il y avait au moins cinq hélicoptères ambulances en vol à tout moment, après minuit, au-dessus de l’Arizona et du nord-ouest du Nouveau-Mexique.

C’est le Pays Indien et la résidence de non-Indiens également.

Bien que le travail des bénévoles de la base soit magnifique, une poignée de bénévoles ne peut pas atteindre 300 000 Navajos dans la Nation Navajo, en Arizona, au Nouveau-Mexique et en Utah.

Le gouvernement de la Nation Navajo a reçu 600 millions de dollars en fonds fédéraux le 6 mai, pour le coronavirus. Les fonds n’ont pas encore été attribués par le gouvernement tribal et restent sur un compte en banque.

Pendant ce temps, des Navajos souffrent chez eux, malades, en quarantaine, manquant de nourriture et d’eau.

Certains meurent.

©Brenda Norrell, Censored News

Faire un don:

www.indigenousmutualaid.org

www.kinlanimutualaid.org

www.navajohopisolidarity.org

Carte du territoire Navajo. La Nation Navajo est la réserve actuelle, le territoire traditionnel est entre les 4 montagnes sacrées

Par Brenda Norrell
Censored News
Publié le 10 mai 2020
Traduction Christine Prat

Ofelia Rivas, Tohono O’odham : La Table Ronde avec des Autochtones d’Arizona était une stratégie politique malavisée et raciste pour minimiser la vérité

PHOENIX, Arizona – Ofelia Rivas, Tohono O’odham, dit que la Table Ronde Autochtone que le Président Trump a tenue avec deux des leaders des 22 Nations Autochtones d’Arizona n’a été qu’une des combines racistes scandaleuses de Trump pour minimiser la vérité.

« Il y a plus de 574 Nations Autochtones dans l’Ile de la Tortue, dont 22 en Arizona. Trump prétendant s’occuper du problème sanitaire Indien à la Table Ronde n’est qu’une de stratégie politique scandaleuse et raciste de plus pour minimiser systématiquement la réalité des faits » dit Ofelia Rivas à Censored News.

« Toutes les Nations Autochtones sont gravement touchées par la pandémie. Mais mettre un mini-pansement sur un système de santé manquant déjà terriblement de fonds, ajouté à des centaines d’années de gestion déplorable, ne fait que le mettre au grand jour, en vision panoramique. »

« Le fait qu’il n’y ait eu que deux représentants pour les 22 Nations d’Arizona est une autre combine scandaleuse de Trump pour minimiser la vérité. »

Ofelia Rivas, Tohono O’odham, est la fondatrice de O’odham Voice against the Wall [Voix O’odham contre le Mur]. Elle a témoigné devant la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme, en Jamaïque, en 2019, pour dénoncer la militarisation de son territoire et des exactions des agents de la Patrouille des Frontières des Etats-Unis dans la Nation Tohono O’odham.

Ofelia a dénoncé les tours d’espionnage Israéliennes – des tours fixes – qui sont actuellement construites en territoire O’odham par la compagnie d’armements Israélienne sous-contrat, Elbit Systems, responsable de la sécurité de l’Apartheid en Palestine.

Les sites où les tours sont construites incluent un site funéraire et un site cérémoniel dans la Nation Tohono O’odham. La construction de tours doit avoir lieu dans des communautés O’odham éloignées de la frontière, dans une région où des O’odham traditionnels vivent. Les agents de la Patrouille des Frontières pourront voir les maisons des O’odham traditionnels sur leurs laptops, si cette construction/destruction continue. Déjà, des agents de la Patrouille des Frontières harcèlent des femmes et des anciens traditionnels dans ces communautés.

Le contrat pour construire les tours intégrées a été attribué par le Service de la Sécurité Intérieure sous le gouvernement Obama, et prolongé sous le gouvernement Trump. Le gouvernement élu Tohono O’odham a approuvé la construction des tours d’espionnage sur le territoire au printemps 2014, ignorant les objections des O’odham traditionnels.

Le mardi 5 mai, au cours d’une ‘Table Ronde Autochtone’, Trump a rencontré le Vice-président Navajo Myron Lizer, et son épouse Lady Dottie Lizer, et le dirigeant de la Réserve de Gila River, Stephen Lewis, Akimel O’odham.

Au cours de la ‘Table Ronde’, Trump a fait l’éloge du Mur-frontière. Aucun des dirigeants tribaux n’a objecté ni défendu les droits des Autochtones, ni parlé du fait que Monument Hill – un site funéraire O’odham – ait été dynamitée, au cours de la construction du Mur, le mois dernier. L’explosion s’est produite alors que le Président Tohono O’odham Ned Norris était à Washington pour témoigner contre la construction du mur-frontière.

Monument Hill se trouve sur le site du Monument National du Cactus Tuyau d’Orgue, sur la frontière de l’Arizona, et celle de la Nation Tohono O’odham. Actuellement, Trump a suspendu toutes les lois fédérales de protection, des sites sacrés Autochtones, des espèces menacées et de l’environnement, entre autres pour poursuivre la construction du mur-frontière dans le fragile Désert de Sonora.

Pendant la ‘Table Ronde’, ni le Vice-président Navajo Lizer, ni le dirigeant de Gila River Lewis ne se sont exprimés contre la destruction des sites sacrés Autochtones, ni celle des espèces protégées, ni pour la protection du sol, de l’eau et de l’air.

Pendant ce temps, les fonds pour les Nations Amérindiennes touchées par le coronavirus ont été retardés.

La Nation Navajo et 10 autres Nations Autochtones ont déposé plainte pour obtenir les fonds fédéraux qui leur sont alloués. La Nation Navajo a dit que la plainte visait à bloquer une combine des Etats-Unis pour envoyer les fonds prévus pour le coronavirus à des Compagnies Autochtones d’Alaska, dont les actionnaires ne sont pas tous Indiens.

Le Ministre de l’Intérieur était impliqué dans la combine, il avait été autrefois employé comme lobbyiste par les Compagnies Autochtones d’Alaska. Les Compagnies Autochtones d’Alaska détiennent des contrats du gouvernement des Etats-Unis avec ICE et des centres de détentions [pour migrants], ainsi que des contrats pour des mines et des oléoducs.

Carte d’Arizona, à l’extrême sud, le Mur et les endroits dévastés

Kim O’Bomsawin
Journée Annuelle de Solidarité du CSIA-Nitassinan
12 octobre 2019
Transcription et photos Christine Prat, CSIA

Présentation par Aurélie Journée-Duez, Présidente du CSIA : Les questions qui ont été posées nous donnent l’occasion de parler de cette question du dés-ancrage, à la fois pour les Peuples Autochtones en général et à fortiori pour les femmes. Les colonisateurs ne voulaient pas avoir affaire aux matriarches. On se rend bien compte que le colonialisme, le capitalisme, n’aiment pas le matriarcat et les femmes Autochtones cumulent les facteurs de vulnérabilité. Kim O’Bomsawin est réalisatrice Abénaquise du Canada. Elle a une maitrise en sociologie et ensuite, ce qui lui a permis de débuter sa carrière de documentariste, elle a fait plusieurs séries, à la fois comme scénariste et à la réalisation. Son premier documentaire s’appelle « La ligne rouge », ça aborde la question de la jeunesse Autochtone dans les milieux du sport et plus spécifiquement du hockey. Aujourd’hui elle nous fait l’honneur d’être présente pour nous parler de sa vision, de son parcours et de son film « Ce Silence Qui Tue » qui revient justement sur les conséquences désastreuses de ce dés-ancrage territorial qui a été concrétisé dans les « pensionnats Indiens » ou « écoles résidentielles » qui sont à l’origine de nombreux bouleversements des organisations sociales dans les familles Autochtones du Canada. Et aussi à l’origine de nombreux féminicides, mais pour cela, je vais lui laisser la parole.

Kim O’Bomsawin

Merci. [Elle remercie en anglais Michelle Cook et Hartman Deetz pour leurs interventions] Malheureusement, je n’ai pas une histoire beaucoup plus rose à vous raconter. Mes collègues ont déjà abordé beaucoup d’éléments de nos histoires que nous partageons.

Donc, je m’appelle Kim O’Bomsawin, je suis Abénaquise, issue de la communauté d’Odanak. Mais je pourrais aussi me présenter ainsi : alors voilà ce qui m’a définie en tant qu’Indienne, c’est mon certificat de statut d’Indien, mon numéro de registre est 0720169401. Je refuse de m’en souvenir par cœur.

Donc c’est un peu l’histoire que j’aimerais partager avec vous aujourd’hui. J’ai abouti sur ce panel un peu par hasard, donc j’essaie de réfléchir à ce que je vais vous raconter parce que je suis réalisatrice, mon job c’est avant tout de donner la parole à des militants comme Hartmann et Michelle. Mais j’ai tout de même beaucoup de choses à vous raconter.

Ce dont j’avais envie de vous parler, et il y a un documentaire qui va sortir bientôt chez nous, qui aborde la question du génocide. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de l’enquête sur les femmes Autochtones assassinées ou disparues qui a eu lieu au Canada. Malheureusement elle n’a pas pu avoir le succès qu’elle aurait dû avoir, parce que le gouvernement Trudeau a refusé de reconduire le mandat des commissaires. L’enquête s’est déroulée sur deux ans. L’objectif était de rencontrer toutes les familles des victimes. Ça a été extrêmement difficile, cette enquête, et au final on est arrivé avec plein de conclusions intéressantes et importantes, et pour les commissaires, c’est très important qu’on arrête de se mettre en peine ensemble et de parler de ‘génocide culturel’, mais d’appeler les choses par leur nom et parler de génocide.

Chez nos Peuples – les Abénaki font partie du grand Peuple Wabanaki – nous étions, avant l’arrivée des premiers bateaux, des millions sur le territoire, nous sommes maintenant, chez les Abénaki, quelques milliers. Sur quelques centaines d’années. Donc il n’y a jamais eu de doute dans ma tête que mon peuple avait subi un génocide.

Donc, dans ce documentaire qui va sortir bientôt, il est confirmé que, historiquement, le terme ‘Solution Finale’ vient de chez nous, tout droit issu de ce dont je vais parler un peu plus tard, la loi sur les Indiens, la même loi qui me donne le droit de me dire Indienne. Et puis la dépossession territoriale qui nous a confiné dans ce qu’on appelle des Réserves Indiennes, au Canada, qui a inspiré carrément le système d’apartheid en Afrique du Sud.

Donc, voilà le pays dans lequel je vis qui n’est peut-être pas le Canada que vous connaissez. Cette fameuse loi sur les Indiens a été instaurée en 1876. Elle a toujours cours aujourd’hui, c’est toujours cette loi qui nous régit. Cette loi stipule que nous sommes, nous les Autochtones – les ‘Indiens’, c’est encore comme ça que je m’appelle sur ma carte – les Indiens d’Amérique, nous sommes les pupilles de l’Etat, des mineurs au sens de la loi. L’objectif de la loi, en 1876, était de nous assimiler tous, jusqu’à ce qu’il ne reste plus d’Indiens. Donc, on voulait faire ‘gentiment’, en nous assimilant, comme ce qui était davantage vécu aux Etats-Unis ou en Amérique du sud, mais ce n’était non pas moins violent. A travers cette loi, il y avait différentes mesures pour nous assimiler. Pour faire en sorte qu’on n’ait plus le droit d’avoir cette carte-là et donc qu’on ait plus le droit de vivre à l’intérieur de nos réserves, de nos communautés, qu’on ne puisse plus être enterré parmi les nôtres. Donc des conséquences extrêmement graves. Il faut savoir que cette loi a toujours été et est toujours extrêmement discriminatoire envers les femmes. Les femmes ont été particulièrement touchées, et sont toujours touchées, par cette loi raciste. Une femme Autochtone qui est mariée à un homme blanc perdait son statut Autochtone, jusqu’en 1985. Donc, ma grand-mère, qui avait perdu son statut, a pu le récupérer après 1985. Ça crée cette situation étrange dans ma famille. Mon père, qui est issu d’une mère et d’un père Autochtones, est considéré comme étant de première génération. Il se marie avec ma mère en 1979. Ma mère qui est blanche, à l’inverse, obtient le statut Autochtone, parce que le statut passe par l’homme. Donc, ma mère devient Indienne, donc je suis issue de ce mariage de deux personnes Indiennes ce qui me donne ‘a full Indian status’. Je ne sais pas ce que donnerai un test ADN, mais selon la loi, je suis 100% Autochtone. Alors que du côté de la sœur de mon père, qui s’est mariée avec un homme blanc, elle a perdu son statut. Elle a pu le récupérer, mais ses enfants sont considérés comme des enfants de deuxième génération puisqu’issus d’un père blanc et d’une mère Autochtone. Mes enfants à moi, j’ai pu leur transmettre le statut, donc ils ont le droit d’avoir cette carte. Je répète que ça a tout de même des conséquences très importantes pour nous. Mais les cousines de mes filles n’ont pas accès à cette carte, pourtant c’est la même génération. Quand ils ont mis sur pied cette loi-là en 1876, jamais ils n’auraient pensé que presque 150 ans plus tard on serait encore là et pris dans des aberrations pareilles.

Il y avait le mariage, mais il y avait aussi les études : un Indien instruit n’est plus un Indien, c’est-à-dire que dès qu’on obtenait un diplôme d’études secondaires on n’avait plus le droit d’être un Indien au sens de la loi.

Et puis ensuite, les deux plus grandes mesures – et c’est là que ça fait extrêmement mal – ont été la mise en place de réserves Indiennes, qui nous ont dépossédés de 99% de notre territoire.

Mais qu’on pense simplement au mot ‘réserve’, c’est d’une violence ! Par exemple maintenant, au Québec, on est 55 – entre nous, on essaie de ne pas prononcer le mot ‘réserve’, parce que c’est un mot extrêmement péjoratif, on dit ‘communauté’ – donc, on est 55 communautés, dans 55 ‘réserves’. Le but était d’accélérer la colonisation et de donner des lots de terrain aux colons. Et puis c’était trop fatigant d’avoir des Indiens qui chassaient et qui étaient nomades, et qui occupaient le territoire, donc il fallait les sédentariser de force. Par cette mesure on croyait aussi nous déposséder de beaucoup de pans de notre culture. Hartman l’a dit, si on n’a plus accès à notre territoire, à nos lacs, à nos rivières, à nos montagnes, qu’est-ce qui nous définit encore comme Autochtones ?

Mais aussi, à partir de là, il fallait – puisque nous sommes les bons enfants de l’Etat – l’Etat avait cette charge de nous ‘éduquer’. Donc, ils ont mis en place, dès 1876, des premiers pensionnats Autochtones, des ‘écoles résidentielles’, où des enfants, d’est en ouest, à la grandeur du Canada, 150 000 enfants, ont été arrachés à leur famille de force. La police débarquait carrément et forçait les parents à donner leurs enfants. Ils étaient emmenés par toutes sortes de moyens de transport, les bateaux, les avions, dans des territoires vraiment éloignés, et des autobus scolaires plus tard. Idéalement, on envoyait les enfants le plus loin possible de leur communauté. Et, idéalement, on séparait aussi les fratries. Dans ces écoles, les sévices sexuels, psychologiques étaient la norme. Ça a été reconnu, le précédent Premier Ministre, Stephen Harper, a reconnu les violences qui ont été commises dans les pensionnats Autochtones et puis il y a eu une énorme commission qui a étudié les conséquences des pensionnats.

Mais, ces écoles-là non plus ne devaient pas s’étendre très loin dans le temps, on s’imaginait qu’après une ou deux générations il n’y aurait plus de ‘problème Indien’ – c’est comme ça qu’on nous qualifiait, ‘le problème Indien’. Mais c’était ne pas avoir beaucoup de foi en nous et notre résilience. La dernière école résidentielle au Canada a fermé, dans le Saskatchewan, en 1996. C’est hier matin. Donc, quand je parlais tantôt de la ‘solution finale’ qui a inspiré les Nazis, et de la mise en place de réserves qui a inspiré l’apartheid, c’est bien du Canada dont je parle. Et puis, tout ce régime colonialiste, ségrégationniste a touché nos femmes très durement. Elles ont été des centaines de milliers à perdre leur statut, certaines ont pu le retrouver, d’autres jamais et elles ne savent pas du tout qu’elles ont des ancêtres Autochtones. Moi aussi je viens d’un peuple matriarcal et soudainement on nous a retiré ce rôle-là, ce pouvoir, et on nous a dit qu’on dépendait maintenant du pouvoir des hommes. Donc, aujourd’hui, on se retrouve dans une situation dans laquelle on doit encore composer avec les conséquences de ces mesures assimilationnistes, surtout les conséquences des pensionnats Autochtones qui ont produit des traumatismes intergénérationnels et un cycle de violences dans nos communautés, duquel c’est extrêmement difficile de s’émanciper. Imaginez qu’on vous arrache à votre famille, ou, si vous êtes des parents, imaginez qu’on vous arrache votre enfant à cinq ans, qu’on l’envoie à l’autre bout du monde. Dans les communautés Autochtones, ce qui faisait la richesse de nos peuples, c’était, et c’est encore, et c’est le cas, j’espère, pour la planète, ce sont les enfants. Du jour au lendemain, il n’y avait plus d’enfants dans nos communautés. Les vieux disent que même les chiens – faut savoir qu’il y a beaucoup de chiens dans nos communautés – même les chiens ont arrêté de japper. Une tristesse immense s’est emparée de ceux qui restaient, les parents. C’est à ce moment-là qu’ont commencé les problèmes de consommation d’alcool. Les enfants partaient pendant 10 mois, le plus souvent terminaient le pensionnat vers l’âge de 17 ans, et revenaient seulement pendant l’été, pendant deux mois. Il faut savoir que l’été, c’est le moment où nos peuples laissent reposer les ancêtres, les esprits. Donc, on va moins en forêt, on se repose, on retourne à la côte, on échange, mais notre pratique, notre mode de vie se vit davantage dès le mois de septembre jusqu’au printemps. Donc, les enfants étaient coupés complètement de ce mode de vie et du lien avec leurs parents : dans les pensionnats le jeu était aussi de dire aux enfants que leurs parents étaient des sauvages, des gens non civilisés, et qu’ils ne devaient pas parler leur langue. Donc, imaginez, après, la fracture qui se crée entre les générations. Si vous ajoutez à ça des traumatismes, des violences sexuelles, des violences physiques, des violences psychologiques, et qu’on retourne ces personnes dans des communautés Autochtones, des gens qui ne savent plus pratiquer leur culture, qui ne savent plus aller chasser, donc ne savent plus subvenir à leurs besoins, et qui sont en plus des enfants brisés émotionnellement, ça crée des climats, des dynamiques qui font mal, des dynamiques de violence, de violences familiales. Vous savez, les hommes et les femmes, on n’a pas la même façon de réagir à des abus, à des traumatismes. Les hommes vont avoir tendance à porter cette violence envers autrui, alors que nous, les femmes, avons tendance à nous faire mal à nous-mêmes, à travers la consommation, à travers le suicide. Ce n’est pas scientifique, comme statistiques, mais quand j’ai fait la recherche pour le film [« Ce Silence Qui Tue »], ce serait autour de 8 femmes sur 10 qui disent avoir été victimes de violences sexuelles ou de violences physiques. Donc, la violence est endémique. Alors, qu’est-ce qu’on fait quand on est une femme et qu’on a des enfants, on veut protéger nos enfants, on veut trouver un milieu de vie sécuritaire, et parfois on pense que ça passe par quitter la communauté. Malheureusement, le résultat est que souvent, les femmes Autochtones, au Canada, se retrouvent dans des villes, des quartiers, extrêmement difficiles, ravagés par la violence, par la drogue, et, malheureusement, ce qui attend souvent les femmes, c’est le cycle de la prostitution pour pouvoir payer ce qu’il faut à leurs enfants, payer sa consommation. Et ces femmes deviennent des proies évidentes et les enfants deviennent des proies évidentes : au Canada, 50% des enfants qui sont pris en charge par le système de protection de l’enfance sont Autochtones, alors que les Autochtones composent 5% de la population du Canada.

Les pensionnats Autochtones ne sont pas terminés, ça se poursuit encore aujourd’hui. On sait, des études le démontrent, que dans les familles d’accueil où sont envoyés ces enfants pour souvent des raisons banales, parce que les services sociaux ouvrent le frigo et tout ce qu’on trouve dans le frigo, c’est de la viande, de la nourriture traditionnelle, que les travailleurs sociaux trouvent ne pas être de la nourriture pour des enfants, et que les parents ont failli à leur devoir de subvenir aux besoins de leurs enfants.

Les femmes se retrouvent seules en ville, deviennent des proies faciles. En fait, ça fait plus de 40 ans, depuis les années 60, les femmes Autochtones militent pour crier au monde entier que leurs sœurs disparaissent. On ne les a jamais écoutées, jusqu’en 2014, où une jeune fille, du nom de Tina Fontaine, qui avait à l’époque 15 ans, mais le visage angélique d’une enfant de 11-12 ans, a particulièrement marqué les esprits, surtout qu’on l’a retrouvée dans un sac poubelle au fond de la rivière à Winnipeg. Donc, l’image était marquante, et le pays s’est un peu réveillé. Il y a eu enquête, le GRC, et on en est arrivé au chiffre de 1200 femmes Autochtones assassinées ou disparues. Maintenant on sait, quelques années plus tard a commencé l’enquête nationale sur les femmes Autochtones assassinées ou disparues, même la Ministre des Affaires Autochtones, celle qui me donne le droit d’être Indienne, issue de ce même système colonialiste, a admis que le chiffre serait plus proche de 4000 que de 1200. Transposé à la réalité française, c’est comme si c’était l’équivalent de 100 000 femmes françaises assassinées ou disparues. J’imagine qu’on en aurait entendu un peu plus parler. Malheureusement, quand Trudeau est arrivé au pouvoir, il a promis, comme premier geste politique, de mettre en œuvre cette enquête, ce qu’il a fait avant les 100 premiers jours de son mandat, mais il n’y a pas de moyens nécessaires donnés aux commissaires pour arriver à faire un bon job.

Et il y a tous les autres soucis. Il y a une telle quantité de communautés Autochtones où il n’y a pas encore l’eau potable, au Canada. La promesse de Trudeau était de faire en sorte que pendant les deux premières années, toutes les communautés Autochtones puissent avoir accès à l’eau potable, ça ne s’est pas passé, ainsi que toutes ses autres promesses. On est en période d’élections, ça ne va pas se faire bien pour Trudeau pour mille et une raisons, pas seulement dans le dossier sur les Premières Nations, sur lequel nous sommes très fâchés, on a l’impression d’être roulés dans la farine. Mais j’ai peur, parce que si jamais les Conservateurs revenaient au pouvoir, je pense que l’avenir serait encore pire.

Donc c’est l’histoire dont j’avais envie de vous parler, de vous raconter le pays dans lequel je vis. Je ne sais pas si vous vous souvenez de Jean Chrétien qui a été Premier Ministre du Canada pendant une douzaine d’années, qui avait dit avec son accent anglais, que le Canada était le « plus bon pays du monde ». Il suffit de regarder dans l’angle mort de l’histoire de ce pays pour réaliser que ce n’est pas tout à fait ça, et mon travail c’est de rendre visible cet angle mort, donc d’écouter notamment la parole des femmes Autochtones qui se sont si généreusement livrées dans mon film et j’aimerais les remercier, parce que c’est pour elles que je suis ici aujourd’hui.

 

 

Article Brenda Norrell
Censored News
Le 7 mai 2020
Une interview de Louise Benally sur First Voices Radio
Traduction Christine Prat

Mes anciens avaient l’habitude de dire ‘Ce qui est dans la Terre est ce qui maintient l’équilibre de la Terre. Si nous extrayons tout et le détruisons, l’équilibre sera perdu… La lune et la Terre vont perdre leur équilibre mutuel.’ – Louise Benally, Diné de Big Mountain.

Louise Benally, Diné de Big Mountain, a partagé les messages qui lui avaient été transmis par les anciens sur la façon dont Notre Mère la Terre a été perturbée, au cours d’une interview sur First Voices Radio, avec l’animateur Tiokasin Ghosthorse, Lakota de Cheyenne River.

« La Nature s’en occupe » dit Louise.

Citant les enseignements de ses ancêtres Diné, Louise décrit comment les minéraux dans la terre la maintiennent en équilibre. Quand ces minéraux – le charbon, l’uranium, le pétrole et le gaz – sont extraits, il y a des conséquences, dit-elle à propos du coronavirus et de ce qui arrive en ce moment à la Nation Navajo.

« S’il y a tant de perturbation, les choses vont changer pour le pire pour l’humanité. Nous sommes témoins de ce virus, parce que – j’en suis persuadée – il vient du poison qui a été extrait et produit et est constamment développé par les carburants fossiles, comme le pétrole, le charbon, l’uranium, le gaz, et toutes sortes de minéraux qui sont exposés à l’air quand ils sont extraits. »

« Tout ce qui est dans la Terre doit être laissé tranquille, parce que ce sont des vies d’avant celle qui se déplace sur la terre aujourd’hui. Ils ont été purifiés et sont devenus partie intégrante de la Terre.»
«Si vous les ramenez à la surface et les traitez au-delà des limites, ils deviendront toxiques.»
«L’eau donne la vie et est essentielle, tout comme l’air. »

Ce virus prend des vies et étouffe les gens. C’est ce que les gens sont en train de faire à la Terre. Ils abattent les forêts tropicales qui sont les poumons de la Terre.
«Nos anciens disaient que c’était les poumons de la terre qui purifient les choses. »

Depuis 50 ans, du charbon a été extrait, dit-elle, à propos de l’extraction de charbon par Peabody Coal sur Black Mesa, près de chez elle, qui alimentait la Centrale dite Navajo, dans la Nation Navajo.

Cette centrale au charbon fournissait de l’électricité à bon marché au sud de l’Arizona et à tout le Sud-ouest.

Louise et sa famille ont passé les 50 dernières années à résister à la déportation de Big Mountain. Des dizaines de milliers de Diné ont été déportés pour faire place aux mines de Peabody Coal sur Black Mesa.

Louise dit que maintenant, dans la Nation Navajo, l’air, l’eau et le sol sont extrêmement pollués. Les politiciens ne font rien contre ces poisons qu’ils ont sorti du sol. C’est laissé à l’air libre, à la surface.

Quand les animaux et les gens mangent ces poisons, ils les ingèrent dans leurs systèmes vitaux.
C’est comme l’air, quand il est pollué, ça s’accumule dans notre système et nous ne pouvons pas nous en débarrasser.

C’est l’enseignement des anciens. Chaque nation a sa façon de communiquer avec la Terre.

Les Êtres Célestes qui ont créé cette Terre et l’ont maintenue en équilibre, n’ont plus ses offrandes.

« On nous a dit que si nous ne revenions pas au respect que nous lui devons, et ne continuions pas nos offrandes, un jour, nous n’aurions plus d’eau, nous n’aurions plus de nourriture. Que tout le monde mourrait. C’était apparu comme une vision à l’une de nos ancêtres. »

En cette saison particulière, en 1997, ils ont fait une offrande. Depuis, elle dit qu’il ne s’était pas passé grand-chose en ce qui concerne les offrandes, les prières et les remerciements pour la vie.

Elle dit que les gens s’étaient tournés vers la possibilité de faire de l’argent avec l’extraction minière. L’extractivisme n’arrête jamais, surtout pour le pétrole et le gaz, ça recouvre toute la Planète. Quand le soleil se lève, toute cette toxicité reste dans l’air, ça réchauffe l’atmosphère, ça cause des changements dans la Nature.

Louise dit «Comment pouvons-nous continuer, inverser certaines de ces choses? Ou bien nous changeons, ou nous allons être avalés par la Nature.»

Le présentateur Lakota, Tiokasin Ghosthorse dit que la toxicité commence en soi-même, avec nos propres idées. Tiokasin dit que les gens font comme si ça allait pour le mieux, sans jamais purifier quoique ce soit, et ça commence à l’intérieur de soi.

Louise dit que ça commence à l’intérieur de chaque personne, l’inversement de la présomption, pour s’écarter des carburants fossiles.

Elle dit que des gens se baladaient avec des fusils, en exigeant que tous les lieux publics rouvrent.
«Ça dit bien à quel point ça déraille, au nom de la cupidité.»
«Ils veulent toujours plus.»

« Ce virus a fondamentalement tout bloqué, et ce ne pourra qu’être pire si nous ne faisons pas quelques pas en arrière. »

Ce qu’il y a de mieux c’est le Nouvel Accord Vert, dans lequel tout est alternatif. Actuellement, les gens ne savent pas quoi faire, face à tout ce qui arrive, mais c’est à la Nature de décider.

« Notre Mère la Terre contre-attaque. »

Louise dit qu’il fallait étudier de plus près les problèmes et les solutions : « Fermez toutes ces centrales qui brulent des carburants fossiles. »

Elle dit que les milliers de pétroliers qui attendent le long de côtes, alors qu’il n’y a pas de marché pour le pétrole, devaient être stoppés.

« Les gens avides ont tué la nature. Ils ont tué les Autochtones dans tout ce continent au nom de l’avidité. Je sens que c’est la nature qui contre-attaque. »

« S’ils ne peuvent pas le voir, j’ai le sentiment qu’ils sont une cause perdue. »

«Nous devons continuer» dit-elle à propos de ceux qui sont connectés à la Nature.
«C’est tout ce qui compte, et ça ne coûte pas d’argent.»

Tiokasin demanda si la Terre était plus intelligente que l’homme et si l’humanité avait oublié les enseignements.

Louise dit qu’aujourd’hui, un très petit nombre de gens croyaient en la voie de l’enseignement des ancêtres.

La majorité de notre communauté a été Christianisée et a totalement perdu le contact avec la nature. Quand on essaie de leur parler de la nature, ou du caractère sacré de la Terre, ils se détournent et vous disent que vous êtes pour une cause perdue.»
«Cette attitude n’aide pas.»

Des fonctionnaires de Washington, elle dit « Ils sont comme des Zombies. Aucune confiance. Ils rament, voulant toujours plus. Et tellement de gens meurent, tellement de gens sont malades. Il faut changer de direction, d’une manière ou d’une autre.»

Louise dit que le système est mauvais, qu’il est basé sur la consommation et le capitalisme, ce qui n’est pas la façon dont nos structures sont édifiées dans nos propres cultures.

« Des Autochtones sont en prison et certains sont tués, parmi ceux qui protègent. C’est un temps complètement chaotique. »

« Nous devons atteindre ceux qui n’ont pas de conscience et les amener petit à petit à se retourner et à prendre l’autre direction. Les gens doivent se détourner des carburants fossiles et de l’avidité. »

Ils nous appellent tout le temps les nécessiteux – mais ce sont eux, les nécessiteux.

« Ils doivent détruire quelque chose, le tuer et le manger pour se sentir bien, en accord avec eux-mêmes, de ce point de vue. Ce n’est pas bon. »

Tiokasin dit qu’il y a plus de 40 ans, le charbon était extrait de Black Mesa, épuisait l’eau, le sol et l’air, pour fournir de l’électricité à Los Angeles et au Sud-ouest.
«Nous ne pensons qu’aux gens qui souffrent» dit Tiokasin.

Tiokasin demanda si nous avions oublié les animaux, les oiseaux, l’eau et la terre qui avaient souffert de cette avidité. Il dit que les Autochtones avaient répété tout cela depuis 1492.

Louise dit «Nous ne sommes ni respectés ni estimés par le monde de la société coloniale.»
«Si nous ne sommes pas compris, notre Mère va lever les bras et commencer à se défendre elle-même.»

Notre Mère la Terre sait qu’il y a toujours eu des Peuples Autochtones vivant en harmonie avec la Nature. Ce n’est pas compris par le monde de la consommation.

«Ils veulent plus, toujours plus, tout le temps.»

« Nous avons été exposés à l’uranium dans les années 1940 et 1950, nous avons été exposés au charbon, et nous avons été exposés au gaz et au pétrole. »

Les gens sont partis et souffrent de ce virus à cause de tous ces développements du passé. L’eau n’est plus pure, l’air n’est plus pur. Beaucoup de végétation et d’espèces sont en voie d’extinction.

« Nous n’avons pas d’autre choix que de parler à la Terre, à notre Père le Soleil, et à l’Univers, c’est notre loi. C’est bien au-dessus de toutes ces lois qui nous sont imposées. »

Louise dit que le virus amène des changements et que les choses sont ramenées à l’équilibre.

La qualité de l’air était si mauvaise, en Chine, quand le virus est arrivé. « C’était noir et maintenant c’est clair. » Le trou dans la couche d’Ozone au-dessus de l’Arctique est refermé maintenant. Beaucoup de choses sont ramenées vers l’équilibre.

« Pour moi, c’est la preuve manifeste. »

« La prochaine chose qui doit disparaitre, c’est l’industrie automobile, parce qu’il y a trop de voitures dans ce pays, dans ce monde. »

« Peut-être que les gens ont besoin de rester chez eux, de cultiver leur nourriture et de vivre en paix, sans avoir à conduire ici et là, et que de plus en plus de pétrole et de gaz soient pompés. »

« Mes anciens disaient ‘Ce qui est dans la Terre est ce qui maintient l’équilibre de la Terre. »

« Si nous extrayons tout et le détruisons, l’équilibre sera perdu, et il y aura des conséquences. »

« Le pire est ce que ma mère disait, ‘La lune et la Terre vont perdre leur équilibre mutuel.’ »

Les minéraux contenus dans la Terre retiennent la lune en équilibre. Elle dit que si nous extrayons tout ça, l’équilibre sera perdu et c’est ce qui régit la Terre.

Cette règle peut être comparée aux femmes, qui sont les régulatrices, parce que la femme donne la vie.

« Si la femme n’est pas en équilibre, toute la famille perd l’équilibre. » C’est pourquoi les femmes sont très importantes.

Elle dit que le centre de l’éducation des colonisateurs est l’argent et que ça a des conséquences. Les jeunes doivent être éduqués.

« Nous devons continuer à communiquer, c’est ce qui compte. »

« Restez chez vous, lavez-vous les mains, ne vous mêlez pas aux foules, et tout ira bien. »

Tiokasin dit que le passé est toujours en nous et détient les réponses.

« Vous étiez préparés à cela » dit-il, incitant les auditeurs à ne pas succomber à l’obscurité.

« Nous devons utiliser cette intelligence. »

Louise Benally est Présidente d’Indigenous Cultural Ways, un projet de l’Association des Agriculteurs Autochtones. Elle est Directrice d’Indigenous Cultural Concepts, un projet de Media Island.

Par bonnabella.xvx
Publié par Indigenous Action
Le 5 mai 2020
Traduction Christine Prat

L’héritage du colonialisme est fondé sur la violence sexuelle.

Si on prend en compte tout ce que cette crise a amené au monde – nous savons maintenant plus que jamais que l’Etat colonial est fait pour perpétuer la violence contre et à l’intérieur des communautés qui ont le plus souffert du colonialisme – Noirs/Peuples Autochtones et de Couleur (BIPOC).

L’un des principaux déclencheurs de la violence sexuelle est la pression économique. Des agresseurs de toutes sortes exploitent au maximum la pression à laquelle sont confrontés les travailleurs salariés du monde entier. Mais qui sont vraiment les gens les plus dépendants financièrement, pour leur nourriture et leur toit, dans cet Etat ? Nos enfants.

La population la plus susceptible d’être agressée sexuellement en ce moment, ce sont les enfants. Les agresseurs ont tout le temps accès aux victimes dépendantes financièrement, pour leur nourriture et leur logement, prises au piège dans leur propre maison. Et pendant ce temps, les propriétaires demandent des faveurs sexuelles à leurs locataires vulnérables, pour s’assurer d’un abri.

L’Etat dit « restez en sécurité, restez en bonne santé, restez chez vous. » Pour beaucoup, le foyer n’est pas plus sûr. Certainement pas quand un foyer signifie être dépendant d’agresseurs, financièrement, pour se nourrir et avoir un toit.

Nous savons que le taux de violences sexuelles contre des victimes, particulièrement des enfants, était plus qu’alarmant avant le COVID-19. Ce qui est officiellement connu, et en aucun cas complet, c’est que 63 000 enfants par an sont victimes d’agression sexuelle, plus de la moitié des femmes Autochtones sont agressées par leur compagnon, et 22% des SDF, des transsexuels, des individus à deux esprits qui ont eu accès à des foyers agréés par l’Etat, ont été agressés sexuellement par le personnel ou des résidents.

Que se soit parfaitement clair, s’il n’y avait pas cette dépendance d’un système qui nous a trahis depuis des siècles, transformé les BIPOC (Peuples de couleur et Autochtones) en rouages d’une machine, nous a empoisonnés en introduisant l’alcool et la violence sexuelle et domestique, en serions-nous là on nous en sommes maintenant ? Serions-nous si inquiets pour nos parents pris au piège dans les logements de propriétaires pourris ?

Nous pouvons rester là toute la journée à parler de ces problèmes, et nous l’avons fait depuis des siècles. Les survivants, non seulement de la violence sexuelle et domestique, mais aussi de la violence coloniale de d’Etat, ont montré la voie dans ces conversations depuis que les terroristes Européens ont mis le pied sur ce continent. Le fait est que les femmes et les deux-esprits survivants, qui constituent la majorité de ceux qui réclament un monde sans violence sexuelle, n’ont pas été entendus.

Il est temps, pour les cis-hommes, qui commettent 98% des crimes violents, de faire quelque chose. Le changement doit venir de, et être conduit par des hommes – parce que si les femmes et les deux-esprits survivants pouvaient réaliser le changement, nous l’aurions déjà fait maintenant, avec tous les efforts que nous y avons consacré.

Les hommes doivent aider à créer un monde dans lequel tous les hommes et les garçons aiment et respectent toutes les femmes, les filles, et où les adultes et les enfants à deux esprits sont estimés et en sécurité.

Les hommes doivent aider à créer un monde où la perpétuation de la violence des hommes envers les femmes, les filles et les individus à deux esprits, est vu comme équivalent à la violence coloniale des colons Européens d’abord perpétrée contre nos femmes, nos enfants, et nos parents à deux esprits, et notre principale gardienne – Notre Mère la Terre.

Les hommes doivent aider à créer un monde où le matriarcat est rétabli et le colonialisme aboli.

Le combat pour mettre un terme aux agressions sexuelles et à la violence entre personnes/fondée sur le genre, dans nous communautés, est notre lutte commune. La responsabilité ne commence ni ne finit quand les violences sont perpétuées, mais doit faire profondément partie de ce que, et qui, nous sommes quotidiennement.

Quelques mesures :

  • Honorer le consentement
  • Honorer et respecter (et aider à renforcer) les limites personnelles.
  • Apprendre, écouter, et construire des ententes sur les causes de base et affronter directement la violence fondée sur le genre, comme l’hétéro-patriarcat, le traumatisme historique, la suprématie blanche, le capitalisme, l’oppression intériorisée, et l’écocide.
  • Confronter les conduites sexistes, homophobes, et transphobes sous toutes leurs formes.
  • Honorer nos parents à deux esprits et transsexuels.
  • Pratiquer le ‘survivant-centrisme’ et montrer un intérêt féroce, de la sensibilité, de la compassion, de la compréhension et tout autre moyen de soutien.
  • Respecter l’autonomie des survivants.
  • Ne pas perpétuer le rejet de la faute sur les victimes.
  • Ne pas perpétuer ou introduire des conduites apologétiques.
  • S’engager dans des processus de transformation et de justice réparatrice.
  • Soutenir la guérison des survivants et leur assurer l’accès aux services indispensables.
  • Eduquer les jeunes garçons et les hommes sur le consentement et le respect des limites.
  • S’opposer à l’humour et au langage insultants.
  • Bloquer le machisme, le masculinanarchisme, et toutes les autres actions/conduites de merde.
  • Reconnaitre que l’agression peut n’être pas seulement physique, mais aussi psychologique, verbale, économique, indirecte et internalisée.
  • Reconnaitre que la violence fondée sur le genre n’est pas un problème personnel ou individuel, mais un effondrement de nos communautés et de nos cultures.
  • Travailler à l’abolition totale de la culture du viol.

Si nos mouvements doivent être vraiment libérateurs, nous ne devons pas hésiter à nous engager dans cette lutte cruciale. C’est toute notre responsabilité.

#mmiwgt2s #nomorestolensisters #smashcolonialism #smashheteropatriarchy.

Par Indigenous Action
Publié le 30 avril 2020
Traduction Christine Prat

LE CAPITALISME EST UN CULTE DE LA MORT

S’il y a jamais eu une journée internationale des travailleurs, le 1er mai, durant laquelle les inégalités du capitalisme aient été totalement exposées, il semble bien que ce soit celle-ci.

Tandis que l’ordre social capitaliste se vide de son sang et que les Blancs suprématistes, autoritaires, nationalistes (fascistes) se rassemblent pour le ressusciter et sacrifier les corps des Noirs, basanés, migrants, trans et queer, nous voulons viser les causes de notre souffrance à la racine.

Ce système nous a trahi longtemps avant cette crise.

Nous ne pouvons pas voter pour nous sortir de la domination coloniale et de l’exploitation. Les clubs à-but-non-lucratif et les célébrités ne « nous sauverons » pas. Les politiciens et les capitalistes n’abandonneront pas de plein gré leur destruction écologique en gros qui réchauffe Notre Mère la Terre. Les campagnes pour obtenir la « reconnaissance », « être comptés » et avoir « une place à la table » ne font que renforcer la loi coloniale.

Nous rejetons aussi les ouvertures qui nous sont faites d’être un prolétariat dans une révolution néocoloniale socialiste même si son avant-garde lave plus rouge.

Nous n’avons pas de futur dans quelque système que ce soit fondé sur la destruction de Notre Mère la Terre.

Une redistribution radicale des ressources doit aller de pair avec une redistribution radicale du pouvoir. Si ça ne se produit pas selon les termes des Peuples Autochtones sur les terres desquels vous vivez, ça ne fait que renforcer le colonialisme.

Nous n’avons aucun intérêt à réarranger les relations coloniales par des actes charitables d’ « alliance » menant à ce que le capitalisme se remette de ce virus. Si nous avons un futur en tant que Peuples Autochtones, nous devons être une force de la Nature qui détruit ce qui nous détruit.

Photo Ofelia Rivas

Article et photos Ofelia Rivas, Tohono O’odham
Spécial Censored News
Publié le 30 avril 2020
Traduction Christine Prat

Ofelia Rivas et sa famille s’efforcent de faire parvenir de la nourriture à leurs familles du côté mexicain de la frontière, dont ils sont maintenant séparés par le Mur…

“A cause d’une barrière illégale, nous avons dû faire passer l’aide à pied”

C’est en quelque sorte difficile de commencer cette histoire, nous ne sommes pas des guerriers de Facebook. Nous suivons seulement la voie de nos ancêtres, nous aidons toute personne et nous partageons ce que nous avons. Les frontières politiques Internationales ne nous arrêtent pas.

Les décennies de négligence des communautés O’odham côté sud de cette frontière sont une honte. L’ensemble des O’odham a perdu d’immenses territoires importants culturellement, et absolument vitaux pour les vies de tous les O’odham.

Des générations de jeunes O’odham n’ont jamais mis les pieds sur les plages, ni grimpé sur les montagnes pour cueillir de la nourriture et des plantes médicinales, ils ne connaissent même pas les noms de ces endroits.

Chemin vers le sud, dans le territoire O’odham qu’ils appellent Sonora, au Mexique

Les institutions qui montrent des cartes des terres O’odham s’arrêtent abruptement à cette frontière politique. Le système politique crée des documents supposés guider et faire autorité, comme la Constitution Tohono O’odham qui affirme implicitement que tous les O’odham sont unis, que la culture O’odham est protégée, comme tous les documents de ce genre, qui ne sont que des mots écrits et souvent répétés méthodiquement, sans aucun lien ou compréhension.

Dans ces temps féconds pour les entreprises qui jouent à la roulette, les terres du sud ne sont qu’un inconvénient pour les politiciens qui doivent écrire quelques mots et obtenir un budget pour aller au Mexique tous frais payés.

Pendant ce temps, les O’odham vivent sans eau vraiment potable et sans électricité, et très souvent sans nourriture.

Nous ne travaillons qu’avec des dons.
« Nous n’avons pas de comptes Go Fund Me et nous ne sommes pas un club à-but-non-lucratif. La compassion est une grande vertu O’odham. »
Vous pouvez donner par PayPal au Projet de Solidarité O’odham, sur le site « O’odham VOICE Against the Wall » :
http://tiamatpublication.com/
Écrire à Ofelia Rivas : PO. Box 1835, Sells, Arizona 85634
Email : 4oodhamrights@gmail.com

©Ofelia Rivas, Censored News. Ni l’article ni les photos ne peuvent être utilisés sans permission.

Photo Ethan Sing

Par Louise Benally, de Big Mountain
Spécial Censored News
Publié le 30 avril 2020
Traduction et photos Christine Prat

Nos anciens disaient : Ce qui est dans le sol, comme les ressources naturelles, ça fait partie de la Terre et ne doit pas être dérangé, parce que ça maintient l’équilibre de toute vie. Si c’est dérangé, ça créera une grande perturbation.

C’est ce qui nous arrive maintenant. Il n’y a pas de remède pour réparer, c’est fait par des humains – le déséquilibre de la Terre pour ses ressources, et la pollution continuelle.

Faites très attention à tout ce que vous faites, lavez vous les mains souvent avec du savon et de l’eau. Buvez beaucoup de boissons chaudes, tenez vous à l’écart des foules, n’approchez personne et restez à au moins 1m80 ou plus. Travaillez à vos projets loin des gens. Prenez des vitamines C et D, du citron, de l’ail et du thé à la menthe, avec du miel. Faites des prières avec la nature le plus souvent possible, et regardez moins la télé ou d’autres médias qui ne font que vous stresser. Portez des masques si vous devez vous rendre dans un lieu où il y a du monde et ne touchez à rien.

Le virus n’a pas de frontières et vous seul pouvez faire la différence pour vous-même.

A PROPOS DE L’AUTRICE

Louise Benally et sa famille luttent contre la déportation forcée depuis 40 ans. Peabody Coal a orchestré la saisie de terre Diné sur Black Mesa pour s’emparer d’une mine de charbon afin d’alimenter la centrale électrique dite ‘Navajo’, près de Page, dans la Réserve Navajo. Cette centrale fournissait de l’électricité à bon marché au Sud-ouest des Etats-Unis, épuisait l’eau, empoisonnait le sol, l’eau et l’air, pendant que les gens souffraient, beaucoup d’entre eux n’ayant ni l’eau courante ni l’électricité. Au cours des 40 dernières années, cette centrale a été désignée comme l’une des plus polluantes au monde, une des causes principales de la pollution générale de l’air. Autour de la zone dévastée par les mines de charbon et les trois centrales au charbon dans la Nation Navajo, il y a beaucoup de déchets d’uranium radioactifs, abandonnés par des entreprises irresponsables. Les mines d’uranium ont laissé derrière elles tout un héritage de morts de maladies respiratoires et de cancer, chez les mineurs Navajo et leurs familles. L’ancien bassin de rétention des déchets d’uranium de Church Rock*, qui s’est fissuré en 1979, continue de contaminer le Rio Puerco qui coule vers l’ouest. L’air, le sol et l’eau ont été empoisonnés aussi par les forages de pétrole et de gaz dans la Nation Navajo, qui s’étend du Nouveau Mexique aux champs pétrolifères d’Utah. – Brenda Norrell, éditrice, Censored News.

*Extrait de la conférence de Leona Morgan, à Bure le 24 mai 2019.
La catastrophe de 1979, à Churchrock
Le 16 juillet 1979, la pire catastrophe nucléaire de l’histoire des Etats-Unis a eu lieu à Churchrock, au Nouveau-Mexique. A Churchrock, il y avait deux mines d’uranium et une usine de traitement. L’usine avait un bassin de rétention des déchets. Les déchets d’une usine de traitement sont beaucoup plus radioactifs que ceux des mines. Ce bassin était fermé par un barrage en argile. Il y avait une fissure dans ce barrage, l’entreprise le savait, le gouvernement aussi, mais l’entreprise a continué à mettre des déchets dans le bassin. A l’aube du 16 juillet 1979, le barrage s’est rompu. Plus de 400 millions de litres de déchets radioactifs se sont déversés dans un ravin à sec, puis dans une rivière qui est à sec la plupart de temps, la rivière Puerco. […]
A ce jour, ce n’a toujours pas été décontaminé. En juillet 2015, Tommy Rock, un chercheur Diné de l’Université de Flagstaff, a découvert que l’eau potable d’une communauté Diné, à Sanders, en Arizona, à 65 km en aval sur la rivière Puerco, contenait deux fois la concentration légale d’uranium.