Article Brenda Norrell
Censored News
Le 7 mai 2020
Une interview de Louise Benally sur First Voices Radio
Traduction Christine Prat
Mes anciens avaient l’habitude de dire ‘Ce qui est dans la Terre est ce qui maintient l’équilibre de la Terre. Si nous extrayons tout et le détruisons, l’équilibre sera perdu… La lune et la Terre vont perdre leur équilibre mutuel.’ – Louise Benally, Diné de Big Mountain.
Louise Benally, Diné de Big Mountain, a partagé les messages qui lui avaient été transmis par les anciens sur la façon dont Notre Mère la Terre a été perturbée, au cours d’une interview sur First Voices Radio, avec l’animateur Tiokasin Ghosthorse, Lakota de Cheyenne River.
« La Nature s’en occupe » dit Louise.
Citant les enseignements de ses ancêtres Diné, Louise décrit comment les minéraux dans la terre la maintiennent en équilibre. Quand ces minéraux – le charbon, l’uranium, le pétrole et le gaz – sont extraits, il y a des conséquences, dit-elle à propos du coronavirus et de ce qui arrive en ce moment à la Nation Navajo.
« S’il y a tant de perturbation, les choses vont changer pour le pire pour l’humanité. Nous sommes témoins de ce virus, parce que – j’en suis persuadée – il vient du poison qui a été extrait et produit et est constamment développé par les carburants fossiles, comme le pétrole, le charbon, l’uranium, le gaz, et toutes sortes de minéraux qui sont exposés à l’air quand ils sont extraits. »
« Tout ce qui est dans la Terre doit être laissé tranquille, parce que ce sont des vies d’avant celle qui se déplace sur la terre aujourd’hui. Ils ont été purifiés et sont devenus partie intégrante de la Terre.»
«Si vous les ramenez à la surface et les traitez au-delà des limites, ils deviendront toxiques.»
«L’eau donne la vie et est essentielle, tout comme l’air. »
Ce virus prend des vies et étouffe les gens. C’est ce que les gens sont en train de faire à la Terre. Ils abattent les forêts tropicales qui sont les poumons de la Terre.
«Nos anciens disaient que c’était les poumons de la terre qui purifient les choses. »
Depuis 50 ans, du charbon a été extrait, dit-elle, à propos de l’extraction de charbon par Peabody Coal sur Black Mesa, près de chez elle, qui alimentait la Centrale dite Navajo, dans la Nation Navajo.
Cette centrale au charbon fournissait de l’électricité à bon marché au sud de l’Arizona et à tout le Sud-ouest.
Louise et sa famille ont passé les 50 dernières années à résister à la déportation de Big Mountain. Des dizaines de milliers de Diné ont été déportés pour faire place aux mines de Peabody Coal sur Black Mesa.
Louise dit que maintenant, dans la Nation Navajo, l’air, l’eau et le sol sont extrêmement pollués. Les politiciens ne font rien contre ces poisons qu’ils ont sorti du sol. C’est laissé à l’air libre, à la surface.
Quand les animaux et les gens mangent ces poisons, ils les ingèrent dans leurs systèmes vitaux.
C’est comme l’air, quand il est pollué, ça s’accumule dans notre système et nous ne pouvons pas nous en débarrasser.
C’est l’enseignement des anciens. Chaque nation a sa façon de communiquer avec la Terre.
Les Êtres Célestes qui ont créé cette Terre et l’ont maintenue en équilibre, n’ont plus ses offrandes.
« On nous a dit que si nous ne revenions pas au respect que nous lui devons, et ne continuions pas nos offrandes, un jour, nous n’aurions plus d’eau, nous n’aurions plus de nourriture. Que tout le monde mourrait. C’était apparu comme une vision à l’une de nos ancêtres. »
En cette saison particulière, en 1997, ils ont fait une offrande. Depuis, elle dit qu’il ne s’était pas passé grand-chose en ce qui concerne les offrandes, les prières et les remerciements pour la vie.
Elle dit que les gens s’étaient tournés vers la possibilité de faire de l’argent avec l’extraction minière. L’extractivisme n’arrête jamais, surtout pour le pétrole et le gaz, ça recouvre toute la Planète. Quand le soleil se lève, toute cette toxicité reste dans l’air, ça réchauffe l’atmosphère, ça cause des changements dans la Nature.
Louise dit «Comment pouvons-nous continuer, inverser certaines de ces choses? Ou bien nous changeons, ou nous allons être avalés par la Nature.»
Le présentateur Lakota, Tiokasin Ghosthorse dit que la toxicité commence en soi-même, avec nos propres idées. Tiokasin dit que les gens font comme si ça allait pour le mieux, sans jamais purifier quoique ce soit, et ça commence à l’intérieur de soi.
Louise dit que ça commence à l’intérieur de chaque personne, l’inversement de la présomption, pour s’écarter des carburants fossiles.
Elle dit que des gens se baladaient avec des fusils, en exigeant que tous les lieux publics rouvrent.
«Ça dit bien à quel point ça déraille, au nom de la cupidité.»
«Ils veulent toujours plus.»
« Ce virus a fondamentalement tout bloqué, et ce ne pourra qu’être pire si nous ne faisons pas quelques pas en arrière. »
Ce qu’il y a de mieux c’est le Nouvel Accord Vert, dans lequel tout est alternatif. Actuellement, les gens ne savent pas quoi faire, face à tout ce qui arrive, mais c’est à la Nature de décider.
« Notre Mère la Terre contre-attaque. »
Louise dit qu’il fallait étudier de plus près les problèmes et les solutions : « Fermez toutes ces centrales qui brulent des carburants fossiles. »
Elle dit que les milliers de pétroliers qui attendent le long de côtes, alors qu’il n’y a pas de marché pour le pétrole, devaient être stoppés.
« Les gens avides ont tué la nature. Ils ont tué les Autochtones dans tout ce continent au nom de l’avidité. Je sens que c’est la nature qui contre-attaque. »
« S’ils ne peuvent pas le voir, j’ai le sentiment qu’ils sont une cause perdue. »
«Nous devons continuer» dit-elle à propos de ceux qui sont connectés à la Nature.
«C’est tout ce qui compte, et ça ne coûte pas d’argent.»
Tiokasin demanda si la Terre était plus intelligente que l’homme et si l’humanité avait oublié les enseignements.
Louise dit qu’aujourd’hui, un très petit nombre de gens croyaient en la voie de l’enseignement des ancêtres.
La majorité de notre communauté a été Christianisée et a totalement perdu le contact avec la nature. Quand on essaie de leur parler de la nature, ou du caractère sacré de la Terre, ils se détournent et vous disent que vous êtes pour une cause perdue.»
«Cette attitude n’aide pas.»
Des fonctionnaires de Washington, elle dit « Ils sont comme des Zombies. Aucune confiance. Ils rament, voulant toujours plus. Et tellement de gens meurent, tellement de gens sont malades. Il faut changer de direction, d’une manière ou d’une autre.»
Louise dit que le système est mauvais, qu’il est basé sur la consommation et le capitalisme, ce qui n’est pas la façon dont nos structures sont édifiées dans nos propres cultures.
« Des Autochtones sont en prison et certains sont tués, parmi ceux qui protègent. C’est un temps complètement chaotique. »
« Nous devons atteindre ceux qui n’ont pas de conscience et les amener petit à petit à se retourner et à prendre l’autre direction. Les gens doivent se détourner des carburants fossiles et de l’avidité. »
Ils nous appellent tout le temps les nécessiteux – mais ce sont eux, les nécessiteux.
« Ils doivent détruire quelque chose, le tuer et le manger pour se sentir bien, en accord avec eux-mêmes, de ce point de vue. Ce n’est pas bon. »
Tiokasin dit qu’il y a plus de 40 ans, le charbon était extrait de Black Mesa, épuisait l’eau, le sol et l’air, pour fournir de l’électricité à Los Angeles et au Sud-ouest.
«Nous ne pensons qu’aux gens qui souffrent» dit Tiokasin.
Tiokasin demanda si nous avions oublié les animaux, les oiseaux, l’eau et la terre qui avaient souffert de cette avidité. Il dit que les Autochtones avaient répété tout cela depuis 1492.
Louise dit «Nous ne sommes ni respectés ni estimés par le monde de la société coloniale.»
«Si nous ne sommes pas compris, notre Mère va lever les bras et commencer à se défendre elle-même.»
Notre Mère la Terre sait qu’il y a toujours eu des Peuples Autochtones vivant en harmonie avec la Nature. Ce n’est pas compris par le monde de la consommation.
«Ils veulent plus, toujours plus, tout le temps.»
« Nous avons été exposés à l’uranium dans les années 1940 et 1950, nous avons été exposés au charbon, et nous avons été exposés au gaz et au pétrole. »
Les gens sont partis et souffrent de ce virus à cause de tous ces développements du passé. L’eau n’est plus pure, l’air n’est plus pur. Beaucoup de végétation et d’espèces sont en voie d’extinction.
« Nous n’avons pas d’autre choix que de parler à la Terre, à notre Père le Soleil, et à l’Univers, c’est notre loi. C’est bien au-dessus de toutes ces lois qui nous sont imposées. »
Louise dit que le virus amène des changements et que les choses sont ramenées à l’équilibre.
La qualité de l’air était si mauvaise, en Chine, quand le virus est arrivé. « C’était noir et maintenant c’est clair. » Le trou dans la couche d’Ozone au-dessus de l’Arctique est refermé maintenant. Beaucoup de choses sont ramenées vers l’équilibre.
« Pour moi, c’est la preuve manifeste. »
« La prochaine chose qui doit disparaitre, c’est l’industrie automobile, parce qu’il y a trop de voitures dans ce pays, dans ce monde. »
« Peut-être que les gens ont besoin de rester chez eux, de cultiver leur nourriture et de vivre en paix, sans avoir à conduire ici et là, et que de plus en plus de pétrole et de gaz soient pompés. »
« Mes anciens disaient ‘Ce qui est dans la Terre est ce qui maintient l’équilibre de la Terre. »
« Si nous extrayons tout et le détruisons, l’équilibre sera perdu, et il y aura des conséquences. »
« Le pire est ce que ma mère disait, ‘La lune et la Terre vont perdre leur équilibre mutuel.’ »
Les minéraux contenus dans la Terre retiennent la lune en équilibre. Elle dit que si nous extrayons tout ça, l’équilibre sera perdu et c’est ce qui régit la Terre.
Cette règle peut être comparée aux femmes, qui sont les régulatrices, parce que la femme donne la vie.
« Si la femme n’est pas en équilibre, toute la famille perd l’équilibre. » C’est pourquoi les femmes sont très importantes.
Elle dit que le centre de l’éducation des colonisateurs est l’argent et que ça a des conséquences. Les jeunes doivent être éduqués.
« Nous devons continuer à communiquer, c’est ce qui compte. »
« Restez chez vous, lavez-vous les mains, ne vous mêlez pas aux foules, et tout ira bien. »
Tiokasin dit que le passé est toujours en nous et détient les réponses.
« Vous étiez préparés à cela » dit-il, incitant les auditeurs à ne pas succomber à l’obscurité.
« Nous devons utiliser cette intelligence. »
Louise Benally est Présidente d’Indigenous Cultural Ways, un projet de l’Association des Agriculteurs Autochtones. Elle est Directrice d’Indigenous Cultural Concepts, un projet de Media Island.