Par Brenda Norrell
Censored News
28 novembre 2021
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan
LES PÈLERINS SONT VENUS ET ONT IMMÉDIATEMENT COMMENCÉ À TUER LES WAMPANOAG – KISHA JAMES
PLYMOUTH, Massachussetts – Des Autochtones se sont rassemblés à Plymouth, pour commémorer un Jour National de Deuil, le jour de Thanksgiving pour les Etats-Unis. Le Jour de Thanksgiving rappelle le génocide de millions d’Autochtones, le vol de leurs terres et l’effacement de leurs cultures.
Les participants au Jour National de Deuil rendent hommage aux Ancêtres et à la résilience Autochtones. C’est un jour de souvenir et de connexion spirituelle, autant qu’une protestation contre le racisme et l’oppression que les Peuples Autochtones continuent de subir dans le monde entier.
« Nous, Autochtones, n’avons aucune raison de célébrer l’arrivée des Pèlerins », dit Kisha James, membre des tribus Aquinnah Wampanoag et Oglala Lakota, et petite-fille de Wamsutta Frank James, le fondateur de la commémoration.
« Nous voulons éduquer les gens afin qu’ils comprennent que les histoires que nous avons apprises à l’école sur le premier Thanksgiving, ne sont que des mensonges. Les Wampanoag et autres Autochtones n’ont certainement pas vécu heureux pour toujours, depuis l’arrivée des Pèlerins », dit Kisha James.
« Pour nous, Thanksgiving est un jour de deuil, parce que nous nous souvenons des millions de nos ancêtres qui ont été assassinés par des colonisateurs Européens, qui n’étaient pas invités, comme les Pèlerins. Aujourd’hui, nous et beaucoup d’autres Autochtones dans tout le pays disent ‘No Thanks, No Giving’ [Pas de Remerciements, Pas de Dons]. »
Des Autochtones ont décrit des siècles d’atrocités commises contre les Autochtones et corrigé les mythes courants dans les textes historiques.
Le rassemblement annuel sur Cole’s Hill, dans la ville côtière du Massachussetts, a commencé en 1970, quand Wamsutta Frank James y est allé pour faire un discours écrit pour le 350ème anniversaire de la célébration de l’arrivée des Pèlerins. Des officiels de l’état avaient rejeté son discours pour une cérémonie officielle à Boston, le trouvant trop « incendiaire », selon WGBH News.
Au cours de la 52ème cérémonie, jeudi dernier, subventionnée par United American Indians of New England, la principale oratrice était la petite-fille de James, Kisha James.
« Le premier Thanksgiving officiel n’a pas eu lieu en 1621, quand les Pèlerins ont reçu un repas largement fourni par les Wampanoag, » dit-elle. « En fait, le premier Thanksgiving a été décrété en 1637 par le Gouverneur de la Colonie de la Baie du Massachussetts, John Winthrop, pour célébrer le massacre de 700 Pequots, hommes, femmes et enfants, sur les rives de la rivière Mystic, dans le Connecticut. »
Kisha James dit qu’elle ne s’opposait pas à ce que les gens se rassemblent, mangent de la dinde et offrent des remerciements, mais elle ne veut pas qu’ils célèbrent ce qu’elle appelle le mythe de Thanksgiving selon lequel les Pèlerins et les Wampanoag s’étaient bien entendu, selon WCB News.
« Nous savons que ce n’est pas vrai, que les Pèlerins sont venus et ont immédiatement commencé à tuer les Wampanoag » dit-elle.
Les Autochtones ont aussi appelé à prêter plus d’attention aux affaires de femmes Autochtones disparues et à rendre toute terre colonisée dans les Amériques.
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Dédié à Moonanum James, Bert Waters, et d’autres qui ont rejoint les ancêtres.
LE DISCOURS INTERDIT DE WAMSUTTA (FRANK B.) JAMES, WAMPANOAG
Discours qui aurait dû être lu à Plymouth, Massachussetts, en 1970.
SUR LE DOCUMENT : Trois cent cinquante ans après que les Pèlerins n’entreprennent leur invasion du territoire Wampanoag, leurs descendants « Américains » ont organisé une célébration d’anniversaire. Toujours accrochés au mythe des livres scolaires blancs, de relations amicales entre leurs aïeux et les Wampanoag, les organisateurs de l’anniversaire ont pensé qu’il serait bon d’avoir un Indien pour faire un discours de reconnaissance et de compliment à leur diner d’état. On a demandé à Frank James de s’exprimer au cours de la célébration. Il a accepté. Cependant, les organisateurs demandèrent à voir son discours à l’avance, mais il s’est avéré que les vues de Frank James – fondées sur l’histoire plutôt que sur la mythologie – n’étaient pas ce que les descendants des Pèlerins voulaient entendre. Frank James refusa de lire un discours écrit par un ‘spécialiste’ des relations publiques. Frank James n’a pas parlé au cours de la célébration. S’il avait parlé, voici ce qu’il aurait dit :
Je m’adresse à vous en tant qu’homme – homme Wampanoag. Je suis un homme fier, fier de mes ancêtres, de mes succès obtenus grâce à une direction parentale stricte (« Tu dois réussir – tu es de couleur différente, dans cette petite communauté de Cape Cod ! »). Je suis un produit de la pauvreté et de la discrimination, de ces deux maladies sociales et économiques. Moi-même, et mes frères et sœurs, les avons surmontées douloureusement, et, dans une certaine mesure, nous avons gagné le respect de notre communauté. Nous sommes d’abord Indiens – mais on nous dit « bons citoyens ». Parfois, nous sommes arrogants, mais seulement parce que la société nous a mis la pression pour le devenir.
C’est avec des émotions mêlées que je suis ici pour partager mes pensées. C’est un moment de célébration pour vous – célébrant l’anniversaire d’un commencement pour l’homme blanc en Amérique. Un moment pour repenser le passé, pour réfléchir. C’est le cœur lourd que je repense à ce qui est arrivé à mon Peuple.
Déjà avant l’arrivée des Pèlerins, c’était, pour les explorateurs, une pratique commune de capturer des Indiens, de les emmener en Europe, et de les vendre comme esclaves pour 220 shillings l’unité. Les Pèlerins avaient à peine exploré les plages de Cape Cod pendant quatre jours, qu’ils avaient déjà pillé les tombes de mes ancêtres et volé leur maïs et leurs haricots. Le Récit de Mourt décrit un groupe de pillards de seize hommes. Mourt dit que ce groupe avait pris tout ce qu’ils pouvaient porter des provisions pour l’hiver des Indiens.
Massasoit, le grand Sachem des Wampanoag, connaissait ces faits, et pourtant lui et son Peuple ont accueilli les colons de la Plantation de Plymouth et sont devenus leurs amis. Il avait peut-être fait cela parce que sa Tribu avait été décimée par une épidémie. Ou bien sa connaissance de la dureté de l’hiver à venir était la raison de son acceptation. Cette action de Massasoit a peut-être été notre plus grande erreur. Nous, les Wampanoag, nous vous avons accueillis, vous l’homme blanc, à bras ouverts, ne sachant pas que c’était le début de la fin ; et qu’avant 50 ans, les Wampanoag ne seraient plus un peuple libre.
Qu’est-il arrivé, pendant ces courtes 50 années ? Qu’est-il arrivé pendant les 300 dernières années ?
L’histoire nous livre des faits, et c’était des atrocités ; c’était des promesses trahies – et la plupart du temps, elles se concentraient autour de la propriété des terres. Entre nous, nous comprenions qu’il y avait des frontières, mais jamais auparavant, nous n’avions eu affaire à des clôtures et des murs de pierre. Mais l’homme blanc avait besoin de prouver sa valeur par la quantité de terre dont il était propriétaire. Seulement dix ans plus tard, quand les Puritains sont arrivés, ils ont traité les Wampanoag avec encore moins de sollicitude, pour convertir les âmes des soi-disant « sauvages ». Bien que les Puritains aient été durs envers les membres de leur propre société, l’Indien était écrasé sous des dalles de pierre et pendu aussi vite que n’importe quelle autre « sorcière ».
Ainsi, au cours des années, on trouve toujours des mentions de terres Indiennes conquises et, en gage, de création de réserves où l’Indien doit vivre. L’Indien, dépouillé de son pouvoir, ne pouvait que regarder l’homme blanc prendre sa terre et l’utiliser pour son gain personnel. Ça, l’Indien ne pouvait pas le comprendre ; pour lui, la terre était la survie, pour cultiver, chasser, en vivre. Elle n’était pas là pour en abuser. Nous constatons, incident après incident, que l’homme blanc cherchait à dompter le « sauvage » et le convertir aux modes de vie Chrétiens. Les premiers colons Pèlerins faisaient croire à l’Indien que s’il ne se conduisait pas bien, ils creuseraient la terre et déclencheraient à nouveau la grande épidémie.
L’homme blanc utilisait les capacités nautiques de l’Indien. Mais ils ne le laissaient être que marin – jamais capitaine. Encore et toujours, dans la société de l’homme blanc, nous les Indiens avons été taxés d’ « homme le plus bas sur le mât du totem. »
Les Wampanoag ont-ils réellement disparu ? Il y a toujours une aura de mystère. Nous savons qu’une épidémie a emporté beaucoup de vies Indiennes – des Wampanoag sont partis vers l’ouest et ont rejoint les Cherokee et les Cheyennes. Ils ont été forcés de partir. Certains sont même partis vers le nord, jusqu’au Canada ! Beaucoup de Wampanoag ont abandonné leur héritage Indien et accepté le mode de vie de l’homme blanc pour leur survie. Il y a encore des Wampanoag qui ne souhaitent pas qu’on sache qu’ils sont Indiens, pour des raisons sociales et économiques.
Qu’est-il arrivé à ces Wampanoag qui ont choisi de rester et de vivre parmi les premiers colons ? Quelle existence ont-ils vécu en tant que « civilisés » ? C’est vrai que la vie n’était pas aussi compliquée qu’aujourd’hui, mais ils étaient plongés dans la confusion et le changement. Honnêtement, la confiance, l’implication, la fierté et la politique se tissaient dans et en dehors de leur vie quotidienne. De là, l’Indien était taxé d’astucieux, malin, vorace et sale.
L’histoire veut que nous croyions que l’Indien était un animal sauvage, illettré et non civilisé. Une histoire écrite par un peuple organisé et discipliné, pour nous dénoncer comme une entité inorganisée et indisciplinée. Deux cultures très différentes se rencontraient. Celle de ceux qui pensaient qu’ils devaient contrôler la vie ; celle des autres qui croyaient que la vie était faite pour en jouir, parce que la nature l’a décidé. Rappelons-nous, l’Indien est et a toujours été un être humain comme l’homme blanc. L’Indien ressent la douleur, est blessé, peut être sur la défense, rêve, supporte la tragédie et l’échec, souffre de solitude, a besoin de pleurer et de rire. Souvent, il est incompris.
L’homme blanc se sent encore abasourdi en présence de l’Indien, par sa mystérieuse capacité à le faire se sentir gêné. C’est peut-être l’image que l’homme a créé de l’Indien ; sa « sauvagerie » a eu un effet boomerang et ce n’est pas un mystère ; c’est la peur ; la peur du tempérament Indien !
En haut d’une colline, dominant le célèbre Rocher de Plymouth, il y a la statue de notre grand Sachem, Massasoit. Massasoit s’y est tenu longtemps en silence. Nous, les descendants de ce grand Sachem, avons été un peuple silencieux. La nécessité de gagner sa vie dans cette société matérialiste de l’homme blanc, nous a réduits au silence. Aujourd’hui, moi et beaucoup de gens de mon peuple choisissent de voir la vérité en face. Nous SOMMES Indiens !
Bien que le temps ait épuisé notre culture, et que notre langue soit presque morte, nous, les Wampanoag, sommes toujours sur les terres du Massachussetts. Peu importe que nous soyons divisés, que nous soyons dans la confusion. Beaucoup d’années ont passé depuis que nous avons été un peuple ensemble. Nos terres ont été envahies. Nous avons combattu autant pour garder nos terres que vous, les blancs, l’avez fait pour nous les prendre. Nous avons été conquis, nous sommes devenus des prisonniers de guerre Américains, dans beaucoup de cas, et pupilles du Gouvernement des Etats-Unis jusqu’à très récemment.
Notre esprit refuse de mourir. Hier, nous parcourions les sentiers forestiers et les pistes sablonneuses. Aujourd’hui, nous devons parcourir les autoroutes et les routes goudronnées. Nous nous unissons. Nous ne sommes pas dans nos wigwams mais dans votre tente de béton. Nous sommes droits et fiers, et avant que beaucoup de lunes soient passées, nous redresserons les torts que nous avons laissé nous faire.
Nous avons perdu notre pays. Nos terres sont tombées dans les mains de l’agresseur. Nous avons laissé l’homme blanc nous mettre à genoux. Ce qui est arrivé ne peut pas être changé, mais aujourd’hui nous devons nous efforcer d’aller vers une Amérique plus humaine, une Amérique plus Indienne, où l’homme et la nature soient à nouveau importants ; où les valeurs Indiennes d’honneur, de vérité et de fraternité dominent.
Vous, l’homme blanc, célébrez un anniversaire. Nous, Wampanoag, vous aiderons à célébrer l’idée d’un commencement. C’était le commencement d’une nouvelle vie pour les Pèlerins. Maintenant, 350 ans plus tard, c’est le commencement d’une nouvelle détermination pour l’Américain d’origine : l’Amérindien.
Il y a des facteurs qui concernent les Wampanoag et d’autres Indiens à travers cette vaste nation. Nous avons maintenant 350 ans d’expérience de la vie dans la société de l’homme blanc. Maintenant nous parlons sa langue. Nous pouvons maintenant penser comme pense un homme blanc. Nous pouvons le concurrencer pour les bons emplois. On nous entend ; on nous écoute, maintenant. L’important est que, avec ces nécessités de la vie quotidienne, nous avons encore l’esprit, nous avons encore la culture unique, nous avons encore la volonté et, ce qui est le plus important, la détermination de rester Indiens. Nous sommes déterminés, notre présence ici ce soir est le témoignage vivant que ce n’est que le commencement de l’Amérindien, en particulier le Wampanoag, pour regagner sa position dans ce pays qui est légitimement le nôtre.
Wamsutta
Le 10 septembre 1970
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MESSAGE DE LEONARD PELTIER POUR LE JOUR DE DEUIL 2020
Salutations, mes parents, amis, bien aimés et soutiens.
Avant tout, je veux vous remercier pour le privilège de pouvoir exprimer mes sentiments sur ce « Jour de Deuil », comme nous l’appelons, et « Thanksgiving » comme le reste des Etats-Unis l’appelle. Quelquefois, j’ai du mal à trouver les mots pour exprimer toutes les pensées qui ont traversé ma tête après 45 ans d’emprisonnement.
Je veux certainement exprimer ma considération pour nos ancêtres, avant nous, qui ont tellement combattu pour que nous puissions vivre aujourd’hui. Je veux exprimer mes sentiments et ma mémoire de ceux qui ont été submergés par les armes de guerre venues d’Europe et les épidémies auxquelles ils ont dû faire face. Bien que nous ayons été attaqués par les envahisseurs venus d’Europe, encore et toujours de toutes les façons possibles, et malgré tout ce qui a été fait pour nous détruire et détruire notre culture et nos traditions, nous survivons encore jusqu’à ce jour parce que nous sommes une expression de la Volonté du Créateur et une expression de la Vérité du Créateur. Nous sommes la manifestation ce cette vérité, qui est que toute l’humanité devrait vivre dans les limites de ces règles.
Contact presse : IndigenousinPhilly@gmail.com
Photos : © Marquis Valdez
Publié par Indigenous Action,
26 novembre 2021
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan
25 novembre 2021 – Lenapehoking (Philadelphie, Pennsylvanie) – Dans le cadre d’actions coordonnées contre le colonialisme conduites par des matriarches dans toute l’île de la Tortue, des femmes Autochtones activistes ont perturbé la plus ancienne parade du Jour de « Thanksgiving », exigeant que la vraie histoire de Thanksgiving soit dite. Des Activistes ont interrompu la parade et marché dans le quartier. Elles portaient des châles de danse fantaisie ornés des messages « Land Back » [« Rendez les Terres »], « MMIW », et « No Thanks No Giving » [« Pas de Merci, Pas de Dons »] en scandant « Pas de fierté dans un génocide ». Bien que la plupart des spectateurs soient calmes et sympathisants, quelques-uns ont fait du chahut en criant « rentrez chez vous » et « dégagez de Philly ». Parmi les Autochtones, il y avait des membres de plusieurs tribus de toutes les soi-disant Amériques, entre autres des Algonquins et des Lenapes locaux, qui sont les régisseurs légitime de Lenapehoking, la terre ancestrale des Lenapes qui comprend Philadelphie et New York et d’autres régions de ce que les colons appellent Pennsylvanie, New Jersey, Delaware et New York.
Le mythe de Thanksgiving, perpétué dans les écoles de toute la nation, célèbre des « Indiens » non identifiés, ayant sauvé la vie de colons Européens d’une mort certaine, dans les bois de la Côte Est. Aujourd’hui, les tables sont garnies de nourritures Autochtones des Bois de l’Est, comme la dinde, les courges et les haricots, et d’autres choses originaires des Amériques, entre autres des pommes de terre et du riz. On nous sert l’histoire d’un repas pacifique devant honorer l’amitié et la prospérité entre les colonisateurs et ceux qui ont été colonisés par la violence. Et, bien qu’il y ait certainement de la vérité dans la générosité des Autochtones, cette version romantisée d’un jour de fête est bien loin de la violence coloniale et du génocide que ce jour férié commémore en réalité. En 1636, des Anciens, des enfants et des familles Pequot se sont rassemblés dans leurs villages pour leur cérémonie annuelle de Dance du Maïs Vert, une cérémonie de récolte commémorée par des danses, des fêtes, un jeûne, et des cérémonies religieuses. Ces célébrations sacrées étaient souvent la cible de la violence coloniale, les colons armés les utilisant pour lancer des attaques et assassiner des familles entières. C’est exactement ce qu’a été le premier Thanksgiving, des colons Anglais et Hollandais de la Colonie de la Baie du Massachussetts, ont encerclé un village Pequot et implacablement assassiné plus de 700 Pequots, vieillards, hommes, femmes, enfants et personnes à deux esprits, brûlé leur village et tiré sur toute personne qui essayait de fuir les flammes. Le lendemain, le gouverneur de la colonie a déclaré un jour de Thanksgiving pour célébrer et remercier Dieu pour leur victoire. C’était le premier Thanksgiving.
Ça fait 529 ans qu’a eu lieu l’invasion des Tainos, 497 ans depuis qu’il a été fait mention pour la première fois de l’esclavage d’un Wampanoag, 384 ans depuis ce massacre de Pequots, et 158 ans depuis que Lincoln a déclaré Thanksgiving fête nationale. Mais jusqu’à ce jour, les Autochtones de toute l’île de la Tortue se battent pour leur souveraineté, entre autres les Lenapes qui continuent de travailler à la reconnaissance de leurs propres terres ; les Anishinaabeg et d’autres se battent contre la Ligne 3 ; les Carrizo-Comecrudo, les Tohono O’odham et d’autres combattent le mur frontière ; et les Autochtones et les Afro-Autochtones d’Amérique Centrale et du Sud, des Caraïbes, d’Afrique et bien d’autres encore, sont retenus dans des centres de rétention aux Etats-Unis et terrorisés par la police et les militaires. Aujourd’hui, nous exigeons qu’une véritable histoire coloniale des Etats-Unis soit dite, y compris Thanksgiving.
Citations : « Thanksgiving est doux-amer. D’une part, c’est la continuation moderne des temps très anciens d’amitié et de communauté. D’autre part, la version lavée plus blanc et Eurocentriste de Thanksgiving qui nous est donnée, avec des chapeaux de pèlerins et des coiffures Indiennes est insultante, pas seulement envers cette très ancienne tradition, mais aussi envers la mémoire et les esprits de ceux qui ont été assassinés par les colonisateurs qui voulaient leur terre et leurs ressources. » – Kate Thorn, Lenape/Seneca.
« Nous prenons parti parce que notre génocide n’a jamais cessé. Ils empoisonnent toujours notre eau, notre nourriture et notre air. Ils volent toujours nos enfants et emprisonnent nos parents dans des prisons et des centres de rétention. Ils infiltrent des drogues dans nos foyers et nous accusent des épidémies. Ils nous empêchent de circuler librement sur nos terres. Ils nous effacent de la conscience collective, et tuent nos mémoires quand ils ne peuvent pas nous tuer. Les colonisateurs continuent d’effacer l’histoire en renommant leurs jours fériés, sans changer leur participation au projet colonial appelé les Etats-Unis. La seule vraie célébration des Autochtones arrivera quand les Etats-Unis seront abolis et que nous serons libres. » – Felicia Teter, Yakama
Sur l’histoire de Thanksgiving voir aussi l’intervention de Hartman Deetz de 2019.
Français
41st Day of Solidarity of CSIA-Nitassinan
Octobre 9, 2021
Taneyulime Ludwina Pisili,
Kali’na from Guiana
Transcript, translation and photos Christine Prat, CSIA-Nitassinan
Welcome to all, thank you for being here. I’ll introduce myself: Taneyulime, Kali’na from Guïana, chairwoman of the Aukae association, which participates in the development of the Kali’na culture. I should have had a speaker today, unfortunately, I am very sorry, these are the inconveniences of live broadcasting. There were big storms yesterday in Guïana, there is very little connection, it is poorly installed, poorly managed, and unfortunately, we have trouble reaching our speakers. But I’m still going on with the ‘Indian Homes’ issue and talk to you about it today.
So, today, we’re going to talk about Indian ‘homes’ [boarding schools]. Maybe you have heard about them, it reminds of the news about the Canadian residential schools. You must know that in ‘France’ too, there were boarding schools for Native Americans, which contributed to the assimilation of the Indigenous populations in French Guïana, to become ‘good French’ people. Something that was initially done to make up for the school deficit. There were a lot of young Natives who could not go to school because of the environment, we are in the Amazon, there are very remote villages, and we are a population that is not originally sedentary and that moves a lot, many did not go to school. To make up for this, in the middle of the 20th century, the ‘Indian homes’ were set up. It is important to know that these Indian Boarding Schools existed from 1949 to 2012, but this process of assimilation and therefore these boarding schools have existed since the 17th century, since the arrival of the settlers in the 15th century, but especially since the 17th century, at the time of the Jesuits.
There was a desire to educate the indigenous populations, especially the Kali’na because they were mainly on the coast. [She shows a map of Guïana]. Here, there is a line that divides it in two, the coast above, and all that is Amazonian Forest, which is now the Amazonian Park. Below, you have the Wayãpi, Wayana populations, and recently, an indigenous population from Brazil that emigrates to our side, we understand why, given the current situation in Brazil and all the problems, they take refuge on French lands. And, above, on the coast, you have the Kali’na, Arawak and Teko populations. So, six indigenous populations, thirty in the past, at the beginning of colonization, and you will understand immediately that there was a big population deficit, I would speak of human genocide, and then a cultural genocide.
The Jesuits wanted to educate the native populations, as the Pope had decided that they could not colonize the ‘new’ lands, but that they could evangelize them. Thus, they tried to instil the Christian Word, the Catholic Word, into them, and teach them everything about the catholic religion. Those Jesuits came first, in the 17th century, as ‘saviors’, to ‘save us’ from our savagery and our lack of education. But also, thanks to the schools they created, many Kali’na escaped slavery. It is very often spoken of the enslavement of the African population, of the people deported from Africa, but WE have also known enslavement. We must not forget it, we must remember it, and, most of all, say it, denounce it. Often, Indians hunters kidnapped Indigenous populations to take them to the islands or to be slave on the spot, in Guïana. We were very far from Europe then, even more than today, and they took advantage of this situation to take us to the islands and use us as slaves. Those who have not been put in chains have been able to go to those schools, to be educated, to learn to read and write French, but also to learn certain medicinal techniques and surgery to make up for the lack of people on the land at the time and to be able to help the settler populations who lacked then – and still lack today – hospitals, services able to treat them.
All of this existed, more or less, until the end of the 17th century, just before the Revolution. So, these Jesuits would be the ‘good period’ of the Indigenous boarding schools. Then there will be the ‘reductions’, that were often in Paraguay, very violent boarding schools, where assimilation is violent, hard and radical. After that, there will be a great emptiness. Anyway, it is simple, we, the indigenous populations, have never been the priority. Until today, we are not, we were already not at the time, we were very briefly, as we have seen, at the time when the Jesuits were there, but afterwards there was a total disinterest of the French administration for us. We see it in history, in 1969, it is only then that we have the right, the duty, I should say, to become French, on our papers, administratively. It is very, very late, compared to neighboring countries.
There is going to be a long break in history, they will totally stop being interested in us, and we are going to be decimated in a ‘microbial’ way – is it true, I don’t know, I wasn’t there – but apparently the diseases have decimated us. I think there was a small massacre, but that’s my personal opinion.
In the middle of the 20th century, there was the ‘departmentalization’ of France [‘départements’ are quite similar to counties]. So, they feel at last concerned about Guïana and the indigenous populations. And they notice indeed that all these works of assimilation and evangelization did not really work on the indigenous population of Guïana, especially among the Kali’na. Maybe you don’t know it, but we are great warriors and we have fought for a very long time. So, it is hard to assimilate us. It is also hard because we move around a lot. We tend to move around, so the people who run this country look for solutions to overcome this and how to educate these indigenous people who move around rather often, who don’t go to school, and who drop out of school, even when they do go to school, quite early, since marriages are early and their families need them for farming, fishing, etc., to sustain the family.
So, there were two stages. There was a first stage when the sisters came, at the beginning of the middle of the 20th century. It was called ‘orphanages’, but in fact it was clearly schools. They were places where they took Indigenous people, and took them away from their families that they still had. I don’t know if the word ‘orphanage’ is appropriate, but at least that is what they were told “we are taking you to the orphanage, because we can’t leave you like that, deep in the forest, near the rivers, etc.”. But that’s the term that the people who lived there used. And that’s how they talked about it: “I was in the orphanage”. While these people still had their parents. They were taken away from their families. They were not orphanages, it is the word these sisters used to take these children from their families, but these children still had families. Maybe their parents were away hunting, or away at sea, or away in the forest. But they still had their parents, they were effectively torn away from their parents at a very early age, since the clergy, and mainly the sisters who were there at the time, were asked to take them between the ages of 6 and 15. This was requested by decree, but it was not done in reality. Because, for them, at 6 years old they were already too old, not flexible enough, not easy to indoctrinate. So, in fact, they were taken from their parents and sent away from them, from 4 to 16 years old. The earlier the better, the younger they are, the better they are assimilated.
So, at the very beginning, they were sisters’ or brothers’ schools, but they were not yet ‘Indian homes’. It was made official in 1964, but we know from the archives that the reality was different, it existed since 1949. There have been five of them, mainly on the coast. As I said, by decree it was between 6 and 15 years old, but in reality, between 4 and 16 years old, to, supposedly, protect the young girls, to avoid that they are married too early, also to teach them a maximum of things and that they do not forget the good Catholic practices, since the authorities realized the multiple failures of the preceding centuries, when the Kali’na returned to their traditional customs. Thus, there were female ‘homes’ run by the Sisters and male homes run by the Brothers of the Holy Spirit. All this will last officially until 1980, but our Wayãpi and Wayana brothers will know it until 2012, when denunciations of these institutes started to be heard, institutes that ask the Kali’na – and any other Indigenous People – not to speak their mother language, to be underfed, compared to their village – while they were supposed to be saved, protected – and especially to be very far from their families, whom they can only visit once or twice a year, and they did not allow the parents to come to see their children.
These institutions were made for the indigenous populations of ‘French’ Guiana. Today, I would have an indigenous person from Suriname testify, because the clergy did not stop at the borders, they went to the lands of Suriname and to the lands of Brazil to take children who were not “of the French state”, to put them in these Indian ‘homes’. They were beaten, kicked, put on slabs… Well, these are things that you could say also existed ‘at home’, in hexagonal France at that time. These are things that people from the post-war period could also tell. Indeed, it is sure. But these are things that must be emphasized and not forgotten. Taking a child away from his parents, whom he can only see twice a year, not feeding him properly, not giving him access to what the priests have access to, TV, games, not allowing him to speak his mother language with his friends, only allowing him to speak French when he is taken from Surinam where he came from schools where Dutch was spoken, it is still very complicated, it is frustrating. As in many boarding schools of this type, there is also abuse other than psychological, physical and sometimes sexual, as in many stories of catholic boarding schools. Unfortunately, we don’t have any testimony from this person, but I hope that another time you will be able to see her, and we have her story in Aukae, so we will be able to broadcast it. I think it’s important today to talk to you about this. [She shows a map] You can see the different ‘Indian homes’ in Guiana, there were mainly five, but you can see others.
I am perhaps not the best person, not having lived it, to share what it could be emotionally distressing to be in these ‘homes’, but I denounce it. It also existed in France. It existed from 1949 to 2012, but it existed for centuries too, as it is since the arrival of the colonists that they try to arrest the uneducated savages, that they try to educate them under multiple pretexts, but in the end, they don’t give them the same possibilities as other people. By mistreating them and creating this assimilation, there has been a lot of frustration among the Indigenous populations. Now, on the other hand, this is my testimony. There are people who, after these ‘homes’, did not want to teach their children to speak Kali’na, for example – I am Kali’na, so I can speak about it – there are people who did not want to teach their children to speak their mother language, because they were ashamed! There are people, until today, who are traumatized, who don’t talk about it anymore, these people are traumatized even if they don’t talk about it. Today, fortunately, we are in a cultural reappropriation. [She shows two photos of boarding schools from the past] You can see young Kali’na girls in traditional dress, who were taken away from their families, and there you can see how they were assimilated by forcing them to put on ‘civilized’ clothes.
I thank people like Ludovic Pierre, who is at the origin of the Makan collective, which for more than a year has been bringing together young activists like me, like my friend Taina who is in the audience, and like my other friend who is not here, but who perhaps hears us, and is a Kali’na artist. There is a desire, in response to these ‘Indian homes’ today, for a reappropriation of identity, but also of culture, with the reappropriation of the arts, of language and of our history, too. Our history is very often erased, you will never hear about the slavery of the Amerindians in Guïana, or maybe since a very short time. But it is not talked about, we are not recognized, it is primarily Afro-descendants and not us. Even today, many things are questioned, in art or in other fields, even music.
As if, in the end, the thousands of years we spent on these lands had been for nothing, had left no trace. So today we are trying to restore the truth and we are trying to show that we are still alive and proud to be here, proud to be on these lands, and we are protecting them in every possible way. We participate in counter-conventions, like COPs, for instance, or different seminars. We also have young artists, we will present one today, Clarisse Da Silva, who also participates in this activism through art. And so, I thank all these young people, all these people who denounce on a daily basis, who speak about the reality of things, and I thank you also for listening to us.
I talked about cultural reappropriation, identity, but also land reappropriation. Because I know that you know, perhaps, that we there is a lot about the environment, and that here too we suffer a lot, the land suffers, and it is our land, the land of our ancestors. Even if we have difficulty in reclaiming it, it is still the land of our ancestors. Our ancestors are buried in this land, they have left burial sites, they have left artifacts. We must protect it. I also denounce all these big multinationals that are installing open-pit mines and many big power plants that are damaging our ecosystem.
We talk about human genocide that is ignored, cultural genocide that I talked about a little bit, and also ecocide, nowadays. But that concerns everyone, everyone here, because we all live on the same planet and unfortunately, it is going badly. Nothing is going well anymore, we come from the Amazon, and the lung of the earth, at the moment, rejects much more CO2 than it absorbs. We must do something, we must wake up.
Our association fights for the protection of the environment but also for the influence of the arts and the Kali’na culture. So don’t hesitate to give something to continue our projects. Thank you.
English
41ème Journée de Solidarité du CSIA-Nitassinan
9 octobre 2021
Intervention de
Taneyulime Ludwina Pisili,
Kali’na de Guyane
Transcription et photos Christine Prat, CSIA-Nitassinan
Bonjour à tous, merci d’être venus ici. Je me présente : Taneyulime, Kali’na de Guyane, présidente de l’association Aukae, qui participe au développement de la culture Kali’na. Normalement, j’avais un intervenant aujourd’hui, malheureusement, je suis sincèrement désolée, ce sont les inconvénients du direct. Il y a eu de gros orages hier en Guyane, il y a très peu de réseau, c’est mal installé, mal géré, et malheureusement, nous avons du mal à joindre nos intervenants. Mais je vais quand même continuer sur le problème des ‘Homes Indiens’ et vous en parler un peu aujourd’hui.
Donc, aujourd’hui, nous allons parler des ‘homes Indiens’. Vous en avez peut-être entendu parler, ça fait écho à l’actualité des pensionnats canadiens. Il faut savoir qu’en ‘France’ aussi, il y a eu des pensionnats faits pour les Amérindiens, qui contribuaient à l’assimilation des populations Autochtones en Guyane française, pour devenir de ‘bons Français’. Une chose qui initialement était faite pour pallier au déficit scolaire. Il y avait énormément de jeunes Autochtones qui ne pouvaient pas aller à l’école du fait de l’environnement, nous sommes en Amazonie, il y a des villages très éloignés, et nous sommes une population qui n’est pas sédentaire à la base et qui bouge beaucoup, beaucoup n’étaient pas scolarisés. Pour pallier à ça, au milieu du XXème siècle, ont été mis en place les ‘homes Indiens’. Il faut savoir que ces ‘homes Indiens’ ont existé de 1949 à 2012, mais ce processus d’assimilation et donc ces pensionnats, ces écoles existent depuis le XVIIème siècle, depuis même l’arrivée des colons au XVème siècle, mais surtout depuis le XVIIème siècle, à l’époque des Jésuites.
Il y avait un désir d’éduquer les populations Autochtones, surtout les Kali’na parce qu’ils étaient principalement sur le littoral. [Elle montre une carte de la Guyane] Ici, il y a une grande ligne qui la découpe en deux, le littoral au-dessus, et tout ce qui est forêt amazonienne, qui est aujourd’hui Parc Amazonien. En dessous, vous avez les populations Wayãpi, Wayana, et depuis peu, une population Autochtone du Brésil qui émigre chez nous, on comprendra pourquoi, vu la situation actuelle au Brésil et toutes les problématiques, ils se réfugient sur des terres françaises. Et, en haut, sur le littoral, vous avez la population Kali’na, Arawak et Teko. Donc six populations Autochtones, trente autrefois, au début de la colonisation, et vous comprendrez tout de suite qu’il y a eu un gros déficit de population, moi je parlerais de génocide humain et par la suite un génocide culturel.
Les Jésuites ont voulu éduquer les populations Autochtones, puisque le Pape avait décidé qu’on ne pouvait pas coloniser les nouvelles terres, mais qu’on pouvait les évangéliser. Donc, on va essayer de leur inculquer la bonne parole chrétienne, la bonne parole catholique, entre autres, et leur enseigner tout ce qui concerne la religion catholique. Ces Jésuites, dans un premier temps, au XVIIème siècle, vont venir comme sauveurs, parce que, déjà, ils vont nous sauver de notre sauvagerie et de notre manque d’éducation. Mais aussi, grâce aux écoles qu’ils vont créer, de nombreux Kali’na vont échapper à l’esclavage. Très souvent, on parle de l’esclavage de la population africaine, des déportés d’Afrique, mais NOUS avons aussi connu l’esclavage. Ne l’oublions pas et rappelons-le, et surtout, disons-le, dénonçons-le, parce que c’est très important. Souvent, les chasseurs d’Indiens ont kidnappé les populations Autochtones pour les emmener vers les îles ou pour les asservir sur place, en Guyane. Nous étions très éloignés de l’Europe à l’époque, encore plus qu’aujourd’hui bien que nous le soyons encore, ils ont profité de cette situation pour nous kidnapper, nous arracher à nos terres, pour nous emmener sur les îles et nous traiter en esclaves. Ceux qui n’ont pas été enchaînés ont pu aller dans ces écoles, pour être éduqués, pour apprendre à lire et à écrire le français, mais aussi pour apprendre certaines techniques médicinales et la chirurgie pour pallier aussi à ce manque de personnes qu’il y avait à l’époque sur les terres et pouvoir aider les populations de colons qui manquaient alors – et encore aujourd’hui – d’hôpitaux, de services capables de les soigner.
Tout ça va exister, à peu près, jusqu’à la fin du XVIIème siècle, juste un peu avant la Révolution. Donc, ces Jésuites-là, ce serait un peu la ‘bonne période’ des pensionnats Autochtones. Ensuite il y aura les ‘réductions’, qu’il y avait souvent au Paraguay, des pensionnats très violents, ou l’assimilation est violente, dure et radicale. Après cela, il y aura un grand vide. De toutes façons, c’est simple, nous, les populations Autochtones, n’avons jamais été la priorité. Jusqu’à aujourd’hui, nous ne le sommes pas, nous ne l’étions déjà pas à l’époque, nous l’avons été très brièvement, comme nous l’avons vu, à l’époque où les Jésuites étaient là, mais après il y a eu un désintérêt total de l’administration française pour nous. On le voit d’ailleurs dans l’histoire, 1969, c’est seulement là que nous avons le droit, le devoir, si je puis dire, de devenir Français, sur les papiers, administrativement. C’est très, très tard, par rapport aux pays voisins.
Il va y avoir une grande pause dans l’histoire, on va totalement se désintéresser de nous, et nous allons être décimés de façon ‘microbienne’ – est-ce que c’est vrai, je ne sais pas, je n’étais pas là – mais apparemment les maladies nous ont décimés. Je pense qu’il y a eu un petit massacre, mais c’est mon opinion personnelle.
Au milieu du XXème siècle, il y a eu la départementalisation de la France. Donc, on s’inquiète enfin de la Guyane et des populations Autochtones. Et on constate effectivement que tous ces travaux d’assimilation et d’évangélisation n’ont pas vraiment fonctionné sur la population Autochtone de Guyane, surtout chez les Kali’na. Vous ne le savez peut-être pas, mais nous sommes de grands guerriers et nous nous sommes battus très longtemps. Donc, on a du mal à nous assimiler. On a du mal aussi parce que nous bougeons beaucoup. Nous avons tendance à nous déplacer, donc les personnes qui dirigent ce pays vont chercher des solutions pour pallier à ça et comment éduquer ces Autochtones qui se déplacent relativement souvent, qui ne vont pas à l’école, et qui se déscolarisent, même quand ils vont à l’école, assez tôt, puisque les mariages sont précoces et leurs familles ont besoin de les avoir auprès d’elles pour l’agriculture, la pêche, etc., pour subvenir aux besoins de la famille.
Alors il y a eu deux étapes. Il y a eu une première étape où les sœurs sont venues, au début du milieu du XXème siècle. Ça s’appelait ‘orphelinats’, mais en fait c’était clairement des écoles. Ce sont des endroits où on prenait les Autochtones, pour les y emmener, mais en les éloignant de leurs familles qu’ils avaient encore. Je ne sais pas si le terme ‘orphelinat’ est approprié, mais en tous cas c’est comme ça qu’on leur a dit ‘on vous emmène à l’orphelinat, parce que, on ne peut pas vous laisser comme cela, au fin fond de la forêt, près des fleuves, etc. Mais c’est le terme que les personnes qui ont vécu là-bas ont donné. Et c’est comme cela qu’ils en parlaient : « J’ai été à l’orphelinat ». Alors que ces gens avaient encore leurs parents. On les a arrachés à leur famille. Ce n’était pas des orphelinats, c’est le terme que ces sœurs donnaient pour pouvoir prendre ces enfants à leurs familles, mais ces enfants avaient toujours une famille. Peut-être que c’était des parents qui étaient partis à la chasse, ou partis à la mer ou en forêt. Mais ils avaient toujours leurs parents, on les a effectivement arrachés à leurs parents très tôt, puisqu’on a demandé au clergé, et principalement aux sœurs qui étaient là à l’époque, de les prendre entre 6 et 15 ans. C’est ce qui était demandé par décret, mais ce n’est pas ce qui était fait en réalité. Du fait que, pour eux, à 6 ans ils étaient déjà trop grands, pas assez malléables, pas faciles à endoctriner. Donc, en fait, on les a pris à leurs parents et éloignés d’eux, de 4 à 16 ans. Le plus tôt possible était le mieux, plus ils sont jeunes, plus on les assimile.
Donc, au tout début, ce sont des écoles de sœurs ou de frères, mais ce ne sont pas encore des ‘homes Indiens’. Ça va être officialisé en 1964, mais on sait d’après les archives que la réalité est autre, ça existait dès 1949. Il y en a eu cinq, principalement sur le littoral. Comme je disais, par décret c’était entre 6 et 15 ans, mais en réalité entre 4 et 16 ans, pour, soi-disant, protéger les jeunes filles, éviter qu’elles ne soient mariées trop tôt, aussi pour leur apprendre un maximum de choses et qu’elles n’oublient pas les bonnes pratiques catholiques, puisqu’on se rendait compte des échecs multiples des siècles précédents, où les Kali’na revenaient à leurs coutumes traditionnelles. Donc, il y avait des ‘homes’ féminins, gérés par les sœurs, et des ‘homes’ masculins, gérés par des frères spiritains. Tout cela va durer officiellement jusqu’en 1980, mais nos frères Wayãpi et Wayana vont connaître ça jusqu’en 2012, quand on a commencé à entendre des dénonciations de ces instituts, qui demandent aux Kali’na – et tout autre Peuple Autochtone – de ne pas parler leur langue maternelle, d’être mal nourris, comparé à leur village, alors qu’on prétendait les sauver, les protéger, et surtout d’être éloignés très fortement de leurs familles, qu’ils ne peuvent aller voir qu’une ou deux fois par an, et ils ne laissaient pas les parents venir voir leurs enfants.
Ces institutions étaient faites pour les populations Autochtones de Guyane ‘Française’. Aujourd’hui, je fais témoigner un Autochtone du Surinam, car le clergé ne s’arrêtait pas aux frontières, ils allaient sur les terres du Surinam et sur les terres brésiliennes pour prendre des enfants qui n’étaient pas ‘de l’état français’, pour les mettre aussi dans ces homes indiens. Ils y étaient battus, frappés, mis sur des dalles… Enfin, ce sont des choses dont vous pourriez dire qu’elles existaient aussi ‘chez nous’, dans la France hexagonale à cette époque-là. Ce sont des choses que les gens d’après-guerre pourraient raconter aussi. Effectivement, c’est sûr. Mais ce sont des choses qu’il faut souligner et ne pas oublier. Arracher un enfant à ses parents qu’il ne peut voir que deux fois par an, ne pas le nourrir convenablement, ne pas lui laisser accès à ce que les prêtres ont accès, la télé, les jeux, lui interdire de parler sa langue maternelle avec ses camarades, l’autoriser seulement à parler le français quand il est arraché de Surinam où il venait d’écoles où on parlait le néerlandais, c’est quand même très compliqué, c’est frustrant. Comme dans beaucoup de pensionnats de ce type-là, il y a aussi des sévices autres que psychologiques, physiques et parfois sexuels, comme dans beaucoup d’histoires des pensionnats du clergé. Malheureusement, nous n’avons pas de témoignage de cette personne, mais j’espère qu’un autre jour vous pourrez la voir, et nous avons son récit à Aukae, donc nous pourrons le diffuser. Je trouve que c’est important, aujourd’hui de vous parler de cela. [Elle montre une carte] Vous pouvez voir les différents ‘homes indiens’ de Guyane, il y en avait principalement cinq, mais vous en voyez d’autres encore.
Je ne suis peut-être pas la meilleure personne, ne l’ayant pas vécu, pour partager ce que ça pouvait être émotionnellement éprouvant d’être dans ces ‘homes’, mais je le dénonce. Ça existait aussi en France. Ça a existé de 1949 à 2012, mais ça a existé pendant des siècles aussi, puisque c’est depuis l’arrivée des colons qu’on essaie d’arrêter les sauvages sans éducation, qu’on essaie de les éduquer sous des prétextes multiples, mais au final, on ne leur donne pas les mêmes possibilités qu’à d’autres personnes. En les maltraitant et en créant cette assimilation, il y a eu énormément de frustrations au sein des populations Autochtones. Là, par contre, c’est mon témoignage, il y a des gens qui, après ces ‘homes’, n’ont pas voulu apprendre à leurs enfants à parler Kali’na, par exemple – je suis Kali’na, donc je me permets d’en parler – il y a des gens qui n’ont pas voulu apprendre à leurs enfants à parler leur langue maternelle, parce qu’ils avaient honte ! Il y a des gens, jusqu’à aujourd’hui, qui sont traumatisés, qui n’en parlent plus, ces gens-là sont traumatisés même s’ils n’en parlent pas. Aujourd’hui, heureusement, nous sommes dans une réappropriation culturelle. [Elle montre deux photos de pensionnats d’autrefois]. On voit bien des jeunes filles Kali’na en costume traditionnel, qui ont été arrachées à leurs familles, et là on voit comment on les a assimilées en les obligeant à mettre des vêtements ‘civilisés’.
Je remercie les personnes comme Ludovic Pierre, qui est à l’origine du collectif Makan, qui depuis plus d’un an réunit des jeunes militants comme moi, comme mon amie Taina qui est dans la salle, et comme mon autre amie qui n’est pas là, mais qui peut-être nous entend, et est une artiste Kali’na. Il y a un désir, pour répondre à ces ‘homes indiens’ aujourd’hui, de réappropriation identitaire, mais aussi culturelle, avec la réappropriation des arts, de la langue et de notre histoire, aussi. Notre histoire est très souvent effacée, vous n’entendrez jamais parler de l’esclavage des Amérindiens en Guyane, ou peut-être depuis très peu. Mais on n’en parle pas, nous ne sommes pas reconnus, ce sont avant tout les Afro-descendants et pas nous.
Encore aujourd’hui, beaucoup de choses sont remises en question, dans l’art ou dans d’autres domaines, même la musique. Comme si, finalement, ces milliers d’années que nous avons passées sur ces terres n’avaient servi à rien, n’avaient laissé aucune trace. Donc aujourd’hui, nous essayons de rétablir la vérité et nous essayons de montrer que nous sommes encore vivants et fiers d’être ici, fiers d’être sur ces terres, et nous les protégeons de toutes les manières possibles. Nous participons à des contre-congrès, comme des COP, par exemple, ou différents séminaires. Nous avons aussi de jeunes artistes, nous en présenterons une aujourd’hui, Clarisse Da Silva, qui participe aussi à cet activisme via l’art. Et donc je remercie tous ces jeunes, tous ces gens qui dénoncent au quotidien, qui parlent de la réalité des choses, et merci à vous aussi de nous écouter.
J’ai parlé de la réappropriation culturelle, identitaire, mais aussi des terres. Car je sais que vous savez, peut-être, qu’on parle beaucoup de l’environnement, et que chez nous aussi on souffre beaucoup, la terre souffre, et ce sont nos terres, celles de nos ancêtres. Même si nous avons du mal à nous la réapproprier, ça reste quand même la terre de nos ancêtres. Nos ancêtres sont enterrés dans ces terres, ils ont laissé des sépultures, ils ont laissé des vestiges. Il faut la protéger. Je dénonce aussi toutes ces grosses multinationales qui sont en train d’installer des mines à ciel ouvert et de nombreuses grosses centrales électriques qui nuisent à notre écosystème.
On parle du génocide humain qui est ignoré, du génocide culturel dont je vous ai parlé un peu, et aussi l’écocide, de nos jours, mais ça regarde tout un chacun, tout le monde ici, puisque nous vivons tous sur la même planète et malheureusement, elle va mal. Rien ne va plus, nous venons d’Amazonie et le poumon de la terre, actuellement, rejette beaucoup plus de CO2 qu’il n’en absorbe. Il faut faire quelque chose, il faut se réveiller.
Notre association lutte pour la protection de l’environnement mais aussi pour le rayonnement des arts et de la culture Kali’na. Alors n’hésitez pas à donner quelque chose pour continuer nos projets. Merci.
https://www.helloasso.com/associations/au-kae
***
Les 6 populations Autochtones de Guyane ‘Française’:
Kali’na; Lokono (ou Arawak); Palikur; Teko (ou Émerillon); Wayãpi; Wayana
Cliquer pour plus d’infos sur Wikipédia
Par Indigenous Action,
Automne 2021
Publié le 7 novembre 2021
Traduction Christine Prat
Le réchauffement climatique est une conséquence directe de la guerre contre Notre Mère la Terre.
À moins d’affronter les idéologies et les structures fondamentales qui précipitent cette crise et les liquider, nous nous condamnons, nous et les générations futures, à la non-existence. Les grandes corporations à but non-lucratif « Super Vertes » et les organisations soi-disant non-gouvernementales (y compris Autochtones) ont posé les conditions de contestation et de triage de cette crise de telle manière que, à travers les proclamations de prévoyance supposant montrer un meilleur futur devant nous, elles se manifestent comme un bref mirage superficiel qui nous renvoie l’image inévitable de notre propre extinction, ou d’une existence dans un paysage d’enfer désolé et décimé. Mais que peut-on attendre d’autre d’une série de tactiques systématisées qui ne nous font que tourner en rond ?
Contrastant avec la crise vraiment léthale, existentielle, à laquelle toute la terre et les espèces qui en dépendent sont confrontées, les tactiques actuelle de la Désobéissance Civile Non-Violente échouent précisément parce que ceux qui les emploient se méprennent systématiquement sur l’urgence de la catastrophe à l’horizon, et adoptent la sécurité de demi-mesures, dans leur prise de position, leurs tactiques, leurs analyses, leur stratégie et leurs structures, comme « protestation » qui se manifeste matériellement comme une acquiescence enjolivée, sous la forme toujours plus symbolique de manifestations et d’aventures, dans la zone de confort politique d’une marche vers une catharsis, come si ça allait empêcher les glaciers de fondre et des espèces entières de disparaitre. Cette vaine attitude de soi-disant « protection », « préservation » et d’accumulation de « pouvoir politique » (lobby) sert au contraire à renforcer l’état et son monopole de la violence, au lieu de les défier. On ne peut que supposer une psychologie derrière cet épuisement créatif et cet aveuglement conceptuel, ou plus simplement une réticence née de la peur d’être taxé d’ « alarmisme » ou d’être « trop radical ». Alors que presque tout le Mouvement Environnemental Néo-libéral pour la Justice Climatique (et on ne peut douter qu’il est « Néo-libéral » sauf à penser que le Capitalisme Vert et l’économie Verte signifient autre chose ?), a sonné l’alarme de la nécessité absolue d’un changement radical. Dans notre cas, en tant que Peuple Autochtone, nous avons sonné l’alarme depuis avant C. Colomb, entre nous, et pour les colons envahisseurs, en leur rappelant qu’on ne peut pas manger de l’argent.
Les tactiques du Mouvement pour la Justice Climatique sont limitées dans la mesure où elles sont exprimées fondamentalement comme une forme de lobbying agressif (aux niveaux National et International). Mais on ne peut pas s’attendre à beaucoup plus, quand elles produisent des stratégies visant à limiter les dégâts, par des réformes politiques et économiques, destinées aux gens, aux forces, aux pouvoirs, aux intérêts et aux institutions mêmes qui ont créé cette crise au départ. Bien que les apparences de problèmes systémiques comme le capitalisme et le colonialisme puissent être exprimées dans des communiqués de presse et écrites sur des banderoles dans les rues, les buts stratégiques qui les sous-tendent reposent sur la reconfiguration de l’ordre social dominant, vers un état-nation orienté plus écologiquement, conscient de l’environnement, contre la force totalisante et globale que sont le Capitalisme et le Colonialisme. « Une transition juste » est une stratégie de rédemption économique pour continuer à préserver des voies qui sont intrinsèquement non-durables ; on ne peut pas chasser le Colonialisme et le Capitalisme par du Lobbying, quels que soient les efforts qu’on fasse.
Le « New Deal Vert », comme sa parente l’ « Économie Verte », ont pour but de maintenir le projet colonial des Etats-Unis, et les relations capitalistes dont les intérêts reposent sur la spécificité de l’ « exploitation » (destruction) continuelle de la Terre entière – en empochant des bénéfices, bien sûr. Dans le cas du New Deal Vert, qui à bien des égards a conçu son propre enfant, le New Deal Rouge, qui, en plus de plagier, diriger et coopter le travail à long terme de Justice Climatique Autochtone – le « New Deal Rouge » de la Nation Rouge, donc, propose une réaction anticapitaliste et anticoloniale dramatiquement limitée, qui non seulement renforce l’industrialisation mais conduit finalement à une participation continue au Capitalisme lui-même, seulement « renommé » et « réformé », sous une Rubrique Socialiste « transitionnelle », qui conduit aux propositions de leur organisation Marxiste d’un état autoritaire « décolonisé », géré par les travailleurs, comme meilleure solution. Ainsi, tandis que nous mourons collectivement de l’air que nous ne pouvons pas respirer, de l’eau que nous ne pouvons pas boire – ou qui ont atteint un prix inabordable – ici et maintenant, nous sommes supposés attendre la construction d’une Utopie Socialiste de plus. Une utopie construite sur l’actuelle dystopie de déserts qui s’étendent et de catastrophes climatiques sur tous les continents. Du pouvoir nucléaire mortel au lithium et à l’extraction minière de terres rares, et à la privatisation de l’eau, les versions plus vertes de toute économie sont toujours la guerre contre Notre Mère la Terre et toute existence. Mais oui, pour sûr nous « pouvons programmer transitionnellement » notre sortie de tout cela, pas vous. Ce n’est pas une solution, même pas une intervention, encore moins une interdiction, dans ou sur le Capitalisme de Catastrophe Globale, c’est une pensée fantaisiste de groupe. C’est une mort par suicide accélérée.
NOUS NE VOULONS PAS D’UN ÉTAT COLONIAL FAVORABLE À L’ENVIRONNEMENT, NOUS CHERCHONS À ABOLIR SON EXISTENCE MÊME.
L’avant-garde des groupes de justice climatique Autochtones font du prosélytisme avec le récit de leur propre victimisation, dans des termes qui accroissent les fonds accordés à leurs corporations à but non-lucratif pour payer leurs salaires excessifs et des actions de protestation pour le climat, c’est-à dire des coups de Relations Publiques, avec une équipe juridique en réserve. Ceci pendant qu’ils rivalisent pour être sous les projecteurs et manifestent avec des célébrités pour obtenir une reconnaissance organisationnelle et une homogénéité de but populaire, sans parler de la standardisation de la stagnation tactique et stratégique.
L’assertion que nous protégeons 80% de la biosphère mondiale est devenue une variante de l’idée coloniale du « fardeau de l’homme Blanc », ici simplement changé en « fardeau du colonisé ». C’est la logique coloniale distordue de l’activisme climatique : réduire nos manières d’être et nos luttes continuelles complexes à des points de discussion, seulement pour prouver que nous méritons « un siège à la table », c’est le « Changement » par l’arithmétique, en se vendant mieux, en se labélisant et en faisant sa publicité. Par la cérémonie, et une myriade d’actions directes tactiquement dynamiques, nous protégeons toute l’existence – pas seulement des pourcentages. Notre pouvoir ne se trouve pas à la table du colonisateur, il se trouve et se rallume dans les flammes qui le consument.
En calculant que la résistance Autochtone à 20 projets de carburants fossiles a « stoppé ou retardé » des émissions de carbone équivalent approximativement à 25% des émissions annuelles des Etats-Unis et du KKKanada, les activistes climatiques révèlent le pouvoir de l’action directe, cependant ils assignent à leurs campagnes plus de crédit qu’elles n’en méritent. En particulier, en citant les pertes importantes causées à des projets comme le DAPL ou la Ligne 3 dans leurs rapports, les statistiques tendent à créer un climat d’optimisme illusoire, que nous considérons comme une voie pleine de danger et de mort. Si nous ne sommes pas honnêtes à propos des échecs de nos mouvements, à quoi sert de varier les tactiques, et, ce qui est plus important, l’ajustement de notre stratégie totale pour encore un changement de plus des statistiques ? Ça ressemble à un argumentaire de vente malhonnête et laisse de côté les discussions importantes de ce qui marche effectivement pour arrêter la catastrophe climatique. Ça fournit aussi la latitude pour que la prévention du changement climatique et les terribles catastrophes qui y sont liées, soient vus comme « optionnels ». Pas nécessairement existentiel, ce qui est pourtant le cas. Toutes les espèces qui résident sur cette planète sont littéralement menacées d’extinction et de destruction de masse. Nous ne sommes pas convaincus qu’il faille en faire un jeu de chiffres pour célébrer la perturbation de 25% d’une industrie, alors que nous avons perdu 98% des batailles dans une guerre avec de tels enjeux. En particulier quand ces campagnes d’activisme ont dépensé des centaines de millions, alors que des milliers d’entre nous sont en prison et trainés devant des tribunaux racistes. Nous ne sommes pas (entièrement) pessimistes, nous voulons avoir une discussion honnête sur ce qui marche et ce qui ne marche pas. La crise est urgente et le moment désespéré. Ce n’est pas « en suspens », les crises sont ici, maintenant, partout et à tout moment. Si nous nions les échecs et minimisons ou ignorons les leçons que nous pouvons en tirer, comment pourrions-nous changer et accroitre les stratégies et les tactiques plus efficaces ?
Il n’est pas de notre responsabilité de faire durer des modes de vie non-durables.
En fait, C’EST de notre responsabilité de les détruire. Leur entretient comme « durables » est le fardeau assumé de l’actuel mouvement pour la justice climatique, celui qui a terriblement besoin d’un changement radical en soi et pour soi, qui est devenu un projet du « fardeau du colonisateur », construit sur le génocide ininterrompu des colonisés, résonnant depuis le début de ces plus de 500 ans. Si nous ne souhaitons pas être des ennemis de Notre Mère la Terre, c’est à nous de changer, et d’être fidèles à nos responsabilités et à notre mutualité envers la Terre et d’agir en conséquence. Ça a toujours signifié que nous devons chercher à réaffirmer les modes de vies de nos ancêtres par des interventions spirituelles et pratiques (de cultiver notre nourriture à brûler leurs forteresses et tout ce qu’il y a entre les deux). C’est la tension entre l’harmonie et la discorde qui nous a toujours défiés dans ce monde.
Pour arrêter complètement ces mines, ces usines, ces barrages et ces oléoducs, nous devons bloquer la machine et les systèmes politiques qui les engendrent à la racine.
Notre pouvoir n’est pas sous les projecteurs avec davantage de porte-parole qui négocient notre reconnaissance et se produisent pour le public colonial. Il n’est pas limité à la parole des réseaux sociaux ou criée dans un mégaphone lors d’une manifestation autorisée. Notre pouvoir est dans les ombres projetées par les flammes de ce système brulant complètement, pendant que nous allumons une autre allumette.