Par Indigenous Action
19 mars 2020
Traduction française Christine Prat
En Español
« La fin est proche. Ou est-elle déjà venue et repartie auparavant ? »
– Un ancêtre
Pourquoi pouvons nous imaginer la fin du monde, mais pas la fin du colonialisme ?
Nous vivons le futur d’un passé qui n’est pas le nôtre.
C’est une histoire de fantaisies utopiques et d’idéalisation apocalyptique.
C’est un ordre social global pathogène de futurs imaginés, construits sur le génocide, l’esclavage, l’écocide et la ruine totale.
Quelles conclusions peuvent-elles être réalisées dans un monde construit d’ossements et de métaphores vides ? Un monde de fins fétichisées, calculées au milieu d’une fiction collective de spectres virulents. Des livres religieux aux distractions scientifiques fictionnalisées, chacun a imaginé une ligne temporelle si prédictible : début, milieu, et tout au bout, La Fin.
Inévitablement, dans ce récit, il y a un protagoniste combattant un Autre Ennemi (une appropriation de la spiritualité Afro-Haïtienne, un « zombie ? », et, attention au divulgâcheur : ce n’est pas vous ou moi. Tant de gens sont impatients d’être les seuls survivants de l’« apocalypse zombie ». Mais ce sont des métaphores interchangeables, ce zombie/l’Autre, cette apocalypse. Ces métaphores vides, cette linéarité n’existent que dans le langage des cauchemars, elles font immédiatement partie de l’imagination et de l’impulsion apocalyptiques. Ce mode de « vie » ou « culture », est une domination qui consume tout pour son propre avantage. C’est une réorganisation économique et politique pour coller à une réalité reposant sur les piliers que sont la compétition, de la propriété, et du contrôle, dans la poursuite du profit et de l’exploitation permanente. Ça professe « la liberté », mais ses fondements s’appuient sur des terres volées et sa structure même est construite avec des vies volées.
C’est cette « culture » même qui doit toujours avoir un Autre Ennemi, à blâmer, contre qui se plaindre, à affronter, à réduire en esclavage, et à assassiner.
Un ennemi moins qu’humain, afin que n’importe quelle forme de violence extrême ne soit pas seulement permise mais prévue de s’exercer contre lui. Si cette « culture » n’a pas d’Autre immédiat, elle en construit un méticuleusement. Cet Autre n’est pas créé par la peur mais sa destruction est forcée par elle. Cet Autre est constitué d’axiomes apocalyptiques et de malheur permanent.
Cette Autrification, cette maladie weitko [terme Autochtone signifiant à peu près ‘virus mental’, causant des conduites nuisibles, en particulier l’égocentrisme] est peut-être la plus symptomatique dans son stratagème le plus simple, celui de notre refabrication réduite au silence :
Ils sont sales, Ils ne sont pas adaptés pour pouvoir vivre, Ils sont incapables, Ils ne savent rien faire, Ils peuvent disparaître, Ils sont mécréants, Ils sont sans valeur, Ils sont faits pour servir nos intérêts, Ils haïssent notre liberté, Ils sont sans-papiers, Ils sont queer, Ils sont Noirs, Ils sont Indigènes, Ils sont moins que, Ils sont contre nous, jusqu’à ce que finalement, Ils n’existent plus.
Dans ce perpétuel mantra de violence constamment recadré, c’est Vous ou Eux.
C’est l’Autre qui est sacrifié pour une continuité immortelle et cancéreuse. C’est l’Autre qui est empoisonné, qui est bombardé, qui est abandonné sous les décombres.
C’est cette façon de non-être, qui a infecté tous les aspects de nos vies, qui est responsable de l’annihilation d’espèces entières, la pollution des océans, de l’air et de la terre, la déforestation par abattage et les incendies de forêts entières, les incarcérations de masse, la possibilité technologique que le monde finisse au cours d’une guerre, et l’élévation des températures à une échelle globale, c’est la politique mortelle du capitalisme, c’est une pandémie.
Une fin qui s’est déjà produite.
L’invasion physique, mentale, émotionnelle et spirituelle de nos terres, de nos corps et de nos esprits, pour coloniser et exploiter, c’est le colonialisme. Des voiliers ont vogué sur des vents empoisonnés et des marées sanglantes à travers les océans, poussés par une respiration courte et une impulsion de servage, des millions de vies ont été tranquillement éteintes avant même d’avoir pu nommer leur ennemi. 1492, 1918, 2020…
La fourniture couvertures de guerre bactériologique, le massacre de notre cousin le bison, les barrages sur des rivières qui donnaient la vie, la destruction de terres intactes, les marches forcées, l’emprisonnement selon des traités, l’éducation coercitive par la maltraitance et la violence.
Le quotidien de l’après-guerre, l’après-génocide, le marché de l’humiliation post-coloniale de notre lent suicide de masse sur l’autel du capitalisme ; travailler, toucher la paye, payer le loyer, boire, baiser, se reproduire, partir en retraite, mourir. C’est au bord des routes, c’est en vente dans les marchés ‘Indiens’, c’est servir à boire dans les casinos, refaire les stocks de Bashas [chaîne de supermarchés U.S.], ce sont de gentils Indiens derrière vous.
Ce sont les cadeaux de toutes les destinées manifestes empoisonnées, c’est cet imaginaire mis au futur que ceux qui nous ont capturés voudraient que nous perpétuions et auquel ils voudraient que nous participions. L’imposition de ce monde mort impitoyable était poussée par une utopie idéalisée comme Maison Charnelle, c’était ‘pour notre bien’, un acte de ‘civilisation’.
Tuer l’‘Indien’ ; tuer notre passé et notre avenir avec. ‘Sauver l’homme’ ; imposer un autre passé et avec, un autre futur.
Ce sont les idéaux apocalyptiques des violeurs, des racistes, des hétéro-patriarches. La foi doctrinaire aveugle de ceux qui ne peuvent voir la vie qu’à travers un prisme, un kaléidoscope brisé de guerre totale et sans fin.
C’est une vision apocalyptique qui colonise nos imaginations et détruit notre passé et notre futur simultanément. C’est une lutte pour dominer la signification humaine et toute existence.
C’est le futurisme de notre colonisateur, le capitaliste. C’est tout à la fois chaque futur jamais volé par le pillard, le causeur de guerre et le violeur.
La question a toujours été celle de l’existence et de la non-existence. C’est l’apocalypse, actualisée. Et la seule certitude est une fin mortelle, le colonialisme est la peste.
Nos ancêtres comprenaient que cette manière d’être ne pouvait pas être raisonnée ni négociée. Qu’elle ne pouvait pas être modérée ni sauvée. Ils comprenaient que l’apocalypse n’existe que dans l’absolu.
Nos ancêtres ont rêvé contre la fin du monde.
Beaucoup de mondes ont disparu avant celui-ci. Nos histoires traditionnelles sont étroitement liées au tissu de la naissance et de la fin des mondes. A travers ces cataclysmes nous avons appris beaucoup de leçons qui nous ont formés tels que nous sommes et nous ont appris comment être avec les autres. Nos manières d’être sont définies par le fait de trouver l’harmonie par et à travers la destruction des mondes. L’Elliptique. La Naissance. La Mort. La Renaissance.
Nous avons un nombre inconnu d’histoires innombrables sur le monde qui fait partie de nous. C’est le langage du cosmos, c’est le langage de prophéties gravées depuis longtemps dans les cicatrices des lieux où nos ancêtres ont rêvé. C’est la danse des fantômes, les Sept Feux, la naissance du Bison Blanc, les sept générations, c’est les cinq soleils, c’est écrit dans la pierre, près d’Oraibi, et au-delà. Ces prédictions ne font pas que prédire, elles ont été aussi des diagnostiques, et instructives.
Nous sommes les rêveurs rêvés par nos ancêtres. Nous avons traversé le temps entre les souffles de nos rêves. Nous existons en même temps que nos ancêtres et les générations à naître. Notre futur est tenu par vos mains. C’est notre mutualité et notre interdépendance. C’est notre relativité. Ce sont des plis dans nos mémoires, doucement pliées par nos ancêtres. C’est notre Temps de Rêve collectif, et c’est Maintenant. Alors. Demain. Hier.
L’imagination anticoloniale n’est pas une réaction subjective aux futurismes coloniaux, c’est un futur anti-colons. Les cycles de notre vie ne sont pas linéaires, notre futur existe sans le temps. C’est un rêve, non-colonisé.
Ce qu’est l’anti-futur Autochtone.
Nous ne nous préoccupons pas de comment nos ennemis appellent leur monde mort ni de comment ils nous reconnaissent ou admettent, nous et ces terres. Ça ne nous intéresse pas de retravailler leurs façons de gérer le contrôle ou d’honorer leurs défunts accords ou traités. Ils ne seront pas forcés de mettre fin à la destruction à laquelle leur monde est voué. Nous n’allons pas plaider auprès d’eux pour qu’ils mettent fin au réchauffement climatique, étant donné que c’est la conclusion de leurs impératifs apocalyptiques et que leur vie est construite sur la mort de Notre Mère la Terre. Nous enterrons l’aile droite comme l’aile gauche ensemble, dans la terre qu’ils sont si avides de consommer. La conclusion de la guerre idéologique de la politique coloniale est que les Peuples Autochtones doivent toujours perdre, à moins que nous ne nous perdions nous-mêmes. Les capitalistes et les colonisateurs ne nous mèneront pas hors de leurs futurs mortels.
L’idéalisation apocalyptique est une prophétie auto-réalisatrice. C’est le monde linéaire finissant de l’intérieur. La logique apocalyptique existe dans une zone spirituellement, mentalement et émotionnellement morte qui se cannibalise elle-même. Ce sont les morts qui se relèvent pour consumer toute la vie.
Notre monde vit quand le leur cesse d’exister.
En tant qu’Autochtones anti-futuristes, nous sommes la conséquence de l’histoire du futur du colonisateur. Nous sommes la conséquence de leur guerre contre Notre Mère la Terre. Nous ne laisserons pas le spectre du colonisateur, les spectres du passé, hanter les ruines de ce monde. Nous sommes l’actualisation de nos prophéties.
C’est la réémergence du monde des cycles.
C’est notre cérémonie.
Entre des cieux silencieux. Le monde respire à nouveau et la fièvre diminue.
Le sol est tranquille. Entendant qu’on écoute.
Quand il y a moins de distractions, nous allons là où nos ancêtres ont émergé.
Et leur/notre voix.
Il y a un chant plus ancien que les mondes ici, il guérit plus profondément que ce que la lame du colonisateur pourrait jamais atteindre.
Et là, notre voix. Nous avons toujours été des guérisseurs. C’est la première médecine.
Le colonialisme est une peste, le capitalisme est pandémique.
Ces systèmes sont anti vie, on ne pourra pas les forcer à se guérir.
Nous ne laisserons pas ces systèmes corrompus et malades récupérer.
Nous nous étendrons.
Nous sommes les anticorps.
++++
Addendum : Dans notre passé/votre futur, il y avait des attaques non systématiques, non linéaires, sur des infrastructures vulnérables comme la fourniture de carburant, les couloirs de transports, la fourniture d’électricité, les systèmes de communication, et d’autres, qui rendait le colonialisme de peuplement impossible sur ces terres.
- Notre organisation était cellulaire, elle ne demandait pas de mouvements formels.
- La Cérémonie était/est notre libération, notre libération était/est la cérémonie.
- Nous respections les enseignements sacrés, nos ancêtres et les générations à venir.
- Nous n’exigions aucune reconnaissance pour quoique ce soit. Nous ne publiions pas de communiqués. Nos actions étaient notre propagande.
- Nous célébrions la mort de la solidarité gauchiste et son romantisme apocalyptique myope.
- Nous ne demandions rien des capitalistes/colonisateurs.
Par Brenda Norrell
Photos ©Steve Pavey
Censored News
13 mars 2020
Traduction Christine Prat
Voir plus bas la traduction du discours de Naelyn au Congrès. Voir aussi mes interviews de Naelyn Pike et Wendsler Nosie Sr. de 2015, vidéos sous-titrées en français et article.
WASHINGTON, D.C. – Naelyn Pike, Apache du Bastion Apache, a témoigné lors d’une audition au Congrès pour Sauver Oak Flat, affirmant avec force que les Apaches ne se laisseraient pas réduire au silence et que les jeunes combattront pour leur futur.
« Je suis fière d’être membre du Bastion Apache » dit Naelyn jeudi [12 mars 2020]. « Par des massacres, la déportation forcée de nos terres, et en envoyant les enfants dans des pensionnats éloignés, les Etats-Unis ont essayé d’étouffer les voix Autochtones et de supprimer notre culture. Je suis ici aujourd’hui pour dire que la prochaine génération ne sera pas réduite au silence. La jeunesse Autochtone comprend que c’est sa responsabilité de rester fièrement unis et d’assurer que notre culture soit protégée pour nos enfants et les enfants de nos enfants. »
Naelyn Pike dit que des cérémonies Apaches avaient lieu sur la terre sacrée d’Oak Flat. Ce site sacré serait détruit par la mine projetée par Resolution Copper, en conséquence d’un accord conclut hors de l’attention du public par les Etats-Unis.
« Si Resolution Copper a la possibilité de développer cette mine à Oak Flat, mes futurs enfants et petits-enfants ne pourront jamais voir la beauté et sentir le pouvoir de Chi’chil Bildagoteel. Ils ne pourront jamais récolter les glands et les baies pour nourrir leurs familles. Ils ne pourront jamais utiliser les herbes médicinales pour guérir naturellement. Ils n’entendront jamais l’écho, ni ne verront jamais les silhouettes des Gaans dans les canyons. »
TEMOIGNAGE DE NAELYN PIKE AU CONGRES
Le Témoignage écrit de Naelyn Pike, responsable de la Jeunesse du Bastion Apache, pour le Sous-comité pour les Ressources Naturelles de la Chambre des Représentants pour les Peuples Autochtones des Etats-Unis, sur « Les Effets Environnementaux Irréparables et les Impacts Culturels du Projet de Mine de Resolution Copper », 12 mars 2020.
Je m’appelle Naelyn Pike, et c’est un honneur pour moi de témoigner aujourd’hui devant le Sous-comité, au nom de la jeunesse Apache. J’ai voyagé jusqu’ici, pour témoigner, de la Réserve Apache de San Carlos, dans le sud-est rural de l’Arizona. Je suis Apache Chiricahua, et ma famille vit dans ce qui est maintenant le Sud-est de l’Arizona, depuis des temps immémoriaux.
A la fin des années 1800, les Etats-Unis ont déporté par la force mon peuple de sa terre et ont conduit les Apaches à la Réserve, où ils ont été faits prisonniers de guerre. Alors que nous avons été forcés de quitter nos lieux sacrés à la pointe du fusil, ces sites n’ont pas perdu leur connexion spirituelle, culturelle et historique avec les Apaches. Au moins huit Clans Apaches et deux Bandes Apaches de l’Ouest ont une histoire prouvée par des documents, dans la région aujourd’hui connue sous les noms d’Oak Flat et d’Apache Leap.
Les gens de notre peuple ont vécu, prié et sont décédés dans la région d’Oak Flat et de la Forêt Nationale de Tonto depuis des siècles. Apache Leap doit son nom au fait que des guerriers Apaches ont préféré en sauter pour mourir plutôt que d’être tués par la Cavalerie des Etats-Unis. Ces lieux ont fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui.
Je suis ici aujourd’hui pour défendre ma terre, ma culture et mon foyer, au nom de la prochaine génération et des générations qui viendront après moi.
HISTORIQUE : En 2014, le Congrès a adopté la ‘Loi de Ré Autorisation pour la Défense Nationale’ (NDAA) [loi d’autorisation du budget de la Défense Nationale, qui devait absolument être adoptée, et à laquelle des Représentants Républicains ont ajouté une section qui n’avait rien à voir – NdT], dans laquelle a été inclue la Section 3003, ‘Echange de Terrains dans le Sud-est de l’Arizona’. Cette disposition donnait plus de 900 hectares de terre du Service des Forêts des Etats-Unis à Resolution Copper, un conglomérat étranger, en échange de terres en propriété privée, qui seraient gérées par le Service des Forêts et le Bureau de Gestion du Territoire.
La terre que le Congrès a donné à Resolution Copper inclut Chi’chil Bildagoteel, ou ‘Oak Flat’. Resolution Copper projette d’utiliser la technique d’explosion par blocs pour extraire le minerai du sous-sol. Ce projet détruira la zone et laissera un énorme cratère. Oak Flat sera détruit. Les sources naturelles et l’eau vitale seront pour toujours empoisonnées ou épuisées, et une infrastructure énorme, comprenant des pipelines, sera construite sous Apache Leap.
Je ne peux certainement pas exagérer à quel point ceci sera destructeur pour notre terre sacrée. Les Autochtones se sont battus sans relâche depuis 2005 pour essayer d’empêcher l’échange de terre d’entrer dans la loi. Malgré l’immense opposition tribale, environnementale et religieuse, le Congrès a introduit l’échange de terres dans la loi sur la NDAA [loi d’autorisation du budget de la Défense Nationale], qui devait absolument être adoptée, en 2014. Quand l’échange de terres est devenu loi, les Apaches et nos alliés n’ont pas cessé de combattre pour protéger notre terre.
La Loi Sauvez Oak Flat (H.R. 665 et S. 173) annule la Section 3003 et assure qu’il n’y aura pas d’activités minières destructrices dans notre terre sacrée.
La CONNEXION SPIRITUELLE
Chi’chil Bildagoteel est chez moi, c’est qui je suis et c’est où je suis libre d’être Apache. Les Apaches sont profondément liés à nos traditions et à la terre que nous appelons nôtre depuis que nous y avons été mis par Usen, le Créateur. Les Apaches viennent à Oak Flat pour participer aux cérémonies de la Terre Sacrée et de Danse du Lever du Soleil [Sunrise Dance : cérémonie de passage des jeunes filles à l’âge adulte], pour prier, pour récolter des herbes médicinales et des objets cérémoniels, et pour rechercher la paix et la purification personnelles.
Mon arrière-grand-mère et mes ancêtres vivaient le long de la crête d’Oak Flat et de la rivière qui coule du nord. Ils se sont battus pour conserver Oak Flat et Apache Leap. C’était chez eux, le lieu où Usen avait mis le Gaan pour apporter la bénédiction aux gens. Je ressens toujours une forte connexion spirituelle à notre Mère la Terre et à Usen quand je suis à Oak Flat.
C’est qui je suis et où je suis libre d’être Apache. Oak Flat, c’est où les Apaches peuvent pratiquer notre culture, se connecter avec nos ancêtres, et vivre la connexion spirituelle à la terre et au Créateur. Ce n’est pas seulement le vent sur mon visage ou mes pieds touchant le sol, ce sont les esprits qui parlent par le vent pour nous montrer qu’ils sont ici avec nous, et mes pieds qui éveillent la terre, pour dire aux esprits que nous sommes toujours là, et que nous continuons le combat, et ne sommes pas prêts à renoncer.
Quand je suis à Oak Flat, je vois avec quoi le Créateur nous a bénis et que Usen a touché ce lieu. Je le ressens dans mon cœur et je comprends pourquoi mon arrière-grand-mère et ses gens se sont battus pour Oak Flat et Apache Leap. C’est mon site sacré aussi. Usen a touché ces lieux sacrés et je suis ici pour que ce soit gardé.
Pendant toute mon existence, j’étais toujours ramenée à Oak Flat. Ma famille s’y rassemblait pour prier et pour des cérémonies. Quand c’était la saison des glands et des baies rouges, on m’emmenait à Oak Flat pour récolter notre nourriture traditionnelle. Avec ce que nous récoltions, nous pouvions nourrir nos familles. C’est comme cela que j’ai pu apprendre à être une jeune fille Apache et à vivre notre culture. Les glands, les baies et les plantes médicinales ne peuvent jamais être remplacés. Ils ne peuvent pas non plus être transportés dans un lieu différent. Usen a planté ces herbes et ces plantes à cet endroit, pour une raison précise.
Pour moi, Oak Flat est chez moi, et ce sera toujours chez moi.
CÉRÉMONIE DU LEVER DU SOLEIL [SUNRISE CEREMONY]. Oak Flat est un des lieux sacrés où les Apaches tiennent la cérémonie de passage appelée ‘Sunrise Ceremony’ pour les jeunes filles qui entrent dans leur âge de femme. La cérémonie commence quand une jeune fille va sur le lieu sacré et construit un wickiup, qui devient sa nouvelle demeure pour le voyage à venir.
Le premier jour de ma cérémonie, j’ai fait quatre pains Apaches pour l’homme-médecine et mes parrain et marraine. Ma marraine m’a aidée à m’habiller dans le costume traditionnel et est restée avec moi pendant toute la cérémonie. Le deuxième jour de la cérémonie, je me suis réveillée quand le soleil se levait. J’ai dansé et prié avec ma marraine, mon parrain, et mon compagnon près de moi. J’ai dansé pour le soleil, pour le Créateur. J’ai fermement frappé le sol de ma canne au tempo des tambours pour éveiller la montagne sacrée, les esprits et les Gaans – aussi appelés Anges – pour les ramener à la vie.
Sans le pouvoir des Gaans, les Apaches ne peuvent pas réaliser leurs cérémonies. J’ai éveillé les Gaans et dansé à leur côté, et les larmes coulaient sur mon visage. Le troisième jour, mon compagnon et moi dansions sous les quatre piliers sacrés. Ce jour est celui où je suis devenue la femme peinte en blanc. Mon parrain et les Gaans m’ont peinte avec la Glesh. Dans notre histoire de la création, la femme peinte en blanc est sortie de la terre, couverte de cendres blanches de la surface de la terre. Être peinte avec la Glesh représente la femme peinte en blanc et son entrée dans une nouvelle vie. La peinture moule et colle les prières et les bénédictions de la cérémonie sur moi. Mon visage étant complètement couvert, ma marraine a essuyé mes yeux avec un mouchoir. Une fois que mes yeux étaient ouverts, j’ai regardé le monde, plus comme une petite fille, mais comme une femme qui avait changé.
A la fin de ma danse, ma famille et mes amis m’ont félicitée. Nous avons tous pleuré, parce que je n’étais plus une petite fille, maintenant, j’étais une femme. Le dernier jour de ma cérémonie, ma grand-mère m’a déshabillée et m’a emmenée au cours d’eau pour me baigner. Pendant qu’elle lavait mes cheveux, un petit colibri vert a volé juste devant nous et a tourné au-dessus de nous jusqu’à ce qu’il s’envole vers le ciel. Je savais que c’était une grande bénédiction. J’ai remis mes vêtements de tous les jours et nous sommes retournées au camp. J’étais devenue une femme et je marchais dans les pas des jeunes filles Apaches qui l’avaient fait avant moi. Ma cérémonie n’est qu’une partie du mode de vie Apache. C’est notre droit à la liberté religieuse de pouvoir pratiquer ces cérémonies dans ces sites sacrés. Comment pourrions-nous pratiquer nos cérémonies à Oak Flat, si c’est détruit ?
Comment les futurs filles et garçons Apaches sauront-ils ce que c’est qu’être Apache, sauront-ils ce qu’est notre foyer quand il aura disparu ?
L’IMPACT SUR LA JEUNESSE
Je suis fière d’être membre du Bastion Apache et de résister, et de faire entendre ma voix au nom des Apaches et d’autres jeunes Autochtones. Les jeunes résistent aujourd’hui pour protéger notre culture et un mode de vie qui a été attaqué depuis trop longtemps. Par des massacres, par la déportation forcée et en envoyant les enfants dans des pensionnats éloignés, les Etats-Unis ont essayé d’étouffer les Voix Autochtones et d’annihiler notre culture. Je suis ici aujourd’hui pour dire que la prochaine génération ne sera pas réduite au silence. La jeunesse Autochtone comprend que c’est maintenant notre responsabilité d’être fièrement unis et d’assurer que notre culture sera protégée pour nos enfants et les enfants de nos enfants.
Si Resolution Copper a la possibilité de développer la mine à Oak Flat, mes enfants et petits-enfants à venir ne pourront jamais voir la beauté et ressentir la puissance de Chi’chil Bildagoteel. Ils ne pourront jamais récolter les glands et les baies pour nourrir leurs familles. Ils ne pourront jamais utiliser les herbes médicinales pour guérir naturellement. Ils n’entendront jamais l’écho et ne verront jamais les silhouettes des Gaans dans les canyons.
Ils ne pourront jamais ressentir la connexion de la Voie de Usen de la façon dont je la sens aujourd’hui, si Resolution Copper est autorisé à détruire Oak Flat. Dans la Déclaration d’Impact Environnemental, la Forêt Nationale de Tonto parle du mode de vie Apache au passé, comme si c’était de l’histoire ancienne. J’espère que le Congrès comprend que le mode de vie Apache n’est pas seulement de l’histoire, mais aussi le présent et le futur. Nous sommes vivants et nous respirons encore. Notre culture et nos traditions sont tout à fait vivantes, et nous prions chaque jour pour que ça continue.
CONCLUSION
La Déclaration d’Impact Environnemental montre clairement que le projet de mine de Resolution Copper détruira la région d’Oak Flat. La technique d’explosion par blocs annihilera la nature du terrain, son écologie et ses pouvoirs sacrés, pour toujours. Le Congrès a la possibilité d’ouvrir une voie entre les nations tribales et le gouvernement fédéral, pour construire une vie meilleure pour notre peuple et être à la hauteur de sa responsabilité de protecteur. Ce pays a été créé pour que les citoyens croient au Rêve Américain. En tant que prisonniers des Etats-Unis, les Autochtones ont été exclus de ce rêve. Ce rêve continue d’esquiver les Autochtones jusqu’à ce jour. Nous combattons toujours pour exercer nos droits selon le Premier Amendement et notre culture. Notre droit religieux a été rayé par la Section 3003. Le Congrès a le pouvoir de faire la différence. Je demande instamment au Comité et au Congrès dans son ensemble de soutenir la jeunesse Autochtone, de réagir pour notre culture et de rendre la justice aux Autochtones.
Présentation par Leona Morgan English
Also on Censored News
16 février 2020
Rédaction et traduction Christine Prat
Leona Morgan, activiste anti-nucléaire Diné, était invitée par le CSIA-Nitassinan le 16 février 2020. Elle a parlé de son travail, du colonialisme nucléaire et de ses dégâts historiques et présents sur les gens de sa communauté, ainsi que des actions entreprises et à entreprendre pour résister.
Vous trouverez sur ce site plus d’informations sur l’action de Leona et sur sa visite à Bure, en mai 2020 (un site d’enfouissement de déchets nucléaires est également prévu au Nouveau Mexique, où elle vit).
La Nation Navajo [autrefois la « réserve »] et ses environs ont été particulièrement touchés par les mines d’uranium et les industries nucléaires.
[P.S. : cliquer sur les cartes et images pour les voir en grand format, lisible]
Leona a commencé sa présentation en montrant une photo de Monument Valley, une image célèbre dans le monde entier, étant donné que beaucoup de ‘Westerns’ y ont été tournés. C’est aussi où l’uranium a commencé à être exploité dans les années 1940, sans que les habitants soient informés ou protégés des radiations. Les mines y ont été développées sans discontinuer tout au long de la Guerre Froide.
Leona a ensuite donné une définition du colonialisme nucléaire, un terme créé par Winona La Duke et quelques autres. Leona expliqua : « Le colonialisme nucléaire peut être expliqué simplement comme la manière systématique par laquelle les gouvernements ont exploité et détruit les terres de Peuples Autochtones, pour utiliser l’uranium d’abord pour fabriquer des armes nucléaires, puis, aujourd’hui, pour produire de l’énergie nucléaire. C’est une forme de racisme institutionalisé, et également de racisme environnemental. C’est aussi le colonialisme nucléaire qui a causé l’irradiation et de graves dommages aux gens par les tests de bombes atomiques. »
Elle dit aussi « à l’échelle mondiale, la plupart des mines d’uranium sont exploitées sur les terres de Peuples Autochtones. Nous n’avons pas de chiffres exacts, mais nous estimons que 70% des mines d’uranium exploitées sont sur des terres Autochtones. Beaucoup de tests d’armement étaient également réalisés sur les terres de Peuples Autochtones. » [Ne pas oublier que la France testait ses bombes atomiques à Reggane, Algérie, en territoire Touareg, jusqu’en 1967, puis à Mururoa et Fangataufa, en Polynésie ‘Française’. Puis, la compagnie nationale Framatome – qui a changé de nom à plusieurs reprises, pour s’appeler entre autres AREVA – a détruit le territoire Touareg dans le nord du Niger].
Leona a aussi souligné que la plupart des tests de bombes atomiques avaient eu lieu dans le territoire – non-cédé – des Shoshone de l’Ouest, dans le Nevada. Lorsque les médias en parlent, ils disent toujours le ‘Désert du Nevada’, oubliant de préciser que le territoire est toujours celui de communautés Autochtones, principalement Shoshone, mais il y en a d’autres, en particulier une petite réserve Paiute, proche du site de tests.
Leona : « Plus de 900 tests ont eu lieu dans cette zone », « et je tiens à dire qu’un de mes amis [ami commun – Ch. Prat], Ian Zabarte, explique qu’en tant qu’Autochtones, ils ne peuvent pas retourner dans leur pays, à cause des radiations. » [Au début des années 1960, les Etats-Unis ont aussi testé des bombes sur l’Ile de Bikini, qui est toujours inhabitable aujourd’hui. Curieusement, le nom est devenu célèbre comme maillot de bain sexy et comme chanson populaire idiote].
Sur l’histoire du colonialisme nucléaire, Leona dit qu’elle allait « partir des débuts du phénomène par lequel le racisme et le génocide sont devenus la loi. Il y a un document élaboré en 1493, appelé ‘La Doctrine de la Découverte’. Je me demande combien d’entre vous ont entendu parler de ce document ? [Des gens dans l’auditoire lèvent la main]. La plupart du temps peut-être une ou deux personnes lèvent la main, il y en a beaucoup plus ici, c’est magnifique ! » Elle expliqua que le document – en fait, une ‘Bulle Papale’ – avait été créé en Europe afin d’accorder la bénédiction de l’Eglise au colonialisme : « C’était un document élaboré en Europe, qui a fondamentalement ouvert la voie à la colonisation de terres dans d’autres parties du monde. Et c’est ce qui a autorisé divers pays à s’emparer de terres, à s’emparer de gens, à réduire des gens à l’esclavage et à tuer des gens. L’idée était que les Autochtones ne sont pas vraiment humains, que nous sommes moins qu’humain, et que par conséquent, c’est normal de prendre notre pays et de commettre un génocide, au nom, à l’époque, du Christianisme ou pour promouvoir l’influence de l’Eglise. C’est toujours normal aujourd’hui, parce que nous n’avons pas de droits comme les autres, que nous ne sommes pas humains, c’est l’idée derrière cela. Alors, pour en revenir aux Etats-Unis, ce document a aussi été utilisé comme base pour fonder les Etats-Unis et d’autres pays. »
Elle décrivit ensuite les différentes périodes de la politique des colons européens envers les Amérindiens : « Au début – lors de la fondation des Etats-Unis – ils ont établi ce qu’on appelle les périodes fédérales sur les Indiens. Ainsi, aux Etats-Unis, au début, la première période ‘Indienne’ était l’Elimination. Donc, quand les colons sont arrivés, ils voulaient conquérir plus de terre. Pour ‘nettoyer’ le pays, c’est-à-dire le nettoyer des gens qui s’y trouvaient, ils ont instauré un génocide légalisé. Il y avait aussi le ‘Déplacement’ – ou ‘déportation’ – qui voulait dire repousser les Autochtones vers l’ouest. Beaucoup plus tard, ils ont inventé ce qu’ils appellent l’Assimilation, qui consistait à enlever les enfants Autochtones pour les mettre dans des écoles occidentales, où ils étaient forcés de parler anglais et de changer leur mode de vie ». Aux Etats-Unis comme au Canada, les enfants étaient enlevés – kidnappés – à leurs familles et mis dans des Pensionnats Indiens où ils étaient maltraités – quasiment torturés – et beaucoup d’entre eux n’y survivaient pas. Récemment, beaucoup d’Autochtones des Etats-Unis et du Canada ont commencé à parler de l’histoire de leurs parents dans ces écoles, et ont réussi à atteindre les médias et les autorités. [La même chose a existé, jusqu’à fort récemment, en Guyane ‘Française’].
Puis, Leona a cité d’autres ‘outils’ utilisés pour la colonisation, comme les chemins de fer et les mines, et la création de ‘gouvernements tribaux’ : « Il y a eu aussi la création de ce que nous appelons ‘gouvernement tribaux’, tout à fait du type de gouvernement occidental, pas du tout naturel pour nos peuples. Ces gouvernements de style occidental ne servent pas souvent à promouvoir la volonté de la communauté, mais sont la plupart de temps des marionnettes du gouvernement fédéral. » Elle ajouta : « Au début, ils étaient des marionnettes des Etats-Unis, mais aujourd’hui, ils s’orientent vers la décolonisation. Ces gouvernements à l’occidentale, ont commencé par se préoccuper de capitalisme et de choses qui n’avaient rien à voir avec nos traditions. Mais dans les 50 dernières années, il y a eu beaucoup de changement, les gouvernements tribaux ont commencé à adopter leurs propres lois, pour protéger nos traditions, nos sites sacrés et nos droits humains, et cette tendance s’accentue. »
Pour les Européens qui croient que la plupart des Autochtones des Etats-Unis ont disparu, (‘tous tués par John Wayne’) elle dit : « Je tiens à vous rappeler qu’actuellement, aux Etats-Unis, il y a des centaines de Peuples Autochtones. En Amérique du Nord – que nous appelons l’Ile de la Tortue – il y a de très nombreuses Nations Autochtones, qui vivent toujours et parlent leurs propres langues, et suivent toujours nos traditions. Et bien sûr, il y a aussi de nombreux Peuples Autochtones en Amérique du Sud et d’autres régions du monde, qui continuent de mettre en pratique leurs cultures, jusqu’à aujourd’hui. Aux Etats-Unis, il y a 573 Nations reconnues par le gouvernement fédéral. »
Puis, elle dit que, dans sa présentation, elle allait surtout parler de sa propre communauté, la Nation Navajo, et des peuples voisins, aux alentours, des tribus connues sous le nom de ‘Pueblos’, qui sont aussi touchés par l’exploitation d’uranium et autres activités nucléaires.
Elle a commencé par expliquer où vit sa communauté, et la différence entre ce qui s’appelle maintenant la Nation Navajo (à l’origine, la Réserve) et le pays traditionnel des Diné, entre les quatre montagnes sacrées.
Puis elle a parlé de la question du transport – du minerai d’uranium, de l’eau radioactive, des déchets nucléaires – un problème qui a conduit des activistes Navajo à créer la campagne Haul NO! La carte a été distribuée et passée parmi l’assistance:
Puis, elle a « expliqué un peu plus ce qu’implique la différence entre le gouvernement à l’occidentale et les gens traditionnels. C’est très important de comprendre que nous nous appelons ‘Diné’, mais que notre gouvernement est appelé ‘Navajo’. Être Diné et vivre comme un Diné, c’est continuer la façon dont nos ancêtres vivaient. La communauté, chez nous, est plus concernée par la protection de Notre Mère la Terre, parce que c’est où nous vivons, et si nous blessons notre Mère, nous souffrirons aussi. Cependant, la Nation Navajo comme mode de gouvernement, a été créée par des forces extérieures et s’est surtout préoccupée de développement économique. Ça impliquait l’extractivisme, l’exploitation des ressources, comme on peut le voir sur le drapeau de la Nation Navajo, avec des forages de pétrole et autres formes de développement économique.
Bien que le sujet de son intervention soit l’extraction d’uranium, elle a tenu à mentionner d’autres types d’extractions qui affectent la Nation Navajo, par-dessus tout, les mines de charbon et les centrales au charbon, mais aussi la fracturation hydraulique pour le gaz et le pétrole. « Il y a de très nombreuses communautés, sur la ligne de front, qui sont touchées directement par les diverses formes d’extraction de ressources. » Elle fit remarquer que la stratégie des gens de la communauté était très différente de celle des grandes ONG. Elle ajouta : « Je parle aujourd’hui en tant qu’Autochtone qui travaille sur ces problèmes, mais je ne me considère pas comme écologiste. Je suis une Autochtone qui s’efforce de protéger nos terres et notre culture Diné. » Elle expliqua en quoi les écologistes diffèrent des Diné : « Le point de vue de beaucoup d’écologistes est qu’ils sont séparés de l’environnement, alors que nous voyons la Terre comme notre Mère, nous protégeons la Terre comme entité vivante, qui respire. Donc, nous faisons partie de la Terre, nous sommes du sol, nous considérons les éléments et les lieux sur terre comme sacrés. Nous considérons que le charbon est le foie de notre Mère, l’eau est son sang, et c’est pareil pour l’uranium, il fait partie de notre Mère et ne devrait pas être extrait, mais laissé dans le sol. L’endroit d’où je viens est aussi touché par beaucoup de fracturation hydraulique. Certains d’entre vous connaissent peut-être le Canyon de Chaco [site archéologique très important], c’est aussi menacé par la fracturation. »
Les mines d’uranium en territoire Navajo
« Maintenant, je vais parler des mines d’uranium. N’oubliez-pas que là où il y a des mines d’uranium dans le territoire de mon peuple, il y a aussi des mines de charbon et de la fracturation. Combien d’entre vous sont conscients des utilisations de l’uranium ? Comprenez-vous pourquoi l’uranium est utilisé ? [Tout le public lève la main]. Souvent, les gens ne comprennent pas que l’uranium est utilisé aussi bien pour les armes – pour l’impérialisme et l’oppression – et pour l’énergie, qui est maintenant un grave problème, à cause du changement climatique. Et maintenant, c’est une année importante, parce que c’est le 75ème anniversaire du premier essai de bombe atomique, suivi par le largage de deux bombes atomiques sur le Japon. Le premier test nucléaire a eu lieu au Nouveau Mexique le 16 juillet 1945. Je vis au Nouveau Mexique et ma famille y vit depuis de très nombreuses générations. » « Mon peuple vit ici, dans cette région, en Arizona et au Nouveau Mexique. Il y a de l’uranium dans le Wyoming, le Dakota du Sud et au Texas aussi. Dans les années 1940 jusque dans les années 1980, l’uranium était surtout utilisé pour les armes. A l’époque de la fabrication des armes, les Etats-Unis exploitaient l’uranium dans tout le pays et n’avaient aucune loi sur la décontamination des mines. Une des lois sur les mines du 19ème siècle favorisait la colonisation des Etats-Unis. Cette loi est toujours utilisée et n’a jamais exigé la décontamination des mines. Alors, aujourd’hui, il y a plus de 15000 mines d’uranium abandonnées aux Etats-Unis. Il y a au total 600 000 mines de divers minerais, mais 15000 sont des mines d’uranium. » [Il y a aussi des mines d’uranium abandonnées en France, en particulier dans le Limousin, personne ne sait si elles ont été décontaminées, on n’en a jamais parlé. A l’époque, les gens manifestaient contre les centrales nucléaires, mais personne ne semblait savoir qu’il y avait aussi des mines].
La plupart des mines d’uranium sont dans une région entre le sud de l’Utah et du Colorado, et il y a aussi une zone très impactée au Nouveau Mexique, près de la Montagne Sacrée Mount Taylor, Tsoodził, près de Grants.
Puis Leona explique que l’uranium venait au départ des profondeurs de la terre et se déplaçait naturellement vers la surface. Ça se passe, évidemment, sur des millions d’années, mais à cause de l’extractivisme, le mouvement est anormalement accéléré. Quand il pleut, l’uranium peut toucher les cours d’eau dans les endroits où des gens vivent.
« Dans notre Nation Navajo, sur les terres de notre peuple, nous avons 523 mines d’uranium abandonnées. » Le gouvernement tribal, qui travaille avec le gouvernement fédéral, dit avoir nettoyé environ 200 mines. Le travail a été interrompu à cause de manque de fonds, le nettoyage s’étant avéré beaucoup plus cher que ce qu’ils avaient estimé au départ. Leona : « Ils ont essayé de retrouver les entreprises et de les faire payer. Beaucoup n’existent plus, certaines ont été rachetée par des grandes compagnies comme General Electric. Quand le gouvernement fédéral ou la tribu retrouvent ces compagnies, ils les tiennent pour responsables de payer pour une partie des vieux dégâts. Mais j’ai appris, il y a 15 jours, qu’environ 200 mines avaient été nettoyées, mais qu’il n’y a plus d’argent pour les 300 qui restent. »
Leona dit aussi que les mines ne sont qu’une partie du cycle du carburant nucléaire, la première. La seconde est le traitement. « Une usine de traitement est beaucoup plus sale qu’une mine, parce qu’ils utilisent des produits chimiques pour séparer l’uranium du minerai. » Actuellement, il n’y a plus qu’une usine de traitement encore en activité aux Etats-Unis, dans le sud de l’Utah, sur les terres des Utes de Ute Mountain.
La catastrophe de Church Rock de 1979
Puis, Leona a parlé de la Catastrophe de Church Rock, la plus grande catastrophe nucléaire de l’histoire des Etats-Unis. Les médias n’en n’ont pratiquement pas parlé, alors qu’ils faisaient des gros titres, des émissions, et un film avec Meryl Streep, sur l’accident de Three-Miles-Island, survenu la même année. « Le 16 juillet, le même jour que le test de Trinity, mais en 1979, il y a eu un accident à l’usine de traitement. » Il y avait deux mines d’uranium, qui ont été exploitées des années 1950 à la fin des années 1970. Le minerai d’uranium était traité à l’usine, juste à côté. L’usine produisait beaucoup de déchets, et les déchets liquides étaient entassés dans un bassin de rétention. « Le bassin de rétention était fermé par une digue d’argile. Il y avait des fissures dans la digue, la compagnie le savait, mais continuait à y entreposer les déchets. A environ 5h30 du matin, le 16 juillet 1979, la digue s’est rompue. Plus de 350 millions de litres de déchets radioactifs se sont déversés dans un fossé qui menait à la rivière Puerco. Elle est normalement sèche, il y a rarement de l’eau. Mais quand l’eau radioactive s’est déversée du bassin de rétention, elle a coulé jusqu’à au moins 160 km en Arizona. » La région est toujours polluée. En juillet 2015, un chercheur Navajo, Tommy Rock, de l’Université de Flagstaff, a découvert que l’eau ‘potable’ d’une communauté Navajo à Sanders, à la frontière entre l’Arizona et le Nouveau Mexique, était radioactive. Exceptionnellement, le Rio Puerco avait de l’eau en 2015. La région de la vieille usine est contrôlée par l’EPA [Agence pour la Protection de l’Environnement], mais l’eau de la rivière n’avait jamais été contrôlée.
Le combat de Leona contre les mines d’uranium
Leona a commencé par combattre une nouvelle mine d’uranium en 2007. La nouvelle mine était située près de la petite ville où vivait sa famille, [Crown Point, voir carte à la fin de l’article] . La compagnie disait vouloir utiliser une nouvelle technique d’extraction, appelée en français ‘lixiviation in situ’, en anglais ‘leaching’ qui signifie ‘infiltrer’. Ils prétendaient que c’était beaucoup mieux que les mines explosées à ciel ouvert d’autrefois, qui envoyaient des nuages radioactifs sur des kilomètres. En fait, cette ‘nouvelle’ technique consiste en l’infiltration de produits chimiques (toxiques) dans les nappes aquifères, à travers les roches, afin de dissoudre le minerai d’uranium. Naturellement, le minerai d’uranium ne se dissout pas dans l’eau. Après infiltration de produits chimiques, l’uranium se dissout dans l’eau, qui est pompée et filtrée. Et l’eau souterraine est donc radioactive. Les activistes ont heureusement pu bloquer le projet. (Mais il faut se souvenir que, souvent, les projets d’extraction d’uranium sont bloqués parce que le prix de l’uranium est trop bas sur le marché mondial. Beaucoup de mines qui ont obtenu depuis longtemps un permis d’exploiter attendent encore que le cours de l’uranium remonte). Cependant, Leona est optimiste grâce à cette victoire, elle dit « Nous croyons que si nous pouvons arrêter l’exploitation de mines d’uranium, nous pouvons aussi bloquer la fabrication d’armes nucléaires et d’énergie nucléaire. »
Mais elle fit remarquer que même après la décontamination, le sol n’est plus jamais le même. Et ce changement ébranle tout leur mode de vie. Dans la communauté de Church Rock, les moutons ont été touchés aussi, et les Navajos mangent beaucoup de viande de mouton. Des étudiants Diné font des recherches sur les effets des radiations et recommandent de ne manger que la viande, mais pas les abats – ce qui est assez courant, et délicieux ! « Donc, on peut se rendre compte que le problème ne concerne pas seulement l’environnement, mais aussi la souveraineté alimentaire et la justice reproductive et beaucoup d’autres problèmes. »
La création du Projet de Contrôle des Radiations (« Radiation Monitoring Project »)
Leona a donc mis en route un projet appelé ‘Projet de Contrôle des Radiations’, qui est essentiellement un projet éducatif. Elle explique : « La partie du travail que je fais le plus est l’éducation populaire. » Le groupe a dû collecter des informations et faire des schémas et des images montrant comment les radiations pénètrent dans le corps. Les radiations touchent surtout les femmes et les enfants, et plus que tous, les enfants à naître. Pour le Projet de Contrôle des Radiations, ils organisent des collectes pour acheter des compteurs Geiger que les gens peuvent emprunter pour aussi longtemps que nécessaire pour mesurer le taux de radiations dans leur communauté. Les cours qu’ils donnent sont faits spécialement pour chaque communauté, selon ses besoins. Certaines communautés sont touchées par des mines d’uranium, d’autres par des réacteurs nucléaires ou par une usine de traitement de l’uranium. Le travail d’information et les outils sont dispensés gratuitement.
Combattre tout le cycle du carburant nucléaire
« Nous avons beaucoup parlé de l’extraction d’uranium du passé, qui servait à faire des armes, mais maintenant il y a beaucoup, beaucoup de nouvelles menaces venant du nucléaire. » Leona montra une photo de la Montagne Sacrée du Sud pour les Navajos, le Mont Taylor, qu’ils appellent Tsoodził. La montagne est également sacrée pour tous les Peuples Autochtones de la région. Les Acomas, qui vivent tout près, l’appellent ‘Kaweshti’. C’est une des communautés les plus proches de la montagne. Ils en dépendent pour l’eau qui en descend et alimente leur seul cours d’eau. La zone est pleine de mines abandonnées. En ce moment, il n’y a pas d’extraction d’uranium au Nouveau Mexique, mais il y a des propositions de deux mines d’uranium sur le Mont Taylor [AREVA a été impliqué]. Un autre projet minier près d’un site sacré est la Mine du Canyon, en Arizona, près du Grand Canyon. La compagnie de Canyon Mine, Energy Fuels, a aussi un projet appelé ‘Roca Honda’ sur le Mont Taylor. [Energy Fuels opère aussi l’usine de traitement de White Mesa, en territoire Ute].
La Campagne ‘Haul NO!’, ‘NON au Transport !’
En 2015, des activistes anti-nucléaire ont démarré une campagne appelée ‘Haul NO!’, qui signifie ‘Non au transport’, mais, en anglais, ressemble à l’expression ‘Hell, NO!’ La campagne concernait le transport d’uranium de la Mine du Canyon à l’usine de traitement en Utah, à travers la Nation Navajo. Leona dit : « Nous avons travaillé avec des gens de différents peuples Autochtones, au cours de cette campagne. C’est un combat dirigé par des Autochtones avec le soutien de nombreux alliés non-Autochtones, des supporters et d’autres gens. » L’essentiel de la campagne était de faire prendre conscience et créer de l’action. Les participants sont partis de l’usine dans l’Utah. Ils se sont arrêtés dans les communautés et ont fait des conférences en route. Beaucoup de gens ont pris conscience du problème grâce à cette campagne. La compagnie a prétendu qu’elle ne transportait pas d’uranium, mais les activistes les ont pris sur le fait. Ils ont aussi fait une vidéo montrant la réalité de ce qui se passe à Canyon Mine :
La campagne a reçu le soutien du Sierra Club, mais la compagnie n’a pas eu de problèmes. « L’agence gouvernementale a changé le permis pour y inclure [ce qui avait été révélé]. La mine n’est qu’à 10 km du Grand Canyon. La communauté Havasupai, qui vit au fond du Grand Canyon, dépend de l’eau qui y ruisselle et craint que les sources ne soient contaminées. Et leur site sacré, Red Butte, n’est qu’à 6,5 km de la mine. Ils utilisent aussi le site et les sources d’eau pour des cérémonies.
LE WIPP AND LE WCS
Le WCS est une décharge pour les déchets faiblement radioactifs, au Texas, à la frontière avec le Nouveau Mexique. La compagnie veut construire une nouvelle décharge pour accueillir environ la moitié des déchets des centrales nucléaires de tous les Etats-Unis. Le WIPP est un Projet Pilote pour l’Isolation des Déchets (Waste Isolation Pilote Project). Maintenant, le combat principal est contre la compagnie Holtec. Ils essaient de construire une décharge pour toujours plus de déchets. Holtec achète des déchets pour les recycler ou les enrichir, pour faire de l’argent. Les autorités du Nouveau Mexique sont contre les décharges, mais des amis de la compagnie essaient de faire changer la loi au Congrès. Le Nouveau Mexique n’a que deux Sénateurs et trois Représentants au Congrès, ce qui veut dire qu’ils n’ont pas beaucoup de pouvoir politique. Cependant, les opposants ont un réseau national d’activistes qui travaillent ensemble. Ce qui se passe aux Etats-Unis et dans beaucoup d’autres pays qui ont l’énergie nucléaire, c’est que ça produit beaucoup de déchets et nulle part où les mettre. Leona parla de sa visite à Bure, sur l’invitation de Pascal Grégis, du CSIA, ainsi que de ses visites à des amis Allemands qui luttent aussi contre les déchets nucléaires. Elle dit : « Ce à quoi nous devons tous travailler, c’est de faire qu’on arrête de produire des déchets nucléaires, qu’on arrête de fabriquer des bombes nucléaires, qu’on arrête de produire de l’énergie nucléaire, qu’on arrête d’extraire de l’uranium, et ceci va demander beaucoup de travail en commun. » Malheureusement, il y a actuellement beaucoup de divisions dans ce combat, la lutte contre les armes est séparée de celle contre l’énergie civile. De plus, « en tant que Peuples Autochtones, nous devons aussi faire face au racisme et à d’autres problèmes quand nous parlons de colonialisme nucléaire. »
Un autre problème est le changement climatique. Les dirigeants Occidentaux et les entreprises prétendent que l’énergie nucléaire est sans carbone, ce qui est faux. « Ils ne prennent en compte que le réacteur et disent ‘ce n’est que de la vapeur, pas du carbone’. Ils ne prennent pas en compte l’extraction, le traitement, l’enrichissement et toutes les autres étapes de la production de carburant nucléaire. Ils ne prennent pas en compte le transport, ni le stockage des déchets, qui sont radioactifs pour des millions d’années. »
En conclusion, Leona dit que nous devions imaginer une façon de pousser au changement. Et que cela ne peut se faire qu’en connaissant les problèmes et en connaissant et en informant les communautés directement touchées.
« Nous devons nous soutenir, dans la solidarité, et nous unir pour combattre tous ensembles. Et pour cela, il est très important de respecter les cultures de tous. Je pense qu’en travaillant ensemble, nous pourrions nous comprendre et ça peut se faire en partageant nos histoires et nos expériences. Pour la protection des sites sacrés, la protection de l’eau, la protection de la vie, et pour les générations futures. »
Text Leona Morgan and Christine Prat En français
February 16, 2020
Also published on Censored News
Leona Morgan, a Diné [Navajo] antinuclear activist, was invited by the CSIA-Nitassinan on February 16th, 2020. She talked about her work, nuclear colonialism, historical and present impacts of uranium on the people of her community, actions that have been undertaken and actions to be undertaken in order to resist.
You can find on this site more information on Leona’s work and on her visit in 2019 to Bure, France, where a waste burial site is being dug. (A waste burial site is also planned in New Mexico, where she lives). The Navajo Nation [“reservation”] and the surroundings, have been particularly impacted by uranium mines and other nuclear industries.
[Click on maps and photos to see them in larger, readable format]
Leona started her presentation by showing a picture of Monument Valley, a world-famous image, as many movies, especially ‘Western’ movies, were made there. This is also where uranium was first mined in the Navajo Nation, in the 1940’s. Mining developed continuously during the Cold War time.
She then gave a definition of nuclear colonialism, a term first created by Winona La Duke. Leona explained “Quite simply, nuclear colonialism can be explained as a systematic way by which the governments have exploited and destroyed Indigenous Peoples lands, for use of uranium to make nuclear weapons, as well as today, nuclear energy. This is a form of institutionalized racism, and also environmental racism. It is also nuclear colonialism which caused a lot of contamination and impacts to people by weapons testing.”
She further stated that “In the whole world, uranium mining happens mostly on Indigenous Peoples lands. We do not have an exact number but we estimate that 70% of uranium mining happen on Indigenous lands. Many of the weapons tests were also done on Indigenous Peoples lands.” [France tested their atomic bombs in Tuareg territory in Algeria, until 1967, then in Mururoa, in ‘French’ Polynesia. Then, the national uranium company – which has changed names several times – destroyed the Tuareg territory in Northern Niger].
She also pointed out that most weapons testing occurred in Western Shoshone territory, in Nevada. When media mention it, they always call the region the ‘Nevada Desert’, neglecting to mention the fact that it is still the territory of Indigenous communities, mainly Western Shoshone, but there is also a Paiute reservation nearby the testing area. Leona: “There were over 900 tests done in that area,” “and I want to say that a friend of mine, Ian Zabarte, explains that, as Indigenous people, they cannot go back to their homeland, because of the contamination.” [In the early 1960’s, they also tested bombs on the Island Bikini, which is still unhabitable today. Strange enough, the name became fashionable for sexy bath suits and a silly popular song].
Talking about the history of nuclear colonialism, she said “I shall start from the beginning of the systematic way that racism and genocide have become a law. There is a document that was created in 1493, called ‘The Doctrine of Discovery’. I am wondering how many of you know of that document? Most of the time maybe one or two people raise their hands, there are more than one or two here, so that’s great!” She further explained that the document – as a matter of fact a ‘Papal Bull’ – was created in Europe, in order to give the Church blessings to colonialism: “this was a document that was created here in Europe, that basically started to open ways to colonization of lands in different parts of the world. And then this is what allowed the various countries to take lands, to take people, to enslave people and to kill people. The idea was that Indigenous people are not really human, that we are less than human, so therefore it is okay to take our land and commit genocide in the name of, at the time, Christendom or to promote the Church. It’s okay because we don’t have rights as others, we are not humans, it’s the idea. So, moving forward in the United States, this was also used as the foundational papers for the United States and other countries.”
She then described the different periods of the policy of European settlers towards Native Americans: “At the beginning – the founding of the United States – they created what is called the federal Indian periods. So, in the United States, at the beginning, the first Indian period was Removal. So, when the western settlers came in, they wanted to move on the land. In order to clear the land, that meant clear the land of the people, which is legalized genocide. And also, Relocation, which was pushing the Indigenous Peoples westward. Later, they moved to what was called Assimilation, where they took young Indigenous children to western schools, where they were forced to speak English and change their way of life.” As well in the United States as in Canada, children were kidnapped from their family and put in Indian Boarding schools, where they were very badly treated – close to torture – and many of them died. Recently, many Indigenous people in the United States and Canada started to talk about their parents’ stories in those school, and to make it to the media. [The same happened, and was still happening not so long ago, in French Guiana].
Leona then named other tools that were used for colonization, such as railroads and mining, and the creation of ‘Tribal governments’: “there was also the creation of what we call ‘tribal governments’, which is a typical type of western government that was not natural to our people. These western governments often do not promote the will of the community people, most of the time they are puppets of the federal government.” She added “at the beginning, they were often puppets of the United States, but today there is a move toward decolonization. These western governments, in the beginning focused more on capitalism and things that were no part of our traditional ways of living. In the last 50 years, there has been a great change, for tribal governments, to create our own laws that are for the protection of our traditional ways, our sacred sites, our human rights, and it is getting stronger and stronger every day.”
For Europeans who believe that most Indigenous people are extinct, (‘killed by John Wayne’,) she stated “I just want to remind everybody that right now in the United States, there are hundreds of Indigenous Peoples. In North America – we call it Turtle Island – there are many, many, many Indigenous Nations that are still alive and speaking our own languages, and practicing our traditional ways today. Of course, there are also many Indigenous Peoples in South America and other parts of the world who are practicing their cultures until today. In the United States, there are 573 Nations that are recognized by the federal government.”
She then said that, in her presentation, she would focus on her own community, the Navajo Nation, but also talk about the neighbors around, tribes known as ‘Pueblos’, who are also impacted by uranium mining and nuclear activities.
She first explained where her community lives, pointing out the difference between what is now called the Navajo Nation (originally the Reservation) and the traditional land of the Diné, between four sacred mountains.
She then mentioned the transport issue – of uranium ore, contaminated water, waste – an issue that made local activists create the Haul NO! campaign, about which she told more later. A map was circulated among the audience:
She further went to “explain a little bit more, about the difference between the western government and the traditional people. It is a very important thing to understand that we call ourselves ‘Diné’, but our government is called ‘Navajo’. To be Diné and to live as a Diné, is to continue the way our ancestors lived. The community at home often is more concerned about protection of our Mother Earth, because this is our home, and if we damage our Mother, then we also will suffer. However, the Navajo Nation as a government was created by outside forces and was more concerned with economic development. This included resources extraction, as you can see on the flag, some oil drilling operation, and other forms of economic development.”
Although the focus of her talk was on uranium mining, she also mentioned other types of extraction impacting the Navajo Nation, mainly coal mines and coal fired power plants, as well as fracking for gas and oil. “There are many, many frontline communities that are directly impacted by different types of resources extraction.” She pointed out that the strategy of community people is quite different of that of big NGO’s. “There are many, many frontline communities that are directly impacted by different types of resources extraction.” She added “I speak here today as an Indigenous person who works on these issues, but I do not consider myself an environmentalist. I am an Indigenous person working to protect our Diné lands and culture.” She went on explaining in which ways the environmentalists differ from Diné people: “The perspective of many environmentalists is to separate themselves from the environment, but we view the Earth as our Mother and coal is the liver of our Mother, we are protecting the Earth as a living, breathing entity. So, we are part of the Earth, we are from the land, so we consider the elements and places on the land as sacred. We consider coal as the liver of our Mother, water is like her blood, and the same goes for uranium, it is also a part of our Mother and should not be taken out but left in the ground. The place where I come from is also being impacted by a lot of fracking. Some of you may know of Chaco canyon, it is also a place impacted by fracking.”
Uranium mining in Navajo Land
“I shall look into uranium mining now. Just keep in mind where there is uranium mining in my people’s land there is also coal and fracking as well. How many of you are aware of the uses of uranium? Do you understand what uranium is used for? [They all raise their hands]. Sometimes people do not understand that uranium is used for both weapons, which is for imperialism and oppression, and the energy, now also a big issue because of climate change. And we know this year is a big year because it is the 75th anniversary of the first nuclear weapon test and the two nuclear bombs that were dropped in Japan. The first nuclear weapon test was in New Mexico on July 16th 1945. I live in New Mexico and my family has been in New Mexico for many, many generations. The country that have the most uranium is Australia. And this is where the uranium is in the United States. So, my people live here, in this region, this is Arizona and this is New-Mexico. And you can see there is uranium in Wyoming, and South Dakota, and Texas as well. The use of uranium from the 1940’s to the 1980’s was mainly for weapons, before nuclear energy, 100% of uranium was for weapons. During the time of the manufacturing of weapons, the United States mined uranium all over the country and did not have any laws to clean up the uranium mines. One of the laws in the 19th century was a mining law that helped to colonize the United States. That law is still used today, and, again, it did not require the cleaning up of the mining. So, today there are over 15000 abandoned uranium mines in the United States. There is over 600 000 abandoned mines of various minerals, but 15000 that are uranium.”
Most uranium mines are in an area between Utah and Colorado, and also in the area in New Mexico around the sacred Mount Taylor, near Grants.
Then, Leona explains that uranium comes from deep in the earth and naturally moves up toward the surface. That happens, of course, in millions of years, but because of mining, it moves more and much quicker. When it is exposed to oxygen, it changes chemically and moves in the environment. When it rains, it can move to places where people live and go into the water ways. Leona, showing a picture, says “This is a mesa, a rock in Monument Valley. This rock is in an area where there was a mine”, “the waste came down the rock and it goes down by houses.”
“On our Navajo Nation, on our people’s land, we have 523 abandoned uranium mines.” The tribal government, working with the federal government, said that they cleaned up about 200 mines.” The work stopped because of lack of funds, cleaning being much more expensive than what they had first thought. Leona: “They tried to find old companies and tried to make them pay. Many of those companies no longer exist, but some companies were bought by bigger companies such as General Electric. So, when the tribe or the federal government find these companies, they try to hold them accountable to pay for some of the old mess. But I learned, about two weeks ago, that 200 or so have been cleaned up, and now they say there is no more money for the other 300.” Leona adds that mining is only one part of the nuclear fuel chain. The second part is processing. “A mill is much dirtier than a mine, because it is where they use chemicals to separate the uranium from the rock.” Nowadays, there is only one uranium mill still operating in the United States, in South Utah, on the land of the community of Ute Mountain Utes.
The Church Rock Disaster in 1979
Then, Leona talked about the Church Rock disaster, the biggest nuclear disaster in the history of the United States, although it got very little press coverage, as compared to the Three-Miles-Island accident, which happened the same year. “On July 16th, the same day as the Trinity test, but in 1979, there was an accident at this uranium mill.” There were two uranium mines there, which had been operated from the 1950’s to the late 1970’s, early 1980’s. The uranium ore was processed in the mill nearby. The mill produced waste, the liquid waste being stored in a tailings pond. “The tailings pond was closed by a dam that was made of clay, to keep the water inside of the dam. The dam had a crack in it, the company knew this, but they kept putting in more and more waste. About 5.30 in the morning, on July 16th, the dam broke. More than 90 million liquid gallons of radioactive waste flowed out of the tailings pond. It went into this little ditch. The river was dry, there was no water. When the water came from the tailings pond, it got into the river and flowed over 100 miles into Arizona.” The area is still contaminated. In July 2015, a Navajo scholar, Tommy Rock, in the course of his research, found out that the drink water of a Navajo community in Sanders, at the border between Arizona and New Mexico, was radioactive. Exceptionally, the Rio Puerco had water in 2015. The area of the old mill had been watched by the EPA, but the water of the river had never been studied.
Fighting uranium mines since 2007
Leona started her work with fighting a new uranium mine in 2007. The new mine was to be situated near where her family lives. [Crownpoint, see map below]. The company claimed they were going to use a new type of mining called ‘In situ leaching’. Uranium ore found in aquifers does not dissolve naturally. Thus, this process means injecting chemicals (poisonous too) into the aquifer to loosen the uranium. Then, they pump and filter the water to get the uranium. Of course, the water they leave in the aquifer is radioactive. People had been fighting against the project for some time, Leona got involved in 2007, when she was a student. They were lucky to manage to stop the project. (However, people usually manage to stop uranium mining projects when the price of uranium on the world market is low. Many mines which got a permit to start extracting uranium are still waiting for the price to go up). Still, Leona is optimistic about that victory, she says “Our belief is that if we can stop uranium mining, we can also stop nuclear weapons and nuclear energy.” But she pointed out that even after cleaning up, the land is never the same. And, those changes affect their entire way of life. In the Church Rock community, sheep have been affected too, and Navajos eat a lot of sheep meat. Diné students are doing studies about the effects of the contamination and recommend to eat only the meat, but not the organs – which used to be quite common, and delicious! “So, you can see this issue spans not only the environment but food sovereignty as well as reproductive justice and so many issues.”
Leona’s work with Radiation Monitoring Project
Leona thus started a project called “Radiation Monitoring Project”, which is mainly an educational project. She says “Part of the work I do is mostly popular education.” The group had to gather data and make pictures on how radiations get in people’s body. Radiations mostly impact women and children, most of all the unborn children. For the ‘Radiation Monitoring Project’, they raise money to buy Geiger counters which people can borrow for as long as they need, to measure the radiations in their community. The training they give is designed for each community, according to their needs. Some communities are impacted by uranium mines, others by nuclear reactors or a uranium mill. They provide education and tools at no cost.
Fighting the whole nuclear cycle
“We talked a lot about the past mining that was used for weapons, but now there are many, many new threats from the nuclear cycle.” Leona showed a picture of the Navajos’ sacred mountain of the south, Mount Taylor, Tsoodził in Diné. The mountain is sacred to all local Indigenous Peoples. The Acoma who live nearby call it ‘Kaweshti’. They are one of the closest communities to the mountain. They depend on it for the water that comes down from it. The area is full of abandoned mines. At the moment, there is no uranium mining in New Mexico, but there are proposals for two uranium mines on Mount Taylor. [At a time, AREVA was involved]. Another proposal for mining at a sacred site is the Canyon Mine, in Arizona, near the Grand Canyon. The company at Canyon Mine, Energy Fuels, also has a project called Roca Honda, at Mount Taylor.
The ‘Haul NO!’ campaign
In 2015, anti-nukes activists started a campaign called ‘Haul NO!’. For Americans, it sounds as ‘Hell, NO!’ The campaign was about the transport of uranium from Canyon Mine to the processing mill in Utah, through the Navajo Nation. Leona said “We worked together with the different Indigenous peoples in this campaign. It is an Indigenous led fight with support from many non-Indigenous allies, supporters and other folks.” The focus of the campaign was to create awareness and action. They started at the mill in Utah. They stopped at communities and did workshops on the way. Many people became aware of the problem because of the campaign. The company claimed that they were not moving any uranium, but the activists managed to catch them. They also managed to make a video showing the reality of what was happening at Canyon Mine:
They got support from the Sierra Club, but the company did not get in trouble. “The government agency changed the permit to include this.” The mine is only 6 miles away from the Grand Canyon. The Havasupai community, which lives in the Grand Canyon, depend on the water coming down and fear that the sources are contaminated. They also have their sacred site, Red Butte, 4 miles away from the mine. They also use the place and the water sources for ceremonial purpose.
THE WIPP AND WCS
The WCS is a dump for less radioactive waste, in Texas, on the border with New Mexico. The company wants to build a new waste dump there to take about half of the reactors waste in the United States. The WIPP is a Waste Pilot Project. Now, the biggest fight is against a company called Holtec. They are trying to build a dump for much more waste. Holtec buy waste to be recycled or enriched to make money out of it. The authorities of New Mexico are against dumps, but friends of the company are trying to change the law in Congress. New Mexico only has two Senators and three Representatives in Congress, which means very little political power. However, opponents have a national network of activists working together. What happens in the United States and many other countries with nuclear energy, is that there is a lot of very dangerous waste and nowhere to put it. Leona then talked about her visit to Bure, on invitation from Pascal Grégis, member of the CSIA, as well as her visits to German friends also fighting nuclear waste. She says “The thing we all need to work on, I think, is to stop making nuclear waste, stop making nuclear weapons, stop making nuclear energy, stop uranium mining, and this will require a lot of working together.” Unfortunately, there are now many divisions in the fight, the weapons fight is separate from the energy fight. Moreover, “As Indigenous Peoples we are also dealing with racism and other issues when we talk about nuclear colonialism.”
One issue is climate change. Western leaders and companies claim that nuclear energy is carbon free, which is not true. “They only count the carbon from the reactor, and they say ‘oh it’s just steam, there is no carbon’. They don’t count the mining, the milling, the enrichment, and all the steps that make the fuel. They don’t count the transport, and they don’t count the waste storage, which is radioactive for millions of years.”
As a conclusion, Leona said that we have to figure out a way to push changes. This can only be achieved by knowing the problems, and knowing and educating the impacted communities.
“We need to support one another in solidarity and to unite our fight all together. And, very important is to respect each other’s culture. I think that when we work together, we might understand one another and this can be done by sharing our stories. For the protection of sacred sites, the protection of water, the protection of life, for our future generations.”