Des bénévoles de Kinłani Mutual Aid, Flagstaff, Arizona, coopèrent avec des Hopis. Photo Shannonlynn Chester

Depuis maintenant cinq mois, le coronavirus touche gravement les réserves Navajo et Hopi. Le gouvernement Navajo s’est vu attribuer quelques millions d’aide fédérale, mais n’a pas encore décidé comment l’utiliser. Le siège du gouvernement Navajo est fermé, et les sièges de chapitres – administrations locales dans la réserve – qui normalement assurent des services, sont soit fermés, soit ouverts à des horaires limités. Les personnes dans le besoin ne peuvent compter que sur les bénévoles. Trois associations travaillent ensemble : Kinłani Mutual Aid, Navajo Hopi Families COVID-19 Relief, et Indigenous Mutual Aid. Taala Hooghan Infoshop est le ‘quartier général’ des trois organisations et des bénévoles travaillent pour les trois. Ils ont toujours besoin de dons.

Christine Prat

DES BÉNÉVOLES DINÉ APPORTENT DE L’AIDE, TANDIS QUE LE CORONAVIRUS CULMINE DANS LE SUD-OUEST, APRÈS CINQ MOIS DE PANDÉMIE

Par Brenda Norrell
Censored News
27 juillet 2020
Traduction Christine Prat

Le coronavirus a continué de déferler à travers le sud-ouest et le sud des Etats-Unis ce weekend, avec une augmentation de cas mortels de jeunes enfants dans tout le pays et un appel à la venue d’équipes médicales dans cinq états, dont l’Arizona. Les hôpitaux d’Arizona commencent à être saturés et envoient des patients au Nouveau-Mexique.

La pandémie entre dans son cinquième mois dans la Nation Navajo, et il y a eu cinq décès de plus dimanche [26 juillet 2020].

Philmer Bluehouse, Diné, a dit, au cours d’une interview par Tiokasin Ghosthorse, Lakota, sur la radio First Voices, que le changement de paradigme dont on a besoin pour la paix et la guérison en ce temps de pandémie, se trouvait dans les narrations, les chants et les prières Diné.

« Nous devons utiliser notre savoir sacré pour l’affronter », dit Bluehouse à propos du virus, qu’il a décrit comme un monstre. « Ça a ses limites », dit-il, en décrivant comment les Diné avaient reçu des instructions sur comment faire face au danger. [Selon la tradition Navajo, une première humanité avait été décimée par des monstres engendrés par ses bêtises. Puis des jumeaux, dont l’un s’appelait ‘Tueur de Monstres’ et l’autre ‘Enfant de l’Eau’, étaient nés et avaient passé leur vie à éradiquer les monstres. Résumé très sommaire. Ch. Prat]

« Il s’agit du soi, et comment surmonter. » Il dit que les réponses étaient dedans, et que les cérémonies ouvraient les portes du sacré.

« C’est important pour qui nous sommes en tant que peuple. »

Dans le Pays Indien, le virus continue de se propager rapidement dans les Services de Santé Indiens (IHS) de Phoenix et d’Oklahoma City. Le Service de Santé Indien de Phoenix comprend l’Arizona, le Nevada et l’Utah. Bien que l’IHS Navajo soit le plus grand, l’Oklahoma et l’Alaska ont effectué plus de tests de COVID-19.

L’IHS Navajo recense 10312 cas depuis le début de la pandémie. Ça concerne la Nation Navajo, les Paiutes du sud, la Nation Hopi et les Pueblos Zuni.

Pendant ce temps, dans la Nation Navajo, il y a un besoin constant de nourriture, d’eau et de produits de nettoyage, étant donné que le virus continue de se propager et que le confinement des weekends continue, touchant particulièrement les malades, les anciens, les familles avec de jeunes enfants et ceux qui n’ont ni moyen de transport ni eau courante.

Alors que plus de 600 millions de dollars de fonds de soutien attribués selon la loi fédérale CARES restent bloqués dans les méandres du gouvernement tribal Navajo, des Diné bénévoles continuent d’apporter de l’aide aux foyers les plus nécessiteux.

Dans la Nation Navajo, les malades atteints du virus et restant chez eux, ont dit à Censored News que personne du gouvernement tribal n’avait apporté de nourriture ni d’eau chez eux. Le gouvernement tribal de la Nation Navajo est fermé et beaucoup de maisons de chapitre [divisions administratives de la réserve Navajo], qui doivent normalement assurer les services, sont fermées ou ont des heures d’ouverture limitées. Les sièges de chapitre les plus importants qui se trouvent au Nouveau-Mexique sont soit fermés ou ont des horaires d’ouverture limités, ce qui fait que les gens s’adressent aux réseaux sociaux pour demander de l’aide.

Les bénévoles et les organisations Diné continuent à collecter leurs propres fonds et à fournir de la nourriture et de l’eau aux foyers et aux communautés. Plus d’un tiers des Navajos n’ont pas l’eau courante. Entre 200 000 et 300 000 Navajos vivent dans 110 chapitres, dans la Nation Navajo, en Arizona, au Nouveau-Mexique et dans l’Utah.

Dimanche [26 juillet] la Nation Navajo a recensé 54 nouveaux cas de COVID-19 et 69 cas samedi. Le nombre total de décès était de 439 dimanche. Depuis que la pandémie a commencé dans la Nation Navajo en mars, il y a eu 8891 cas et 6547 guérisons.

Dans tout le pays, plus de 150 experts et professionnels de santé insistent pour que les dirigeants confinent à nouveau les Etats-Unis, étant donné que de nombreux états voient le nombre de cas augmenter. Dans une lettre ouverte publiée sur le site de Public Interest Research Group, des experts et professionnels de santé demandent aux dirigeants des Etats-Unis d’envisager de fermer puis de redémarrer l’économie une fois de plus.

Photos ci-dessus et ci-dessous, Mercury Bitsuie, bénévole qui collecte des fonds lui-même et livre de l’aide.

Depuis plus de 30 ans, la Tribu Havasupai, qui vit au fond du Grand Canyon du Colorado, se bat contre les mines d’uranium, existantes – en particulier Canyon Mine – ou à venir, sur ses terres ancestrales, qui comprenaient aussi les rives du Canyon. Les mines situées au-dessus du canyon risquent de polluer les chutes d’eau qui constituent leur seule ressource d’eau potable. D’autres tribus et des groupes écologistes comme le Grand Canyon Trust, ont depuis rejoint la lutte. En 2012, le gouvernement Obama a prononcé un moratoire de 20 ans contre l’extraction d’uranium dans la région. Le gouvernement Trump veut bien sûr le lever, de plus les 20 ans ne suffisent pas à protéger la région et les générations futures de la pollution à l’uranium. Le Représentant Démocrate d’Arizona Raúl Grijalva a soumis une proposition de loi qui est passée à la Chambre des Représentants le 30 octobre 2019. Elle est maintenant présentée au Sénat par la Sénatrice Démocrate Kyrsten Sinema. Elle a fort peu de chances d’être adoptée par le Sénat. La Tribu Havasupai et le Grand Canyon Trust appellent les citoyens à faire pression sur leurs sénateurs pour obtenir le vote de la loi.

Christine Prat

LA NATION HAVASUPAI SOUTIENT LA LOI ‘GRAND CANYON CENTENNIAL PROTECTION ACT’

Par Amber Reimondo, Directeur du Programme Energétique
Du Grand Canyon Trust
Publié par Censored News
le 21 juillet 2020
Traduction Christine Prat

Depuis des décennies, la Tribu Havasupai – les Havasu ‘Baaja, les ‘gens des eaux bleu-vert’ – a travaillé sans relâche pour protéger les célèbres chutes de leur pays de la contamination des mines d’uranium sur les rives du Grand Canyon du Colorado, au-dessus des chutes. Ces chutes mondialement célèbres sont partout dans l’imaginaire du public, des photos de touristes sur Instagram aux vidéos de Beyoncé. Mais ce qui n’est pas aussi visible, c’est le fait que l’eau qui coule à travers Havasu Creek pour alimenter ces chutes, vient de la nappe phréatique Redwall-Muav, la seule source d’eau potable de la Tribu Havasupai. Et c’est précieux. L’eau de la nappe phréatique arrose leurs cultures et leurs vergers, abreuve leurs animaux et les gens au fond du canyon, où ils vivent depuis des temps immémoriaux.

Une proposition de loi au Sénat pour une protection permanente

La protection de l’eau est une part de la raison pour laquelle la tribu a contribué à mener la campagne couronnée de succès pour faire passer la loi à la Chambre des Représentants, pour interdire pour toujours de nouvelles concessions pour des mines autour du Grand Canyon, et la raison pour laquelle la tribu est parmi les principaux défenseurs de la Loi du Sénat S-3127, intitulée ‘Grand Canyon Centennial Protection Act’. La loi, proposée par la Sénatrice d’Arizona Kyrsten Sinema, Démocrate, protègerait plus de 4000 km² de terres publiques autour du Parc National du Grand Canyon de nouvelles mines d’uranium, pour toujours.

Photo Jake Hoyungowa

« Il y a trente ans, quand nous avons commencé à combattre les effets désastreux de l’extraction d’uranium sur nos territoires, nous étions seuls dans ce combat. L’annonce faite par la Sénatrice Sinema constitue un message puissant, exprimant combien il est important de protéger le Grand Canyon. Non seulement pour les Havasupai, mais pour tout le monde, et pour les générations à venir. »

– Muriel Uqualla, ex-Présidente Tribale Havasupai

Photo Jake Hoyungowa

Des décennies d’efforts pour défendre le Grand Canyon

Avant d’être confinés à leur Réserve, les Havasupai vivaient et faisaient de l’agriculture dans ce qui est maintenant le Parc National du Grand Canyon. Leurs terres ancestrales s’étendaient au-delà des rives du canyon, et incluaient un site sacré connu aujourd’hui sous le nom de Red Butte, et actuellement reconnu au niveau fédéral comme propriété culturelle traditionnelle. Une mine d’uranium, Canyon Mine, se trouve dans un pré en-dessous de Red Butte. La Tribu Havasupai combat cette mine depuis son ouverture, dans les années 1980. Leur lutte pour protéger non seulement Red Butte, mais toute la région du Grand Canyon, des risques de contamination posés par l’extraction d’uranium a aidé à obtenir en 2012, une interdiction temporaire du ministère de l’Intérieur des Etats-Unis, qui interdit toute nouvelle concession minière autour du canyon pendant 20 ans.

Rendre une interdiction temporaire permanente

Cette interdiction temporaire avait pour but de laisser aux scientifiques le temps d’étudier l’hydrogéologie complexe de la région du Grand Canyon, pour déterminer si c’était possible d’extraire de l’uranium en toute sécurité, étant donné que les mines de la région ont une longue histoire de pollution des sols et de l’eau, mais cette recherche a été constamment insuffisamment financée par le Congrès. Pendant ce temps, Canyon Mine, qui se trouve au-dessus de la nappe phréatique Redwall-Muav, a débordé de millions de litres d’eau polluée radioactive. Il est temps de fermer cette mine et de protéger de façon permanente les terres publiques autour du Parc National du Grand Canyon.

Tout comme la loi passée à la Chambre des Représentants en octobre 2019, la loi du Sénat rend simplement l’interdiction temporaire actuelle permanente. Elle reconnait que le Grand Canyon, pays de la Tribu Havasupai et de beaucoup d’autres tribus de la région, est trop précieux pour y creuser des mines. Et elle donne au canyon la protection qu’il mérite, une fois pour toutes.

En tant que gardiens du Grand Canyon, les Havasupai ont conduit les luttes pour interdire l’extraction d’uranium des terres publiques sur les rives du Grand Canyon. Comme beaucoup d’autres tribus de la région, entre autres la Nation Navajo et la Tribu Hopi, la Tribu Havasupai s’inquiète de la pollution du sol et de précieuses ressources en eau, ainsi que de menaces à long terme de leur culture, de la santé publique et de leur mode de vie. Cette loi sénatoriale ferait de leur but recherché depuis si longtemps, de protéger leurs terres ancestrales, une réalité.

Publié sur Censored News par Brenda Norrell le 21 juillet 2020.

Comme prévu, au moins 300 Autochtones se sont rassemblés hier 3 juillet, pour protester contre la visite de Trump au Mont Rushmore, dans les Black Hills, territoire traditionnel et sacré des Lakota. Bien sûr, il y a eu des arrestations. Dans un communiqué, le Réseau Environnemental Autochtone (Indigenous Environmental Network, IEN) rapporte :

… « Pendant plus de quatre heures, les Défenseurs de la Terre et des territoires ont tenu bon, empêchant les partisans de Trump d’entrer dans le parc du Mont Rushmore. Les véhicules des Défenseurs de la Terre ont été confisquées par la police et au moins douze protecteurs ont été arrêtés. » (Lire le communiqué et voir diaporama de la manif sur le site du CSIA-Nitassinan).

Voir aussi des photos et une vidéo de la manifestation sur Censored News. L’article indique que la police a tiré des balles au poivre sur les manifestants, peut-être d’autres choses aussi, les policiers ont alors mis des masques à gaz, alors qu’ils ne portaient pas de masques pour protéger les gens du virus !

Les raisons de protester contre cette visite – suivie d’un feu d’artifice – étaient nombreuses :
Les Blackhills sont sacrées pour les Lakota et devraient toujours leur appartenir, selon les traités jamais respectés par les Etats-Unis.

Il est irresponsable de rassembler une foule alors que le coronavirus fait des ravages aux Etats-Unis. Trump et ses partisans ne portent pas de masques et ne respectent pas la distance.
En période de sécheresse, il est dangereux de faire un feu d’artifice à proximité de forêts.

Pour des précisions sur l’historique du Mont Rushmore, voir l’article de Steve Melendez, en français sur ce site.

***

2 JUILLET 2020 : LE COLLECTIF NDN APPELLE À LA FERMETURE DU MONT RUSHMORE ET À LA RESTITUTION DES BLACKHILLS AUX LAKOTA


Jeunes Lakota à Rapid City, 2 juillet 2020. Photo NDN Collective

Par le NDN Collective
2 juillet 2020
Publié sur Censored News
Traduction Christine Prat

« Le Mont Rushmore est situé sur des terres Lakota volées, et son existence même est un symbole de la suprématie blanche, » dit Nick Tilsen, Président du NDN Collective. « En nous opposant à la profanation de notre terre sacrée et en demandant la restitution des terres Lakota où se trouve le Mont Rushmore, nous ne disons rien d’autre que ce que nos parents, grands-parents et arrière-grands-parents ont déjà dit – Les Lakota se sont opposés au Mont Rushmore depuis le début. »

Suite aux protestations grandissantes dans tout le pays pour la défense des ‘vies noires’, des monuments à la gloire de la suprématie blanche sont déboulonnés. Les autorités locales, d’états et nationales sont appelées à enlever ces symboles de suprématie blanche à peine voilée. Ça inclut des monuments et des statues qui exaltent des figures historiques blanches qui ont causé beaucoup de dégâts dans les vies des Noirs et des Autochtones, des statues de confédérés aux statues de Christophe Colomb et de conquistadors sanglants comme Õnate.

« En ce qui concerne les Présidents des Etats-Unis, beaucoup d’Américains ne se rendent pas compte que la grande majorité d’entre eux ont appliqué des politiques visant soit l’annihilation totale, soit la soumission des Autochtones, » dit Sarah Sunshine Manning, Directrice des Communications du NDN Collective et présentatrice de While Indigenous podcast. « Même des prétendus ‘bons’ présidents comme Abraham Lincoln, sont méconnus pour le mal qu’ils ont fait aux Autochtones. Bien que Lincoln ait signé la Proclamation de l’Emancipation, il a aussi ordonné la plus grande exécution de masse de l’histoire des Etats-Unis, faisant pendre 38 Dakotas en 1862 – des Autochtones qui combattaient pour leurs vies. »

 

Le professeur, poète et écrivain Pueblo Acoma Simon Ortiz, réagit au projet irrationnel de Trump de s’imposer dans les Black Hills et de s’autoglorifier avec des feux d’artifice pendant une pandémie. Ortiz loue les mots de l’auteure Lakota Dakota Ruth Hopkins dans son article ‘Le voyage de Trump au Mont Rushmore met des vies et un écosystème fragile en danger.’

Par Simon Ortiz
2 juillet 2020
Publié sur Censored News
Traduction Christine Prat

Ruth Hopkins écrit : « Typique de sa façon de faire, caractérisée par une arrogance irrationnelle, mêlée de mémoire défaillante et d’indifférence, Trump n’arrive pas à comprendre ou à se soucier de ce que le Mont Rushmore est au milieu de la Forêt Nationale des Black Hills. »

C’est un fait et une opinion, et c’est toute la vérité. Et c’est aussi un fait et une opinion d’un genre bien particulier, puissamment souligné par l’égocentrisme de Trump – et une nouvelle expression de la croyance nationale, dès qu’il s’agit des Peuples Autochtones des Etats-Unis et des Amériques.

Le Mont Rushmore est une déclaration statufiée d’impérialisme, de pouvoir et, finalement, d’une fierté égomaniaque et fanatique. Et faussement exprimée par Trump qui est probablement inconscient de ce qu’il fait, n’applaudissant que lui-même ! Et, dans ce cas, dans le but d’autocélébrer effrontément la présidence de Trump.

Alors, les citoyens qui tombent dans le panneau, peuvent bien voter pour lui en novembre.

Biographie de Simon Ortiz

L’écrivain mondialement connu Simon Ortiz, a été Professeur d’Anglais et d’Etudes Amérindiennes à l’Université d’Etat d’Arizona. A Censored News, nous célébrons Ortiz pour ses poésies et ses livres, et pour résister, s’exprimer en faveur des Zapatistes, et avoir porté des croix avec les noms des Zapatistes massacrés à Acteal, Chiapas, lors d’une marche à Tucson.

Ortiz, Indien Pueblo Acoma, est né et a été élevé près d’Albuquerque, au Nouveau-Mexique, et a grandi en parlant la langue Acoma. « Ce premier langage, de ma naissance à l’âge de six ans, dans ma famille Acoma et la communauté, » écrivit-il, « a été la base et la source de tout ce que je ferai plus tard. » Ironie, il était puni pour le parler à l’école. Surnommé ‘le reporter’ par son père à cause de l’attention qu’il portait, enfant, aux histoires des Anciens, il a continué à fonder son œuvre créatrice sur la forte tradition orale de son peuple.

Après avoir étudié au Fort Lewis College et à l’Université du Nouveau-Mexique, il suivit le Programme d’Ecriture de l’Université d’Iowa pendant une année. Dans les années soixante, il a aussi été à l’armée, ou il a souffert de discrimination et travaillé dans une entreprise de mines d’uranium, et protestera énergiquement plus tard contre les profanations de la terre causées par leur course au profit. Au début des années 1970, il commença à écrire, tout en enseignant dans diverses universités, et en 1982, il obtint un Prix Pushcart et une grande influence sur le public avec ‘From Sand Creek’. Son livre le plus important est peut-être ‘Woven Stone’, de 1992 – un mélange de poésie et de prose de trois volumes précédents, qui constitue une autobiographie spirituelle – La Fondation Simon Ortiz

Le ‘Jour du Canada’ a eu lieu le 1er juillet 2020. La veille, Kanahus Manuel, activiste Secwepemc, de la soi-disant « Colombie-Britannique », est intervenue en direct sur Facebook pour expliquer pourquoi les Autochtones ne célèbrent pas le ‘Jour du Canada’. Résumé en français de son intervention ci-dessous.

Christine Prat

Kanahus Manuel
30 juin 2020

Salut à tous ! Je suis chez moi, à Blue River, Tiny House Warriors, et je prends juste un peu de temps pour vous faire savoir pourquoi les Autochtones, pourquoi les Guerriers, pourquoi les défenseurs des terres, pourquoi nous ne célébrons pas le ‘Jour du Canada’.

On m’a demandé de parler de cette question, pourquoi ne célébrons-nous pas le ‘Jour du Canada’.

Le Canada n’a jamais été autre chose qu’un pays illégal, envahisseur, malsain, voleur et violeur.

Nous avons une longue histoire avec le Canada, et le Canada a violé absolument tous les droits que nous avons sur notre territoire. Ils n’ont pas seulement piétiné nos droits, ils ont commis un génocide envers nous. Et c’est inscrit dans leurs politiques et leurs lois sur les terres. En ce qui concerne notre propre territoire, quand mon grand-père était là, nous parlions de la Colombie-Britannique. Lorsqu’ils ont établi la Loi Indienne, ils ont aussi établi la Loi sur la Colombie-Britannique, comme moyen pour eux de voler notre territoire par un trait de plume. Ce fut un moyen de faire du gouvernement de la Colombie-Britannique, gouvernement provincial de bas niveau, l’instance possédant la juridiction et l’autorité sur nos terres. C’est pourquoi il y a ces ministères responsables d’autoriser tout ce qui concerne le projet d’oléoduc Trans Mountain.

Mais le Canada a commis la colonisation et le génocide de notre peuple, et la colonisation c’est la dépossession et notre déplacement forcé de nos territoires. Et c’est le cœur du problème, c’est le fait le plus important pour les Autochtones au Canada. Parce que tous les symptômes de la colonisation ne sont que des symptômes, des symptômes d’un problème bien plus grand, et le grand problème est que nous n’avons pas de territoire. Si vous additionnez toutes nos terres au Canada, ça équivaut à 0,2%. Ce n’est même pas 1% du pays, comme base territoriale pour construire nos Nations, pour vivre et survivre, pour prospérer comme il y a 1000 ans. Pour nous, il y a 153 ans, avant que le Canada ne soit institué et occupe notre territoire.

Il y a toujours une occupation étrangère, une invasion en cours, ici, au Canada. Ce n’est pas quelque chose qui aurait cessé parce que mon peuple est ici depuis un siècle, non, il y a une invasion continue et une occupation totale en cours ici, sur le sol Autochtone, ici au Canada.

Parmi les symptômes auxquels nous sommes confrontés à cause de la dépossession de nos terres, il y a l’appauvrissement… L’appauvrissement est l’une des principales armes contre les droits humains que l’Etat Nation colonial du Canada utilise contre nous, Peuples Autochtones, parce que sans terres, nous possédons fort peu de choses de valeur. Seulement nos effets personnels, qui ont été transportés avec nous dans les Réserves. Avec les Réserves Indiennes qui représentent 0,2% du territoire pour les Autochtones depuis tout ce temps, le gouvernement du Canada, les colons, la Famille Royale ont pu devenir très riches avec le reste de notre pays.

Ici, on peut voir que c’est plein de montagnes. Ils nous ont ravi nos montagnes pour toutes sortes de choses. […] [Avant], ils n’avaient jamais été capables de pénétrer nos montagnes, à cause de leur mode de vie, faible et inférieur, ils n’étaient pas capables de pénétrer nos montagnes. [Maintenant, ils passent] à travers nos montagnes, juste ici, par le col de Yellow Head. Juste derrière il y a l’autoroute n° 5, appelée l’Autoroute Yellow Head, qui conduit vers le nord à l’autoroute n° 16. C’est un couloir de transport important. Ils y transportent de la machinerie lourde et des tuyaux, et tout le nécessaire, jusqu’aux sables bitumineux d’Alberta. Ça passe juste ici. Mais autrefois, l’Autoroute Yellow Head [et les autres], étaient impénétrables. Les Autochtones continuaient à les utiliser comme pistes, mais c’est la compagnie qui travaillait pour la Compagnie Hudson Bay qui a fini par transporter des marchandises par le Col de Yellow Head. Ils disaient que ça raccourcissait le temps de transport des marchandises de 6 mois. A l’époque, c’était des fourrures, de nos montagnes jusqu’à Londres. Passer par nos montagnes raccourcissait le transport de 6 mois, pour eux.

Le but a toujours été de transporter leurs marchandises jusqu’à la côte. Aujourd’hui, ça n’a pas changé. Aujourd’hui, c’est le bitume qu’ils extraient des sables bitumineux d’Alberta, du cœur de Notre Mère. Ce sont ces bitumes de sang qu’ils veulent transporter par l’oléoduc Trans Mountain, c’est un conduit pour le transport. Ce transport dessert des chaines internationales, mais il a été établi par la Compagnie de la Baie d’Hudson, la Compagnie des Indes Orientales, et toutes les compagnies transnationales qui sont venues piller les ressources de nos terres. Ce n’était pas seulement au Canada, mais dans le monde entier que ça a frappé les Peuples Autochtones.

Ici, au Canada, mon grand-père a fait face à Pierre Elliot Trudeau, même chose pour mon père et mon oncle Bobby. Nous combattons toujours la famille Trudeau, ce n’est pas nouveau, alors, quand Baby Trudeau est arrivé, et a été élu au soi-disant pouvoir, ici, au Canada, nous lui étions déjà opposés. Parce qu’il était mauvais et avait été formé pour être un raciste, comme son père Pierre Elliot Trudeau. Ils essaient toujours de faire passer le Livre Blanc que Pierre Elliot Trudeau essayait déjà de faire passer, le Livre devant conduire à notre extinction. Et aujourd’hui, il y a des centaines de discussions pour la « terminaison* », entre les Chefs et Conseils de la Loi Indienne, inventée au niveau fédéral, des systèmes inventés par le Gouvernement fédéral qui continue à les payer. Ces systèmes de Chefs et Conseils sont la colonisation. Ainsi, le Gouvernement discute – des fonctionnaires du Gouvernement discutent avec leurs propres fonctionnaires que sont les Chefs et les Conseils – pour mettre fin à nos droits sur notre territoire. Ces tables de discussions de « terminaison » sont graves, parce qu’elles dupent les Indiens. Presque chaque bande au Canada, enfin, je dirais les deux tiers des bandes, des bandes Indiennes fédérales, au Canada, sont en train de discuter. Je sais qu’il y a des centaines de bandes Indiennes Canadiennes en discussion de « terminaison » avec le Gouvernement fédéral.

Nous ne célébrons par le ‘Jour du Canada’, parce que le Canada est toujours en train de commettre un génocide contre nous. Ils utilisent des termes comme « autogouvernance » et « autodétermination », et ils les donnent aux bandes Indiennes fédérales – qui ne sont pas les possesseurs légitimes du titre, qui ne nous représentent pas en tant qu’Autochtones – et leur donnent l’argent pour développer [ce qui devrait être] notre gouvernance traditionnelle.

Tous les Autochtones de ce pays doivent faire très, très attention, et doivent rester vraiment intransigeants sur notre position de ne jamais abandonner. Nous n’abandonnerons jamais notre territoire au Gouvernement fédéral. Nous ne serons pas dupés par les accords d’autogouvernance que le Canada va essayer d’imposer. Vous pouvez peut-être trouver l’information en ligne, il y a des centaines de bandes impliquées dans des discussion de « terminaison ».

Quelqu’un m’a dit « êtes-vous autorisée à porter un masque ? » Oui, je suis autorisée à porter un masque. Je pourrais porter un masque quand je veux. Mais je suis passée au tribunal et le juge a fini par ne pas m’autoriser à porter un masque. Alors, nous sommes retournés au tribunal et avons pu obtenir un amendement, donc oui, je porte un masque chaque fois que je passe le point de contrôle, je suis masquée pour aller partout. Et j’aime porter un masque, j’encourage tout le monde à le faire, il y a beaucoup de raisons de porter un masque, l’une étant qu’ils ne peuvent pas nous identifier.

Ils veulent toujours criminaliser les défenseurs des terres Autochtones, ils essaient encore et encore, et espèrent nous emprisonner pour longtemps. Ils adoreraient me mettre en prison à cause de cet oléoduc Trans Mountain. Mais je fais très attention de ne pas me retrouver en prison. Je suis en liberté conditionnelle en ce moment, nous passons en jugement en novembre, nous passerons plusieurs fois au tribunal en ce mois de juillet. Nous avons quatre défenseurs et guerriers de Tiny House sur qui pèsent des accusations et nous passerons en jugement au cours de l’année 2020, nous avons trois jugements, et quatre d’entre nous sont accusés. […]

Toutes les consultations sur l’oléoduc Trans Mountain ont échoué. Il y en a eu une première, qui a échoué, puis trois à la suite desquelles des défenseurs du territoire se sont retrouvés en prison pour avoir dit « non ». Nous avons le droit de dire « non », mais quand nous disons « non », nous nous retrouvons en prison.

Il y a tant de choses que je voudrais dire, il y a tellement de gens touchés par la politique du Canada qui ne célébrerons jamais le ‘Jour du Canada’.

Nous avons tellement d’enfants arrachés aux bras de leurs mères. Des familles ont mis des vidéos en ligne, qui montrent des agents de la Police Montée en uniforme entrant dans des hôpitaux, allant vers une femme avec un nouveau-né et prenant le bébé des bras de sa mère, alors que les grands-parents, les tantes, la famille élargie, sont là, acceptant de prendre soin du bébé. Mais la Police Montée vient faire ça. C’est ce qui arrive dans les communautés Indiennes. Des jeunes femmes Autochtones ont été assassinées par la police très récemment, elles ont été abattues par la police. Nous ne les oublierons jamais, nous n’oublierons jamais ce qu’ils ont fait à notre peuple à Oka. Nous avons beaucoup de camps d’occupation ouverts, ici en soi-disant Colombie-Britannique. Pas seulement celui de Tiny House Warriors, et ceux des Unist’ot’en et Gidimt’en, il y a d’autres barrages, il y en a un qui dure depuis très longtemps. Nous avons des camps de sans-voix, nous avons beaucoup d’autres camps, des camps de pêche et d’autres. Ils sont permanents, même s’ils sont saisonniers, et ainsi nous affirmons nos droits sur notre terre, et que nous avons accès au territoire.

Il y a des gens qui n’ont même pas accès aux cérémonies, qui ne peuvent pas sortir, aller en montagne ni se sentir en sécurité pour jeûner.

Il va falloir organiser mon peuple. Il va falloir entrainer des hommes et des femmes qui doivent devenir des défenseurs. Pour que nos défenseurs et notre peuple, s’ils défendent l’eau et la terre, puissent aussi être protégés.

Il y a tant de gens, d’Autochtones, qui sont enfermés et la majorité des prisons regorgent d’Autochtones. C’est encore une raison pourquoi nous ne célébrons pas le ‘Jour du Canada’.

Nous avons perdu tant de notre terre et été mis de forces dans des Réserves Indiennes. Nous sommes toujours confrontés aux conséquences des Pensionnats, les ‘Écoles Résidentielles’, un traumatisme intergénérationnel qui continue jusqu’à aujourd’hui. Ce sont les effets des Écoles Résidentielles, je suis une survivante de deuxième génération de l’École Résidentielle, c’est-à-dire que je suis de la première génération qui n’est pas allée dans les Écoles Résidentielles, mon père y est allé, tous mes grands-parents y sont allés. Alors, nous disons en tatouant nos visages que nous détruisons la génération qui est allée dans les Écoles Résidentielles. Parce que nous sommes visibles. J’ai eu l’honneur de tatouer une des jeunes sœurs qui sont ici sur le front, et elle a eu son visage tatoué hier. Nous sommes honorées de ramener ces lignes qu’on avait fait disparaitre, mais qui revivent maintenant dans le pays Indien, afin qu’ils nous voient, qu’ils voient ces lignes, qu’ils nous voient en tant qu’Autochtones. Vous ne pouvez me regarder et penser que je suis d’une race du melting pot en train de s’assimiler au Canada, non ! Je parle haut et je suis fière, je suis ici et je porte du rouge, pas pour le Canada mais pour le sang de Notre Mère la Terre et le sang de nos gens qui se sont tant sacrifiés pour que nous soyons ici.

Alors, je veux seulement dire que j’encourage tout le monde à rester uni quand nous annulons le ‘Jour du Canada’. Ici, au soi-disant Canada, que nous appelons KKKanada, le pays raciste, suprématiste qu’il est.

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* Le terme anglais est “Termination”. Il n’y a pas vraiment d’équivalent français, vu qu’on n’en parle pas. Wikipédia traduit « termination policy » par « politique d’assimilation », mais c’est un euphémisme : si certains individus ayant totalement renoncé à leurs origines peuvent être « assimilés », la politique de « Termination » peut impliquer des moyens plus radicaux pour les récalcitrants ou ceux dont ils n’ont pas besoin.