Par Josina Manu Maltzman, 21 novembre 2011 (Original article in English )

Traduction Christine Prat

Le mouvement « Occupez Wall Street » et les autres mouvements d’occupation régionaux continuent de s’accélérer. Ceux qui craignent de perdre leurs emplois et leurs logements convergent avec ceux qui se préoccupent de mettre un fin au militarisme à l’extérieur et à la brutalité policière à l’intérieur, de protéger l’environnement et l’éducation. Cependant, alors que le mouvement enfle, beaucoup de ceux qui ont été depuis longtemps à l’avant-garde de ces luttes sont une fois de plus laissés de côté par cette mobilisation de masse.

Du pays Lenape au Dakota et à Ohlone – et beaucoup d’autres endroits – les mouvements « Occupez » de Wall Street, du Minnesota et d’Oakland ont en pratique exclu la participation d’activistes indigènes qui devraient être concernés. Pour ceux qui ont décidé du nom, le terme « occupez » peut évoquer l’idée de réappropriation de l’espace libéré, mais pour d’autres qui sont engagés dans la lutte pour la décolonisation des terres indigènes, çà révèle l’absense de conscience de la mentalité de colons qui domine le mouvement.

Même si certains Indigènes sont impliqués dans le mouvement, beaucoup d’autres en sont aliénés. Comme l’écrit JohnPaul Montano, bloggeur Nishnaabe, dans Une Lettre Ouverte aux Militants d’Occupez Wall Street (voir le texte intégral de la lettre dans l’article précédent:

« Le 22 septembre, j’ai lu avec beaucoup d’enthousiasme votre déclaration d’ « Une revendication ». J’espérais, je croyais que des gens « éclairés » comme vous, combattant pour la justice et l’égalité, et pour la fin de l’impérialisme, etc., etc., mentionneraient le fait que le territoire sur lequel vous protestez ne vous appartient pas, que vous êtes des hôtes sur des terres indigènes volées. »

Montano décrit sa déception d’avoir constaté qu’une telle reconnaissance ne figurait pas dans la déclaration.

D’autres auteurs Indigènes écrivant sur le même sujet ont affirmé qu’en ne mettant pas en avant une politique de colonisation, le mouvement « Occupez » perpétue la violence de l’occupation tout en mettant en scène une politique de justice sociale pour tous.

Tout comme la composition démographique des participants, le degré de conscience et le dialogue sur la suprématie blanche et l’impérialisme varient d’une région à l’autre. Albuquerque (Nouveau Mexique) a pris un tournant par rapport à la ligne établie en intitulant le mouvement « (Dés)Occupez » afin de refléter leur prise de conscience des luttes des Premières Nations. Le 18 novembre à Santa Fe, une Déclaration de Solidarité Avec les Peuples Indigènes (Statement of Solidarity with Indigenous Peoples) a été proposée à l’Assemblée Générale. [Pour le moment, la ratification n’a pas été confirmée]. On peut voir sur le site du forum de discussion de Chicago, OccupyChi.org, qu’on s’est posé des questions à propos du nom, mais il n’y a pas eu de nouveaux commentaires depuis le 29 octobre. Que des instances de dialogue existent est un espoir ; qu’il n’y ait pas de « masse critique » susceptible de provoquer un changement social à l’égard de la suprématie blanche et de l’impérialisme est troublant.

Certains activistes blancs objectent que le fait de soulever les questions de traités non respectés et de racisme institutionnel divise le mouvement et le détourne des problèmes plus « réels » de logement, de pauvreté, d’éducation. Pour les Indigènes et les gens de couleur de ce pays, ces problèmes réels font partie intégrante d’une société où les disparités économiques coïncident largement avec la couleur de la peau. Les Indigènes ont le taux de pauvreté et de viols les plus hauts et l’espérance de vie la plus basse de tous les groupes ethniques.

Si les problèmes matériels sont placés au cœur du cadre politique, le racisme et le génocide étant réduits à de simples symptômes, il est clair que la lutte donne la priorité au bien-être des Blancs. Ce scénario s’est souvent répété : les nouveaux défavorisés s’emparent des rênes d’une longue bataille, la dirigent vers des buts à court terme, puis quittent le train en marche au premier signe d’amélioration – laissant les plus marginalisés se débrouiller pour reprendre pied dans une lutte qui n’est pas terminée. Et la question demeure : Pourquoi, dans un moment de soulèvement social généralisé limitons nous notre propre impact en maintenant le statuquo (la suprématie blanche) à l’intérieur même du mouvement ?

Une conclusion possible est que les problèmes de cohésion interne face à la brutalité policière empêchent l’émergence d’une vision dans laquelle le racisme et le génocide sont considérés comme des questions systémiques. Mais comme l’a fait remarquer dans son discours à l’assemblée d’Occupez Oakland le Dr. Waziyatawin, militante Dakota, universitaire et écrivaine : les barrières qui nous empêchent de réaliser la justice aujourd’hui ont leurs racines dans la brutalité du colonialisme. Par une narration de la violence étatique et civile perpétrée par des colons Hollandais contre la Confédération Wappinger et les Peuples Hackensack lors de la première occupation de « Wall Street », elle replace dans son contexte l’héritage du système défectueux sous lequel nous vivons. « Si vous vous sentez dépossédez, si vous vous sentez métaphoriquement ‘écorchés vifs’ par un système inhumain, souvenez-vous que ce sont les Indigènes qui ont vécu cela les premiers sur ces terres ». Nous pouvons apprendre que, malgré les obstacles quotidiens qui s’opposent au maintien de la mobilisation, l’intégrité du mouvement – et donc son succès – exige que nous mettions en cause les maux causés par le capitalisme en mettant d’abord en cause l’impérialisme.

Montano conclut son article en suggérant quatre exigences que le mouvement « Occupez » devrait adresser au gouvernement des Etats-Unis, exigences qui selon lui commenceraient à remettre le mouvement sur la bonne voie :

1) Reconnaissez que les Etats-Unis d’Amérique sont un pays colonial, un pays de colons, construit sur les territoires de nations autochtones ; et/ou…

2) Exigez la libération immédiate du prisonnier politique indigène Leonard Peltier ; et/ou…

3) Exigez du gouvernement colonial des Etats-Unis d’Amérique qu’il respecte tous les traités signés avec toutes les nations indigènes dont les territoires sont appelés collectivement « Etats-Unis d’Amérique » ; et/ou…

4) Mentionnez d’une manière ou d’une autre que vous êtes conscients d’être des colons et que vous n’avez pas l’intention de répéter les erreurs de tous les colons bien intentionnés qui vous ont précédé. En d’autres termes que vous êtes prêts à obtenir le consentement des peuples autochtones avant de faire quoique ce soit en territoire indigène.

Pour nous qui sommes actifs dans le mouvement de libération de la Palestine – comme alliés par solidarité ou comme Palestiniens de la diaspore – et sommes aussi engagés dans le mouvement « Occupez », je crois que nous pouvons approfondir notre action en écoutant cet appel. Nous savons que la colonisation de la Palestine s’est déroulée sur le modèle de celle des Etats-Unis et du Canada.  Nous savons que le système des Réserves a été le prototype pour les camps de réfugiés de Cisjordanie et la prison à ciel ouvert qu’est Gaza. La plupart des gens connaissant les origines du Sionisme politique moderne savent que Theodore Herzl s’est inspiré des méthodes utilisées ici contre les Indigènes. De plus, ce sont les mêmes institutions économiques et militaires qui imposent l’occupation illimitée aux Peuples Indigènes, ici et en Palestine.

Il est facile de voir les connections entre l’occupation de la Palestine et la colonisation de ce continent et les parallèles semblent infinis. De même, il y a une forte continuité entre notre soutien à l’appel de la société civile Palestinienne de 2005 « Boycott, Désinvestissement et Sanctions » et les exigences de justice ici. Pour cela, je demande à tous ceux d’entre nous qui sont impliqués dans la libération de la Palestine et les mouvements « Occupez » de prendre position pour ce qui suit :

De même que nous appelons Israël à mettre fin à l’occupation et la colonisation de tous les territoires Arabes et à démolir le Mur, nous devons aussi appeler à la souveraineté Indigène sur tous leurs territoires ancestraux sur ce continent.

De même que nous appelons Israël à reconnaître les droits fondamentaux des citoyens Arabes-Palestiniens d’Israël à une égalité totale, nous devons exiger, en nous impliquant pratiquement, la fin de tout racisme institutionnel aux Etats-Unis et la fin des actes de génocides encore pratiqués contre les Indigènes ici.

De même que nous demandons le Droit au Retour des Palestiniens, nous devons demander la fin du système des réserves sur ce continent – ainsi que la reconnaissance des centaines de traités violés par le gouvernement des Etats-Unis au détriment des Indigènes et des réparations pour les dommages causés en conséquence.

Ce moment précis de l’histoire contient un potentiel de changement réel de tout le système. Avec tant de luttes populaires interconnectées, les possibilités sont énormes. En élargissant notre champs d’action pour inclure tout le monde, nous pouvons définir plus clairement nos buts : la fin de l’impérialisme, la restitution de territoires à la souveraineté des Nations Indigènes, et une vie saine et digne pour tous les êtres humains et pour la planète.

 

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Josina Manu Maltzman

Josina Manu Maltzman est Juive Ashkenaze anti-Sioniste, active dans le mouvement de Solidarité avec la Palestine et impliquée dans le soutien aux luttes autochtones ici au Dakota et en Amérique du Nord occupée. Jo est membre de la section Villes Jumelées du Réseau International Juif Anti-Sioniste (IJAN-TC) et participe à la campagne Minnesota Break the Bonds.

 

LETTRE OUVERTE AUX MILITANTS D’OCCUPEZ WALL STREET

Par John Paul Montano, Anishinabe

Traduction Christine Prat (Original article in English below)

 

Samedi 24 septembre 2011

Merci pour votre courage. Merci pour votre tentative d’améliorer la situation dans ce qui s’appelle maintenant les Etats-Unis. Merci pour votre attachement à la paix et la non-violence. Merci pour vos sacrifices. Merci.

Juste une chose. Je ne fais pas partie des 99% dont vous parlez. Et çà m’attriste. S’il vous plait, ne vous méprenez pas. Je voudrais faire partie des 99%… mais vous avez choisi de m’exclure. Peut-être n’en aviez vous pas l’intention, mais vous m’avez exclu. En fait, des millions d’entre nous, peuples autochtones, ont été exclus du mouvement de protestation Occupez Wall Street. Sachez, s’il vous plait, que je me doute que cette exclusion n’était pas volontaire de votre part. C’est pourquoi je vous écris. Je crois que vous pouvez réparer cette erreur. (J’espère que vous avez encore le sourire.)

Il semble que depuis que nous, les Autochtones, avons découvert les Européens et les avons invités à nous rendre visite ici, sur notre terre, nous avons dû subir d’innombrables « -ismes », religions, programmes sociaux et autres, destinés à nous « réparer ». Le Protestantisme, le Socialisme, le Communisme, la Démocratie Américaine, le Christianisme, les Pensionnats et autres écoles… bref, vous comprenez. Et il s’avère aussi que ces stratégies soit disant « éclairées » ont presque toujours été mises en pratique et imposées sans notre consentement. Et je suppose que vous savez comment çà a fini pour nous. Oui. Horriblement.

Ce qui me ramène à vos activités, par ailleurs très intéressantes, d’Occupez Wall Street. Le 22 septembre, j’ai lu avec beaucoup d’enthousiasme votre déclaration d’ « Une revendication ». J’espérais, je croyais que des gens « éclairés » comme vous, combattant pour la justice et l’égalité, et pour la fin de l’impérialisme, etc., etc., mentionneraient le fait que le territoire sur lequel vous protestez ne vous appartient pas, que vous êtes des hôtes sur des terres indigènes volées. J’espérais que la nation indigène dont c’est le territoire serait mentionnée. J’espérais que vous traiteriez la question de l’histoire de tous ces siècles pendant lesquels, nous les autochtones avons subi les innombrables « -ismes » de tous les « bienfaiteurs » prétendant construire une « société plus juste », un « monde meilleur », un « pays de la liberté » sur nos sociétés indigènes, sur nos terres indigènes, en détruisant et/ou ignorant nos modes de vie. J’espérais que vous reconnaîtriez tout cela, vu que vous êtes des colons sur un territoire indigène et avez besoin de – et devriez vouloir – notre consentement pour construire quoique ce soit sur notre territoire – qui plus est, toute une société. Vous voyez où je veux en venir ? J’espère que vous gardez le sourire. Nous sommes toujours amis, donc ne vous énervez pas. Je crois que vos cœurs sont à la bonne place. Je sais que toute cette histoire de génocide et de colonialisme crée parfois beaucoup de confusion pour nous tous. Mais il me semble que vous êtes inconsciemment en train de faire ce que tous les colonialistes ont fait avant vous : faire des choses sur notre territoire sans nous demander la permission.

Mais n’ayez pas peur, chers amis. Nous les indigènes avons le sens de l’humour. Donc, je pense que je peux vous soumettre quelques suggestions amicales pour aider à sortir de la position colonialiste dans laquelle (involontairement, j’espère) vous vous trouvez. [Jeu de mots difficilement traduisible – NdT].

Soit dit en passant, je ne suis qu’un individu indigène. Je ne représente que moi-même. C’est une initiative isolée d’écrire cette lettre. Peut-être qu’aucun de mes compatriotes Anishinaabe ne me soutiendront. Peut-être que certains le feront. Je respecte leurs opinions de toutes façons. J’aimerai toujours mon peuple Anishinaabe. J’essaie juste de faire quelque chose de bon, tout comme vous dans le mouvement Occupez Wall Street dans ce qui est maintenant appelé New York.

Donc, ce que je propose. (Vous souriez toujours, n’est-ce pas ?)

1) Reconnaissez que les Etats-Unis d’Amérique sont un pays colonial, un pays de colons, construit sur les territoires de nations autochtones ; et/ou…

2) Exigez la libération immédiate du prisonnier politique indigène Leonard Peltier ; et/ou…

3) Exigez du gouvernement colonial des Etats-Unis d’Amérique qu’il respecte tous les traités signés avec toutes les nations indigènes dont les territoires sont appelés collectivement « Etats-Unis d’Amérique » ; et/ou…

4) Mentionnez d’une manière ou d’une autre que vous êtes conscients d’être des colons et que vous n’avez pas l’intention de répéter les erreurs de tous les colons bien intentionnés qui vous ont précédé. En d’autres termes que vous êtes prêts à obtenir le consentement des peuples autochtones avant de faire quoique ce soit en territoire indigène.

Espérant que cette liste peut vous être utile, j’attend votre réaction avec impatience, mes amis.

Miigwech ! ( « Merci ! »)

JohnPaul Montano
http://twitter.com/jpmontano

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Saturday, September 24, 2011

An Open Letter to the Occupy Wall Street Activists

Thank you for your courage. Thank you for making an attempt to improve the situation in what is now called the United States. Thank you for your commitment to peace and non-violence. Thank you for the sacrifices you are making. Thank you.

There’s just one thing. I am not one of the 99 percent that you refer to. And, that saddens me. Please don’t misunderstand me. I would like to be one of the 99 percent… but you’ve chosen to exclude me. Perhaps it was unintentional, but, I’ve been excluded by you. In fact, there are millions of us indigenous people who have been excluded from the Occupy Wall Street protest. Please know that I suspect that it was an unintentional exclusion on your part. That is why I’m writing to you. I believe that you can make this right. (I hope you’re still smiling.)

It seems that ever since we indigenous people have discovered Europeans and invited them to visit with us here on our land, we’ve had to endure countless ‘-isms’ and religions and programs and social engineering that would “fix” us. Protestantism, Socialism, Communism, American Democracy, Christianity, Boarding Schools, Residential Schools,… well, you get the idea. And, it seems that these so-called enlightened strategies were nearly always enacted and implemented and pushed upon us without our consent. And, I’ll assume that you’re aware of how it turned out for us. Yes. Terribly.

Which brings me back to your mostly-inspiring Occupy Wall Street activities. On September 22nd, with great excitement, I eagerly read your “one demand” statement. Hoping and believing that you enlightened folks fighting for justice and equality and an end to imperialism, etc., etc., would make mention of the fact that the very land upon which you are protesting does not belong to you – that you are guests upon that stolen indigenous land. I had hoped mention would be made of the indigenous nation whose land that is. I had hoped that you would address the centuries-long history that we indigenous peoples of this continent have endured being subject to the countless ‘-isms’ of do-gooders claiming to be building a “more just society,” a “better world,” a “land of freedom” on top of our indigenous societies, on our indigenous lands, while destroying and/or ignoring our ways of life. I had hoped that you would acknowledge that, since you are settlers on indigenous land, you need and want our indigenous consent to your building anything on our land – never mind an entire society. See where I’m going with this? I hope you’re still smiling. We’re still friends, so don’t sweat it. I believe your hearts are in the right place. I know that this whole genocide and colonization thing causes all of us lots of confusion sometimes. It just seems to me that you’re unknowingly doing the same thing to us that all the colonizers before you have done: you want to do stuff on our land without asking our permission.

But, fear not my friends. We indigenous people have a sense of humor. So, I thought I might make a few friendly suggestions which may help to “fix” the pro-colonialism position in which you now (hopefully, unintentionally) find yourselves. (Please note my use of the word “fix” in the previous sentence. That’s an attempt at a joke. You can refer to the third paragraph if you’d like an explanation.)

By the way, I’m just one indigenous person. I represent no one except myself. I’m acting alone in writing this letter. Perhaps none of my own Nishnaabe people will support me in having written this. Perhaps some will. I respect their opinions either way. I love my Nishnaabe people always. I am simply trying to do something good – same as all of you at the Occupy Wall Street protest in what is now called New York.

So, here goes. (You’re still smiling, right?)

1) Acknowledge that the United States of America is a colonial country, a country of settlers, built upon the land of indigenous nations; and/or…

2) Demand immediate freedom for indigenous political prisoner Leonard Peltier; and/or…

3) Demand that the colonial government of the United States of America honor all treaties signed with all indigenous nations whose lands are now collectively referred to as the “United States of America”; and/or…

4) Make some kind of mention that you are indeed aware that you are settlers and that you are not intending to repeat the mistakes of all of the settler do-gooders that have come before you. In other words, that you are willing to obtain the consent of indigenous people before you do anything on indigenous land.

I hope you find this list useful. I eagerly await your response, my friends.

Miigwech! ( ~”Thank you!” )

JohnPaul Montano

http://twitter.com/jpmontano

 

Ken Knabb : « Il ne s’agit pas d’une série de protestations, mais d’un mouvement »

Entretien de Ken Knabb sur le mouvement des occupations aux Etats-Unis  : par Serge Quadruppani

Anecdotique ? Ou, au contraire, l’un des mouvements politiques les plus importants de l’après-guerre ? Depuis la France, il est difficile de prendre l’exacte mesure du mouvement Occupy Wall Street, qui touche désormais des centaines de villes étatsuniennes. Pour s’en faire une idée, voici une interview de Ken Knabb, figure de la gauche révolutionnaire investi dans le mouvement Occupy Oakland.

Pour beaucoup de vieux radicaux français, Ken Knabb, grand connaisseur des situationnistes et actif révolutionnaire depuis les années 1960, est de longue date « notre correspondant aux States ». Son activité inépuisable – notamment à travers son site web – pour faire circuler informations et théories radicales entre les États-Unis et le reste du monde en ont depuis longtemps fait une référence1.

À Oakland, où le port a été bloqué pour la première fois depuis 1946 par la grève générale du 2 novembre, décrétée après les graves blessures infligées par une grenade policière à un ancien de la guerre d’Irak participant au mouvement des occupations, Ken est à présent plongé dans le maelström du mouvement Occupy Wall Street, qui touche désormais des centaines de villes étatsuniennes. Une interview s’imposait, pour comprendre l’ampleur et la profondeur inouïes d’un mouvement qui reste encore largement invisible de ce côté-ci de l’Atlantique.

***
Que s’est-il passé le mercredi 2 novembre ?

Durant la journée, plus de 50 000 personnes sont passées par la Frank Ogawa Plaza (lieu où s’est installé Occupy Oakland depuis trois semaines), certaines par simple curiosité, mais la majeure partie manifestant une vive sympathie pour le mouvement. Entre 20 et 30 000 personnes ont pris part aux marches vers le port (il y a eu deux marches séparées, l’un commençant à 16 h, la seconde à 17 h), qui a été bloqué jusqu’au lendemain. Durant la journée, il y a aussi eu plusieurs petites marches dans les quartiers proches pour faire des blocages ou tenir des piquets devant des bâtiments (notamment des banques) ; à ces occasions, un petit nombre de personnes ont provoqué un peu de casse. Enfin, tard dans la soirée, des gens ont occupé un immeuble vide des environs – dans le but de le transformer en bibliothèque et lieu de rencontre de Occupy Oakland. La police a attaqué, a pris l’immeuble, et a arrêté environ 100 personnes – dont beaucoup n’étaient pas impliquées.

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Y a-t-il des dissensions internes au sujet de la casse des vitrines ?

Le « vandalisme », ainsi que les actes de quelques dizaines de personnes tentant d’édifier des barricades dans la rue, a provoqué un large débat à l’intérieur du mouvement. Une grande majorité des manifestants estime que de telles tactiques ne sont pas avisées, qu’elles ne réalisent rien, qu’elles sont dans certains cas l’œuvre de provocateurs et que, dans tous les cas, elles semblent avoir le même résultat que si elles étaient l’œuvre de provocateurs (discréditer le mouvement, distraire l’attention d’actions en cours beaucoup plus significatives). En même temps, beaucoup de gens ont de la sympathie pour les émotions qui sont derrière de telles actions, et ne souhaitent pas dénoncer en tant que telle la simple casse des biens. Ils ne sont donc pas très sûr de ce qu’il faut faire.

Est-ce que le campement perdure ? Combien de personnes sont impliquées de manière permanente ?

À Oakland, des assemblées générales se tiennent presque chaque jour, et Occupy Oakland est plus vaste que jamais. Le campement a été rétabli moins de 48 heures après sa destruction par la police (le 25 octobre). Il y a peut-être deux cents personnes qui y vivent en permanence. Beaucoup d’autres viennent en visite, interviennent aux assemblées ou participent de diverses manières.

Comment analyses-tu la composition sociale du mouvement ? Est-ce qu’il y a un noyau qu’on peut situer socialement ?

C’est très varié. Occupy Oakland comporte peut-être 50 % de Noirs et de Latinos, alors que des occupations dans d’autres régions du pays peuvent être principalement le fait de Blancs. Certaines occupations sont avant tout le fait de gens très pauvres, de SDF, etc., d’autres incluent des employés. Il est certain que les jeunes précaires sont parmi les participants les plus répandus.

En France, on ne se rend pas compte de l’importance et de la profondeur du mouvement. Peux-tu nous dire où il en est aujourd’hui dans l’ensemble des États-Unis ?

Il y a des occupations effectives dans plusieurs centaines de villes, et des occupations en projets dans mille autres, y compris dans des régions considérées comme plutôt réactionnaires. Ces occupations rassemblent de quelques dizaines à plusieurs centaines de personnes, mais elles sont aussi soutenues par des centaines d’autres qui apportent de la nourriture, du matériel, etc., et qui prennent part aux assemblées et aux manifestations. Ce mouvement ne cesse de grandir. Les mois d’hiver pourraient rendre les choses plus difficiles, mais les occupations vont certainement continuer, même si elle devront, dans certaines régions, se déplacer dans des bâtiments. Il y a un esprit et une détermination qui font penser au mouvement des Droits civiques il y a cinquante ans : peu importe le harcèlement de la police, nous sommes en train de gagner. Nos opposants réagissent, mais ne comprennent pas du tout ce qui arrive. Ils ne comprennent pas qu’il ne s’agit pas d’une série de protestations, mais d’un mouvement. Et au risque de sembler extravagant, je dirais que c’est le début d’un mouvement implicitement révolutionnaire.

Peux-tu nous donner une idée de ce qui est discuté dans les assemblées ou en dehors des assemblées, des idées générales qui circulent ?

Les gens discutent de toute sorte de choses. Par dessus tout : 1) de questions pratiques particulières concernant les occupations. C’est-à-dire comment s’organiser pour les tentes, la nourriture, le reste du matériel ; comment organiser les assemblées (généralement avec un facilitateur, avec consensus, ou « consensus modifié » : le soutien de 90 % de l’assemblée est nécessaire pour passer une proposition) ; comment réagir face à la répression ou harcèlement policier ; comment réagir face aux exigences de la municipalité sur le respect de différents règlements, etc. 2) des questions externes de politique : est-ce qu’il faut manifester ou tenir des piquets devant telle banque ou telle entreprise, est-ce qu’il faut intervenir en soutien sur certaines questions (concernant l’économie, les SDF ou prisonniers, l’environnement, les guerres et une centaine d’autres questions) ?

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Est-ce que l’idée d’une autre société possible se précise ? Est-ce que des propositions sont avancées sur les moyens d’y arriver ?

L’idée d’un autre type de société est implicite dans tout cela. La plupart du temps, les gens n’en parlent pas parce qu’ils comprennent qu’il est beaucoup plus important de prêter attention à ce qu’ils font maintenant. Ils saisissent que ce processus est la partie principale de toute solution ultime. Selon moi, il est à peu près sans importance que les gens disent qu’ils sont pour ou contre le « capitalisme » ou « l’État » ; il est beaucoup plus important qu’ils soient dès maintenant engagés dans un processus non-hiérarchique et non-capitaliste. Je crois qu’ils développeront ainsi des projets bien plus efficaces que s’ils se préoccupaient de débattre entre diverses nuances du radicalisme.

Le reste de la population est-il hostile, indifférent ou sympathisant ?

Une bonne partie du reste de la population se montre relativement sympathisante, en partie parce que – justement – la plupart des occupations évitent la rhétorique radicale (Oakland est un peu exceptionnel à cet égard), se présentant plutôt comme une façon simple et de bon sens de s’attaquer à des problèmes dont chacun a conscience, d’une manière qui correspond bien aux premières traditions américaines (se rassembler dans des assemblées de ville pour débattre de ce qui est peut être fait pour résoudre divers problèmes pratiques). Presque tous ceux que je connais éprouvent beaucoup de sympathie pour le mouvement, même s’ils n’ont pas encore commencé à y participer.

D’après ce que j’ai compris, les médias ont d’abord été hostiles ou indifférents, mais une certaine sympathie s’y exprime maintenant. Qu’en est-il exactement ? Et quelle est l’attitude du mouvement vis-à-vis des médias ?

Il cherche surtout à construire ses propres canaux. De façon générale, les médias restent relativement hostiles, mais le mouvement est si étendu et suscite tant de sympathies qu’ils sont obligés de ne pas trop le montrer. Quant à l’attitude des occupations envers les médias, elle varie. Certaines les rejettent, d’autres s’efforcent d’être amicales, d’accueillir les médias et de leur organiser des visites.
Il faut surtout souligner que ce mouvement ne dépend plus des médias dominants parce qu’il s’est d’abord répandu par le moyen de médias interactifs, participatifs, tels que les sites web, les blogs, les mails, Facebook, Twitter, les vidéos YouTube, etc. De même, une grande partie de la population s’informe sur le sujet à partir des vidéos qui circulent sur le web ou via facebook.

Es-tu heureux comme en 1968 ? Ou comme dans d’autres grands moments de rupture que tu as pu vivre ?

Ces six dernières semaines ont été de loin les jours les plus heureux de ma vie ! J’ai vécu tous les événements des années 1960, mais rien de ce qui s’est déroulé alors n’est comparable à ce qui est en train de se passer ici et maintenant. La propagation de ce mouvement a été absolument stupéfiante, cela dépasse mes rêves les plus fous. Chaque jour, il y a des développements nouveaux et étonnants, la plupart positifs.
Par exemple, ce matin-même, un énorme rassemblement s’est tenu à l’université de Berkeley, suite a quelques violences policières au campus hier soir, et les étudiants parlent déjà de la possibilité d’une grève dans les universités…

Est-ce que la référence aux mouvements arabes est présente ?

Bien sûr, le Printemps arabe est vu comme l’une des inspirations majeures, ainsi que certaines des occupations menées en Europe, notamment en Grèce et en Espagne. Mais le mouvement s’appuie principalement sur ses propres expériences : l’exemple d’une occupation conduite dans une ville américaine, une fois propagé presque instantanément via Facebook et YouTube, peut être imité dans cent autres. Cela concerne aussi bien les slogans et les pancartes, qui font preuve d’une créativité comparable aux graffitis de mai 1968, que les tactiques et stratégies.

***
Pour développer et approfondir cet entretien, il est indispensable de se reporter aux textes de Ken (appels aux traducteurs) :

* The Awakening in America (« Le Réveil en Amérique », vue générale du mouvement).
Ce texte a été traduit en français, à lire ici.

* Yesterday in Oakland (« Hier à Oakland » sur le raid policier du 25 octobre et ses suites)

* Welcome to the Oakland General Strike (« Bienvenue dans la Grève générale d’Oakland  »)

The Situationists and the Occupation Movements (1968/2011) (« Les situationnistes et les mouvements d’occupation » – comparaison avec le mouvement des occupations de mai 1968).

 

“Si la mine empoisonne notre eau, ce sera la fin de mon people.”

Carletta Tilousi, membre du Conseil Tribal Havasupai

Depuis plus de 25 ans, les compagnies internationales ont agressivement cherché à s’emparer de l’uranium dans le Grand Canyon (du Colorado – NdT). Les citoyens de l’Arizona doivent être informés des dangers et des effets définitifs sur la santé causés par l’exploitation des mines d’uranium. Cette activité a par le passé affecté directement la santé des Tribus Indiennes locales vivant dans et autour de la région du Grand Canyon. Par exemple, on a diagnostiqué dans beaucoup de familles Navajo de nombreuses formes de cancer causées par les mines d’uranium abandonnées un peu partout dans la Réserve Navajo.

De plus, la Tribu Havasupai a combattu depuis des années contre le projet d’ouvrir au bord du Grand Canyon des mines d’uranium situées juste au dessus de leurs sources d’eau et près de la montagne sacrée Red Butte. La Tribu a appris a connaître les effets de la contamination irréversible que l’exploitation de mines d’uranium peut causer à l’Havasu Creek.

Les compagnies minières se proposent de transporter l’uranium en passant directement par le territoire où résident nos communautés dans le Nord de l’Arizona.

Extrait de la page d’accueil  du site Stop Uranium Mining :

http://www.stopuraniummining.org

Traduction Christine Prat

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L’EPLOITATION DE MINES D’URANIUM MENACE A NOUVEAU LE GRAND CANYON

Par Christine Prat

Depuis des années déjà, les grandes compagnies minières, en particulier la compagnie Canadienne Denison Mines (mais aussi AREVA et d’autres), cherchent à obtenir l’autorisation d’ouvrir des mines d’uranium aux abords du Grand Canyon du Colorado, un site classé, une région en principe protégée, et surtout le territoire de plusieurs Tribus Autochtones. (Voir l’article de Klee Benally publié sur ce site en mars dernier)

En juin dernier, le Ministre de l’Intérieur Ken Salazar a étendu le moratoire qui protégeait la région pour les 20 années à venir.

Les habitants de la région et les adversaires du nucléaire ont cru pouvoir être tranquilles pour un moment. Le 20 juin 2011, le site Stop Uranium Mining a publié un article annonçant la victoire. (Voir http://www.stopuraniummining.org/2011/06/1-million-acres-of-grand-canyon-watershed-protected-from-uranium-mining/ )

Cependant, le 13 octobre dernier, le Today’s News Herald a publié un article annonçant que les « Législateurs » des Etats-Unis avaient présenté une proposition au Congrès visant à bloquer les mesures de protection prises par le Ministère de l’Intérieur. Pour le district [équivalent d’une circonscription électorale] concerné, le Représentant est le Républicain Paul Gosar.

Le journal en question – qui n’a visiblement rien contre la radioactivité – annonce que « Les Législateurs U.S. ont ranimé l’espoir de disqualifier la désinformation et la controverse concernant la fermeture de terres riches en uranium et le droit d’exploiter un million d’acres près du Grand Canyon et dans le Nord du pays Mohave ». L’’ auteur de l’article ajoute que cette loi « empêchera le Ministère de l’Intérieur d’interdire l’exploitation minière dans une vaste région d’Arizona – une mesure qui pourrait tuer la promesse de centaines d’emplois dans l’industrie minière de la région. »

Toujours d’après le même article, « le Représentant Républicain d’Arizona Jeff Flake a déclaré qu’il s’attendait à l’opposition de certains membres du Congrès, mais qu’il est persuadé que mettre l’accent sur l’emploi serait l’hameçon. »

Le même bonhomme – Républicain – a dit aussi qu’il y avait beaucoup de désinformation de la part des groupes écolo quand il s’agissait d’uranium. Le Représentant  – tout aussi Républicain – Paul Gosar prétend que les écolos ont usé de « tactiques de terreur » pour intimider le public et affirme que « c’est un procédé très, très sûr » qui doit être utilisé désormais dans les mines d’uranium, et que la « tâche est d’éduquer le public ». (Voir aussi le site US d’Areva, qui explique comment embobiner les indigènes qui se méfient de l’uranium http://us.arevablog.com/2011/08/03/whats-sustainable-uranium-production-in-indian-country-an-exercise-in-branding/#more-4654).

L’article dit aussi que le Sénateur – Républicain – d’Arizona John McCain (vous vous rappelez ? ex-candidat à la présidentielle) se réclame de l’Arizona Wilderness Act de 1984 – qui désigne certaines parties de l’état comme « zone sauvage » (protégée) et d’autres comme pouvant être utilisées pour une exploitation de l’uranium ‘raisonnable et sans danger’ – pour affirmer que l’interdiction d’exploiter l’uranium en Arizona n’est pas autorisée.

Un autre Représentant – Républicain – d’Arizona cité dans l’article, Trent Franks, déclare que le Président Obama est à côté de la plaque en « plaçant des écologistes forcenés au-dessus de l’indépendance énergétique à long terme et de la sécurité nationale de l’Amérique… »
Le Représentant David Schweikert prétend que refuser la proposition de loi serait « tuer l’emploi ». Etc…  Tous affirment que l’uranium peut créer des centaines d’emplois, et surtout, rapporter des milliards à l’Arizona. Y en aura-t-il  aussi un peu réservé aux Havasupai pour soigner leurs cancers à venir ?

***

Les Havasupai vivent dans le Grand Canyon, en contrebas du Cataract Canyon dont les eaux arrivent dans leur village, Supai. Le village n’est accessible qu’en hélicoptère, par des chevaux de charge, ou à pied (près de 30 km de descente ou d’escalade). Les Havasupai y ont été déportés en 1882 par le gouvernement des Etats-Unis. A l’origine, ils vivaient dans un lieu aujourd’hui appelé Red Butte. Le site de Red Butte reste d’une grande importance spirituelle pour eux. Les êtres du Tonnerre et du Nuage de Pluie y apportent la pluie qui s’écoule dans le Cataract Canyon. Ils y vont en pèlerinage, y tiennent des cérémonies, y cueillent des plantes médicinales. Certains de leurs ancêtres y sont enterrés.

Les mines d’uranium menacent ce site sacré. L’une des mines prévues par Denison Mines n’est qu’à un peu plus de 3 km du pied de Red Butte.
Les Havasupai résistent à l’exploitation minière depuis plus de 20 ans. Cependant les compagnies ne lâchent pas. Elles promettent des emplois dans la région.

Mais les groupes écologistes et les tribus pensent que les dégâts causés par l’uranium dépasseront largement ces avantages. Malgré les dénégations des partisans de l’uranium, ils pensent que l’exploitation minière pourrait polluer (avec de l’uranium, du mercure et du cyanure) le bassin du Colorado et d’autres sources, qui fournissent l’eau potable à environ 25 millions d’habitants en aval.

De plus, les communautés indigènes de la région ont pu voir les dévastations causées par l’exploitation de mines d’uranium, en particulier dans la réserve Navajo. Voir article de Brenda Norrell sur la catastrophe de Church Rock

Le gouvernement Obama a prétendu vouloir protéger les communautés et les sources d’eau. C’est ce qu’a répété le Ministre de l’Intérieur Ken Salazar, lorsqu’il a proposé de prolonger le moratoire sur l’attribution de nouveaux permis d’exploitation. Cependant, le soutien de ce même gouvernement au développement du nucléaire – civil et militaire – contredit ces promesses et l’aidera probablement à céder une fois de plus aux Républicains.

 

Voir l’article de Christina Aanestad du 4 août 2009 sur le site http://www.stopuraniummining.org/2011/01/protect-mother-earth/

 

Par Brennan Lagasse

Article original en Anglais publié par Indigenous Action le 3 novembre 2011

Traduction Christine Prat

Le 12 octobre 2011, des Anciens et Hommes et Femmes Médecine Indigènes se sont rassemblés pour une conférence téléphonique avec plusieurs représentants du gouvernement fédéral. Le but de l’appel était de poursuivre le dialogue sur la protection des sites sacrés indigènes qui sont toujours sous l’autorité fédérale. Ce fut une expérience très appropriée pour voir où en est la culture de pouvoir du gouvernement fédéral à l’époque moderne, en ce qui concerne le respect du bien-être des Peuples Autochtones.

Bien que plusieurs représentants du gouvernement aient pris part à la téléconférence, le message clair et évident pour ceux qui ne faisaient pas partie du gouvernement fédéral fut, premièrement, que la protection des sites sacrés n’est pas suffisamment importante pour que le Ministre Tom Vilsack – celui sur la participation duquel comptaient tous les Anciens et Hommes et Femmes Médecine Indigènes – participe à la communication. Et deuxièmement, qu’il n’est pas suffisamment important d’honorer la demande de ceux pour qui ces lieux sont au centre de leur bien-être et de leur mode de vie, pour avoir cette conversation en personne.

Quels progrès ont été fait pendant toutes ces années de travail pour protéger les sites sacrés par des décrets, des règles, des lois, des règlements, des politiques et des actions judiciaires si la réalité d’aujourd’hui est toujours la même pour les Peuples Autochtones que lorsque tout travail de rapatriement a commencé ?

Quand le gouvernement fédéral admettra t-il que, pour trouver une solution à ce grave problème, il est nécessaire d’engager le dialogue en personne et que ceux qui prennent les décisions finales, comme le Ministre Tom Vilsack, doivent être présents et s’engager complètement pour qu’un travail durable soit accompli ? Sans une telle représentation, étant donné qu’on avait laissé entendre aux Anciens et Hommes et Femmes Médecine indigènes qu’il participerait au moins à cette conférence téléphonique, quel message cela exprime t-il finalement ? Que tout « progrès » sera distillé par d’autres représentants, continuera à n’engager à rien, et d’une manière générale, que cet épisode ne fait que maintenir le statuquo. Que peuvent les peuples indigènes faire de plus pour que les dirigeants non-indigènes comprennent leur point de vue ? Cela a été expliqué mainte et mainte fois, et ne s’écarte pas du système de croyances déjà expliqué en mars dernier :

« Le Créateur a donné au Peuple des Nations Autochtones et Aborigènes des Lois à suivre et des responsabilités concernant le devoir de prendre soin de toute la Création. Ces instructions ont été transmises de génération en génération depuis l’origine de la Création. La Loi est que personne n’est au-dessus de la Loi du Créateur, vous faites partie de la Création, donc si vous brisez la Loi, vous vous détruisez vous-même.
Nous parlons au nom de toute la Création : ceux à quatre pattes/ceux qui nagent/ceux qui rampent/ceux qui volent/ceux qui font leur terrier dans la terre/les Nations des plantes et des arbres. Ce système de vie unique inclut les quatre éléments, le feu, l’eau, la terre et l’air, l’environnement vivant de ‘Notre Mère la Terre’.
Le Sacré de la Loi du Créateur a été brisé. L’équilibre de la vie a été rompu. Vous venez à la vie en tant qu’être sacré. Si vous malmenez le caractère sacré de votre vie, cela a des conséquences pour toute la Création. L’avenir de la vie est actuellement menacé. Nous avons atteint le croisement des voies possibles. En tant que Peuple Autochtone et Aborigène, nous vous demandons de collaborer avec nous pour sauver le futur de toute la Création. »

– Message du Peuple des Nations Autochtones et Aborigènes (11 mars 2011).

Le point de vue de ceux qui se battent pour sauver leurs sites sacrés, les lieux les plus saints sur terre, est clair et succinct. Il l’a été depuis le premier jour. C’est la voie qu’il faut suivre, comme méthode pour essayer d’aider des institutions comme le Service des Fôrets à comprendre la sincérité et l’importance de ce dialogue, et pour prévenir la profanation future de ces sites qui ont été compromis pour des années sur les plans spirituels et environnental.
Les Anciens et Hommes et Femmes Médecine indigènes ont demandé que la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones soit désormais incluse dans tous les documents officiels. Comment se fait-il que ce ne soit pas encore clair à ce moment de l’histoire ? De plus, si on ne mentionne pas la Loi du Créateur dans de tels documents, une Loi qui s’impose aux Peuples Autochtones et déclare toute vie et création sacrées, l’oppression continue. Cette Loi ne peut être altérée ou manipulée et est immuable du point de vue des peuples autochtones. Encore une fois, on ne peut être plus clair.
Le gouvernement fédéral continue à réagir aux préoccupations des Indigènes d’une façon qui ne reconnaît pas la valeur du respect des peuples indigènes pour leurs sites sacrés et de ce qui les y relie. On ne peut dire plus simplement qu’il n’y a pas de garanties durables et sérieuses mises en place pour protéger les lieux sacrés. Même, un style de développement non-durable continue sous le nom de « règlement progressiste des conflits. »
L’harmonie peut et doit être réalisée, mais le respect du point de vue [des indigènes], de la tradition et de la spiritualité doit être admis dans sa nature profonde et durable pour atteindre un équilibre réel entre « territoire publique » et sites sacrés.

Si les institutions fédérales acceptent sincèrement de reconnaître les torts du passé, mais cessent de prendre des mesures significatives pour avancer, comment les peuples autochtones pourraient-ils non seulement avoir confiance en leur rôle, mais aussi croire enfin que le génocide par la destruction de la langue, des modes de vie traditionnels et des sites sacrés ne va pas continuer comme ce fut le cas pendant des centaines d’années ?

Beaucoup d’efforts ont été faits pour effacer les blessures du passé, mais si vous écoutez les peuples autochtones, ils vous diront que non seulement ils ressentent encore le poids du passé, mais que leur mode de vie est toujours miné par l’activité actuelle, vue par les institutions fédérales comme une « progression ». C’est un problème majeur, criant, sur lequel on passe systématiquement.
Il y a encore beaucoup à faire, et malgré tout ce qui s’est passé sur les terres sacrées indigènes dans le passé, les Anciens, les Hommes et Femmes Médecine et tous les dépositaires de valeurs institutionnelles sont toujours prêts à essayer de trouver une solution durable pour maintenant et pour les générations futures. C’est une préoccupation majeure et reflète directement la Loi du Créateur, qui si elle était admise et respectée par les institutions fédérales, pourrait permettre une solution.
Le plus étonnant dans ce problème interminable est sans doute le fait que les peuples indigènes continuent à être prêts à discuter et travailler à des solutions, malgré un continuel manque de respect, encore exprimé par le fait que le Ministre Vilsack ait négligé une conférence téléphonique d’importance vitale. Cependant, aucun progrès futur n’est possible sans entendre ces paroles. Une réunion doit être organisée, pour un dialogue face à face et en personne entre les nations indigènes et les dirigeants d’institutions fédérales comme le Ministère de l’Agriculture, qui ont le pouvoir de faire passer une législation respectant les préoccupations, les traditions et les croyances des peuples indigènes.

La culture moderne du gouvernement fédéral ne respecte toujours pas la culture indigène. Les gens de culture moderne, même ceux qui ont du pouvoir, n’ont pas à être si oppressifs et méprisants pour défendre leur point de vue « moderniste » vis-à-vis de ceux qui vivent différemment. La seule question reste : le Ministère de l’Agriculture et les autres institutions concernées accepteront ils cette invitation, et viendront ils effectivement à la table des négociations avec l’esprit et le cœur ouverts, prêts à écouter et à effectuer les changements que toutes les parties savent nécessaires pour qu’ils soient ressentis sur le terrain par les gens les plus concernés ?

 

Brennan Lagasse est écrivain et consultant en écologie vivant à Lake Tahoe, Californie. Il est aussi correspondant sur place de Unofficial Networks (Réseaux Non-Officiels – NdT), www.unofficialnetworks.com . Brennan peut être contacté à l’adresse brennanlagasse@hotmail.com .