LPeltierCNDéclaration de printemps de Leonard Peltier

Publiée le 27 mars sur Facebook
par Leonard Peltier Defense Offense Committee
Also on Censored News
Traduction Christine Prat

 

 

Salutations, mes amis, parents, soutiens et tous ceux qui soutiennent la cause de la liberté, non seulement pour les Autochtones d’Amérique, mais pour tout le monde.

Je sais que quelquefois ce n’est pas facile de s’impliquer et de rester impliqué, alors je veux remercier du fond de mon cœur et de toute mon âme ceux d’entre vous qui l’ont fait. Nous avons besoin de plus de gens encore partout dans le monde, qui se préoccupent non seulement de la liberté des autres, mais aussi de nos futures générations et de la sorte de Terre que nous laissons derrière nous.

Je sais qu’il y a des prophéties, des prédictions et des croyances qui prédisent la fin des temps, de la vie telle que nous la connaissons, et je veux vous dire que toutes ces choses ont été dites pour notre bien, afin que nous puissions choisir une voie différente. Partout dans le monde il y a des gens qui cherchent à servir Dieu ou le Créateur ou le Grand Esprit ou tout autre nom par lequel vous nommez le pouvoir supérieur qui nous donne la vie, et je veux vous dire qu’à ce point des temps, notre plus grand ennemi n’est pas un être surnaturel avec des cornes et une longue queue ni un quelconque esprit malfaisant; notre plus grand ennemi partout dans le monde c’est la gloutonnerie, le fait que les gens veuillent et prennent plus que ce dont ils ont besoin. C’est la cause de toutes les guerres, des invasions, des dictatures et des pollutions auxquelles l’humanité est confrontée.

C’est la voie de nos Peuples Autochtones de ne pas prendre plus que ce dont nous avons besoin. C’est dans l’enseignement des Chrétiens, c’est dans l’enseignement des Musulmans, et dans celui des Bouddhistes. C’est un enseignement de base, fondamental, de toutes les grandes spiritualités dans le monde, que nous ne prenions pas plus que ce dont nous avons besoin. C’est aussi un enseignement de mon peuple, que lorsque vous prenez quelque chose à la Terre, vous devez donner quelque chose en retour. L’humanité a contracté une lourde dette envers la Terre, et une lourde dette envers la Nature, et que çà nous plaise ou non, que nous le reconnaissions ou pas, cette dette sera remboursée d’une manière ou d’une autre.

Quand des gens provoquent des explosions sous la Terre, cette Terre que nous appelons notre Mère, quand ils fabriquent des poisons et des radiations et autres choses mortelles et les mettent dans notre mère, ils causent des malformations congénitales à toute la nature, y compris l’être humain. Ceci peut ne pas paraître très scientifique et un peu simpliste, mais c’est une vérité et cette vérité est en train d’émerger de façon évidente dans toute l’humanité. Nous voyons ces malformations congénitales dans les animaux et les poissons de l’océan, les oiseaux dans le ciel et les reptiles. Nous la voyons dans nos eaux et dans notre air. Nous devons trouver un moyen de bloquer ces grandes entreprises dont les PDG vivent dans des villas et des chalets climatisés dans un environnement artificiel qu’ils sont les seuls à pouvoir se payer.

Nous devons les convaincre, de toutes les façons que nous pouvons, de respecter notre Terre et de nous respecter, et ne pas les autoriser à détruire notre Mère la Terre par la fracturation hydraulique et les oléoducs pleins de pétrole qui traversent les terres, et les plateformes dans l’océan d’où le pétrole fuit, ou les pesticides qui tuent les abeilles et détruisent la chaine alimentaire des oiseaux. Notre Mère la Terre est une création vivante, et nous faisons tous partie de ce cycle de vie, nous sommes tous dépendants les uns des autres. Chaque fois que j’allume la télévision dans la salle commune ou que j’ouvre un magazine international, je lis et vois l’évidence de cette destruction.

Je sais que parfois nous avons le sentiment que nous ne pouvons rien faire ; mais nous le pouvons, si chacun de nous fait quelque chose, ensemble nous pouvons accomplir un changement et nous le ferons. Ce peut être manifester avec une pancarte ou peut-être écrire au Sénateur ou aux membres du Congrès ou peut-être voter pour quelqu’un qui défend l’énergie naturelle et renouvelable, comme le vent, le soleil et autres.

Quoique vous choisissiez, choisissez quelque chose, faites une différence, faites que votre vie compte pour quelque chose. En ce moment même, dans différentes régions des Etats-Unis et du Canada, il y a des gens de tous âges et de toutes origines qui essaient de bloquer ces oléoducs qui transporteront de la boue et cette fracturation qui déclenche des explosions sous la Terre et cause aussi des tremblements de terre. C’est un danger immédiat ; il est très réel et vous pouvez y faire quelque chose.

Je veux vous rappeler que sans des gens comme vous qui ont pris position pour certaines choses, nous n’aurions pas de forêts nationales, de séquoias, il n’y aurait pas d’animaux et autres diverses formes de vie, il n’y aurait pas le Parc de Yellowstone et beaucoup plus d’espèces auraient totalement disparu.

Donc, prendre position FAIT la différence. Prier le Créateur pour demander de l’aide et remercier le Créateur pour ce que nous avons est important, mais ce qui est vraiment plus important, c’est de démontrer cette foi et cette croyance. Vous la démontrez en protégeant et respectant cette nature et cette Terre qui nous a été donnée pour y vivre. Ce que vous êtes n’est pas défini par ce que vous faites quand tout est en équilibre, ce que vous êtes est défini par ce que vous faites quand vous faites face au déséquilibre, quand vous faites face à un défi qui exige un sacrifice ou quelque force intrinsèque, qu’on appelle le courage. C’EST ce qui vous définit.

Je ne suis pas dans cette prison pour avoir fait quoique ce soit de mal. Je suis dans cette prison parce que j’appartenais à un peuple qui a essayé de réparer un tort. Je suis dans cette prison comme affirmation des forces gouvernementales contrôlées par les grandes entreprises qui veulent nous signifier : « Abandonnez vos ressources, abandonnez votre liberté, ne nous résistez pas ». C’est le message qu’ils diffusent en me gardant ici.

Je veux vous le dire sincèrement, ce n’est pas facile d’être ici. C’est un endroit épouvantable, mais quand j’ai choisi de répondre à l’appel avec d’autres Autochtones, beaucoup d’entre nous ont fait le serment de résister jusqu’à la mort si nécessaire. Certains se sont fait tirer dessus et ont été tués, leurs vies ont été ravies immédiatement. Ma vie m’est ravie jour par jour. Mais si je devais le refaire, je choisirais encore de résister pour mon peuple et votre peuple et nos générations futures, pour protéger nos libertés et notre Mère la Terre, et en faisant cela, je suis honoré de ce que vous vous souveniez de moi. Je veux vous remercier de vous souvenir, de moi et de tous les autres avant moi, et de ceux qui maintenant font la même chose et savent qu’il y en aura d’autres dans l’avenir.

Je ne peux pas vous dire que ces choix vous ferons toujours vous sentir bien, je ne peux pas vous dire que ces choix ne feront pas souffrir ou ne causeront pas des moment de dépression ou de chagrin, mais je peux vous dire qu’il y a une proximité avec le Créateur qui ne ressemble à aucun des sentiments agréables que vous pourriez connaître où que ce soit ailleurs, une proximité avec le Créateur que personne ne peut vous retirer et qui fait que tout vaut la peine. Je dis ces choses en ce moment parce que je reçois beaucoup de lettres et de communications maintenant, de groupes dans tout le pays qui sont confrontés à des crises dans leurs organisations en essayant de mettre un terme à ces pollutions et destructions. Comme par le passé, je veux vous encourager à faire de votre mieux, à réparer ce qui est mal et à protéger ce que nous avons et regagner ce que nous avons perdu.

Je veux vous remercier pour votre soutien et je veux que vous sachiez que tant que je serai sur cette terre et aurai la possibilité de dire quelque chose, moi-même et ce comité ferons du mieux possible pour toujours faire ce qui est juste.

Dans l’Esprit de Crazy Horse

Sincèrement,

Leonard Peltier
Mitakuye Oyasin

 

PRIS ENTRE DEUX FEUX : LA MILITARISATION DE LA FRONTIERE US-MEXIQUE MENACE LE MODE DE VIE D’UNE TRIBU AUTOCHTONE ! INTERVIEW D’ALEX SOTO, TOHONO O’ODHAM ET DE KLEE BENALLY, DINE (NAVAJO)

Extrait de l’émission du
Vendredi 14 mars 2014
Democracy NOW!
Transcription par Brenda Norrell
Publiée sur Censored News
Traduction et sous-titres Christine Prat

 

(Voir autre extrait de l’émission: interview de Klee Benally sur les mines d’uranium et ci-dessous vidéo d’une action à Tucson en 2010 et un clip de ‘Papers’ par Shining Soul)

 

Le Président Obama a déployé des milliers de nouveaux agent de la Patrouille des Frontières des Etats-Unis à la frontière sud de l’Arizona, un état connu pour sa politique controversée de répression contre les immigrants. Environs 28 000 membres de la Nation Tohono O’odham sont pris au milieu du processus de militarisation de la frontière. Leur réserve, reconnue au niveau fédéral, est à peu près de la taille du Connecticut, et sur 122 km, elle s’étend des deux côtés de la frontière US-Mexique. Dans l’émission enregistrée à Flagstaff, Arizona, Democracy NOW ! Amy Goodman a interviewé Klee Benally, un activiste Diné (Navajo), et Alex Soto, membre de la Nation Tohono O’odham et organisateur du mouvement O’odham Solidarity Across Borders [Solidarité O’odham à Travers les Frontières]. Il est aussi membre du duo de hip-hop [rap] Shining Soul. « Les Tohono O’odham, ce qui signifie les gens du désert, se retrouvent au centre de politiques coloniales qui actuellement sont en train de militariser nos territoires, par le nombre d’agents de la Patrouille des Frontières, les points de contrôle, les drones et la surveillance générale de notre communauté », dit Alex Soto.

Alex Soto, Tohono O’odham, parle de la militarisation de la frontière – et de la Réserve

La réserve Tohono O’odham s’est trouvée divisée par la frontière US-Mexique, suite à la conquête de territoires mexicains par les Etats-Unis en 1846. Leur situation s’est beaucoup détériorée suite à la politique controversée de répression de l’immigration illégale, pendant le mandat de la Gouverneur Jan Brewer (qui vient d’annoncer qu’elle ne se représentera pas). Le Président Obama a également déployé des milliers de nouveaux agents de la Patrouille des frontières à la frontière sud de l’Arizona. 28 000 membres de la Nation Tohono O’odham se retrouvent coincés. De nombreux O’odham doivent passer par des postes de contrôle pour se déplacer dans leur territoire et ceux qui résident du côté mexicain de la frontière sont totalement coupés de leur tribu.
Alex Soto, Tohono O’odham, a participé en 2010 à une action d’occupation du Bureau de la Police des Frontières à l’intérieur de la base militaire de l’Armée de l’air Davis-Monthan à Tucson.

 

ALEX SOTO : LA SITUATION DES TOHONO O’ODHAM A LA FRONTIERE

« Actuellement, ma communauté se retrouve prise au milieu d’une offensive pour militariser la région frontalière. Les Tohono O’odham – ce qu’on traduit par « gens du désert » – sont pris dans des politiques coloniales qui maintenant militarisent nos territoires, que ce soit par le nombre d’agents de la Patrouille des Frontières, les points de contrôles, les drones, et simplement la surveillance omniprésente de notre communauté. Ainsi, en ce moment même, notre mode de vie en tant qu’ O’odham est affecté, que ce soit dans les pratiques traditionnelles ou le fait de voir la famille et les amis, et c’est affecté partout par la militarisation. »

« Dans notre réserve, n’oubliez pas, la région frontalière que vous avez partagée sur 122 km, il n’y a pas encore nécessairement de mur [Les autorités ont entrepris de construire un mur le long de la frontière, dans la réserve Tohono O’odham, il n’est pas encore construit, faute de moyens financiers – NdT]. Tout ce qu’il y a, ce sont des barrières pour bloquer les véhicules. Au cours de ma vie, à un certain moment, dans ma petite enfance, il n’y avait pas de clôture. Donc, au cours de ma vie j’ai vu les changements causés par les politiques d’immigration appliquées par le gouvernement des Etats-Unis. Et maintenant nous en sommes au point où nous avons des barrières pour les véhicules. Mais la pression exercée actuellement pour une réforme totale de la politique d’immigration pousse à un scénario du genre Mur de Berlin dans ma communauté. »

« Vous savez, en grandissant – je n’ai que 28 ans – j’ai toujours été élevé en sachant, en tant qu’ O’odham, que le territoire des deux côtés de la soi-disant frontière US-Mexique était notre territoire. Et quand j’étais jeune, il n’y avait pas de frontière là-bas, à part les clôtures pour les poules, l’élevage, des choses pratiquées dans la communauté. C’est seulement depuis le début des années 1980 jusqu’au début des années 1990, plus particulièrement avec la signature du NAFTA, que nous avons vu des pressions pour réguler la frontière, à cause du taux de communautés migrantes ou des Autochtones du Mexique immigrant ici pour des raisons politiques, à cause de la politique économique des Etats-Unis. Ainsi, au cours des années 1990, il y a eu une escalade pour ces raisons, jusqu’en 2001, avec l’affaire du 11 septembre, qui a augmenté la pression pour imposer des politiques de militarisation. Et maintenant, nous sommes dans cette situation, plus ou moins à cause de la politique d’immigration. Donc, ajoutées les unes aux autres, ces questions qui nous frappent ne sont pas nécessairement des problèmes O’odham, mais le contexte global pousse à la militarisation de notre territoire. »

« Je fais partie d’un mouvement de base, dans la communauté, avec beaucoup d’autres jeunes qui prennent l’initiative de connaître nos droits vis-à-vis de la Patrouille des Frontières, parce que dans notre communauté, la Patrouille des Frontières opère comme si… enfin, sans rendre de comptes. Je veux dire – pensez que notre réserve n’est pas une zone urbaine, c’est une zone rurale. Alors, les agents se lancent dans des actions, voyez-vous, ils font ce qu’ils veulent. Ceci étant dit, les membres de notre communauté se trouvent ne pas savoir quels sont leurs droits. Alors, mes amis, en particulier le collectif dont je fais partie, qui fait un travail de solidarité, ont établi clairement, là-bas, ce qu’on peut et ne peut pas faire. En particulier, en ce qui concerne les relations avec la Patrouille des Frontières, ils ne sont supposés que vous demander votre nationalité. Ils n’ont pas à vous demander d’où vous venez, qui est votre famille ou qui est cette personne à l’arrière du véhicule, qui semble, à leurs yeux, vous voyez ce que je veux dire, illégale, etc. bien que, comme vous l’avez dit, nous soyons les premiers habitants de ce territoire. Et n’oubliez pas, nous sommes tous Autochtones, comme il a été dit. »

« Autant que je sache, [si tant de gens vont là-bas, c’est] parce dans notre communauté, nous avons des villes frontalières très proches, comme Ajo, Casa Grande, où se trouvent les agents de la Police des Frontières – vous savez, à cause de la pression, de l’escalade en cours. Des petites villes rurales sont en train de devenir des ports d’attache pour eux, pour y vivre. Vous savez, il y a des milliers de résidents, surtout à Ajo, qui ont maintenant des agents de la Patrouille des Frontières logeant là-bas. C’est vraiment triste. »

 ALEX SOTO ET KLEE BENALLY A PROPOS DU ROLE DE LA MUSIQUE DANS LA LUTTE

ALEX SOTO:
« Shining Soul, c’est moi-même et mon collègue, du sud de Phoenix, c’est un Chicano, Franco Habre, aka The Bronze Candidate. Mon projet de hip-hop s’appelle Shining Soul, nous formons un duo. Voyez-vous, nous faisons du rap. Nous faisons nos rythmes. Et avec notre musique, nous pouvons exprimer ce qui se passe dans nos communautés, vous savez, dans l’esprit de Public Enemy, dans l’esprit de NWA, pour faire savoir, non seulement à nos communautés, mais au monde extérieur, que ces problèmes nous affectent, mais ce n’est pas seulement une question Autochtone ou une question Chicano, ou autre – c’est le problème de tous. Alors, avec la musique, les rythmes de ‘dope’ et les rimes de ‘dope’, comme ils disent, dans l’esprit du hip-hop – à ses tous débuts, je diffuse ce message, de ce point de vue, et Klee aussi, dans sa musique. »

KLEE BENALLY:
« La musique est un outil de transformation sociale et de changement. Je veux dire, à une époque où nous considérons le capitalisme comme l’ennemi de Notre Mère la Terre, et où les peuples Autochtones sont représentés de manière symbolique, et où nous continuons à faire face au génocide de notre peuple – je veux dire, vous avez demandé quel était l’impact du réchauffement climatique sur les Peuples Autochtones. C’est un génocide. Je veux dire, l’extraction de ressources dans nos territoires est ce que vous voyez comme résultat dans les symptômes du réchauffement climatique. Alors la musique est pour moi une occasion, une occasion puissante, de transmettre le message et de faire savoir aux gens que nous avons besoin d’espoir, mais nous avons besoin d’action. Nous devons faire coïncider les deux. »

KLEE BENALLY A PROPOS DU COLLECTIF OUTTA YOUR BACKPACK MEDIA

« Outta Your Backpack Media a été mis sur pied en 2004 en réponse à un besoin de justice dans les médias pour les communautés Autochtones. Ce que nous offrons, ce sont des ateliers gratuits et des kits de matériel pour les jeunes Autochtones et leur donnons la possibilité de raconter leurs propres histoires, parce que, comme vous le savez, les grands médias ne feront pas le travail pour nous. Nous devons le faire nous-mêmes. »

« Je travaille avec des jeunes Autochtones, essentiellement d’âge du secondaire, et nous sommes un collectif. Nous sommes tous bénévoles. Et nous formons les jeunes pour qu’ils deviennent eux-mêmes instructeurs, participent et éduquent d’autres jeunes. Ainsi, vraiment, çà se répand, c’est un mouvement croissant. C’est en relation avec la musique d’Alex, c’est en relation avec ma musique. Et il y a vraiment un fort mouvement de révolte chez les Autochtones, pas seulement ‘Fini la Passivité’ [Idle No More], parce que nous n’avons jamais été passifs. Nous sommes toujours engagés dans cette lutte. Nous sommes toujours là. »

« Nous n’avons jamais été passifs. Mes ancêtres n’ont jamais capitulé. Quand les forces gouvernementales des Etats-Unis sont venues pour prendre leurs terres sur Big Mountain et Black Mesa, où vous êtes allée, je crois… »

AMY GOODMAN:
« Mon premier documentaire pour la radio, en 1985, était intitulé Une Emprunte de Doigt sur Notre Mère la Terre, et, effectivement, je suis venue ici, à Flagstaff, et je suis allée à Big Mountain où j’ai vu ce qu’enduraient les Diné et les Hopi. Souvent, çà a été présenté comme une bataille entre ces deux tribus. Mais en fait, quand vous veniez et voyiez ce qui se passait, vous voyiez Peabody Coal derrière toute l’affaire. »

KLEE BENALLY:
« Et c’est le lien avec le réchauffement climatique. Je veux dire, tant que les gens seront liés par ces styles de vie non-durables et continueront à dégringoler le long de cette voie destructrice qui alimente cette guerre contre notre Mère, la Terre, ce conflit continuera. Et la résistance continue à ce jour. Des gens sont toujours sur ces terres. Ils restent forts et perpétuent nos modes de vie. »

 

LES DINE (NAVAJO) ET HOPI A PEABODY COAL: CESSEZ D’OFFENSER LES RELIQUES DE BLACK MESA

PEABODY COAL A RETIRE 250 RESTES HUMAINS ET 1,3 MILLION D’OBJETS ARCHÉOLOGIQUES DE BLACK MESA

Aujourd’hui les reliques et objets archéologiques se trouvent dans des endroits malsains. Ils sont éparpillés dans des universités, ce pourrait être la source des objets sacrés vendus aux enchères à Paris.

 

Par Jennafer Waggoner-Yellowhorse
De Black Mesa Coalition
Publié sur Censored News
Lundi 17 mars 2014
Traduction Christine Prat

 

Le Projet Archéologique de Black Mesa [Black Mesa Archaeology Project – BMAP] était un chantier de fouilles payé par Peabody Energy à des universités qui ont dirigé le projet pour retirer 1,3 million d’objets archéologiques et environs 250 reliques humaines de sites funéraires.

Le Prescott College a conservé les objets retirés de la zone minière de Kayenta-Black Mesa et a fait faillite à la fin des années 1970. L’équipe archéologique du BMAP a réussi à séparer et disperser la collection dans plusieurs universités, entre autres l’université du sud de l’Illinois à Carbondale et l’université du Nevada à Las Vegas. Comme par hasard, à une heure du Quartier Général de Peabody à Saint-Louis, et à proximité du Service de l’Eau et de l’Energie de Las Vegas, tous clients de la Centrale Navajo qui fonctionne au charbon [de Peabody].

Une série de demandes d’information [FOIA : Freedom Of Information Act, loi selon laquelle les citoyens peuvent faire des demandes officielles d’informations] a permis de découvrir que Peabody avait empêché la publication des résultats d’une Inspection du Corps des Ingénieurs de l’Armée, qui révélait les conditions désastreuses, telles que des invasions de rats et d’araignées, dans lesquelles les objets étaient éparpillés dans divers universités et musées et faisait état de deux cambriolages au cours desquels un nombre inconnu d’objets archéologiques avaient disparu, qui pourraient peut-être avoir un lien avec les célèbres ventes aux enchères en France et sur d’autres continents. En fait, un des vendeurs est membre du groupe de réunion du Projet Archéologique de Black Mesa sur Facebook, qui est aussi une entreprise de Discovery Channel. Ce groupe a admis avoir visité les sites de la réserve, sans escorte tribale, et des membres discutent vaguement en termes de pillage dans leurs communications interpersonnelles. Des élèves de collège ont été autorisés à manipuler et étiqueter des objets.

Ce rapport fait surface au moment où des résidents de la zone de Partition Diné-Hopi demandent à Peabody d’organiser une rencontre avec Brian Dunfee, coordinateur des services environnementaux, qui avait promis de rencontrer des résidents dans un enregistrement que nous avons fourni. M. Dunfee a réagi en les référant à la Réunion d’Examen et Mise à Jour Culturels [CRUM – Cultural Review and Update Meeting], au sujet de laquelle Indigenous Action Media a fourni un enregistrement montrant clairement qu’ils éliminent le BMAP du CRUM 2019 [Voir http://www.indigenousaction.org/news-advisory-protest-planned-to-stop-further-desecration-of-burial-sites-on-black-mesa/ , en français : https://chrisp.lautre.net/wpblog/?p=2012 ]. Alors que les gens de Peabody promettent d’y revenir à tout moment, ils se réfèrent à la Tribu Navajo pour un accord sur la conservation conclu sans en informer officiellement les résidents de Black Mesa qui ont travaillé sur le projet ou vivent dans la zone d’extraction minière.

Nous encourageons chacun à entrer en contact avec le Groupe Black Mesa de son choix et de demander comment les aider dans leur demande de restitution de leurs ancêtres pour les ré enterrer et dans leurs projets de conservation par eux-mêmes.

 

Voir (en anglais) :

Black Mesa Coalition letter to Peabody Energy March 17, 2014
http://www.scribd.com/doc/213005536/Peabodys-Promises-Abuse-of-Dine-and-Hopi-remains-from-Black-Mesa

Cultural Review and update of meeting at Arizona Museum 2013
http://www.scribd.com/doc/213005000/Stop-abuse-of-Dine-and-Hopi-remains-from-Black-Mesa-NGS-

 

klee-mtn-sam-minklerDemocracy NOW! (média indépendant qui émet sur le web) a enregistré son émission du vendredi 14 mars 2014, présentée et animée par Amy Goodman, à l’Université du Nord de l’Arizona, à Flagstaff. La vidéo ci-dessous (sous-titrée en français) est un extrait de l’émission. C’est une interview de Klee Benally – activiste Navajo – et de Taylor McKinnon, du Grand Canyon Trust (qui tente de préserver le Grand Canyon du Colorado), sur les dégâts causés par les mines d’uranium dans la région. Vous trouverez aussi plus bas la transcription en français de l’interview. Voir la vidéo pour des extraits d’un documentaire sur les dégâts de l’uranium dans la Réserve Navajo. Sur la question de l’uranium dans le Grand Canyon du Colorado, voir aussi l‘interview de Carletta Tilousi, Havasupai (les Havasupai vivent au fond du Grand Canyon et sont totalement dépendants des eaux qui ruissellent le long des parois).

 

Vidéo: Uranium, contamination, pollution, changement climatique en Arizona, une interview de Klee Benally et Taylor McKinnon


Voir un autre extrait de l’émission: interview d’Alex Soto sur la situation à la frontière mexicaine

 

ARIZONA : “UN LENT GENOCIDE”: L’EXTRACTION D’URANIUM LAISSE UN HERITAGE NUCLEAIRE TOXIQUE EN TERRE AUTOCHTONE

Democracy NOW ! Vendredi 14 mars 2014
Transcription par Brenda Norrell
Publiée sur Censored News
See transcription in English on Censored News

Traduction et sous-titres Christine Prat

 

Le site monumental du Grand Canyon est le théâtre d’une bataille autour de l’extraction toxique d’uranium. L’an dernier, une compagnie nommée Energy Fuels Resources a obtenu une approbation des autorités fédérales pour rouvrir une mine à 10 km de l’entrée sud très fréquentée du Grand Canyon. Une coalition d’Autochtones et de groupes écologistes ont protesté contre cette décision, disant que l’extraction d’uranium pourrait affecter les rares sources d’eau et poser de graves problèmes de santé. Les terres tribales Diné (Navajo) sont jonchées de mines d’uranium abandonnées. De 1944 à 1986, 3,9 millions de tonnes d’uranium ont été extraites ou obtenues par explosion des montagnes et des plaines de la région. Plus de 1000 mines ont été fermées, mais les compagnies minières n’ont pas enlevé de manière satisfaisante leurs tas de déchets radioactifs, ce qui a conduit à une augmentation en flèche du taux de cancers et d’autres problèmes de santé. L’émission Democracy NOW ! du 14 mars 2014 a été enregistrée à Flagstaff, Arizona, et a diffusé une interview de Taylor McKinnon, directeur de l’énergie au Grand Canyon Trust, et Klee Benally, Diné (Navajo), activiste et musicien. « C’est vraiment un lent génocide de la population, pas seulement les Autochtones de cette région, il est estimé qu’il y a plus de 10 millions de gens qui résident à moins de 80 km de mines d’uranium abandonnées », dit Klee Benally. Il a aussi décrit la lutte pour la préservation des San Francisco Peaks, une zone considérée comme sacrée par 13 tribus Autochtones, où la station de ski Snowbowl utilise des eaux usées recyclées pour faire de la neige.

 

L’HERITAGE TOXIQUE DE L’URANIUM EN TERRE AUTOCHTONE

Après avoir souhaité à Amy Goodman et son équipe la « bienvenue dans l’état raciste d’Arizona et la ville légèrement moins raciste de Flagstaff », Klee Benally a décrit la situation des Autochtones face à la colonisation énergétique de leur territoire.

« Nous faisons face à la colonisation des ressources dans cette région depuis de nombreuses années. C’est une véritable bataille – ici la géopolitique est enracinée dans le racisme. Elle est enracinée dans l’avidité des grandes compagnies à laquelle nous sommes encore confrontés jusqu’à aujourd’hui. Plus de 20 000 Diné, ou Navajo, ont été déportés de force de nos terres ancestrales à cause des activités de Peabody Coal sur Black Mesa, et il est estimé que nous avons plus de 1000 mines d’uranium abandonnées sur nos terres. En 2005, la Nation Diné , ou Navajo, a décidé d’interdire toutes les activités d’extraction d’uranium sur nos terres. Mais aujourd’hui, nous avons des représentants au Conseil Tribal qui sont en train de brader notre avenir et essaient de lever cette interdiction. Et à ce jour, nous sommes dans une situation où nous n’avons pas d’études sanitaires significatives sur les effets de l’extraction d’uranium dans notre communauté. »

« En fait je viens d’aller à Cameron, à environs 40 mn en voiture d’ici, hier, avec Taylor McKinnon, pour une conférence. Et à 15 m du siège du Chapitre – c’est l’autorité locale dans cette région – il y a une mine d’uranium abandonnée, qui a l’air d’une colline. Je veux dire, la boue radioactive ressemble à la boue ordinaire. C’est une menace invisible. Mais il y avait des jouets. Il y avait – d’après ce que j’ai compris, des signes indiquant que des enfants jouent sur cette colline, et il y a des maisons juste au pied. Mais l’un de ces rochers, quand on y a posé un compteur Geiger, çà a crevé le plafond ! Donc, ces mines d’uranium abandonnées ressemblent au reste du paysage naturel ».

« On estime qu’il y en a plus de mille sur nos territoires. Mais on estime aussi qu’il y a plus de 10 000 mines d’uranium abandonnées dans l’ensemble des Etats-Unis, essentiellement dans 15 états de l’ouest. Mais l’EPA [Agence de Protection de l’Environnement] n’a jamais fait d’inventaire sérieux de ces menaces qui sont vraiment un héritage toxique qui nous affecte encore aujourd’hui. C’est vraiment un lent génocide de la population, et pas seulement les Autochtones de cette région, il est estimé que plus de 10 millions de gens résident à moins de 80 km de mines d’uranium abandonnées. »

« L’EPA a implémenté un plan quinquennal pour le nettoyage de ces mines abandonnées. Mais en réalité, ces mines ne sont pas décontaminées. L’EPA transforme ces sites abandonnés en sites de confinement ou en décharges toxiques, dangereuses, qui laissent toujours échapper des produits toxiques dans nos conduites d’eau, qui affectent toujours nos pâturages et nos moutons etc. Et nous avons des mines abandonnées et des menaces de nouveaux projets de mines à proximité de nos sites sacrés, qui sont vitaux pour notre mode de vie, pour notre identité culturelle. Ainsi, ce qu’on nous dit – c’est l’essence de ce qu’on nous fait comprendre – c’est que les effets sur notre santé, notre bien-être et qui nous sommes sur nos terres sacrées n’est pas assez important pour effectuer une décontamination sérieuse. »

« La décontamination est un processus lent. C’est un processus complexe. Et je pense que c’est très compliqué dans le cadre de la législation actuelle de la Réserve, mais nous devons voir la réalité en face, comme je l’ai dit, il y a plus de 10 000 mines abandonnées aux Etats-Unis. Il y a des zones où les mines abandonnées ou les nouvelles mines projetées sont situées très près du territoire de notre Réserve. Elles sont sur des terres publiques ou privées, et elles laissent échapper des produits toxiques. La poussière, les particules toxiques sont amenées par le vent dans nos communautés. Et nous n’avons aucun contrôle. Nous ne pouvons pas établir de règlements. Par exemple, à Church Rock, au Nouveau-Mexique, où a eu lieu en 1979 une des plus graves fuites radioactives de l’histoire des Etats-Unis, rien de sérieux n’a encore été fait pour décontaminer. Il y a des nouveaux projets de mines à l’extérieur de nos terres tribales, mais juste à la frontière. Donc, c’est un problème complexe. De multiples administrations sont impliquées. Et ce à quoi on assiste finalement, c’est que notre futur est dirigé dans le sens des intérêts et de l’avidité des entreprises. »

Taylor McKinnon a décrit l’action du Grand Canyon Trust dans la lutte contre l’ouverture de nouvelles mines d’uranium : « Nous nous sommes surtout concentrés sur l’activité de l’industrie de l’uranium pour développer de nouvelles mines sur des terres publiques. Et depuis le milieu des années 2000, où le prix de l’uranium est monté en flèche, nous avons assisté à une résurgence des activités d’extraction d’uranium dans le nord de l’Arizona. Alors nous avons pris la tête de la poursuite en justice – avec différents partenaires tribaux, environnementaux et issus de la communauté – pour obliger le gouvernement Obama à promulguer une interdiction de toute nouvelle extraction dans le bassin aquifère du Grand Canyon. C’est entré en application en 2012. Cependant, çà ne s’appliquait pas aux vieilles mines, qui avaient été ouvertes dans les années 1980. Et nous avons vu des administrations fédérales – le Bureau de l’Aménagement du Territoire et le Service des Forêts – autoriser trois de ces mines à rouvrir, sans entreprendre de nouvelles consultations publiques ou de nouveaux rapports environnementaux. Ils se fondent sur leurs études des années 1980, et donc laissent de côté les nouvelles connaissances sur les effets potentiels des ces mines sur les eaux souterraines, les nappes aquifères qui alimentent des sources dans le Grand Canyon qui sont vitales pour la vie sauvage et sont considérées comme sacrées par les Autochtones, et qui forment, à part le fleuve Colorado, les eaux de surface pérennes du Grand Canyon. »

Voir articles précédents sur le problème de l’uranium dans le sud-ouest des U.S.A.

LES SAN FRANCISCO PEAKS

Klee Benally a brièvement résumé la lutte de plusieurs décennies, engagée par 13 tribus Autochtones et des défenseurs de l’environnement, pour protéger les Pics Sacrés San Francisco, profanés et endommagés pour le plus grand profit d’une station de ski privée.

« Dook’o’oosliid, ou Pics Sacrés San Francisco, sont sacrés pour plus de 13 Nations Autochtones. Ils sont au centre de notre survie culturelle. »

« Ils se trouvent juste à la sortie de Flagstaff, ils sont le point culminant du nord de l’Arizona. De leurs sommets, on peut voir le Grand Canyon. On peut voir un paysage si beau ! Et ils ne sont pas seulement vitaux pour nos pratiques culturelles, ils constituent une île écologique, qui abrite des espèces locales comme le séneçon jacobée [ou packera franciscana, photo Wikipédia] des San Francisco Peaks, qu’on ne trouve que sur les San Francisco Peaks et nulle part ailleurs dans le monde. »

« Actuellement – depuis 30 ans – surtout depuis les 20 dernières années, la bataille fait rage pour protéger cette montagne de l’extraction minière et du développement, et il n’est pas seulement question de charbon, d’uranium, de pétrole, de gaz naturel, mais aussi des loisirs comme ressource à extraire de ces terres sacrées. Les San Francisco Peaks sont gérés, en tant que terres publiques, par le Service des Forêts des Etats-Unis, qui actuellement les loue à une station de ski, appelée Arizona Snowbowl. »

« Et ils les ont autorisés à s’étendre dans une forêt alpine rare, abattant plus de 30 000 arbres, dont beaucoup étaient anciens. Et le côté le plus controversé de l’affaire est que la station a signé un contrat avec la Ville de Flagstaff. Les politiciens de Flagstaff ont vendu près de 700 millions de litres d’eaux usées recyclées par an, pour faire de la neige. »

« C’est considéré comme de l’eau d’égouts traitée, ou eau recyclée. Et dans ce cas, il y a des produits nocifs qui ne sont ni testés ni traités par l’EPA et sont autorisés dans cette eau, et c’est vaporisé sur notre ‘église’ sacrée. Actuellement, nous avons derrière nous plus de 10 ans de batailles juridiques qui sont allées jusqu’à la Cour Suprême, et la situation est que nous n’avons pas de protections garanties de notre liberté religieuse en tant qu’Autochtones. Et Snowbowl est devenue en 2011, la première station de ski au monde à faire de la neige constituée à 100% d’eau d’égouts recyclée. »

« Nous avions une coalition de 14 Nations Autochtones travaillant ensemble sur cette question, avec six groupes écologistes, qui avait engagé des poursuites pour défendre cette montagne sacrée sur la base de problèmes culturels et environnementaux. Mais ces actions ont échoué devant la Cour Suprême. Ce qui constitue une réaffirmation du fait qu’en tant qu’Autochtones nous n’avons pas de protection garantie de notre liberté religieuse. Et c’est la situation dans laquelle nous sommes toujours. J’ai été arrêté à de nombreuses reprises en essayant de bloquer les excavatrices sur la montagne, et il semble que ce soit le seul moyen que nous ayons de nous défendre. »

Voir de nombreux articles sur la lutte pour les San Francisco Peaks, et résumé de l’histoire de la station de ski

L’ENVIRONNEMENT, LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Klee Benally fait remarquer que « le thème de cette émission, si je comprend bien, c’est les gagnants et les perdants dans ces luttes. Mais il n’y a pas de gagnants quand on détruit Notre Mère la Terre. Quand on détruit l’eau dont nous avons besoin pour boire, quand on détruit l’air dont nous avons besoin pour respirer, et les terres dont nous avons besoin pour nous nourrir. Et actuellement, l’EPA a fermé 22 puits dont il a été établi qu’ils contenaient des niveaux trop élevés de produits toxiques, rien que sur le territoire de la Nation Navajo. Mais beaucoup d’entre nous n’ont pas l’eau courante ; ils n’ont pas l’électricité. Cependant, nos terres ont été exploitées. Nous avons trois centrales au charbon qui polluent notre air. Nous avons ces mines d’uranium abandonnées et de nouvelles mines qui menacent la région. Nous avons la fracturation hydraulique qui menace notre terre aussi. Mais ce n’est pas seulement un problème ici. Partout où il y a une crise environnementale, il y a une crise culturelle, parce que nous sommes des gens de la Terre. C’est une crise sociale qui touche chacun à un certain degré, parce que, quand on considère le problème global du réchauffement climatique, le réchauffement climatique, d’un point de vue Autochtone, n’est qu’un symptôme du fait que nous ayons rompu l’équilibre avec notre Mère la Terre. Donc le problème est partout. »

« Nous constatons la menace de déplacement de peuples Autochtones à cause de la montée des eaux et la dépopulation de villages qui se trouvaient sur des îles. Nous voyons la menace de migrations des caribous et ce genre d’effets. Et nous voyons ces stations de ski qui pensent avoir besoin de faire de la neige parce qu’ils n’ont pas assez de neige naturelle, et ils profanent des montagnes sacrées comme celle-ci. Je veux dire – nous sommes tous Autochtones, dans ce pays, ou quelque part, sur notre Mère, la Terre. Donc ces effets nous touchent tous. »

Taylor McKinnon conclut en indiquant que « des chercheurs ont fait des projections indiquant une baisse du débit [du Colorado – NdT] pouvant aller jusqu’à 30% au cours du siècle à venir, à cause du changement climatique et d’autres facteurs. Donc, à une époque où, le Plateau du Colorado, le fleuve Colorado et ses consommateurs d’eau sont ceux qui ont le plus à perdre, il est temps que cette région fasse très attention aux choix énergétiques en train d’être faits. »

 

Robert Free (on left) with Sid Mills Wounded Knee


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JEUDI 13 MARS, LE GROUPE DE NANTES ‘HAYMARKET’, AINSI QUE ‘LES MAINS FROIDES’ ET ‘FRAULEIN FLO SOUNDCLOUD’, DONNERONT UN CONCERT DE SOUTIEN A CENSORED NEWS, A BITCHE, RUE DE BITCHE A NANTES, A PARTIR DE 21H

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HAYMARKET a souvent manifesté sa solidarité avec les Indiens d’Amérique, récemment en composant un morceau pour soutenir la lutte pour les San Francisco Peaks, montagne sacrée pour 13 tribus d’Arizona:

 

 


Des espions Israéliens seront maintenant présents en territoire Tohono O’odham, suite au contrat avec les Etats-Unis

 

Par Brenda Norrell, Censored News
See original article in English
Samedi 1er mars 2014

Traduction Christine Prat

 

TUCSON, Arizona – A la surprise générale, la Sécurité Intérieure U.S. a accordé, pour un montant de 145 millions de dollar, un contrat pour la sécurisation de la frontière à l’entreprise Israélienne pratiquant l’apartheid, Elbit Systems. Le contrat sécuritaire Israélien doit prendre effet sur la frontière Arizona/Mexique pour une période de huit ans. La zone concernée inclut le territoire de la Nation [Réserve] Tohono O’odham.

En ce moment, par-dessus les objections de la base Tohono O’odham, les Etats-Unis construisent de nouvelles tours de surveillance autour des habitations, dans la partie ouest de la Nation Tohono O’odham.

Le contrat de la Sécurité Intérieure avec les Israéliens arrive juste après qu’une autre entreprise Israélienne, BrightSource Energy, ait construit un méga projet d’énergie solaire dans le désert de Mojave. Obama vantait le projet d’énergie solaire comme un rêve américain et la preuve d’une reprise économique – sans révéler qu’il serait réalisé par une compagnie israélienne.

Pendant ce temps, Elbit Systems, une entreprise travaillant pour la Défense Israélienne, est responsable de l’apartheid sécuritaire qui encercle la Palestine.

Sur le territoire de la Nation Tohono O’odham, ces tours d’espionnage, et les caméras de surveillance sur les véhicules de la police, sont pointées vers des habitations O’odham. En Arizona, dans des communautés telles que Arivaca, les tours de surveillance étaient déjà pointées vers des habitations, pas vers la frontière.

Le gouvernement élu Tohono O’odham – dans ses tractations avec le gouvernement US – a accordé l’accès pour ces tours espionnes.

La représentation Tohono O’odham a également accordé une expansion des terrains des camps de la Patrouille des Frontières U.S., bien qu’il soit connu que des agents de la Patrouille des Frontières passent de la drogue et escortent les livraisons des cartels pour passer la frontière. Le gouvernement Tohono O’odham, ainsi qu’il a été révélé dans des résolutions du conseil, a aussi accepté des fonds de programmes controversés du gouvernement américain, comme l’Opération Stone Garden visant des migrants, qui a soulevé les protestations de groupes défendant les droits de l’homme.

En ce qui concerne les tours de surveillance sur la frontière, les Etats-Unis ont déjà dépensé un milliard de dollars pour des tours en Arizona dont la Sécurité Intérieure dit qu’elles ne fonctionnent pas. La plupart des enfants de dix ans possédant un ordinateur auraient pu leur dire que leur système Wifi ne pénètrerait pas les montagnes de la frontière de l’Arizona, qui constituent une forteresse.

Alors pourquoi les Etats-Unis ont-ils besoin de donner 145 millions aux Israéliens pour construire plus de tours de surveillance et d’avoir accès au territoire souverain Tohono O’odham ?

Pendant le fiasco de la construction pour un milliard de dollars de tours de surveillance qui ne marchaient pas à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, Boeing avait sous-traité avec Elbit Systems. Dès le début, le secret a été révélé quand des résidents d’Arizona ont commencé à demander pourquoi des Israéliens circulaient en véhicules tout terrain le long de la frontière.

L’accroissement du système de sécurité à la frontière US/Mexique est encore plus bizarre si on considère le nombre d’agents de la Patrouille des Frontières US arrêtés et condamnés pour trafic de drogue. A la frontière de l’Arizona, des agents de la Patrouille des Frontières escortent les membres des cartels avec leur chargement. Des centaines d’agents de la Patrouille des Frontières, et des agent de l’ICE, ont été arrêtés et condamnés, d’après des témoignages devant le Congrès.

De plus, les photos satellites américaines sont aussi nettes que si quelqu’un avait été sur place avec un appareil photo. En d’autres termes, les Etats-Unis savent exactement qui trafique de la drogue et où chacun se trouve.

Bloomberg (entreprise de software et informations financières) indique qu’Elbit Systems Ltd a remporté le contrat de 145 millions pour de la technologie de surveillance de la frontière, citant de site fédéral du Service de la Sécurité Intérieure. Le programme pourrait finalement atteindre 1 milliard de dollars si les propositions de loi pour récrire les lois américaines sur l’immigration sont adoptées par le Congrès et aident à financer le projet d’expansion dans le sud-ouest, selon Brian Friel, un analyste de Bloomberg Industries. Le gouvernement Obama a donné le contrat à la compagnie Israélienne, lui permettant de battre certains des principaux contractants du gouvernement américain, entre autres Lockheed Martin, General Dynamics et Raytheon, selon Friel. Le ministère a cessé de financer le système de surveillance d’origine, dont Boeing était leader, après des retards et des problème techniques, selon Bloomberg.

En décembre, la Sécurité Intérieure a attribué un autre contrat à l’entreprise de Défense israélienne Elbit Systems. C’est un contrat pour des smartphones.

 

 

HUGE DEMONSTRATION AGAINST AIRPORT PROJECT IN WESTERN FRANCE VIOLENTLY ATTACKED BY POLICE

By Christine Prat
February 28th 2014

 

On Saturday, February 22nd, a big demonstration against a megalomaniac airport project took place in Nantes – Western France – the city that local politicians dream of making the center of international air traffic in Western Europe. Although the big media claim that the demonstration was spoilt by ‘dangerous radical activists’ who caused devastation in the center of Nantes, what I saw of it – confirmed by other witnesses – was mainly violent attacks and shots of tear gas by the police against a huge crowd of peaceful demonstrators and passers-by while only a handful of people were throwing stones at the cops – moreover, there is strong suspicion that plain clothes cops were among the stones throwers (see photo below).

The project has first been devised in the 1960’s, but put on stand-by in the early 1970’s. There has always been strong opposition from local small farmers and environmentalists. See article of November 28th 2012

After the big demonstration of November 17th 2012, the focus was mainly on the legal side of the matter: it turned out that the corporation – Vinci – contracted to build the airport had not respected the requirements of French Law, which demands that projects destroying a humid zone (very important for global climate) create another one in the region. Meanwhile, the police and militaries kept harassing the local population, block roads, intimidate people, etc. while the farmers and activists residing on the spot kept developing traditional agriculture, organic gardens, organizing meetings, lectures, shows, festivals, workshops, creative ways of living, alternative trading, solidarity, free markets without money, etc. Due to the legal problems, the government had to announce a temporary stop of the project in April 2013. Some of the opponents thought that they had won, on May 11th they organized a human chain and a big party entitled ‘Let’s bury the project’ and on August 4th a Festival. But other opponents could not believe that the corporation and the authorities would give up so easily: the State has signed a contract with the Vinci Corporation and would have to pay huge fines if they cancelled it, moreover Vinci is well known for bribing politicians and civil servants, who don’t want to be exposed nor to have to pay the bribes back.

When it became clear, a few months ago, that they had not given up the project and planned to start the works (the prefecture published the decrees end 2013), opponents called for a big demonstration in Nantes on February 22nd 2014. It has been announced 2 months in advance, with a Facebook page and all. The authorities did not officially react, until one day before the demonstration, when it was announced that the route of the demonstration was not allowed, and that the city center would be closed. Still, some fifty to sixty thousand (twenty thousand according to the police) people came to Nantes on Saturday, with flowers, music instruments, banners, and started a joyous and peaceful demonstration. Then it turned out that the cops had blocked the main avenue where most demonstrations always march, as well as the side streets, and forced the demonstrators to change their route. At the place of the blockade, some people were throwing stones at the cops, who were shooting tear gas canisters and other ammunitions far above the heads of the stone throwers, right into the crowd. The farmers, who had come with tractors, turned around, then indicated a new gathering point for the demo and told demonstrators to walk on the left of the tractors, which formed a protection between the crowd and the fighting zone.

However, the cops were also blocking the other end of the street (I heard people who had walked around say “we are trapped”). The cops shot tear gas among the fleeing crowd. At the gathering place where the demo was to end, they attacked from several sides, shooting tear gas far beyond the rioters, among the peaceful crowd again. Two tear gas canisters landed just beside me and from that moment I did not see anything anymore. I am very thankful to the people who immediately came with stuff to rinse my eyes, put drops and all those who offered help. After I recovered, I needed a bathroom, so I went into one of the two bars on the square, which terraces were overcrowded (it was sunny). When I came out of the bathroom, there was tear gas inside the bar, as well as crying and chocking people, the terraces had disappeared. The square and the main avenue were invaded by police vehicles, tear gas and smoke.

The media immediately claimed that the center of Nantes had been devastated by radical activists from the ZAD (the area slated for the airport, now occupied by some farmers who refuse to leave and activists defending the wild area housing endangered species). They did not say a word about wounded demonstrators and passers-by, which I find unbelievable, considering what I had seen, specially as the huge majority of the demonstrators were ‘respectable’ citizens, not used to have problems with the police, who came with small children, elderly people, handicapped people, many of whom must have fallen, been wounded or felt sick when the cops shot tear gas and other ammunition into the fleeing crowds. Indymedia-Nantes reported – with photos and testimonies – that a 29-years-old man had lost an eye, according to the doctors because of a flash ball shot. He said that he had seen another man with eye wounds at the hospital. He was beyond any doubts a peaceful marcher. Some reports say that a few dozen people had been treated at the Academic Hospital, which refuses to give any confirmation or information.

It looks very much like a set up by the authorities to find an excuse to attack the ZAD (the area slated for the airport). The chairman of the Region immediately wrote to the President to ask for an immediate attack of the area and removal of the people living there; the prefect accused the activists from the ZAD and the organizers of the demonstration to be responsible for the damage. I believe that there are serious reasons to suspect that those politicians have acted in agreement with – maybe on orders from – Prime Minister Jean-Marc Ayrault, who had been Mayor of Nantes for years when he was appointed to head the government, and always supported the project.

The media and politicians keep denouncing the costs of the ‘devastation’, trying to get tax payers on their side. However, the damage was much less than what they claim; the businesses that got tagged and had broken windows, as well as the destroyed building equipment, either belong to Vinci or to firms working for them or to firms supporting the airport. They are all private businesses, thus the damage will be paid by their insurances. The only damages to public property were the stones torn out of the street to be thrown at the cops – it was very limited and repaired the next day – and a police station which was surprisingly deserted and not protected.

Should the airport be built, it would cost much more to the tax payers: as usual, Vinci signed a ‘Private-Public Partnership’, which means in ordinary language that the costs and losses are for the tax payers and all the profits for Vinci’s share holders.

At the moment, people defending the area (ZAD) are fearing – and preparing for – a military attack…

 

A photographer, Eric Forhan, took this picture of people who obviously don’t wear a uniform and can look like ‘violent demonstrators’ within a few seconds…

cops-in-jeans eric forhan

 

 

DECOLONISER LA RESISTANCE AUX PIPELINES EN AMERIQUE DU NORD

 

Par Lee Veeraraghavan sur le site Occupy.com
Mardi 25 février 2014
See original article in English
Traduction Christine Prat

Tandis que la bataille contre l’oléoduc Keystone XL s’intensifie aux Etats-Unis, la Colombie Britannique au Canada fait face à des combats similaires. Le pipeline d’Enbridge Northern Gateway, s’il est approuvé, devrait transporter du bitume dilué des sables bitumineux d’Alberta jusqu’à la côte du Pacifique.

Le gaz de schiste du nord-est de la province doit aussi être transporté par gazoduc : le Pipeline Pacific Trails de Chevron-Apache, que certains considèrent comme un précurseur pour le Northern Gateway, dont les travaux de construction devaient commencer en 2013. Après avoir été repoussée d’un an, la construction du PTP a maintenant commencé – et la nouvelle phase de résistance s’est accrue en réaction. L’un des champs de bataille clef sera vraisemblablement le territoire Unis’tot’en, le Bird Clan de la Nation Wet’suwet’en.

De nombreux projets de pipelines, parmi lesquels le Northern Gateway et le Pacific Trails, doivent passer par le territoire des Unis’tot’en – un territoire qui n’a jamais été cédé à l’Etat Canadien. Cependant, les Unis’tot’en ont juré de bloquer tous les pipelines et de construire une cabane et une maison semi-souterraine sur le trajet. Ils ont aussi remis en vigueur un protocole traditionnel pour entrer dans leur territoire, afin d’écarter les arpenteurs-géomètres des compagnies de pipelines. Le protocole, mis en œuvre sur un pont sur Wedzin Kwah, la Rivière Morice encore sauvage, consiste en cinq questions : Qui êtes-vous et d’où venez-vous ? Pourquoi êtes-vous ici ? Combien de temps comptez-vous rester ? Travaillez-vous pour le gouvernement ou pour une industrie qui détruit ces terres ? En quoi votre visite bénéficiera t’elle au peuple Unis’tot’en ?

Le protocole indique un important changement dans la façon de penser les questions d’environnement : un changement qui reconnaît que le contrôle est aux mains des communautés Autochtones. L’activisme écologiste dominant est souvent pensé comme un impératif éthique fondé sur une exigence minimale déterminée par le discours scientifique. Ceci peut avoir l’effet regrettable de monter les groupes écologistes contre les communautés (souvent Autochtones) les plus affectées par la dévastation de l’environnement.

Et pourtant, dans le monde entier, les Peuples Autochtones sont à la pointe des mouvements qui voient l’écologie comme le résultat de l’adoption de pratiques locales longtemps réprimées par le colonialisme. Le point de vue Autochtone est cependant souvent réduit au silence : leur parole est laissée de côté en faveur des scientifiques et militants de l’environnement. J’ai eu récemment l’occasion de visiter le Camp Unist’ot’en et d’interviewer Freda Huson, porte-parole des Unist’ot’en.

Lee Veeraraghavan : La cabane, le camp, le barrage : tout cela a été dénoncé dans les médias et ailleurs comme opposition aux pipelines, mais l’ensemble du projet concerne beaucoup plus que cela. Pourriez-vous en parler ?

Freda Huson : Eh bien nous avons décidé de développer une communauté, et le but de cette communauté est de décoloniser notre peuple. Parce qu’avec les pensionnats Indiens et même les écoles publiques, ils ont essayé de faire oublier à notre peuple notre culture, qui nous sommes, et de l’intégrer à la société Canadienne. Et cela n’a pas apporté la justice à mon peuple. Voyez toutes ces réserves : les gens sont perdus, les jeunes ne trouvent pas leur place, ils tombent dans l’alcool et la drogue. Ils jouent toute la nuit, dorment toute la journée et sont quasiment morts – morts spirituellement. Ils sont comme des zombies qui essayent de s’adapter.

L.V. : Et la communauté que vous fondez ici est le premier d’une série de projets pour retourner à la terre ?

 F.H. : Nous ne la considérons pas encore comme guérison, mais c’est notre but ultime. Ma nièce doit passer son doctorat l’année prochaine – elle est psychologue – et son projet est de développer une loge de guérison pour ramener notre peuple là où nous étions avant. Nous sommes un peuple fort, et bien que notre culture soit intacte et toujours forte (c’est notre système de gouvernement), beaucoup de nos jeunes n’y adhèrent pas. Vous ne les voyez pas dans notre salle de Fête. C’est des gens de ma génération qui y sont. Moi-même, je n’ai commencé à y aller qu’il y a quatorze ans.

L.V. : Qu’est-ce qui vous a fait changer ?

F.H. : C’est le fait que mon père m’a dit « si tu ne participe pas au système de Fête, et que quelque chose arrive à un de tes enfants, il n’y aura personne pour t’aider ». Voyez les familles qui ne participent pas, s’il y a un décès, ou si quelqu’un tombe malade, il n’y a personne pour leur tendre la main, parce qu’ils ne font pas partie du système. Il m’a dit : « Il faut que tu commences à y aller. Si tu veux que quelqu’un t’aide, il faut que tu commences par participer et aider les autres, et alors, quand tu seras dans le besoin, ils t’aideront ».

L.V. : Sur votre site web vous parlez du protocole : ce que c’est, et son histoire. Pourriez-vous dire pourquoi vous le remettez en vigueur maintenant ?

F.H. : Nous le faisons pour protéger ce qu’il reste du territoire. En y arrivant, vous voyez beaucoup de zones où les arbres ont été abattus et qui sont endommagées. Et parce qu’il ne nous en reste plus que 10%, nous avons décidé de ressusciter le protocole et de poser aux gens ces questions justifiées leur demandant pourquoi ils sont ici. Il y a tellement de destructions autour de nous : mines, exploitations de bois, et même des gens qui ont le sentiment qu’ils peuvent tout se permettre parce que le gouvernement dit : ce sont des « terres de la Couronne » [terres appartenant aux Canadiens, au nom de la Couronne]. Ils chassent le gibier, et ils prennent… bien que le gouvernement essaie de réguler, personne ne vient pour s’assurer que ces chasseurs ne prennent pas une femelle d’orignal. Personne ne vérifie. Nos gens ne prennent pas les femelles d’orignaux, parce que ce sont elles qui assurent la reproduction. Les gens commencent à prendre tout et n’importe quoi, et ensuite ils s’étonnent de ce que les nombres sont bas.

Mais si nous avons le sentiment que les gens ont répondu aux questions de manière satisfaisante et que nous avons un accord selon lequel ils ne veulent pas de pipelines, qu’ils veulent juste venir ici pour essayer de pêcher dans un lac, ou pour se détendre et camper, alors nous les laissons entrer. Mais si les gens manquent de respect et nous prennent de haut, nous leur disons « faites demi-tour. Nous n’avons pas besoin de gens comme vous ici ».

Vous entrez dans notre territoire et nous nous assurons que nous découvrirons qui vous êtes, d’où vous venez, pourquoi vous êtes ici, et en quoi votre visite bénéficiera à mon peuple. Parce que, si çà ne doit pas bénéficier à mon peuple, pourquoi vous laisserions-nous entrer ? En ce moment même, partout autour de nous, toutes les industries qui sont ici nous jettent des miettes. Et vous entendez toujours le gouvernement dire : « Nous donnons des subsides à ces Autochtones ! » Des conneries ! Ce ne sont pas des subsides ! A la base, ils ont volé toutes nos ressources, nous ont chassés de nos terres, nous ont emprisonnés dans ces réserves et nous ont interdit de venir vivre de nos terres – afin de pouvoir prendre toutes nos ressources ! Ils nous doivent beaucoup plus que ces miettes de « subsides » qu’ils nous donnent. Ils continuent à nous appauvrir afin que notre peuple ne soit pas capable de se dresser devant eux pour les combattre.

L.V. : Qu’est-ce que la terre signifie pour vous ?

F.H. : En fait c’est… la vie. J’ai été revitalisée – ma santé est meilleure qu’elle n’a jamais été parce que je suis ici – et tout ce qui est ici est vivant. L’eau est vivante : elle contient tous les minéraux qu’il faut quand vous la buvez. Quand vous allez dans les agglomérations dirigées par des municipalités, dans notre communauté de Moricetown, ils mettent du chlore dans l’eau et elle passe par un système de filtrage, de telle manière que l’eau est morte. Ainsi vous ne faites que vous mouiller les lèvres. Notre peuple croit que nous faisons partie de la terre. La terre n’est pas séparée de nous. La terre nous nourrit. Et si nous n’en prenons pas soin, elle ne pourra plus nous nourrir et notre génération mourra.

Nous avons commencé à restaurer cette région grâce à des jardins de permaculture, afin de cultiver nos plantes médicinales et nos baies, dans le futur. Mais pour l’instant nous nous contentons de cultiver des pommes de terre conventionnelles, des choses comme çà, pour réparer le sol. Lorsque le sol sera restauré, nous transplanterons certains de nos buissons donnant des baies. Mais autrefois, nos gens étaient en forme et actifs sur ces terres, et ils devenaient centenaires, tellement ils étaient en bonne santé ! Donc nous savons que cette terre est la vie.

L.V. : Finalement, qu’est-ce que j’aurai dû vous demander ? Y a-t-il quelque chose de vraiment important qui m’a échappé ?

F.H. : Notre peuple a vécu ainsi pendant très, très longtemps, et nous essayons seulement de retourner à ce que nous sommes, de retrouver notre esprit, et de ressentir cette connexion. Il y a longtemps, les animaux parlaient à notre peuple, et nous les comprenions. Maintenant çà fait si longtemps que notre peuple a quitté le territoire, mais je pense que si nous y restons longtemps, çà reviendra. Nous respectons les animaux. Par exemple, c’est un pays de grizzly, mais ils ne viennent pas dans notre espace, et quand nous voyons qu’ils ont marqué leur territoire, nous le respectons. Nous disons « OK. Un grizzly a revendiqué ceci, allons ailleurs », et nous partons. C’est leur patrie comme la nôtre et nous le respectons. Vous les respectez, et ils vous respectent en retour.