PRIS ENTRE DEUX FEUX : LA MILITARISATION DE LA FRONTIERE US-MEXIQUE MENACE LE MODE DE VIE D’UNE TRIBU AUTOCHTONE ! INTERVIEW D’ALEX SOTO, TOHONO O’ODHAM ET DE KLEE BENALLY, DINE (NAVAJO)

Extrait de l’émission du
Vendredi 14 mars 2014
Democracy NOW!
Transcription par Brenda Norrell
Publiée sur Censored News
Traduction et sous-titres Christine Prat

 

(Voir autre extrait de l’émission: interview de Klee Benally sur les mines d’uranium et ci-dessous vidéo d’une action à Tucson en 2010 et un clip de ‘Papers’ par Shining Soul)

 

Le Président Obama a déployé des milliers de nouveaux agent de la Patrouille des Frontières des Etats-Unis à la frontière sud de l’Arizona, un état connu pour sa politique controversée de répression contre les immigrants. Environs 28 000 membres de la Nation Tohono O’odham sont pris au milieu du processus de militarisation de la frontière. Leur réserve, reconnue au niveau fédéral, est à peu près de la taille du Connecticut, et sur 122 km, elle s’étend des deux côtés de la frontière US-Mexique. Dans l’émission enregistrée à Flagstaff, Arizona, Democracy NOW ! Amy Goodman a interviewé Klee Benally, un activiste Diné (Navajo), et Alex Soto, membre de la Nation Tohono O’odham et organisateur du mouvement O’odham Solidarity Across Borders [Solidarité O’odham à Travers les Frontières]. Il est aussi membre du duo de hip-hop [rap] Shining Soul. « Les Tohono O’odham, ce qui signifie les gens du désert, se retrouvent au centre de politiques coloniales qui actuellement sont en train de militariser nos territoires, par le nombre d’agents de la Patrouille des Frontières, les points de contrôle, les drones et la surveillance générale de notre communauté », dit Alex Soto.

Alex Soto, Tohono O’odham, parle de la militarisation de la frontière – et de la Réserve

La réserve Tohono O’odham s’est trouvée divisée par la frontière US-Mexique, suite à la conquête de territoires mexicains par les Etats-Unis en 1846. Leur situation s’est beaucoup détériorée suite à la politique controversée de répression de l’immigration illégale, pendant le mandat de la Gouverneur Jan Brewer (qui vient d’annoncer qu’elle ne se représentera pas). Le Président Obama a également déployé des milliers de nouveaux agents de la Patrouille des frontières à la frontière sud de l’Arizona. 28 000 membres de la Nation Tohono O’odham se retrouvent coincés. De nombreux O’odham doivent passer par des postes de contrôle pour se déplacer dans leur territoire et ceux qui résident du côté mexicain de la frontière sont totalement coupés de leur tribu.
Alex Soto, Tohono O’odham, a participé en 2010 à une action d’occupation du Bureau de la Police des Frontières à l’intérieur de la base militaire de l’Armée de l’air Davis-Monthan à Tucson.

 

ALEX SOTO : LA SITUATION DES TOHONO O’ODHAM A LA FRONTIERE

« Actuellement, ma communauté se retrouve prise au milieu d’une offensive pour militariser la région frontalière. Les Tohono O’odham – ce qu’on traduit par « gens du désert » – sont pris dans des politiques coloniales qui maintenant militarisent nos territoires, que ce soit par le nombre d’agents de la Patrouille des Frontières, les points de contrôles, les drones, et simplement la surveillance omniprésente de notre communauté. Ainsi, en ce moment même, notre mode de vie en tant qu’ O’odham est affecté, que ce soit dans les pratiques traditionnelles ou le fait de voir la famille et les amis, et c’est affecté partout par la militarisation. »

« Dans notre réserve, n’oubliez pas, la région frontalière que vous avez partagée sur 122 km, il n’y a pas encore nécessairement de mur [Les autorités ont entrepris de construire un mur le long de la frontière, dans la réserve Tohono O’odham, il n’est pas encore construit, faute de moyens financiers – NdT]. Tout ce qu’il y a, ce sont des barrières pour bloquer les véhicules. Au cours de ma vie, à un certain moment, dans ma petite enfance, il n’y avait pas de clôture. Donc, au cours de ma vie j’ai vu les changements causés par les politiques d’immigration appliquées par le gouvernement des Etats-Unis. Et maintenant nous en sommes au point où nous avons des barrières pour les véhicules. Mais la pression exercée actuellement pour une réforme totale de la politique d’immigration pousse à un scénario du genre Mur de Berlin dans ma communauté. »

« Vous savez, en grandissant – je n’ai que 28 ans – j’ai toujours été élevé en sachant, en tant qu’ O’odham, que le territoire des deux côtés de la soi-disant frontière US-Mexique était notre territoire. Et quand j’étais jeune, il n’y avait pas de frontière là-bas, à part les clôtures pour les poules, l’élevage, des choses pratiquées dans la communauté. C’est seulement depuis le début des années 1980 jusqu’au début des années 1990, plus particulièrement avec la signature du NAFTA, que nous avons vu des pressions pour réguler la frontière, à cause du taux de communautés migrantes ou des Autochtones du Mexique immigrant ici pour des raisons politiques, à cause de la politique économique des Etats-Unis. Ainsi, au cours des années 1990, il y a eu une escalade pour ces raisons, jusqu’en 2001, avec l’affaire du 11 septembre, qui a augmenté la pression pour imposer des politiques de militarisation. Et maintenant, nous sommes dans cette situation, plus ou moins à cause de la politique d’immigration. Donc, ajoutées les unes aux autres, ces questions qui nous frappent ne sont pas nécessairement des problèmes O’odham, mais le contexte global pousse à la militarisation de notre territoire. »

« Je fais partie d’un mouvement de base, dans la communauté, avec beaucoup d’autres jeunes qui prennent l’initiative de connaître nos droits vis-à-vis de la Patrouille des Frontières, parce que dans notre communauté, la Patrouille des Frontières opère comme si… enfin, sans rendre de comptes. Je veux dire – pensez que notre réserve n’est pas une zone urbaine, c’est une zone rurale. Alors, les agents se lancent dans des actions, voyez-vous, ils font ce qu’ils veulent. Ceci étant dit, les membres de notre communauté se trouvent ne pas savoir quels sont leurs droits. Alors, mes amis, en particulier le collectif dont je fais partie, qui fait un travail de solidarité, ont établi clairement, là-bas, ce qu’on peut et ne peut pas faire. En particulier, en ce qui concerne les relations avec la Patrouille des Frontières, ils ne sont supposés que vous demander votre nationalité. Ils n’ont pas à vous demander d’où vous venez, qui est votre famille ou qui est cette personne à l’arrière du véhicule, qui semble, à leurs yeux, vous voyez ce que je veux dire, illégale, etc. bien que, comme vous l’avez dit, nous soyons les premiers habitants de ce territoire. Et n’oubliez pas, nous sommes tous Autochtones, comme il a été dit. »

« Autant que je sache, [si tant de gens vont là-bas, c’est] parce dans notre communauté, nous avons des villes frontalières très proches, comme Ajo, Casa Grande, où se trouvent les agents de la Police des Frontières – vous savez, à cause de la pression, de l’escalade en cours. Des petites villes rurales sont en train de devenir des ports d’attache pour eux, pour y vivre. Vous savez, il y a des milliers de résidents, surtout à Ajo, qui ont maintenant des agents de la Patrouille des Frontières logeant là-bas. C’est vraiment triste. »

 ALEX SOTO ET KLEE BENALLY A PROPOS DU ROLE DE LA MUSIQUE DANS LA LUTTE

ALEX SOTO:
« Shining Soul, c’est moi-même et mon collègue, du sud de Phoenix, c’est un Chicano, Franco Habre, aka The Bronze Candidate. Mon projet de hip-hop s’appelle Shining Soul, nous formons un duo. Voyez-vous, nous faisons du rap. Nous faisons nos rythmes. Et avec notre musique, nous pouvons exprimer ce qui se passe dans nos communautés, vous savez, dans l’esprit de Public Enemy, dans l’esprit de NWA, pour faire savoir, non seulement à nos communautés, mais au monde extérieur, que ces problèmes nous affectent, mais ce n’est pas seulement une question Autochtone ou une question Chicano, ou autre – c’est le problème de tous. Alors, avec la musique, les rythmes de ‘dope’ et les rimes de ‘dope’, comme ils disent, dans l’esprit du hip-hop – à ses tous débuts, je diffuse ce message, de ce point de vue, et Klee aussi, dans sa musique. »

KLEE BENALLY:
« La musique est un outil de transformation sociale et de changement. Je veux dire, à une époque où nous considérons le capitalisme comme l’ennemi de Notre Mère la Terre, et où les peuples Autochtones sont représentés de manière symbolique, et où nous continuons à faire face au génocide de notre peuple – je veux dire, vous avez demandé quel était l’impact du réchauffement climatique sur les Peuples Autochtones. C’est un génocide. Je veux dire, l’extraction de ressources dans nos territoires est ce que vous voyez comme résultat dans les symptômes du réchauffement climatique. Alors la musique est pour moi une occasion, une occasion puissante, de transmettre le message et de faire savoir aux gens que nous avons besoin d’espoir, mais nous avons besoin d’action. Nous devons faire coïncider les deux. »

KLEE BENALLY A PROPOS DU COLLECTIF OUTTA YOUR BACKPACK MEDIA

« Outta Your Backpack Media a été mis sur pied en 2004 en réponse à un besoin de justice dans les médias pour les communautés Autochtones. Ce que nous offrons, ce sont des ateliers gratuits et des kits de matériel pour les jeunes Autochtones et leur donnons la possibilité de raconter leurs propres histoires, parce que, comme vous le savez, les grands médias ne feront pas le travail pour nous. Nous devons le faire nous-mêmes. »

« Je travaille avec des jeunes Autochtones, essentiellement d’âge du secondaire, et nous sommes un collectif. Nous sommes tous bénévoles. Et nous formons les jeunes pour qu’ils deviennent eux-mêmes instructeurs, participent et éduquent d’autres jeunes. Ainsi, vraiment, çà se répand, c’est un mouvement croissant. C’est en relation avec la musique d’Alex, c’est en relation avec ma musique. Et il y a vraiment un fort mouvement de révolte chez les Autochtones, pas seulement ‘Fini la Passivité’ [Idle No More], parce que nous n’avons jamais été passifs. Nous sommes toujours engagés dans cette lutte. Nous sommes toujours là. »

« Nous n’avons jamais été passifs. Mes ancêtres n’ont jamais capitulé. Quand les forces gouvernementales des Etats-Unis sont venues pour prendre leurs terres sur Big Mountain et Black Mesa, où vous êtes allée, je crois… »

AMY GOODMAN:
« Mon premier documentaire pour la radio, en 1985, était intitulé Une Emprunte de Doigt sur Notre Mère la Terre, et, effectivement, je suis venue ici, à Flagstaff, et je suis allée à Big Mountain où j’ai vu ce qu’enduraient les Diné et les Hopi. Souvent, çà a été présenté comme une bataille entre ces deux tribus. Mais en fait, quand vous veniez et voyiez ce qui se passait, vous voyiez Peabody Coal derrière toute l’affaire. »

KLEE BENALLY:
« Et c’est le lien avec le réchauffement climatique. Je veux dire, tant que les gens seront liés par ces styles de vie non-durables et continueront à dégringoler le long de cette voie destructrice qui alimente cette guerre contre notre Mère, la Terre, ce conflit continuera. Et la résistance continue à ce jour. Des gens sont toujours sur ces terres. Ils restent forts et perpétuent nos modes de vie. »

 

DES ORGANISATIONS JOIGNENT LEURS FORCES POUR ACHETER UN CENTRE POUR LES ARTS ET L’ACTIVISME DE LA COMMUNAUTE. ILS ONT BESOIN DE CONTRIBUTION POUR LA CAMPAGNE DE FINANCEMENT

 

Par Klee Benally
sileiproject@gmail.com
www.oybm.org/silei

Publié sur Censored News

14 septembre 2012

FLAGSTAFF, Arizona – Outta Your Backpack Media (OYBM) et Táala Hooghan Infoshop ont joint leurs forces avec un nouveau groupe bénévole appelé Siléi Projet d’Emancipation de la Communauté (SCEP) pour acheter un centre communautaire de 420 m2 consacré à l’activisme social et environnemental.
Depuis 5 ans OYBM et Táala Hooghan ont travaillé ensemble pour fournir un accès aux arts, les ressources nécessaires aux activistes, à l’émancipation de la jeunesse Autochtone, une salle ouverte à tous les âges pour les musiciens, et beaucoup d’autres choses.
« Nous avons profondément réfléchi, avons eu des heures et des heures de réunions, avons consulté d’autres organisations et des Anciens, et avons décidé que non seulement c’était possible, mais que cela nous assurerait la longévité de notre vision et nous permettrait d’être plus efficaces dans notre travail. » dit Klee Benally, un bénévole de Siléi. « Nous sommes profondément engagés pour assurer que cette ressource communautaire vive pour les générations à venir. »
« Nous avons déjà reçu beaucoup de soutien et d’encouragement de la part de nos amis et de nos voisins, » dit Ned Del Cajello, une bénévole d’OYBM et de Táala Hooghan. « Nous sommes convaincus que grâce aux dons, aux collecteurs de fonds de la communauté, des occasions d’emprunts, le jumelage de fonds et d’autres activités de collecte créatives, nous arriverons à acheter le bâtiment. »
Actuellement les groupes ont mis en route une campagne de financement communautaire sur Rockethub. Ils ont jusqu’au 3 octobre 2012 pour récolter 10000 dollars pour les coûts dont l’apport initial.
En faisant des dons au financement communautaire, les donneurs peuvent recevoir des cadeaux, entre autres une compilation de soutien, des livres signés, un T-shirt, et même une participation à des ateliers de cinématographie.
12% des fonds avaient été réunis à daté du 14 septembre 2012.
Siléi va garder et gérer le lieu pour assurer que les buts et la vision du centre soient maintenus pour de nombreuses années à venir. Ceci inclut le projet de garder le bâtiment et la propriété pour les seuls buts de justice sociale et environnementale de la communauté au-delà de la viabilité prévisible des projets actuels tels que OYBM et Táala Hooghan.
OYBM va devenir un institut la justice dans les média et les arts pour la Jeunesse Indigène qui permettra une formation tout au long de l’année sur la justice dans les média et une production audiovisuelle soutenant la justice culturelle et écologique dans et autour du Sud-ouest des Etats-Unis.
Táala Hooghan Infoshop mettra en pratique sa déclaration d’action pour « l’émancipation de la jeunesse et de la communauté en générale dans l’action pour un monde plus juste et plus durable » en ayant un lieu plus sûr où les gens savent qu’ils peuvent aller en confiance pour trouver des informations et des ressources.
« En ce moment, il n’existe pas d’autre centre de ressources pour la communauté en Arizona, et il est impératif qu’un lieu comme Táala Hooghan devienne encore plus viable afin que l’information sur les efforts des organisations de base, ignorés par les média officiels, continue à circuler en Arizona. » dit Hailey Sherwood, une bénévole de Táala Hooghan.

 

HISTORIQUE

Depuis 2004, Outta Your Backpack Media a grandi et s’est épanoui dynamiquement d’année en année. Nous avons donné la possibilité à des centaines de jeunes Indigènes de partager leurs histoires grâce à nos ateliers de réalisation de films, qui sont uniques et gratuits. En 2011, OYBM faisait partie de la poignée d’organisations de jeunesse grâce auxquelles Flagstaff a obtenu le « Prix des 100 meilleures Communautés pour les Jeunes. » En 2007 nous avons créé, en partenariat avec Indigenous Action Media et Táala Hooghan Infoshop, notre propre Centre des Arts et Média pour la Jeunesse.
Tous les efforts entrepris par les deux organisations ont été le fait de 100% de bénévoles et ont été soutenus par des collecteurs de fonds créatifs basés dans la communauté.

Pour plus d’information sur Siléi : www.oybm.org/silei
Outta Your Backpack Media : www.oybm.org
Táala Hooghan Infoshop: www.taalahooghan.org
Vidéo: http://www.youtube.com/watch?v=FfbR3rTkvbs&feature=share&list=UUxcUQ5NVyH2-vjTGx0bZulQ
Pour les dons: http://www.rockethub.com/projects/10536-silei-community-empowerment-project

Publié par brendanorrell@gmail.com

 

Ci-dessus le tract de Siléi, recto et verso

 

Pochette du CD de soutien, recto et verso