Par Brenda Norrell
Censored News
28 novembre 2021
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan

LES PÈLERINS SONT VENUS ET ONT IMMÉDIATEMENT COMMENCÉ À TUER LES WAMPANOAG – KISHA JAMES

PLYMOUTH, Massachussetts – Des Autochtones se sont rassemblés à Plymouth, pour commémorer un Jour National de Deuil, le jour de Thanksgiving pour les Etats-Unis. Le Jour de Thanksgiving rappelle le génocide de millions d’Autochtones, le vol de leurs terres et l’effacement de leurs cultures.

Les participants au Jour National de Deuil rendent hommage aux Ancêtres et à la résilience Autochtones. C’est un jour de souvenir et de connexion spirituelle, autant qu’une protestation contre le racisme et l’oppression que les Peuples Autochtones continuent de subir dans le monde entier.

« Nous, Autochtones, n’avons aucune raison de célébrer l’arrivée des Pèlerins », dit Kisha James, membre des tribus Aquinnah Wampanoag et Oglala Lakota, et petite-fille de Wamsutta Frank James, le fondateur de la commémoration.

« Nous voulons éduquer les gens afin qu’ils comprennent que les histoires que nous avons apprises à l’école sur le premier Thanksgiving, ne sont que des mensonges. Les Wampanoag et autres Autochtones n’ont certainement pas vécu heureux pour toujours, depuis l’arrivée des Pèlerins », dit Kisha James.

« Pour nous, Thanksgiving est un jour de deuil, parce que nous nous souvenons des millions de nos ancêtres qui ont été assassinés par des colonisateurs Européens, qui n’étaient pas invités, comme les Pèlerins. Aujourd’hui, nous et beaucoup d’autres Autochtones dans tout le pays disent ‘No Thanks, No Giving’ [Pas de Remerciements, Pas de Dons]. »

Des Autochtones ont décrit des siècles d’atrocités commises contre les Autochtones et corrigé les mythes courants dans les textes historiques.

Le rassemblement annuel sur Cole’s Hill, dans la ville côtière du Massachussetts, a commencé en 1970, quand Wamsutta Frank James y est allé pour faire un discours écrit pour le 350ème anniversaire de la célébration de l’arrivée des Pèlerins. Des officiels de l’état avaient rejeté son discours pour une cérémonie officielle à Boston, le trouvant trop « incendiaire », selon WGBH News.

Au cours de la 52ème cérémonie, jeudi dernier, subventionnée par United American Indians of New England, la principale oratrice était la petite-fille de James, Kisha James.

« Le premier Thanksgiving officiel n’a pas eu lieu en 1621, quand les Pèlerins ont reçu un repas largement fourni par les Wampanoag, » dit-elle. « En fait, le premier Thanksgiving a été décrété en 1637 par le Gouverneur de la Colonie de la Baie du Massachussetts, John Winthrop, pour célébrer le massacre de 700 Pequots, hommes, femmes et enfants, sur les rives de la rivière Mystic, dans le Connecticut. »

Kisha James dit qu’elle ne s’opposait pas à ce que les gens se rassemblent, mangent de la dinde et offrent des remerciements, mais elle ne veut pas qu’ils célèbrent ce qu’elle appelle le mythe de Thanksgiving selon lequel les Pèlerins et les Wampanoag s’étaient bien entendu, selon WCB News.

« Nous savons que ce n’est pas vrai, que les Pèlerins sont venus et ont immédiatement commencé à tuer les Wampanoag » dit-elle.

Les Autochtones ont aussi appelé à prêter plus d’attention aux affaires de femmes Autochtones disparues et à rendre toute terre colonisée dans les Amériques.

***

Dédié à Moonanum James, Bert Waters, et d’autres qui ont rejoint les ancêtres.

LE DISCOURS INTERDIT DE WAMSUTTA (FRANK B.) JAMES, WAMPANOAG

Discours qui aurait dû être lu à Plymouth, Massachussetts, en 1970.

SUR LE DOCUMENT : Trois cent cinquante ans après que les Pèlerins n’entreprennent leur invasion du territoire Wampanoag, leurs descendants « Américains » ont organisé une célébration d’anniversaire. Toujours accrochés au mythe des livres scolaires blancs, de relations amicales entre leurs aïeux et les Wampanoag, les organisateurs de l’anniversaire ont pensé qu’il serait bon d’avoir un Indien pour faire un discours de reconnaissance et de compliment à leur diner d’état. On a demandé à Frank James de s’exprimer au cours de la célébration. Il a accepté. Cependant, les organisateurs demandèrent à voir son discours à l’avance, mais il s’est avéré que les vues de Frank James – fondées sur l’histoire plutôt que sur la mythologie – n’étaient pas ce que les descendants des Pèlerins voulaient entendre. Frank James refusa de lire un discours écrit par un ‘spécialiste’ des relations publiques. Frank James n’a pas parlé au cours de la célébration. S’il avait parlé, voici ce qu’il aurait dit :

Je m’adresse à vous en tant qu’homme – homme Wampanoag. Je suis un homme fier, fier de mes ancêtres, de mes succès obtenus grâce à une direction parentale stricte (« Tu dois réussir – tu es de couleur différente, dans cette petite communauté de Cape Cod ! »). Je suis un produit de la pauvreté et de la discrimination, de ces deux maladies sociales et économiques. Moi-même, et mes frères et sœurs, les avons surmontées douloureusement, et, dans une certaine mesure, nous avons gagné le respect de notre communauté. Nous sommes d’abord Indiens – mais on nous dit « bons citoyens ». Parfois, nous sommes arrogants, mais seulement parce que la société nous a mis la pression pour le devenir.

C’est avec des émotions mêlées que je suis ici pour partager mes pensées. C’est un moment de célébration pour vous – célébrant l’anniversaire d’un commencement pour l’homme blanc en Amérique. Un moment pour repenser le passé, pour réfléchir. C’est le cœur lourd que je repense à ce qui est arrivé à mon Peuple.

Déjà avant l’arrivée des Pèlerins, c’était, pour les explorateurs, une pratique commune de capturer des Indiens, de les emmener en Europe, et de les vendre comme esclaves pour 220 shillings l’unité. Les Pèlerins avaient à peine exploré les plages de Cape Cod pendant quatre jours, qu’ils avaient déjà pillé les tombes de mes ancêtres et volé leur maïs et leurs haricots. Le Récit de Mourt décrit un groupe de pillards de seize hommes. Mourt dit que ce groupe avait pris tout ce qu’ils pouvaient porter des provisions pour l’hiver des Indiens.

Massasoit, le grand Sachem des Wampanoag, connaissait ces faits, et pourtant lui et son Peuple ont accueilli les colons de la Plantation de Plymouth et sont devenus leurs amis. Il avait peut-être fait cela parce que sa Tribu avait été décimée par une épidémie. Ou bien sa connaissance de la dureté de l’hiver à venir était la raison de son acceptation. Cette action de Massasoit a peut-être été notre plus grande erreur. Nous, les Wampanoag, nous vous avons accueillis, vous l’homme blanc, à bras ouverts, ne sachant pas que c’était le début de la fin ; et qu’avant 50 ans, les Wampanoag ne seraient plus un peuple libre.

Qu’est-il arrivé, pendant ces courtes 50 années ? Qu’est-il arrivé pendant les 300 dernières années ?

L’histoire nous livre des faits, et c’était des atrocités ; c’était des promesses trahies – et la plupart du temps, elles se concentraient autour de la propriété des terres. Entre nous, nous comprenions qu’il y avait des frontières, mais jamais auparavant, nous n’avions eu affaire à des clôtures et des murs de pierre. Mais l’homme blanc avait besoin de prouver sa valeur par la quantité de terre dont il était propriétaire. Seulement dix ans plus tard, quand les Puritains sont arrivés, ils ont traité les Wampanoag avec encore moins de sollicitude, pour convertir les âmes des soi-disant « sauvages ». Bien que les Puritains aient été durs envers les membres de leur propre société, l’Indien était écrasé sous des dalles de pierre et pendu aussi vite que n’importe quelle autre « sorcière ».

Ainsi, au cours des années, on trouve toujours des mentions de terres Indiennes conquises et, en gage, de création de réserves où l’Indien doit vivre. L’Indien, dépouillé de son pouvoir, ne pouvait que regarder l’homme blanc prendre sa terre et l’utiliser pour son gain personnel. Ça, l’Indien ne pouvait pas le comprendre ; pour lui, la terre était la survie, pour cultiver, chasser, en vivre. Elle n’était pas là pour en abuser. Nous constatons, incident après incident, que l’homme blanc cherchait à dompter le « sauvage » et le convertir aux modes de vie Chrétiens. Les premiers colons Pèlerins faisaient croire à l’Indien que s’il ne se conduisait pas bien, ils creuseraient la terre et déclencheraient à nouveau la grande épidémie.

L’homme blanc utilisait les capacités nautiques de l’Indien. Mais ils ne le laissaient être que marin – jamais capitaine. Encore et toujours, dans la société de l’homme blanc, nous les Indiens avons été taxés d’ « homme le plus bas sur le mât du totem. »

Les Wampanoag ont-ils réellement disparu ? Il y a toujours une aura de mystère. Nous savons qu’une épidémie a emporté beaucoup de vies Indiennes – des Wampanoag sont partis vers l’ouest et ont rejoint les Cherokee et les Cheyennes. Ils ont été forcés de partir. Certains sont même partis vers le nord, jusqu’au Canada ! Beaucoup de Wampanoag ont abandonné leur héritage Indien et accepté le mode de vie de l’homme blanc pour leur survie. Il y a encore des Wampanoag qui ne souhaitent pas qu’on sache qu’ils sont Indiens, pour des raisons sociales et économiques.

Qu’est-il arrivé à ces Wampanoag qui ont choisi de rester et de vivre parmi les premiers colons ? Quelle existence ont-ils vécu en tant que « civilisés » ? C’est vrai que la vie n’était pas aussi compliquée qu’aujourd’hui, mais ils étaient plongés dans la confusion et le changement. Honnêtement, la confiance, l’implication, la fierté et la politique se tissaient dans et en dehors de leur vie quotidienne. De là, l’Indien était taxé d’astucieux, malin, vorace et sale.

L’histoire veut que nous croyions que l’Indien était un animal sauvage, illettré et non civilisé. Une histoire écrite par un peuple organisé et discipliné, pour nous dénoncer comme une entité inorganisée et indisciplinée. Deux cultures très différentes se rencontraient. Celle de ceux qui pensaient qu’ils devaient contrôler la vie ; celle des autres qui croyaient que la vie était faite pour en jouir, parce que la nature l’a décidé. Rappelons-nous, l’Indien est et a toujours été un être humain comme l’homme blanc. L’Indien ressent la douleur, est blessé, peut être sur la défense, rêve, supporte la tragédie et l’échec, souffre de solitude, a besoin de pleurer et de rire. Souvent, il est incompris.

L’homme blanc se sent encore abasourdi en présence de l’Indien, par sa mystérieuse capacité à le faire se sentir gêné. C’est peut-être l’image que l’homme a créé de l’Indien ; sa « sauvagerie » a eu un effet boomerang et ce n’est pas un mystère ; c’est la peur ; la peur du tempérament Indien !

En haut d’une colline, dominant le célèbre Rocher de Plymouth, il y a la statue de notre grand Sachem, Massasoit. Massasoit s’y est tenu longtemps en silence. Nous, les descendants de ce grand Sachem, avons été un peuple silencieux. La nécessité de gagner sa vie dans cette société matérialiste de l’homme blanc, nous a réduits au silence. Aujourd’hui, moi et beaucoup de gens de mon peuple choisissent de voir la vérité en face. Nous SOMMES Indiens !

Bien que le temps ait épuisé notre culture, et que notre langue soit presque morte, nous, les Wampanoag, sommes toujours sur les terres du Massachussetts. Peu importe que nous soyons divisés, que nous soyons dans la confusion. Beaucoup d’années ont passé depuis que nous avons été un peuple ensemble. Nos terres ont été envahies. Nous avons combattu autant pour garder nos terres que vous, les blancs, l’avez fait pour nous les prendre. Nous avons été conquis, nous sommes devenus des prisonniers de guerre Américains, dans beaucoup de cas, et pupilles du Gouvernement des Etats-Unis jusqu’à très récemment.

Notre esprit refuse de mourir. Hier, nous parcourions les sentiers forestiers et les pistes sablonneuses. Aujourd’hui, nous devons parcourir les autoroutes et les routes goudronnées. Nous nous unissons. Nous ne sommes pas dans nos wigwams mais dans votre tente de béton. Nous sommes droits et fiers, et avant que beaucoup de lunes soient passées, nous redresserons les torts que nous avons laissé nous faire.

Nous avons perdu notre pays. Nos terres sont tombées dans les mains de l’agresseur. Nous avons laissé l’homme blanc nous mettre à genoux. Ce qui est arrivé ne peut pas être changé, mais aujourd’hui nous devons nous efforcer d’aller vers une Amérique plus humaine, une Amérique plus Indienne, où l’homme et la nature soient à nouveau importants ; où les valeurs Indiennes d’honneur, de vérité et de fraternité dominent.

Vous, l’homme blanc, célébrez un anniversaire. Nous, Wampanoag, vous aiderons à célébrer l’idée d’un commencement. C’était le commencement d’une nouvelle vie pour les Pèlerins. Maintenant, 350 ans plus tard, c’est le commencement d’une nouvelle détermination pour l’Américain d’origine : l’Amérindien.

Il y a des facteurs qui concernent les Wampanoag et d’autres Indiens à travers cette vaste nation. Nous avons maintenant 350 ans d’expérience de la vie dans la société de l’homme blanc. Maintenant nous parlons sa langue. Nous pouvons maintenant penser comme pense un homme blanc. Nous pouvons le concurrencer pour les bons emplois. On nous entend ; on nous écoute, maintenant. L’important est que, avec ces nécessités de la vie quotidienne, nous avons encore l’esprit, nous avons encore la culture unique, nous avons encore la volonté et, ce qui est le plus important, la détermination de rester Indiens. Nous sommes déterminés, notre présence ici ce soir est le témoignage vivant que ce n’est que le commencement de l’Amérindien, en particulier le Wampanoag, pour regagner sa position dans ce pays qui est légitimement le nôtre.

Wamsutta

Le 10 septembre 1970

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MESSAGE DE LEONARD PELTIER POUR LE JOUR DE DEUIL 2020

Salutations, mes parents, amis, bien aimés et soutiens.

Avant tout, je veux vous remercier pour le privilège de pouvoir exprimer mes sentiments sur ce « Jour de Deuil », comme nous l’appelons, et « Thanksgiving » comme le reste des Etats-Unis l’appelle. Quelquefois, j’ai du mal à trouver les mots pour exprimer toutes les pensées qui ont traversé ma tête après 45 ans d’emprisonnement.

Je veux certainement exprimer ma considération pour nos ancêtres, avant nous, qui ont tellement combattu pour que nous puissions vivre aujourd’hui. Je veux exprimer mes sentiments et ma mémoire de ceux qui ont été submergés par les armes de guerre venues d’Europe et les épidémies auxquelles ils ont dû faire face. Bien que nous ayons été attaqués par les envahisseurs venus d’Europe, encore et toujours de toutes les façons possibles, et malgré tout ce qui a été fait pour nous détruire et détruire notre culture et nos traditions, nous survivons encore jusqu’à ce jour parce que nous sommes une expression de la Volonté du Créateur et une expression de la Vérité du Créateur. Nous sommes la manifestation ce cette vérité, qui est que toute l’humanité devrait vivre dans les limites de ces règles.


Contact presse : IndigenousinPhilly@gmail.com
Photos : © Marquis Valdez
Publié par Indigenous Action,
26 novembre 2021
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan

25 novembre 2021 – Lenapehoking (Philadelphie, Pennsylvanie) – Dans le cadre d’actions coordonnées contre le colonialisme conduites par des matriarches dans toute l’île de la Tortue, des femmes Autochtones activistes ont perturbé la plus ancienne parade du Jour de « Thanksgiving », exigeant que la vraie histoire de Thanksgiving soit dite. Des Activistes ont interrompu la parade et marché dans le quartier. Elles portaient des châles de danse fantaisie ornés des messages « Land Back » [« Rendez les Terres »], « MMIW », et « No Thanks No Giving » [« Pas de Merci, Pas de Dons »] en scandant « Pas de fierté dans un génocide ». Bien que la plupart des spectateurs soient calmes et sympathisants, quelques-uns ont fait du chahut en criant « rentrez chez vous » et « dégagez de Philly ». Parmi les Autochtones, il y avait des membres de plusieurs tribus de toutes les soi-disant Amériques, entre autres des Algonquins et des Lenapes locaux, qui sont les régisseurs légitime de Lenapehoking, la terre ancestrale des Lenapes qui comprend Philadelphie et New York et d’autres régions de ce que les colons appellent Pennsylvanie, New Jersey, Delaware et New York.

Le mythe de Thanksgiving, perpétué dans les écoles de toute la nation, célèbre des « Indiens » non identifiés, ayant sauvé la vie de colons Européens d’une mort certaine, dans les bois de la Côte Est. Aujourd’hui, les tables sont garnies de nourritures Autochtones des Bois de l’Est, comme la dinde, les courges et les haricots, et d’autres choses originaires des Amériques, entre autres des pommes de terre et du riz. On nous sert l’histoire d’un repas pacifique devant honorer l’amitié et la prospérité entre les colonisateurs et ceux qui ont été colonisés par la violence. Et, bien qu’il y ait certainement de la vérité dans la générosité des Autochtones, cette version romantisée d’un jour de fête est bien loin de la violence coloniale et du génocide que ce jour férié commémore en réalité. En 1636, des Anciens, des enfants et des familles Pequot se sont rassemblés dans leurs villages pour leur cérémonie annuelle de Dance du Maïs Vert, une cérémonie de récolte commémorée par des danses, des fêtes, un jeûne, et des cérémonies religieuses. Ces célébrations sacrées étaient souvent la cible de la violence coloniale, les colons armés les utilisant pour lancer des attaques et assassiner des familles entières. C’est exactement ce qu’a été le premier Thanksgiving, des colons Anglais et Hollandais de la Colonie de la Baie du Massachussetts, ont encerclé un village Pequot et implacablement assassiné plus de 700 Pequots, vieillards, hommes, femmes, enfants et personnes à deux esprits, brûlé leur village et tiré sur toute personne qui essayait de fuir les flammes. Le lendemain, le gouverneur de la colonie a déclaré un jour de Thanksgiving pour célébrer et remercier Dieu pour leur victoire. C’était le premier Thanksgiving.

Ça fait 529 ans qu’a eu lieu l’invasion des Tainos, 497 ans depuis qu’il a été fait mention pour la première fois de l’esclavage d’un Wampanoag, 384 ans depuis ce massacre de Pequots, et 158 ans depuis que Lincoln a déclaré Thanksgiving fête nationale. Mais jusqu’à ce jour, les Autochtones de toute l’île de la Tortue se battent pour leur souveraineté, entre autres les Lenapes qui continuent de travailler à la reconnaissance de leurs propres terres ; les Anishinaabeg et d’autres se battent contre la Ligne 3 ; les Carrizo-Comecrudo, les Tohono O’odham et d’autres combattent le mur frontière ; et les Autochtones et les Afro-Autochtones d’Amérique Centrale et du Sud, des Caraïbes, d’Afrique et bien d’autres encore, sont retenus dans des centres de rétention aux Etats-Unis et terrorisés par la police et les militaires. Aujourd’hui, nous exigeons qu’une véritable histoire coloniale des Etats-Unis soit dite, y compris Thanksgiving.

Citations : « Thanksgiving est doux-amer. D’une part, c’est la continuation moderne des temps très anciens d’amitié et de communauté. D’autre part, la version lavée plus blanc et Eurocentriste de Thanksgiving qui nous est donnée, avec des chapeaux de pèlerins et des coiffures Indiennes est insultante, pas seulement envers cette très ancienne tradition, mais aussi envers la mémoire et les esprits de ceux qui ont été assassinés par les colonisateurs qui voulaient leur terre et leurs ressources. » – Kate Thorn, Lenape/Seneca.

« Nous prenons parti parce que notre génocide n’a jamais cessé. Ils empoisonnent toujours notre eau, notre nourriture et notre air. Ils volent toujours nos enfants et emprisonnent nos parents dans des prisons et des centres de rétention. Ils infiltrent des drogues dans nos foyers et nous accusent des épidémies. Ils nous empêchent de circuler librement sur nos terres. Ils nous effacent de la conscience collective, et tuent nos mémoires quand ils ne peuvent pas nous tuer. Les colonisateurs continuent d’effacer l’histoire en renommant leurs jours fériés, sans changer leur participation au projet colonial appelé les Etats-Unis. La seule vraie célébration des Autochtones arrivera quand les Etats-Unis seront abolis et que nous serons libres. » – Felicia Teter, Yakama

Sur l’histoire de Thanksgiving voir aussi l’intervention de Hartman Deetz de 2019.

Hartman Deetz, Mashpee Wampanoag, était l’un des invités Autochtones du CSIA-nitassinan, le 12 octobre 2019. Il est actif dans des mouvements écologistes et Autochtones depuis plus de 20 ans. Il s’inspire principalement de sa spiritualité et des ses traditions Autochtones, fondées sur l’idée que la Terre est un être vivant et qu’il ne faut jamais l’oublier. Il a participé à des cérémonies depuis l’âge de 12 ans. Il a travaillé avec la Coalition Mashpee pour l’Action Autochtone. Il a participé à la Longue Marche de 2008 et à Idle No More à San Francisco. Il était présent à Standing Rock, Dakota du Nord, et dans le Bayou Indien, en Louisiane, pour participer à la lutte contre des projets d’oléoducs qui menacent le Fleuve Mississippi. Il participe toujours à la lutte pour que l’Epée soit retirée du drapeau du Massachusetts et à une campagne demandant que la Loi sur la Réserve Mashpee soit réellement appliquée. Hartman est aussi artiste et créateur de bijoux. A Paris, il a raconté l’histoire dramatique de ce que les Blancs des Etats-Unis célèbrent en Novembre chaque année, sous le nom de ‘Thanksgiving’.

Hartman Deetz, Wampanoag,
Paris, 12 octobre 2019  English
Also in English on Censored News
Journée Annuelle de Solidarité du CSIA-nitassinan
Traduction et photos Christine Prat

Hartman Deetz : Bonjour. [Il se présente d’abord dans sa langue d’origine]. Je m’appelle Hartman Deetz, je suis de Mashpee et Wampanoag. Je pense que le plus simple est de parler des campagnes pour lesquelles je travaille actuellement : le drapeau de l’état du Massachusetts, et la Loi sur la Réaffirmation de la Réserve Mashpee. Ces problèmes sont interconnectés, comme beaucoup de choses dans ce monde.

Nous allons faire un peu d’histoire, étant donné que la plupart des problèmes des Autochtones ont leurs racines dans l’histoire. Beaucoup des maux infligés aux peuples des Amériques ont des origines qui remontent à des centaines d’années. Ce n’est que dans les toutes dernières décennies qu’on a commencé à en parler et les voir comme des torts.

Je vais m’adresser au public. Levez la main si vous avez jamais entendu parler de Wampanoag ? Quelques-uns. Alors je vais vous demander de lever la main si vous avec jamais entendu parler du ‘Thanksgiving’ américain.

On nous appelle généralement les Indiens. Les Pèlerins et les Indiens. Nous sommes les ‘Indiens’. Mais on ne nous a jamais donné notre vrai nom. Alors, pour comprendre notre situation en tant que Wampanoag, il faut savoir que nous sommes sur notre territoire d’origine, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de Peuples Autochtones des Amériques. Mon père possède 0,8 hectare de terre, qui n’a jamais appartenu à un Blanc. C’est important. Malgré cela, il a fallu attendre l’année 2007 pour que le Gouvernement des Etats-Unis reconnaisse mon Peuple comme Tribu Autochtone. Et maintenant, ils cherchent à s’emparer des derniers moins de 1% de notre territoire qui nous restent, au moyen du renversement d’une décision par le gouvernement Trump. Pour comprendre la situation un petit peu, il faut retourner aux années 1600. Nous avons signé l’Accord de 1621 avec les colons anglais. Il stipulait qu’ils respecteraient leurs lois et que nous respecterions nos propres lois, et que, si des gens de chez nous violaient nos lois, ils seraient punis par nous, et si leurs gens violaient leurs lois, ils seraient punis par les leurs, dans leur juridiction. Ce traité a duré trois ans.

C’est pourquoi la célébration du jour de Thanksgiving se réfère aux origines des Américains. Les Indiens et les Pèlerins.

Les Anglais n’acceptaient pas de négocier avec nos dirigeantes. Ils voulaient que nos femmes leur envoient leurs fils, leurs frères, leurs maris pour leur parler. Nous avions une puissante Reine, Weetamoo, qui contrôlait de vastes territoires. Les Anglais firent de nombreuses tentatives pour conquérir ses terres. Ils essayèrent de les acheter à ses fils, à ses frères. Ils réussirent à obtenir que certains membres masculins de sa famille acceptent de vendre. Ces affaires sont allées devant les tribunaux, qui ont admis qu’elle seule et personne d’autre pouvait revendiquer ces terres, et avait le droit de les vendre. Malgré cela, les actes furent reconnus par les tribunaux britanniques et confirmés. Ça a déclenché une guerre connue comme la ‘Guerre du Roi Philippe’. Ils l’ont appelée ainsi parce qu’ils avaient choisi d’appeler l’homme à qui ils attribuaient la responsabilité de la guerre, Philippe. Ils refusaient d’apprendre à prononcer son vrai nom, Metacom. Cette guerre fut extrêmement violente, ce fut la guerre la plus violente sur le sol de la Nouvelle-Angleterre. Des villes et des villages entiers furent détruits des deux côtés. Et ce qui a mis fin à la guerre – nous, les Autochtones, avions des alliés, entre autres des Abénaki – c’est que les gens ont cherché la paix et signé des traités selon les termes des vainqueurs, afin de retourner aux champs, pour recommencer à planter au printemps. Lorsque les gens sont sortis de leurs forteresses et sont retournés sur leurs terres à découvert, ils furent attaqués. Weetamoo fut tuée et son corps jeté dans la rivière. Philippe, Metacom, fut tué dans les marécages. Sa tête fut coupée, mise sur un pic et exhibée au centre de la colonie de Plymouth pendant plus de cinquante ans. Et maintenant, le drapeau du Massachusetts représente une épée au-dessus de la tête d’un Autochtone, avec la phrase ‘Par l’Epée nous cherchons la Paix’.

En 2018, plus de 150 hectares, là même où se trouvaient les terres de Weetamoo, le centre des terres qui ont déclenché la ‘Guerre du Roi Philippe’, est devenu un point de conflit, étant donné qu’ils ont choisi ce terrain pour renverser la décision qui nous reconnaissait comme Peuple Autochtone, comme tribu, comme étant souverains. Ils ont prétendu que nous n’avions pas de liens historiques avec cette terre. C’est l’excuse qu’ils utilisent maintenant pour nous dépouiller de notre droit inhérent sur le dernier moins de 1% de notre territoire.

Ma tribu, ma communauté, compte environs 3000 personnes, et environs 120 hectares. Une acre fait environs 400 m², et nous avons 10 habitants par acre. Comment pouvons-nous continuer à exister en tant que Wampanoag sur notre territoire ? Si nous n’avons nulle part où habiter ? Comment pouvons-nous être Mashpee si nous ne sommes pas au bord du lac Mashpee ? Comment pouvons-nous être Mashpee si nous n’avons pas accès à la rivière Mashpee ? Ces eaux nous définissent. C’est ce qui nous donne notre identité de Mashpee. Nous avons un besoin urgent de justice. Nous avons lutté pendant des siècles, à travers les changements de lois, sous la domination anglaise, sous la Révolution Américaine. Sous la domination de l’Angleterre, nous étions des ‘villes de prière’ [communautés d’Indiens convertis au Christianisme, dans la colonie de la Baie de Massachusetts – NdT]. Puis la Révolution Américaine est arrivée et nous sommes devenus des ‘Districts Indiens’, puis nous avons été incorporés à une ville officielle, puis reconnus comme tribu de l’état, et finalement comme Tribu Fédérale. Et maintenant, ils ont à nouveau changé les règles. Pour les Etats-Unis, nous sommes Indiens quand ça les arrange. Et nous ne le sommes pas quand ça ne les arrange pas.

Alors, nous espérons que le monde va exercer quelque pression, afin que les Etats-Unis reconnaissent les Droits des Peuples Autochtones – qu’ils célèbrent tous les mois de novembre, selon leur mythe créateur – d’avoir une place où résider et exister.

Hartman Deetz is from Mashpee, a member of the Wampanoag tribe. He has been involved in Indigenous and Environmental movements for over 20 years. His activism mainly relies on his spirituality and his Indigenous traditions, that are based on the idea that the Earth is a living being and that it is necessary never to forget it. He has been taking part in ceremonies ever since he was 12. He has worked with the Mashpee Coalition for Native Action, took part in the Long Walk in 2008 and Idle No More in San Francisco. He has been in Standing Rock and in Indian Bayou, Louisiana, to struggle against pipelines projects that threaten the Mississippi river. He is also involved in a struggle to have the Sword removed from the Massachusetts’s flag and in another campaign aiming to have the Mashpee Reservation Act be fully implemented. Hartman is also an artist and jewelry designer.

Hartman Deetz  Français
October 12, 2019
CSIA, Annual Day of Solidarity
Transcript and photos Christine Prat, CSIA

Hartman Deetz: Bonjour. [He presents himself in his own language]. Good evening. My name is Hartman Deetz, I am from Mashpee and a Wampanoag. I think the easiest is to talk about the campaigns I am working on: the state flag, and the Mashpee Reservation Reaffirmation Act. These issues can be interconnected, as many things in this world can be interconnected.

We are going to deal with some history, as most Native issues have their roots and their origins in history. Many of the wrongs done to people in the Americas, have their origins hundreds of years back. We only in recent decades started to talk about and address that these things are wrong.

I am going to address the audience. By showing hands, who has ever heard of the Wampanoag? A few. Then I am going to ask by showing hands, who has ever heard of the American Thanks Giving?

We are commonly known as the Indians, the Pilgrims and the Indians. We are “the Indians”. But we never get our own name. So, to understand what we are dealing with as Wampanoag people, we are in our original homelands, something that is not the case for many Indigenous Peoples in the Americas. My father has two acres of land, never owned by a White man ever. This is significant. In spite of this, it was not until the year 2007 that the United States Government acknowledged my People as an Indigenous Tribe. And now, they are seeking to take the last 1%, less than 1%, of our land away, in a reversal of the Trump Administration. To understand part of the situation, we have to look back to the 1600’s. We signed the 1621 Agreement with the English colonists. It said they would respect their laws and we would respect our laws, and if our folks broke our laws they would be punished by our folks, and if theirs broke their laws, they would be punished by their folks, in their jurisdiction. This treaty lasted three years. This is why the celebration of the day talks about the American origins. The Indians and the Pilgrims.

The English folks would not deal with our women leaders. They wanted our women to send their sons, to send their brothers, to send their husbands to speak for them. We had a powerful Queen, Weetamoo, she controlled vast territories of land. The English folks made many attempts to get this land from under her feet. They tried to buy it from her sons, from her brothers. They got some of her male relatives to agree to sell. These cases were brought into the court systems, where the leadership acknowledged that only she had a claim to that land and no one else, and the right to sell it. In spite of that, the deeds were recognized by the English court system and confirmed. This sparked a war known as King Philip’s War. They named this war King Philip’s War, because the man on whom they placed the responsibility for the war, they chose to call Philip. Because they refused to bother to learn to pronounce his own name, Metacom. This war was a very violent war, the most violent war fought on New-England soil. Entire villages and towns were destroyed on both sides. And, as a conclusion of that war – we had, as Native people, allies, including the Abenaki folks – they started to sue for peace and strike treaties on victors’ terms, to return to the planting grounds and start planting in the spring again. And as people returned to their open spaces, came out of their fortresses, they were attacked. Weetamoo was killed and her body thrown in the river. Philip, Metacom, was killed in the swamps. And his head cut off and stuck on a pike. It was displayed in the center of Plymouth colony for over fifty years. And now, the flag of Massachusetts bears a sword above the head of a Native man, with the word ‘By the sword we seek peace’.

In 2018, 150 acres, in the very place where Weetamoo’s landholdings were, the center of the lands that sparked the war of King Philip’s War, became the sticking point as they chose to use this land to reverse the decision on our acknowledgement of being a Native People, of being a tribe, of being sovereign. They said we have no connection to that land historically. This is the justification they use now to strip us of our inherent right on the last less than 1% of our land.

My tribe, my community has about 3000 people, and about 300 acres. That’s about 400 m² in one acre. We have about 10 people per acre. How are we expected to continue to exist as Wampanoag people in our own land? If we don’t have a place to be? How can we be Mashpee people, if we are not next to the Mashpee pond? How can we be Mashpee people, if we are not able to get to the Mashpee river? These bodies of water define us. They are what give us our identity as Mashpee people. We are faced with very dire need to see some justice. We have been struggling for hundreds of years, through changes of laws, through England, through the American Revolution. Under England, we were praying towns, the American Revolution came and we became Indian Districts, and then we were incorporated into a town, an official town, and then recognized as a state tribe, and then eventually recognized as a Federal Tribe. And now, they have changed the rules once again. For the United States, we are Indians when it suits them. And we are not when it does not. So, we are hoping to see some pressure from the world, to get the United States to acknowledge the Rights of the Native Peoples that they celebrate every November, in their creation myth, to have a place to be and exist.