PALESTINIENS ET AUTOCHTONES – UNITÉ ET RÉVOLUTION AU COURS DE LA JOURNÉE NATIONALE DE DEUIL À PLYMOUTH ROCK
« Rien ne peut arrêter cette vague de résistance, parce que la terre connait ceux qui la servent et nous lui avons fait le vœu de revenir victorieux. » Lea Kayali, du Mouvement de Jeunesse Palestinien.
Par Brenda Norrell
Censored News
28 novembre 2024
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan
La Journée de Deuil à Plymouth Rock résonnait de la trahison des colons qui arrivèrent ici, et des appels pour la liberté pour Leonard Peltier et la solidarité avec la résistance au génocide en Palestine, le génocide des enfants volés et assassinés étant maintenant au plus profond de leur ADN.
« Quand je pleure les dizaines de milliers d’enfants de Gaza qui sont orphelins, je pleure les générations d’enfants Autochtones volés à leur foyer », dit Lea Kayali, du Mouvement de Jeunesse Palestinien, au cours de la Journée de Deuil accueillie par les Amérindiens Unis de la Nouvelle Angleterre jeudi.
À propos des atrocités et de la résistance, Lea dit que c’était la décolonisation des Zapatistes et de l’AIM.
« Notre décolonisation est une résistance populaire globale qui ne s’arrêtera pas avant que le lever du soleil de la liberté ne réchauffe chaque centimètre de cette Terre des longues nuits de répression. »
Lea commença par ces mots : « C’est un honneur pour moi d’être ici en cette Journée de Deuil, parce qu’en tant que Palestinienne, chacun des 419 derniers jours a été une Journée de Deuil – sachant que le nombre de morts est probablement de centaines de milliers. »
« Alors, nous sommes en deuil avec vous, aujourd’hui. Le génocide, ce crime impardonnable, a été commis contre tant d’entre nous, peuples Autochtones. C’est l’histoire la plus sanglante, que les colonisateurs ont essayé de couvrir par des histoires comme Thanksgiving et l’Indépendance d’Israël. »
« Aujourd’hui, nous rejetons ces mensonges. Aujourd’hui, comme Palestinienne, je vais vous dire la vérité. »
Ce génocide est plus que les histoires déchirantes que vous avez entendues.
« Le génocide est le vol de tout ce qui est familier » dit Lea.
« C’est la déformation grotesque et artificielle de ce que nous avions appelé la vie – vingt kilos de restes humains dans un sac en plastique ; des chaînes de prisonniers supposés attendre nus pendant des jours sans nourriture ; une ambulance déchiquetée et abandonnée dans la rue comme une boule d’entrailles mécaniques ; le son grave des drones comme des essaims de frelons résonnant sur nos tympans. »
« Le génocide est fabriqué. »
« C’est la Machinerie du Colonialisme qui fait une farce de la vie naturelle. »
« Le sionisme a causé un deuil continu qui restera dans notre ADN pour des générations. »
« Mais dans cette réunion, on me rappelle que ça n’a pas besoin d’être ainsi. Nous méritons beaucoup plus que cet Armageddon capitaliste. »
« Aujourd’hui, je sens dans mon corps que je suis entourée de gens qui regardent cette machine de mort, et tendent la main à travers les rouages pour tenir la nôtre, Palestiniens, pour nous dire que nous y avons tous été – et que nous n’en émergerons qu’ensemble. »
« Alors, quand je pleure les milliers d’enfants de Gaza qui sont orphelins, je pleure les générations d’enfants Autochtones qui ont été volés de leurs foyers, parce que, selon les mots de Nick Este, ‘Le vol des jeunes est le vol du futur.’ »
« Quand j’entend parler des martyres dont les corps sont volés par le cruel régime sioniste, mon cœur souffre pour chaque Autochtone assassiné ou disparu. »
Lea dit que quand elle pleure pour les prisonniers politiques Palestiniens martyres aujourd’hui, elle sait qu’avec ses larmes, elle doit demander la liberté pour Leonard Peltier.
« Être Autochtones, c’est être maintenu dans un espace des lignes de front du combat pour la Libération, c’est l’espace qui est nôtre, si nous promettons de nous y dévouer, d’étudier notre histoire. »
« Notre lutte Palestinienne contre le colonialisme dure depuis un siècle. Nous avons d’abord résisté aux Britanniques, avec la grande Révolte des Paysans, les frappes populaires et les attaques de la Guérilla. Puis nous avons résisté aux sionistes, ce qui a étendu le caractère de masse et les tactiques de notre lutte depuis plus de 76 ans. »
« Nous, les Palestiniens, avons essayé toutes les formes de résistance, tous les genres légitimes et glorieux, de tentatives de secouer le joug du colonialisme. »
« C’est une résistance toujours vivante aujourd’hui. C’est une résistance qui fait tomber les murs. C’est une résistance qui a arrêté les chars Mercava dans leurs chenilles – c’est une résistance qui oblige l’occupant à reculer. »
Lea dit que le Mouvement de Jeunesse Palestinien se concentre sur les profiteurs, comme la compagnie de transport et logistique Maersk.
« Rien que ce mois-ci, nous avons dénoncé leur tricherie et sommes allés en Espagne pour repousser trois bateaux qui transportaient du matériel militaire pour Israël. Notre mouvement a créé le chaos pour l’une des entreprises les plus profitables au monde, et c’est une crise qui ne fera qu’escalader au cours de notre organisation. »
Les jeunes du mouvement Palestinien se placent dans leur héritage de résistants Autochtones.
« C’est un héritage qui ne s’étend pas seulement sur ce Siècle de résistance Palestinienne, mais sur un demi millénaire de résistance autochtone. »
Elle rappela les héritages des Guerriers Lakota, des Champions Wampanoag, et des organisateurs à Hawaï qui ont partagé leur lutte et le message d’une prophétie.
Dans cette prophétie, « les masses se rassembleront et frapperont au cœur de l’Empire. »
« Je ne sais pas ce qu’il en est de vous, mais chaque jour je me sens plus près de cette révolution. Notre autochtonie est une promesse. C’est un lien indestructible avec notre terre. »
« Les sionistes ont démoli la maison de ma famille. Ils ont enlevé mes cousins. Ils se sont approprié notre culture – mais ils ne peuvent pas voler ma relation à ma terre. Ils ne peuvent pas retirer la texture de mes cheveux sous la brise de la mer Méditerranée. Ils ne peuvent pas dérober le goût d’huile d’olive de mes lèvres. Ils ne peuvent pas s’approprier la manière dont ma grand-mère fait le thé de sauge pour guérir tous les maux. »
« La Liberté autochtone est une route longue et sinueuse, mais elle n’a qu’une destination, chez nous. »
« En prenant cette route longue et sinueuse, nous devons choisir chaque jour de refuser le désespoir, parce qu’en tant qu’Autochtones, nous savons tous deux choses – premièrement, que notre autochtonie est notre héritage sacré et éternel de relation avec nos terres, et, deuxièmement, que le colonialisme est l’obstacle sur notre chemin vers cette prophétie. »
La fin du colonialisme, dit-elle, n’est pas la décolonisation des universitaires – ni la décolonisation des déclarations de mission des ONG – ni la décolonisation des blancs comme vernis de reconnaissance de nos terres.
C’est la décolonisation des Zapatistes et de l’AIM – c’est la décolonisation qui menace l’ordre mondial.
« Notre décolonisation est une résistance globale des gens qui ne s’arrêtera pas avant que le lever du soleil de la liberté ne réchauffe chaque centimètre de cette Terre des longues nuits de répression. »
« Alors, qu’ils essaient, qu’ils essaient de voler nos enfants, de nous expulser de nos foyers, de réprimer notre culture. Ils échoueront, parce qu’ils sont en travers de notre chemin, l’avenir de la liberté collective est un, est notre avenir selon la Prophétie, et notre promesse, parce que rien ne peut arrêter cette vague de résistance, parce que la terre sait qui la sert et nous lui avons fait le vœu de revenir victorieux. »
Lea conclut par « Alors, quand je dis de l’île de la Tortue à la Palestine, vous dites rendez la terre. »
Et la foule crie « Rendez la terre. »
LA JOURNÉE NATIONALE DE DEUIL.
Une tradition annuelle depuis 1970, la Journée Nationale de Deuil est une journée solennelle, spirituelle et hautement politique. Beaucoup d’entre nous jeûnent du coucher du soleil de la veille et tout l’après-midi de cette journée (après, les participants peuvent rompre leur jeûne au cours d’une réunion sociale). Nous portons le deuil de nos ancêtres, du génocide de nos peuples et du vol de nos terres. C’est un jour au cours du quel nous sommes en deuil, mais nous ressentons aussi notre force dans l’action et la solidarité.
Jeudi 28 novembre 2024 (« Thanksgiving » pour les États-Unis) à Cole Hill, Plymouth, Massachussetts, à midi. La marche a lieu à travers le district historique de Plymouth. Plymouth a donné son accord, comme faisant partie de l’accord du 19 octobre 1998, pour que les Amérindiens Unis de la Nouvelle Angleterre marchent au cours d’une Journée Nationale de Deuil, sans avoir besoin de permission, si nous avertissons la commune à l’avance.
Les Amérindiens Unis de Nouvelle Angleterre
http://uaine.org
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NdT – « Thanksgiving » est supposé célébrer l’arrivée des ‘pèlerins’ du Mayflower, le 21 novembre 1620. La moitié sont morts de faim pendant l’hiver, les autres ont survécu grâce à l’aide de la population autochtone locale. Lorsque leur sort s’est amélioré, ils ont exterminé les Pequots qui les avaient aidés.
SOLIDARITÉ AUTOCHTONE: Blackfire en France, 2010
Hartman Deetz, Mashpee Wampanoag, était l’un des invités Autochtones du CSIA-nitassinan, le 12 octobre 2019. Il est actif dans des mouvements écologistes et Autochtones depuis plus de 20 ans. Il s’inspire principalement de sa spiritualité et des ses traditions Autochtones, fondées sur l’idée que la Terre est un être vivant et qu’il ne faut jamais l’oublier. Il a participé à des cérémonies depuis l’âge de 12 ans. Il a travaillé avec la Coalition Mashpee pour l’Action Autochtone. Il a participé à la Longue Marche de 2008 et à Idle No More à San Francisco. Il était présent à Standing Rock, Dakota du Nord, et dans le Bayou Indien, en Louisiane, pour participer à la lutte contre des projets d’oléoducs qui menacent le Fleuve Mississippi. Il participe toujours à la lutte pour que l’Epée soit retirée du drapeau du Massachusetts et à une campagne demandant que la Loi sur la Réserve Mashpee soit réellement appliquée. Hartman est aussi artiste et créateur de bijoux. A Paris, il a raconté l’histoire dramatique de ce que les Blancs des Etats-Unis célèbrent en Novembre chaque année, sous le nom de ‘Thanksgiving’.
Hartman Deetz, Wampanoag,
Paris, 12 octobre 2019 English
Also in English on Censored News
Journée Annuelle de Solidarité du CSIA-nitassinan
Traduction et photos Christine Prat
Hartman Deetz : Bonjour. [Il se présente d’abord dans sa langue d’origine]. Je m’appelle Hartman Deetz, je suis de Mashpee et Wampanoag. Je pense que le plus simple est de parler des campagnes pour lesquelles je travaille actuellement : le drapeau de l’état du Massachusetts, et la Loi sur la Réaffirmation de la Réserve Mashpee. Ces problèmes sont interconnectés, comme beaucoup de choses dans ce monde.
Nous allons faire un peu d’histoire, étant donné que la plupart des problèmes des Autochtones ont leurs racines dans l’histoire. Beaucoup des maux infligés aux peuples des Amériques ont des origines qui remontent à des centaines d’années. Ce n’est que dans les toutes dernières décennies qu’on a commencé à en parler et les voir comme des torts.
Je vais m’adresser au public. Levez la main si vous avez jamais entendu parler de Wampanoag ? Quelques-uns. Alors je vais vous demander de lever la main si vous avec jamais entendu parler du ‘Thanksgiving’ américain.
On nous appelle généralement les Indiens. Les Pèlerins et les Indiens. Nous sommes les ‘Indiens’. Mais on ne nous a jamais donné notre vrai nom. Alors, pour comprendre notre situation en tant que Wampanoag, il faut savoir que nous sommes sur notre territoire d’origine, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de Peuples Autochtones des Amériques. Mon père possède 0,8 hectare de terre, qui n’a jamais appartenu à un Blanc. C’est important. Malgré cela, il a fallu attendre l’année 2007 pour que le Gouvernement des Etats-Unis reconnaisse mon Peuple comme Tribu Autochtone. Et maintenant, ils cherchent à s’emparer des derniers moins de 1% de notre territoire qui nous restent, au moyen du renversement d’une décision par le gouvernement Trump. Pour comprendre la situation un petit peu, il faut retourner aux années 1600. Nous avons signé l’Accord de 1621 avec les colons anglais. Il stipulait qu’ils respecteraient leurs lois et que nous respecterions nos propres lois, et que, si des gens de chez nous violaient nos lois, ils seraient punis par nous, et si leurs gens violaient leurs lois, ils seraient punis par les leurs, dans leur juridiction. Ce traité a duré trois ans.
C’est pourquoi la célébration du jour de Thanksgiving se réfère aux origines des Américains. Les Indiens et les Pèlerins.
Les Anglais n’acceptaient pas de négocier avec nos dirigeantes. Ils voulaient que nos femmes leur envoient leurs fils, leurs frères, leurs maris pour leur parler. Nous avions une puissante Reine, Weetamoo, qui contrôlait de vastes territoires. Les Anglais firent de nombreuses tentatives pour conquérir ses terres. Ils essayèrent de les acheter à ses fils, à ses frères. Ils réussirent à obtenir que certains membres masculins de sa famille acceptent de vendre. Ces affaires sont allées devant les tribunaux, qui ont admis qu’elle seule et personne d’autre pouvait revendiquer ces terres, et avait le droit de les vendre. Malgré cela, les actes furent reconnus par les tribunaux britanniques et confirmés. Ça a déclenché une guerre connue comme la ‘Guerre du Roi Philippe’. Ils l’ont appelée ainsi parce qu’ils avaient choisi d’appeler l’homme à qui ils attribuaient la responsabilité de la guerre, Philippe. Ils refusaient d’apprendre à prononcer son vrai nom, Metacom. Cette guerre fut extrêmement violente, ce fut la guerre la plus violente sur le sol de la Nouvelle-Angleterre. Des villes et des villages entiers furent détruits des deux côtés. Et ce qui a mis fin à la guerre – nous, les Autochtones, avions des alliés, entre autres des Abénaki – c’est que les gens ont cherché la paix et signé des traités selon les termes des vainqueurs, afin de retourner aux champs, pour recommencer à planter au printemps. Lorsque les gens sont sortis de leurs forteresses et sont retournés sur leurs terres à découvert, ils furent attaqués. Weetamoo fut tuée et son corps jeté dans la rivière. Philippe, Metacom, fut tué dans les marécages. Sa tête fut coupée, mise sur un pic et exhibée au centre de la colonie de Plymouth pendant plus de cinquante ans. Et maintenant, le drapeau du Massachusetts représente une épée au-dessus de la tête d’un Autochtone, avec la phrase ‘Par l’Epée nous cherchons la Paix’.
En 2018, plus de 150 hectares, là même où se trouvaient les terres de Weetamoo, le centre des terres qui ont déclenché la ‘Guerre du Roi Philippe’, est devenu un point de conflit, étant donné qu’ils ont choisi ce terrain pour renverser la décision qui nous reconnaissait comme Peuple Autochtone, comme tribu, comme étant souverains. Ils ont prétendu que nous n’avions pas de liens historiques avec cette terre. C’est l’excuse qu’ils utilisent maintenant pour nous dépouiller de notre droit inhérent sur le dernier moins de 1% de notre territoire.
Ma tribu, ma communauté, compte environs 3000 personnes, et environs 120 hectares. Une acre fait environs 400 m², et nous avons 10 habitants par acre. Comment pouvons-nous continuer à exister en tant que Wampanoag sur notre territoire ? Si nous n’avons nulle part où habiter ? Comment pouvons-nous être Mashpee si nous ne sommes pas au bord du lac Mashpee ? Comment pouvons-nous être Mashpee si nous n’avons pas accès à la rivière Mashpee ? Ces eaux nous définissent. C’est ce qui nous donne notre identité de Mashpee. Nous avons un besoin urgent de justice. Nous avons lutté pendant des siècles, à travers les changements de lois, sous la domination anglaise, sous la Révolution Américaine. Sous la domination de l’Angleterre, nous étions des ‘villes de prière’ [communautés d’Indiens convertis au Christianisme, dans la colonie de la Baie de Massachusetts – NdT]. Puis la Révolution Américaine est arrivée et nous sommes devenus des ‘Districts Indiens’, puis nous avons été incorporés à une ville officielle, puis reconnus comme tribu de l’état, et finalement comme Tribu Fédérale. Et maintenant, ils ont à nouveau changé les règles. Pour les Etats-Unis, nous sommes Indiens quand ça les arrange. Et nous ne le sommes pas quand ça ne les arrange pas.
Alors, nous espérons que le monde va exercer quelque pression, afin que les Etats-Unis reconnaissent les Droits des Peuples Autochtones – qu’ils célèbrent tous les mois de novembre, selon leur mythe créateur – d’avoir une place où résider et exister.