Hartman Deetz, Mashpee Wampanoag, était l’un des invités Autochtones du CSIA-nitassinan, le 12 octobre 2019. Il est actif dans des mouvements écologistes et Autochtones depuis plus de 20 ans. Il s’inspire principalement de sa spiritualité et des ses traditions Autochtones, fondées sur l’idée que la Terre est un être vivant et qu’il ne faut jamais l’oublier. Il a participé à des cérémonies depuis l’âge de 12 ans. Il a travaillé avec la Coalition Mashpee pour l’Action Autochtone. Il a participé à la Longue Marche de 2008 et à Idle No More à San Francisco. Il était présent à Standing Rock, Dakota du Nord, et dans le Bayou Indien, en Louisiane, pour participer à la lutte contre des projets d’oléoducs qui menacent le Fleuve Mississippi. Il participe toujours à la lutte pour que l’Epée soit retirée du drapeau du Massachusetts et à une campagne demandant que la Loi sur la Réserve Mashpee soit réellement appliquée. Hartman est aussi artiste et créateur de bijoux. A Paris, il a raconté l’histoire dramatique de ce que les Blancs des Etats-Unis célèbrent en Novembre chaque année, sous le nom de ‘Thanksgiving’.
Hartman Deetz, Wampanoag,
Paris, 12 octobre 2019 English
Also in English on Censored News
Journée Annuelle de Solidarité du CSIA-nitassinan
Traduction et photos Christine Prat
Hartman Deetz : Bonjour. [Il se présente d’abord dans sa langue d’origine]. Je m’appelle Hartman Deetz, je suis de Mashpee et Wampanoag. Je pense que le plus simple est de parler des campagnes pour lesquelles je travaille actuellement : le drapeau de l’état du Massachusetts, et la Loi sur la Réaffirmation de la Réserve Mashpee. Ces problèmes sont interconnectés, comme beaucoup de choses dans ce monde.
Nous allons faire un peu d’histoire, étant donné que la plupart des problèmes des Autochtones ont leurs racines dans l’histoire. Beaucoup des maux infligés aux peuples des Amériques ont des origines qui remontent à des centaines d’années. Ce n’est que dans les toutes dernières décennies qu’on a commencé à en parler et les voir comme des torts.
Je vais m’adresser au public. Levez la main si vous avez jamais entendu parler de Wampanoag ? Quelques-uns. Alors je vais vous demander de lever la main si vous avec jamais entendu parler du ‘Thanksgiving’ américain.
On nous appelle généralement les Indiens. Les Pèlerins et les Indiens. Nous sommes les ‘Indiens’. Mais on ne nous a jamais donné notre vrai nom. Alors, pour comprendre notre situation en tant que Wampanoag, il faut savoir que nous sommes sur notre territoire d’origine, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de Peuples Autochtones des Amériques. Mon père possède 0,8 hectare de terre, qui n’a jamais appartenu à un Blanc. C’est important. Malgré cela, il a fallu attendre l’année 2007 pour que le Gouvernement des Etats-Unis reconnaisse mon Peuple comme Tribu Autochtone. Et maintenant, ils cherchent à s’emparer des derniers moins de 1% de notre territoire qui nous restent, au moyen du renversement d’une décision par le gouvernement Trump. Pour comprendre la situation un petit peu, il faut retourner aux années 1600. Nous avons signé l’Accord de 1621 avec les colons anglais. Il stipulait qu’ils respecteraient leurs lois et que nous respecterions nos propres lois, et que, si des gens de chez nous violaient nos lois, ils seraient punis par nous, et si leurs gens violaient leurs lois, ils seraient punis par les leurs, dans leur juridiction. Ce traité a duré trois ans.
C’est pourquoi la célébration du jour de Thanksgiving se réfère aux origines des Américains. Les Indiens et les Pèlerins.
Les Anglais n’acceptaient pas de négocier avec nos dirigeantes. Ils voulaient que nos femmes leur envoient leurs fils, leurs frères, leurs maris pour leur parler. Nous avions une puissante Reine, Weetamoo, qui contrôlait de vastes territoires. Les Anglais firent de nombreuses tentatives pour conquérir ses terres. Ils essayèrent de les acheter à ses fils, à ses frères. Ils réussirent à obtenir que certains membres masculins de sa famille acceptent de vendre. Ces affaires sont allées devant les tribunaux, qui ont admis qu’elle seule et personne d’autre pouvait revendiquer ces terres, et avait le droit de les vendre. Malgré cela, les actes furent reconnus par les tribunaux britanniques et confirmés. Ça a déclenché une guerre connue comme la ‘Guerre du Roi Philippe’. Ils l’ont appelée ainsi parce qu’ils avaient choisi d’appeler l’homme à qui ils attribuaient la responsabilité de la guerre, Philippe. Ils refusaient d’apprendre à prononcer son vrai nom, Metacom. Cette guerre fut extrêmement violente, ce fut la guerre la plus violente sur le sol de la Nouvelle-Angleterre. Des villes et des villages entiers furent détruits des deux côtés. Et ce qui a mis fin à la guerre – nous, les Autochtones, avions des alliés, entre autres des Abénaki – c’est que les gens ont cherché la paix et signé des traités selon les termes des vainqueurs, afin de retourner aux champs, pour recommencer à planter au printemps. Lorsque les gens sont sortis de leurs forteresses et sont retournés sur leurs terres à découvert, ils furent attaqués. Weetamoo fut tuée et son corps jeté dans la rivière. Philippe, Metacom, fut tué dans les marécages. Sa tête fut coupée, mise sur un pic et exhibée au centre de la colonie de Plymouth pendant plus de cinquante ans. Et maintenant, le drapeau du Massachusetts représente une épée au-dessus de la tête d’un Autochtone, avec la phrase ‘Par l’Epée nous cherchons la Paix’.
En 2018, plus de 150 hectares, là même où se trouvaient les terres de Weetamoo, le centre des terres qui ont déclenché la ‘Guerre du Roi Philippe’, est devenu un point de conflit, étant donné qu’ils ont choisi ce terrain pour renverser la décision qui nous reconnaissait comme Peuple Autochtone, comme tribu, comme étant souverains. Ils ont prétendu que nous n’avions pas de liens historiques avec cette terre. C’est l’excuse qu’ils utilisent maintenant pour nous dépouiller de notre droit inhérent sur le dernier moins de 1% de notre territoire.
Ma tribu, ma communauté, compte environs 3000 personnes, et environs 120 hectares. Une acre fait environs 400 m², et nous avons 10 habitants par acre. Comment pouvons-nous continuer à exister en tant que Wampanoag sur notre territoire ? Si nous n’avons nulle part où habiter ? Comment pouvons-nous être Mashpee si nous ne sommes pas au bord du lac Mashpee ? Comment pouvons-nous être Mashpee si nous n’avons pas accès à la rivière Mashpee ? Ces eaux nous définissent. C’est ce qui nous donne notre identité de Mashpee. Nous avons un besoin urgent de justice. Nous avons lutté pendant des siècles, à travers les changements de lois, sous la domination anglaise, sous la Révolution Américaine. Sous la domination de l’Angleterre, nous étions des ‘villes de prière’ [communautés d’Indiens convertis au Christianisme, dans la colonie de la Baie de Massachusetts – NdT]. Puis la Révolution Américaine est arrivée et nous sommes devenus des ‘Districts Indiens’, puis nous avons été incorporés à une ville officielle, puis reconnus comme tribu de l’état, et finalement comme Tribu Fédérale. Et maintenant, ils ont à nouveau changé les règles. Pour les Etats-Unis, nous sommes Indiens quand ça les arrange. Et nous ne le sommes pas quand ça ne les arrange pas.
Alors, nous espérons que le monde va exercer quelque pression, afin que les Etats-Unis reconnaissent les Droits des Peuples Autochtones – qu’ils célèbrent tous les mois de novembre, selon leur mythe créateur – d’avoir une place où résider et exister.
Hartman Deetz is from Mashpee, a member of the Wampanoag tribe. He has been involved in Indigenous and Environmental movements for over 20 years. His activism mainly relies on his spirituality and his Indigenous traditions, that are based on the idea that the Earth is a living being and that it is necessary never to forget it. He has been taking part in ceremonies ever since he was 12. He has worked with the Mashpee Coalition for Native Action, took part in the Long Walk in 2008 and Idle No More in San Francisco. He has been in Standing Rock and in Indian Bayou, Louisiana, to struggle against pipelines projects that threaten the Mississippi river. He is also involved in a struggle to have the Sword removed from the Massachusetts’s flag and in another campaign aiming to have the Mashpee Reservation Act be fully implemented. Hartman is also an artist and jewelry designer.
Hartman Deetz Français
October 12, 2019
CSIA, Annual Day of Solidarity
Transcript and photos Christine Prat, CSIA
Hartman Deetz: Bonjour. [He presents himself in his own language]. Good evening. My name is Hartman Deetz, I am from Mashpee and a Wampanoag. I think the easiest is to talk about the campaigns I am working on: the state flag, and the Mashpee Reservation Reaffirmation Act. These issues can be interconnected, as many things in this world can be interconnected.
We are going to deal with some history, as most Native issues have their roots and their origins in history. Many of the wrongs done to people in the Americas, have their origins hundreds of years back. We only in recent decades started to talk about and address that these things are wrong.
I am going to address the audience. By showing hands, who has ever heard of the Wampanoag? A few. Then I am going to ask by showing hands, who has ever heard of the American Thanks Giving?
We are commonly known as the Indians, the Pilgrims and the Indians. We are “the Indians”. But we never get our own name. So, to understand what we are dealing with as Wampanoag people, we are in our original homelands, something that is not the case for many Indigenous Peoples in the Americas. My father has two acres of land, never owned by a White man ever. This is significant. In spite of this, it was not until the year 2007 that the United States Government acknowledged my People as an Indigenous Tribe. And now, they are seeking to take the last 1%, less than 1%, of our land away, in a reversal of the Trump Administration. To understand part of the situation, we have to look back to the 1600’s. We signed the 1621 Agreement with the English colonists. It said they would respect their laws and we would respect our laws, and if our folks broke our laws they would be punished by our folks, and if theirs broke their laws, they would be punished by their folks, in their jurisdiction. This treaty lasted three years. This is why the celebration of the day talks about the American origins. The Indians and the Pilgrims.
The English folks would not deal with our women leaders. They wanted our women to send their sons, to send their brothers, to send their husbands to speak for them. We had a powerful Queen, Weetamoo, she controlled vast territories of land. The English folks made many attempts to get this land from under her feet. They tried to buy it from her sons, from her brothers. They got some of her male relatives to agree to sell. These cases were brought into the court systems, where the leadership acknowledged that only she had a claim to that land and no one else, and the right to sell it. In spite of that, the deeds were recognized by the English court system and confirmed. This sparked a war known as King Philip’s War. They named this war King Philip’s War, because the man on whom they placed the responsibility for the war, they chose to call Philip. Because they refused to bother to learn to pronounce his own name, Metacom. This war was a very violent war, the most violent war fought on New-England soil. Entire villages and towns were destroyed on both sides. And, as a conclusion of that war – we had, as Native people, allies, including the Abenaki folks – they started to sue for peace and strike treaties on victors’ terms, to return to the planting grounds and start planting in the spring again. And as people returned to their open spaces, came out of their fortresses, they were attacked. Weetamoo was killed and her body thrown in the river. Philip, Metacom, was killed in the swamps. And his head cut off and stuck on a pike. It was displayed in the center of Plymouth colony for over fifty years. And now, the flag of Massachusetts bears a sword above the head of a Native man, with the word ‘By the sword we seek peace’.
In 2018, 150 acres, in the very place where Weetamoo’s landholdings were, the center of the lands that sparked the war of King Philip’s War, became the sticking point as they chose to use this land to reverse the decision on our acknowledgement of being a Native People, of being a tribe, of being sovereign. They said we have no connection to that land historically. This is the justification they use now to strip us of our inherent right on the last less than 1% of our land.
My tribe, my community has about 3000 people, and about 300 acres. That’s about 400 m² in one acre. We have about 10 people per acre. How are we expected to continue to exist as Wampanoag people in our own land? If we don’t have a place to be? How can we be Mashpee people, if we are not next to the Mashpee pond? How can we be Mashpee people, if we are not able to get to the Mashpee river? These bodies of water define us. They are what give us our identity as Mashpee people. We are faced with very dire need to see some justice. We have been struggling for hundreds of years, through changes of laws, through England, through the American Revolution. Under England, we were praying towns, the American Revolution came and we became Indian Districts, and then we were incorporated into a town, an official town, and then recognized as a state tribe, and then eventually recognized as a Federal Tribe. And now, they have changed the rules once again. For the United States, we are Indians when it suits them. And we are not when it does not. So, we are hoping to see some pressure from the world, to get the United States to acknowledge the Rights of the Native Peoples that they celebrate every November, in their creation myth, to have a place to be and exist.