AVERTISSMENT POUR LES LAÏQUES: LE ‘SACRÉ’ CHEZ LES DINÉ (NAVAJOS)

Par Christine Prat

Dans la France laïque, le mot ‘sacré’ risque de provoquer des réticences. Plus encore chez les anarchistes, qui pourraient avoir du mal à lire les mots ‘Anarchie’ et ‘sacré’ dans la même phrase.

Les autochtones doivent écrire en anglais, parce que leur langue ne s’écrit pas et n’est pas forcément comprise par les 560 différentes tribus des États-Unis. Mais il faut savoir que l’anglais leur a été appris – de force et souvent sous la torture – par des chrétiens prosélytes. Le mot ‘sacré’ (tout comme ‘divin’, ‘saint’, ‘spiritualité’, etc.) n’existe pas dans la langue Navajo (Diné bizaad). On ne peut pas traduire simplement ce qu’ils expriment de leur attachement à la terre et aux sites qu’ils protègent, il faut expliquer.

La conquête des Amériques a dès le début été justifiée par une Bulle du Pape Alexandre VI, Borgia. Il fallait évangéliser les sauvages. Bien entendu, les pillages attiraient beaucoup plus d’Européens que l’évangélisation, mais ce sont des chrétiens qui ont été chargés de l’enseignement aux autochtones jusqu’au début du XXème siècle (le dernier « home » Indien, tenu par des religieuses, en Guyane « Française », a fermé en 2012). Ces gens-là ne traduisaient pas la langue des autochtones en anglais ou espagnol, ils traduisaient la Bible dans les langues autochtones. (On trouve sur Internet un site qui se proclame ‘Dictionnaire Navajo-Anglais’, mais toutes les traductions proposées pour ‘sacré’ sont tirées de l’ancien testament). Dans les pensionnats, les enfants autochtones devaient oublier leur langue et leur culture, « Tuer l’Indien pour sauver l’homme » était le but affiché.

Dans la deuxième moitié du XXème siècle, des ‘progressistes’ se sont élevés contre les manipulations chrétiennes et se sont efforcés de montrer que les autochtones étaient des païens polythéistes, ce qui n’est pas vrai non plus.

Enfin, il faut savoir que les Américains sont beaucoup plus religieux que les Européens, et les autochtones emploient des mots dont ils pensent qu’ils signifieront quelque chose pour les Blancs, comme « la Nature est notre Église » ou « nos sites Sacrés sont nos églises ». Souvent, peine perdue…

Quant à la ‘Spiritualité’, il faut savoir que les Autochtones pensent qu’esprit et matière ne se distinguent pas, pour eux, toutes les maladies sont psychosomatiques, il y a de l’esprit dans la terre à laquelle ils sont liés… Dans ce livre, l’auteur exprime son dédain des universitaires et autres intellos qui promeuvent un esprit désincarné.

On peut dire que les ‘croyances’ autochtones sont plus proches des idées écolos – quoique pas identiques en tout point – que des religions au sens occidental. C’est pourquoi, dans de nombreuses affaires, des grandes associations écolos (comme le Grand Canyon Trust et le Centre pour la Diversité Biologique) se joignent aux Autochtones pour aller en justice contre les projets de destructions.

Un terme fondamental dans la langue et la pensée Navajo, est ‘hozho’ (en français, prononcer ‘hojo’) et ses dérivés, qui signifie ‘harmonie’, ‘équilibre’, ‘paix’, ‘beauté d’un lieu’. Il n’y a pas de distinction entre ‘beau’ et ‘bien’ pour les Navajos, c’est toujours une question d’harmonie. Michael Lerma (nom navajo P’urhépecha), un Navajo ami de Klee et professeur à l’Université du Nord de l’Arizona, à Flagstaff, a publié en 2017, un livre intitulé ‘Guided by The Mountains’ (Michael Lerma, Oxford University Press, 2017), qui explique la vision du monde des Navajos et l’importance de la notion d’équilibre, d’harmonie dans leur pensée.

Les sites qu’ils appellent « sacrés » dans la langue des colons, sont souvent des sites vitaux : les sources d’eau, des terres non polluées, une grande biodiversité. Ils y trouvent (y trouvaient) des plantes médicinales, des fruits, des plantes et des animaux endémiques en voie de disparition. Ces sites sont souvent très spéciaux par leur beauté ou des caractéristiques exceptionnelles : la quasi-totalité des sites ‘sacrés’ se trouvent dans des Parcs Nationaux, et beaucoup sont des sites classés. Donc, les colonisateurs reconnaissent aussi leur importance. Cependant, dans un monde où les multinationales ont plus de pouvoir que les États – ou sont au pouvoir – elles obtiennent toujours des permis de faire sauter n’importe quoi dans les Parcs Nationaux, si ça doit rapporter beaucoup d’argent.

Après les massacres de la deuxième moitié du XIXème siècle, les Autochtones se sentaient anéantis, mais l’état du monde actuel leur DONNE RAISON. C’est pourquoi ils recommencent à se battre, à partir de ce qu’ils ont toujours été et de la relation qu’ils ont toujours entretenue avec la nature.

 

VOTER N’EST PAS CHOISIR LE MOINDRE MAL

Par Klee Benally   English
Traduction Christine Prat

D’abord publié comme brochure en octobre 2020, le texte figure dans le livre « Pas de capitulation spirituelle, Anarchie autochtone en défense du sacré », au chapitre 12

Quand certains proclament que « voter c’est choisir le moindre mal », il n’est jamais clair de quelle manière cette réduction des dommages est calculée. Estime-t-on combien de millions de sans-papiers Autochtones ont été expulsés ? Compte-t-on quel parti politique a mené le plus de frappes par drone ? Ou lequel a eu le plus haut budget militaire ? Prend-on en compte les oléoducs, les mines, les barrages, la profanation de sites sacrés ? Compare-t-on les taux d’incarcération ? Ou les statistiques de violences sexuelles ? S’agit-il des budgets énormes de politiciens qui dépensent des centaines de millions dans leur course aux voix ?

Bien qu’il y ait certaines distinctions politiques entre les deux grands partis des soi-disant États-Unis, ils prêtent serment au même drapeau. Rouge ou bleu, ce sont des traits sur une loque qui flotte sur des terres volées où un pays a été construit par des vies volées.

Nous ne nions pas la réalité que, à l’échelle de la violence coloniale des États-Unis, même le plus mince degré de risques peut signifier la vie ou la mort pour les plus vulnérables. Ce que nous affirmons ici, c’est que la notion de « vote comme moindre mal » dans son entier obscurcit et perpétue les violences des colons, qui ne peuvent, par définition, être « moins mauvaises », et qu’il y a des moyens plus efficaces d’intervenir dans leurs violences.

Un jour, la gauche des soi-disant États-Unis s’est rendu compte que convaincre les gens de se rallier à un « moindre mal » était une stratégie perdante. Le terme « moindre mal » était approprié pour recadrer la justification de leur participation et forcer d’autres à s’engager dans le théâtre appelé « démocratie » aux États-Unis.

Le moindre mal a été mis en place dans les années 1980, comme stratégie de santé publique pour les gens confrontés aux problèmes de drogue qui se débattaient avec l’abstinence. Selon la Coalition pour le Moindre Mal (HRC), les principes de moindre mal affirmaient que la conduite en question faisait « partie de la vie » qu’ils « choisissaient de ne pas l’ignorer ni de la condamner, mais d’en minimiser les effets dangereux » et s’efforçaient de briser la stigmatisation sociale pour aller vers « une consommation plus sûre. » La HRC déclarait aussi qu’« il n’y a pas de définition universelle ou de formule pour réaliser un moindre mal ». Globalement, le moindre mal se concentre sur la réduction des effets néfastes associés à des conduites nuisibles.

La notion de « moindre mal » dans le contexte électoral est quelque chose de complètement différent de ce que ça signifie pour ceux qui s’organisent pour faire face aux problèmes de drogue. Le slogan est que « étant donné que ce système politique ne va pas disparaitre, nous allons soutenir les politiciens et les lois qui pourraient faire le moins de dégâts. »

L’idée qu’une élection soit capable de réduire les risques dans un système enraciné dans la domination et l’exploitation coloniales, la suprématie blanche, l’hétéro-patriarcat et le capitalisme est une extraordinaire exagération. Il n’y a personne dont la vie ne soit affectée tous les jours par ces systèmes d’oppression, mais au lieu du réformisme codifié et des campagnes coercitives vers une forme « plus sécurisée » de colonialisme de peuplement, nous demandons « quel est le mal et le danger réel et tragique associé à la continuation du pouvoir colonial et que peut-on faire pour y mettre un terme ? »

Le vote, tel qu’il est pratiqué sous la « démocratie » Américaine, est le processus par lequel les gens (à l’exclusion des moins de 18 ans, des criminels condamnés, de ceux que l’Etat considère comme « mentalement incompétents, » et les immigrés sans papiers, y compris les résidents permanents), sont forcés de choisir des règles et des décideurs étroitement sélectionnés. Le collectif anarchiste Crimethinc observe : « Voter consolide le pouvoir de toute une société dans les mains de quelques politiciens. » Lorsque le processus se déroule sous une autorité coloniale, la seule option est la mort politique pour les Autochtones. En d’autres termes, voter ne peut jamais être une stratégie de survie sous la loi coloniale. C’est une stratégie de défaite et de victimisation qui prolonge la souffrance et le malheur historiques impliqués par le colonialisme de peuplement. Et alors que le sentiment de moindre mal peut être sincère, même les réformes marginales durement gagnées par le soutien populaire peuvent être facilement renversées par le trait de plume d’un politicien. Si voter est la participation démocratique à notre propre oppression, voter comme moindre mal est une politique qui nous maintient à la merci de nos oppresseurs.

Si beaucoup de gens de gauche – y compris des Autochtones radicaux – s’inquiètent de voir le pouvoir tomber dans des mains fascistes, ils ne se rendent pas compte que le pouvoir colonial est déjà solidement établi. Il n’y a rien d’intersectionnel dans la participation à et le maintien d’un système politique génocidaire. Il n’y a pas de solidarité significative à trouver dans une politique qui nous incite à rencontrer nos oppresseurs là où ils en sont. Voter comme moindre mal impose une fausse solidarité à ceux qui sont les plus vulnérables aux politiques et actions destructrices. En pratique, il s’agit d’une politique d’identité paternaliste, les progressistes s’efforçant d’identifier les candidats les moins dangereux et de se rallier à leurs campagnes. La logique du vote comme moindre mal soutient que quiconque fait face aux plus grands risques gagnera la protection du dénominateur le moins dangereux dans un système violemment autoritaire. Cette naïveté de colon met en danger plus de gens, de non-humains et de terres que le contraire. Généralement, ces mêmes activistes de gauche qui proclament que voter c’est le moindre mal, sont les mêmes qui dénoncent et essaient d’empêcher les actions directes et de sabotage qui « ne font que nuire à notre mouvement. » « Voter comme moindre mal » est le langage pacificateur de ceux qui font la police des mouvements.

Voter comme moindre mal est la couverture fournie par le gouvernement du parti démocrate dans laquelle nous allons dormir ou mourir.

S’organiser à partir de l’idée que voter est un acte de limitation des dégâts brouille les lignes de ce que le colonialisme de peuplement et de ressources impose.

Sous occupation coloniale, tout le pouvoir agit par la violence. Il n’y a absolument rien de « moins nuisible » à participer et perpétuer le pouvoir politique des forces d’occupation. Voter ne défera pas le colonialisme de peuplement, la suprématie blanche, l’hétéro-patriarcat ni le capitalisme. Voter n’est pas une stratégie de décolonisation. Tout le processus qui a conduit au « Vote Autochtone » a été l’imposition aux Peuples Autochtones de l’identité politique des États-Unis, nourrie de suprématie blanche et facilitée par le capitalisme.

LE VOTE AUTOCHTONE : UNE STRATÉGIE DE DOMINATION COLONIALE

Avant l’invasion des colons, les Peuples Autochtones avaient des organisations culturelles diverses et complexes largement incompréhensibles pour les envahisseurs européens. Dès leur conception, les États-Unis ont reconnu que les Peuples Autochtones étaient composés de Nations souveraines distinctes. La projection du statut de Nation a été commise selon les termes des colonisateurs qui avaient besoin d’entités politiques avec lesquelles signer des traités (essentiellement pour les buts de guerre et d’économie). Par conséquent, les organisations sociales des Peuples Autochtones ont fait face à une manipulation politique extrême, dans laquelle les rôles matriarcaux et des gens à deux-esprits étaient soit complètement ignorés ou purement et simplement attaqués. L’impératif du projet colonial des États-Unis a toujours été de miner et détruire la souveraineté Autochtone, c’est l’insidieuse non-nature du colonialisme.

En 1493, la Bulle Papale « Inter Caetera » a été publiée par le Pape Alexandre VI. Le document établissait la « Doctrine de la Découverte » et a joué un rôle central dans la stratégie de Christianisation de l’Espagne, pour s’assurer le « droit exclusif » sur les Peuples Autochtones réduits en esclavage et les terres envahies par Colomb l’année précédente. Ce décret rendait aussi parfaitement claire la menace du Pape d’assimiler de force les Peuples Autochtones au Catholicisme afin de renforcer l’ « Empire Chrétien ». Cette doctrine conduit au schéma général de guerres génocidaires et écocides menées par les colons européens contre les vies, les terres, l’esprit Autochtones et tout le monde vivant de nos parents non-humains. En 1823, la « Doctrine de la Découverte » a été intégrée à la loi des États-Unis afin de nier les droits territoriaux des Peuples Autochtones, dans l’affaire de la Cour Suprême, Johnson v. McIntosh. Le Président de la Cour Suprême John Marshall écrivit que les nations Chrétiennes Européennes avait assumé le contrôle total sur les terres de l’ « Amérique » durant l’ « Époque de la Découverte ». Et en déclarant leur « indépendance » de la Couronne Britannique en 1776, notait-il, les États-Unis avaient dans les faits et donc la loi, hérité l’autorité sur ces terres de la Grande-Bretagne, « en dépit de l’occupation par les Autochtones, qui étaient des païens… » Selon cette décision, les Peuples Autochtones n’avaient aucun droit comme nations indépendantes, mais seulement comme locataires ou résidents des États-Unis sur leurs propres terres.

La généalogie du vote Autochtone est liée aux pensionnats, à l’endoctrinement chrétien, aux programmes de lotissements et aux guerres globales qui ont établi l’impérialisme des États-Unis. Les politiques d’assimilation des États-Unis n’étaient pas faites comme une forme bienveillante de moindre mal, elles étaient une extension d’une stratégie militaire qui n’a pas pu réaliser complètement ses programmes de génocide. La citoyenneté a été imposée de force aux Peuples Autochtones comme partie intégrante de la stratégie coloniale de « Tuer l’Indien pour sauver l’homme. »

Il fut un temps où les Peuples Autochtones ne voulaient rien avoir à voir avec la citoyenneté américaine et le vote.

Katherine Osborn, une ethno historienne de l’Université d’Etat d’Arizona, déclare,

Les organisations politiques [Autochtones] ont une relation de gouvernement à gouvernement avec les États-Unis. Donc, leur statut politique est unique, et cela veut dire qu’ils ne sont pas seulement un groupe minoritaire espérant être intégrés dans l’ordre politique US. Pour les communautés Autochtones, protéger leur souveraineté comme nations tribales est leur préoccupation politique primordiale. »

Quand la constitution des États-Unis a été créée au départ, chaque état pouvait déterminer qui pouvait être citoyen à sa discrétion. Certains états accordaient rarement la citoyenneté et par là, conféraient le statut à des Peuples Autochtones sélectionnés, mais seulement s’ils dissolvaient leurs relations tribales et devenaient « civilisés ». Ça signifiait clairement qu’ils renonçaient à leur affiliation tribale, payaient des impôts et s’assimilaient complètement à la société blanche. Alexandra Witkin écrit dans Faire Taire un Tambour : L’Imposition de la Citoyenneté des États-Unis à des Peuples Autochtones, « Les premières politiques de citoyenneté reposaient sur la présomption qu’on ne pouvait faire allégeance qu’à une seule nation ; donc, les peuples avec une allégeance à une nation Autochtone ne pouvaient pas devenir citoyens des États-Unis. » Cependant, la préférence n’allait pas au respect et au maintien de la souveraineté Autochtone, mais la condamnait comme « incivilisée » et la minait par des tactiques extrêmes d’assimilation forcée.

Quand le 14ème Amendement de la Constitution Américaine a été ratifié, en 1868, il accordait la citoyenneté seulement aux hommes nés ou naturalisés aux États-Unis, ce qui incluait les anciens esclaves, mais était interprété comme ne s’appliquant pas aux Peuples Autochtones, à l’exception de ceux qui étaient assimilés et payaient des impôts. Le 15ème Amendement a été adopté en 1870 pour assurer le droit de tous les citoyens des États-Unis de voter sans discrimination de « race, couleur ou condition de servitude passée » mais était toujours interprété pour exclure les Peuples Autochtones qui ne s’assimilaient pas. En un sens, c’était un acte de dépossession de droits politiques, mais plus clairement, c’était une condition imposée aux Peuples Autochtones qui faisaient face à des campagnes militaires de terre brûlée et à la menace de marches mortelles de masse vers des camps de concentration. Le message était clair, « s’assimiler ou périr. »

En 1887, le Congrès US a fait passer la Loi Générale d’Attribution de Lots [de terres], plus connue sous le nom de Loi Dawes, qui avait pour but d’accélérer l’invasion coloniale, de faciliter l’extraction de ressources et de continuer d’assimiler les Peuples Autochtones à l’ordre social colonial. La Loi Dawes a marqué un glissement de la stratégie militaire vers l’économie et la politique, dans lequel les réserves furent séparées en lots individuels, dont seuls les « chefs de famille » mâles recevaient 65 hectares et toutes les terres restantes étaient mises en vente pour les envahisseurs blancs qui se précipitaient pour hériter leur « Destinée Manifeste. » Les Peuples Autochtones qui acceptaient des lots pouvaient obtenir la nationalité américaine, et, bien que ce fût la première loi du Congrès à donner ce statut, cela s’est fait au prix du sacrifice des identités culturelles et politiques des Peuples Autochtones à bien des égards, en particulier en brisant l’intégrité des sociétés Autochtones matriarcales. Avec la Loi Dawes, les terres Autochtones ont été réduites de 53 millions à 21 millions d’hectares. En 1890, la population Autochtone totale a été réduite à environ 250 000 de dizaines de millions au début de l’invasion européenne. Au contraire, la population de colons aux États-Unis a augmenté jusqu’à 62 622 250 la même année.

La destruction légale des Nations Autochtones souveraines a été parachevée par des décisions de la Cour Suprême, par le juge John Marshall, qui écrivait en 1831 que la Nation Cherokee n’était pas une nation étrangère, mais plutôt qu’ « Ils pouvaient, plus correctement, peut-être, être nommés nations domestiques dépendantes… Leur relation aux États-Unis ressemble à celle d’une pupille à son tuteur. »

Les campagnes militaires de génocide des États-Unis, connues collectivement comme les « Guerres Indiennes » sont supposées avoir pris fin en 1924. Cette même année, le Congrès a adopté la Loi de Citoyenneté Indienne (ICA), qui accordait la citoyenneté aux Peuples Autochtones mais autorisait toujours les états à décider s’ils pouvaient voter. Résultat, certains états ont interdit aux Peuples Autochtones de voter jusqu’en 1957. Jusqu’à l’adoption de l’ICA, qui était une action législative approuvée sans consultations, les Peuples Autochtones étaient considérés comme des « Sujets Domestiques » du Gouvernement des États-Unis.

La Confédération Haudenosaunee rejeta complètement l’imposition de la citoyenneté américaine par l’ICA et la déclara acte de trahison.

Joseph Heath, Conseiller Général de la Nation Onondaga, écrit :

La Nation Onondaga et les Haudenosaunee n’ont jamais accepté l’autorité des États-Unis de faire des citoyens des Six Nations des citoyens des États-Unis, comme le proclame la Loi sur la Citoyenneté de 1924. Nous avons trois traités avec les États-Unis : le Traité de Fort Stanwix de 1784, le Traité de Fort Harmor de 1789 et le Traité de Canandaigua de 1794. Ces traités reconnaissent clairement les Haudenosaunee comme des Nations séparées et souveraines. Accepter la citoyenneté des États-Unis serait une trahison de leurs propres Nations, une violation des traités et une violation de la loi internationale…

Ils rejetèrent l’ICA et,

…résistèrent à son application immédiatement après son adoption, parce qu’ils comprenaient historiquement et culturellement que ce n’était que le dernier acte de politique fédérale visant à prendre leurs terres et à forcer leur assimilation.

Heath ajoute que

Depuis plus de quatre siècles les Haudenosaunee ont maintenu leur souveraineté, contre l’assaut du colonialisme et de l’assimilation, et ils ont continué à faire leurs devoir de gardiens du monde naturel. Ils ont résisté à la déportation et aux lotissements ; ils ont préservé leur langue et leur culture ; ils n’ont pas accepté les dictats des églises chrétiennes ; et ils ont rejeté la citoyenneté forcée.

Il est important de noter, paradoxalement, que les architectes colonialistes de la constitution des États-Unis étaient fortement influencés par la Confédération Haudenosaunee.

Zane Jane Gordon, de la Nation Wyandotte, critiquait l’ICA à l’époque où elle a été adoptée,

Aucun gouvernement organisé… ne peut incorporer dans sa citoyenneté quiconque ou quelque formation que ce soit, sans un consentement formel… Les Indiens sont organisés sous la forme de ‘nations’ et ont des traités avec [d’autres] nations en tant que telles. Le Congrès ne peut pas les incorporer à la citoyenneté de l’Union par une simple loi.

Dans Défier les Frontières Américaines: Les Autochtones et le « Cadeau » de la citoyenneté U.S., Kevin Bruyneel écrit que le Chef Tuscarora Clinton Rickard, qui s’opposait énergiquement à l’adoption de l’ICA, « avait également été encouragé par le fait ‘qu‘il n’y avait pas eu de grande ruée parmi mon peuple pour aller voter aux élections de l’homme blanc.’ », Rickard déclarait

Avec nos anciens traités, nous attendions la protection du gouvernement. L’homme blanc avait obtenu la plupart de nos terres et nous pensions qu’il était obligé de donner quelque chose en échange, c’est-à-dire la protection du territoire qui nous restait, mais nous ne voulions pas être absorbés et assimilés dans sa société. La citoyenneté des États-Unis était seulement une autre manière de nous absorber et de détruire nos coutumes et notre gouvernement… Nous craignions que la citoyenneté ne mette aussi en péril notre statut selon les traités et n’amène des impôts sur nos terres. Comment un citoyen peut-il avoir un traité avec son propre gouvernement… C’était une violation de notre souveraineté. Notre citoyenneté était dans nos propres nations.

Les Haudenosaunee exprimaient aussi leur opposition à la politique des États-Unis d’imposition de la citoyenneté, à cause de la séparation de leur Nation par la frontière canadienne. Les Peuples Autochtones dont les territoires sont coupés par les frontières canadienne et mexicaine font toujours face à ces problèmes. L’imposition de la citoyenneté a séparé leur peuple politiquement le long de frontières coloniales.

Peut-être l’une des illustrations les plus claires des stratégies assimilationnistes, en ce qui concerne la citoyenneté et le vote, vient de Henry S. Pancoast, un des fondateurs du groupe chrétien suprématiste blanc l’Association des Droits des Indiens (IRA). Pancoast déclarait « Rien [à par la Citoyenneté des États-Unis] ne tendrait tant à assimiler l’Indien et à briser son étroite allégeance tribale, que de lui faire sentir qu’il a un droit et une voix distincts dans la nation de l’homme blanc. »

Le premier objectif déclaré de l’IRA était de « susciter la civilisation complète des Indiens et leur admission à la citoyenneté. » Les membres de l’IRA se considéraient comme réformistes et ont fait pression avec succès sur le Congrès pour établir le système des pensionnats, faire adopter la Loi Dawes, réformer le Bureau des Affaires Indiennes et faire passer la Loi de Réorganisation Indienne de 1834.

La citoyenneté U.S. a été imposée pour détruire la souveraineté Autochtone et faciliter le vol de terre à grande échelle. Jusqu’à aujourd’hui, le « Vote Autochtone » est lié à des conditions assimilationnistes qui servent des intérêts coloniaux.

ASSIMILATION : AL STRATÉGIE DE l’ÉMANCIPATION

Des actes historiques de répression des électeurs semblent contredire la stratégie de l’assimilation ; après tout, si les politiciens colons blancs désiraient tant que les Peuples Autochtones deviennent des citoyens, pourquoi, alors, les priver de leurs droits en même temps ? C’est la contradiction profonde du colonialisme aux États-Unis qui a été exprimée comme le « Problème Indien », ou, plus brutalement, la question de l’annihilation ou l’assimilation.

Comme il a été dit plus haut, ce n’est pas avant 1957 que les Peuples Autochtones ont pu voter dans tous les états des États-Unis.

Selon Katherine Osborn,

Certains états ont emprunté le langage de l’Article 1, Section 2, de la Constitution des États-Unis, qui exclut ‘les Indiens qui ne paient pas d’impôts’ de la citoyenneté et l’ont utilisé pour leur refuser le droit de vote. Des législateurs dans l’Idaho, le Maine, le Mississippi, le Nouveau-Mexique et l’état de Washington, ont refusé le droit à leurs citoyens Autochtones parce que ceux qui vivaient dans des réserves ne payaient pas d’impôts fonciers. Au Nouveau-Mexique, en Utah et en Arizona, des officiels des états ont avancé que vivre dans une réserve voulait dire que les Indiens n’étaient pas vraiment des résidents de l’état, ce qui faisait obstacle à leur participation politique.

  1. Osborne ajoute

l’Article 7, Section 2, de la constitution de l’Arizona déclarait ‘Aucune personne sous tutelle, non sain d’esprit ou fou, n’aura le droit de voter dans une quelconque élection’. Les législateurs d’Arizona comprenaient cela comme interdisant aux Indiens de voter, parce qu’ils étaient supposés être sous tutelle fédérale dans leurs réserves.

L’ancienne politique de citoyenneté des États-Unis vis-à-vis des Peuples Autochtones était claire : la privation de droits durerait jusqu’à ce que nous soyons assimilés et abandonnions nos statuts tribaux. La privation de droits était et est une stratégie qui met des conditions pour l’assimilation. La privation de participation politique a historiquement été la façon dont le système se régule et se maintient. Les suprématistes blancs qui contrôlaient la politique de régions ayant des populations Autochtones nombreuses craignaient de devenir des sujets minoritaires dans leur propre système démocratique. Ils ont souvent renversé les droits par des moyens violents, mais cela n’a jamais vraiment constitué une menace, en raison de l’ancrage de la suprématie blanche dans l’ensemble du projet colonial des États-Unis.

Ce n’est pas que la société de colons ait capitulé devant les intérêts Autochtones, c’est que les Peuples Autochtones – par la force ou par l’usure – ont été incorporés à la politique des États-Unis.

Peut-être que l’acte le plus clair est dans l’établissement des Conseils Tribaux. Par exemple, en 1923, le Conseil Tribal Navajo a été créé pour légitimer l’extraction de ressources par le gouvernement des États-Unis. Selon un rapport de la Commission Américaine des Droits Civils, le conseil tribal a été « créé en partie pour que les compagnies pétrolières aient quelques représentants légitimes des Navajos, à travers lesquels elles pourraient obtenir des baux sur des terres de la réserve dans lesquelles du pétrole avait été découvert. Le site web de la Compagnie de la Nation Navajo pour le Pétrole et le Gaz écrit « En 1923, un gouvernement tribal Navajo a été établi par le Bureau des Affaires Indiennes essentiellement pour approuver des accords de bail avec les compagnies pétrolières américaines, qui étaient impatientes de pouvoir commencer les opérations pétrolières dans les terres Navajo. »

Afin de parachever et maintenir la domination et l’exploitation coloniales, les colonisateurs ont formé et contrôlé l’identité politique des Peuples Autochtones. Les capitalistes ont encouragé et se sont attaqués à la dissolution de l’autonomie Autochtone. Le coût de la citoyenneté a toujours été notre souveraineté, les conditions de citoyenneté ont toujours été au service de la suprématie blanche.

Que les Peuples Autochtones se soient vu accorder le droit de vote en 1923, cependant que nos pratiques religieuses ont été illégales jusqu’en 1979, est un des nombreux exemples de l’incompatibilité de l’identité politique Autochtone dans les soi-disant États-Unis.

Les mouvements pour le droit de vote aux États-Unis ont combattu pour une participation égalitaire dans le système politique, mais n’ont pas réussi à dénoncer et abolir les systèmes d’oppression qui étayent la société coloniale. Après des décennies d’organisations, les femmes blanches ont célébré, en 1920, le suffrage qui leur avait été accordé en partie comme récompense pour leurs services dans la Première Guerre Mondiale. L’hétéro-patriarcat n’a pas été démantelé et les Noirs ont été volontairement ignorés dans leur campagne.

Lucy Parsons, une anarchiste Afro-Autochtone était parmi ceux qui critiquaient le suffrage à l’époque. Elle écrivait en 1905

Pouvez-vous blâmer une Anarchiste qui déclare que les lois faites par l’homme ne sont pas sacrées ? …Le fait est que c’est l’argent, pas les suffrages, qui règne sur les gens. Et les capitalistes ne prennent plus la peine d’acheter les électeurs, ils achètent simplement les ‘serviteurs’ après qu’ils aient été élus pour ‘servir’. L’idée que le vote du pauvre apporte quoique ce soit est l’illusion suprême. L’urne n’est que le voile de papier qui cache les trucages.

Les Afro-Américains ont souffert pendant des décennies des « Lois Jim Crow », suprématistes blanches, qui imposaient la ségrégation raciale et étaient conçues pour leur retirer leur pouvoir politique. Ces lois racistes sont restées en place, jusqu’aux puissantes mobilisations du mouvement des droits civiques des années 1960. Le gouvernement des États-Unis a appliqué, dans les années 1950 et 1960, une législation qui comprenait la loi sur les droits de vote de 1965, qui fut critiquée par des Nationalistes Noirs révolutionnaires comme Malcom X :

Le bulletin de vote ou la balle ; si vous avez peur d’utiliser une expression comme celle-là, vous devriez quitter le pays ; vous devriez retourner dans les champs de coton ; vous devriez retourner dans la rue. Ils obtiennent tous les votes des Noirs, et une fois qu’ils les ont eus, le Noir n’a rien en retour.

Les mouvements radicaux ont soit été confrontés à la violence et la répression extrême de l’état, ou ont été systématiquement assimilés dans le milieu politique des États-Unis. Le complexe industriel des ONG a opéré comme allié occulte des agissements impérialistes des États-Unis pour réprimer et pacifier (voir La Révolution ne Sera Pas Financée par INCITE !). C’est peut-être la méthode de la machinerie politique des États-Unis pour réduire les dommages ou l’impact des vrais mouvements pour la justice sociale et environnementale. S’ils ne peuvent pas tuer ou emprisonner les organisateurs, ils peuvent toujours les fourrer dans la bureaucratie ou faire de leurs luttes des business. En fin de compte, tout le monde ne peut pas devenir suprémaciste blanc, mais tout le monde peut être capitaliste.

Tant que le système politique et social reste intact, le droit de vote, bien que des suprémacistes notoires y résistent, est toujours le bienvenu, tant que rien ne change fondamentalement dans la structure politique générale. L’égalité politique de façade peut se produire sous une occupation violente, mais la libération ne peut pas venir des urnes de l’occupant. Dans le contexte du colonialisme de peuplement, voter est le « devoir civique » de maintenir notre propre oppression. C’est intrinsèquement lié à une stratégie d’extinction de nos identités culturelles et de notre autonomie.

L’existence continue des Peuples Autochtones est la plus grande menace pour le projet de colonialisme de peuplement des États-Unis, car nous pourrions un jour nous rebeller et affirmer notre position souveraine sur nos terres, réfutant la Doctrine de la Découverte.

Dans ‘Custer Est Mort pour vos Péchés’, Vine Deloria Jr. idéalisait « les Autochtones, non comme sujets passifs recevant les droits civiques et l’incorporation dans l’État-nation, mais comme peuples colonisés exigeant activement la décolonisation. »

ON NE PEUT PAS DÉCOLONISER LES URNES

Comme l’idée de la « démocratie » américaine repose sur la loi de la majorité, sans une poussée démographique extrême, les électeurs Autochtones seront toujours à la merci d’alliés politiques « bien intentionnés ». Former un bloc électoral Autochtone qui s’aligne à un quelconque parti, un politicien ou une loi des colons qui semble faire moins de mal, n’est pas une stratégie pour exercer un pouvoir politique, c’est un syndrome de Stockholm.

Le vote Autochtone tente aussi de produire des politiciens Autochtones. Et quel meilleur moyen d’assimiler la loi que lui donner un visage familier ? La stratégie de voter pour mettre des Peuples Autochtones dans une structure de pouvoir colonial n’est pas un acte de décolonisation, c’est sa réalisation. Nous avons une histoire de gens de nos peuples utilisés contre nous par les forces coloniales, particulièrement les Peuples Autochtones assimilés jouant le rôle de « Scouts » pour aider l’armée de l’ennemi. Dans un seul cas répertorié, des Scouts Ndee (Apaches Cibicue) se sont mutinés contre les États-Unis quand on leur a demandé de combattre leur propre peuple. Trois scouts Ndee ont été exécutés pour cela.

Peu importe ce que vous avez été amenés à croire d’un politicien qui cherche une position, en fin de compte ils doivent jurer de respecter un serment au système même qui a été conçu pour nous détruire, nous et nos modes de vie. Le serment des membres du Congrès dit :

Je jure (ou affirme) solennellement que je soutiendrai et défendrai la Constitution des États-Unis contre tous les ennemis, étrangers ou nationaux ; que je lui porterai une foi et une allégeance véritables, que je prends cette obligation librement, sans réserve mentale ni intention de me soustraire, et que je remplirai bien et fidèlement les devoirs de la fonction que je suis sur le point d’exercer : Que Dieu me vienne en aide.

Même si on suppose que leurs valeurs culturelles et leurs intentions s’alignent sur celles du peuple, il est rare que des politiciens ne soient pas liés à des donateurs. Dès qu’ils sont élus, ils sont aussi confrontés sans relâche à des lobbys d’intérêts spéciaux soutenus par des millions et des millions de dollars, et, même s’ils ont déclaré les meilleures intentions, ils sont inévitablement mis en minorité par leurs pairs.

Aujourd’hui, nous avons des candidats qui ont été élus avec des promesses de mettre fin aux enlèvements et assassinats en masse de femmes, filles et deux-esprits Autochtones, et que proposent-ils ? Ils n’accusent pas les colonisateurs de ressources qui détruisent nos terres, et dont l’industrie même précipite cette crise de trafic humain et de violence de genre extrême. Ils ne proposent pas d’en finir avec le capitalisme et le colonialisme de ressources. Ils proposent des lois et plus de flics, avec plus de pouvoir, pour faire appliquer ces lois à nos communautés. Alors, bien que nous traversions une épidémie de violences policières et de meurtres de nos peuples, les politiciens Autochtones s’opposent à cette crise en en créant une autre pire encore pour notre peuple. C’est la réalisation du génocide assimilationniste culturel de « tuer l’Indien pour sauver l’homme. » Avec le vote, la participation et l’approbation de la violence de ce système, vous tuez l’Indien et devenez « l’homme. »

Les politiques tribales, locales et régionales se situent dans le même model colonial qui profite à la classe dirigeante : les politiciens s’occupent des règles et de réglementer, la police et l’armée les appliquent, les juges emprisonnent. Peu importe qui et à quelle échelle, aucun politicien ne pourra jamais représenter les modes de vie Autochtones dans le cadre d’un système politique établi par le colonialisme.

Une forme de colonialisme moins nuisible, c’est de la fantaisie. Le processus de déconstruction coloniale ne se produira pas par le vote. On ne peut pas décoloniser les urnes.

REJETER L’AUTORITÉ COLONIALE, C’EST À DIRE NE PAS VOTER

Voter aux élections du colonisateur maintient les Peuples Autochtones dans l’impuissance.

Notre pouvoir, généralement parlant, ne provient pas d’une règle de majorité non-consensuelle imposant de haut en bas des lois faites par des hommes, mais découle de la relation, et en proportion, avec tous les êtres vivants. C’est un pouvoir corporel et spirituel qui a été en vigueur depuis des temps immémoriaux et c’est ce qui a permis aux Peuples Autochtones de rester en vie durant plus de 500 ans de violence coloniale extrême.

Le regretté Ben Carnes, puissant avocat des Choctaw, est cité dans un article de Mark Maxey sur le vote Autochtone, disant

Ma position est que je ne suis pas citoyen d’un gouvernement qui perpétue ce mensonge que nous sommes. L’esclavage était légal, tout comme Jim Crow, mais le fait que c’est la loi ne la rend pas bonne. Nous ne l’avons pas demandé, la loi sur la citoyenneté nous a été imposée comme un pas de plus dans le conditionnement social et mental des Autochtones pour confisquer leur identité. C’était aussi une méthode législative de circonvenir la clause « pas d’impôts pour les Indiens » de la Constitution, justifiant ainsi l’imposition de taxes. Le système électoral des États-Unis est une méthode très malsaine par laquelle les candidats peuvent être achetés par les meilleures offres (contributions) des grandes entreprises. La mentalité qui consiste à voter pour le moindre de deux maux est un faux standard pour justifier l’existence d’un système à seulement deux partis. Il n’y a pas de contrôles ni de contrepoids pour assurer que les fonctionnaires se conforment à la volonté du peuple. La chose doit être complètement supprimée, tout comme le gouvernement lui-même.

Voter ne réduira jamais les « dégâts » tant que l’occupation coloniale et l’impérialisme des États-Unis règneront. Pour guérir, nous devons empêcher le mal de se produire, pas l’atténuer. Ça ne signifie pas simplement s’abstenir ou ignorer les problèmes jusqu’à ce qu’ils passent, ça signifie développer et mettre en œuvre des stratégies et des manœuvres qui permettent l’autonomie des Peuples Autochtones.

Comme nous ne pouvons pas nous attendre à ce que ceux qui ont été sélectionnés pour diriger ce système prennent des décisions qui profitent à nos terres et nos peuples, nous devons le faire nous-mêmes. L’action directe, ou expression non-médiatisée du désir individuel ou collectif, a toujours été le moyen le plus efficace pour changer les conditions de nos communautés.

Que pouvons-nous obtenir du vote que nous ne puissions pas obtenir directement pour nous-mêmes et nos peuples ? De quelles manières pouvons-nous nous organiser et prendre des décisions en harmonie avec nos divers modes de vie ? De quelles manières les immenses ressources matérielles et l’énergie mises en jeu pour persuader les gens de voter peuvent-elles être redirigées vers les services et le soutien dont nous avons réellement besoin ? De quelles manières pouvons-nous diriger notre énergie, individuellement et collectivement, dans des actions qui auraient un effet immédiat sur nos vies et la vie de ceux qui nous entourent ?

Il ne s’agit pas seulement d’une position morale, mais d’une position pratique et ainsi, nous assumons nos contradictions. Nous ne nous rallions pas à une prescription parfaite pour la « décolonisation », ni pour une multitude de Nationalismes Autochtones, mais pour une grande déconstruction du projet colonial de peuplement qui englobe les États-Unis d’Amérique, afin de pouvoir restaurer des relations saines et justes avec Notre Mère la Terre et tous ses êtres. Nous tendons vers des luttes anticoloniales autonomes qui interviennent et attaquent l’infrastructure essentielle sur laquelle reposent les États-Unis et ses institutions. Notablement, ce sont ces régions de nos pays les plus menacées par le colonialisme de ressources. C’est là que le système est le plus susceptible de rupture, c’est la fragilité du pouvoir colonial. Nos ennemis ne sont qu’aussi puissants que l’infrastructure qui les soutient. Le résultat brut de l’assimilation forcée est que nous connaissons nos ennemis mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes.

Quelles stratégies et actions pouvons-nous concevoir pour rendre impossible pour ce système de gouverner dans un pays volé ?

Nous ne défendons pas de solution étatique, une politique européenne lavée plus rouge, ni quelle qu’autre fantaisie coloniale d’« utopie ». Dans notre rejet de l’abstraction du colonialisme de peuplement, nous ne projetons pas de saisir le pouvoir d’état colonial mais de l’abolir.

Nous ne cherchons rien d’autre que la libération totale.


Par Indigenous Action
Solstice 2021
Traduction Christine Prat

Bien que la contorsion suprémaciste blanche de la « droite alternative » ait largement atteint son but, son désir persiste, avec des stratégies variées, d’arriver à la légitimation sociopolitique. Nous voyons clairement sa trajectoire, des convulsions post-électorales du 6 janvier 2021 et le vacarme approbateur qui s’en est suivi, au verdict de l’affaire Rittenhouse, et entretemps, toute la clique médiatique marchande (les médias sociaux).

Depuis que certains des néofascistes les plus visibles se retrouvent châtrés à la suite des batailles légales de Charlottesville, les colons suivent en direct la déconfiture de leur ordre social.

C’est terrifiant, que leurs préjugés et leur xénophobie soient en train d’être « annulés ».

Ils sont hystériques à propos de la « tyrannie médicale », donc ils s’injectent du vermifuge pour les chevaux dans les veines. Leurs idéaux, brutalement acquis, de « libertés » ont plus d’importance que le bien-être des plus vulnérables (comme ils ont toujours eu plus d’importance que nos vies).

Les artistes conservateurs suprémacistes blancs jouent les victimes d’une « guerre culturelle » qu’ils ont mené contre nos vies et nos terres depuis plus de 500 ans. Nous avons résisté et survécu de générations en générations à cette « guerre culturelle » appelée colonisation.

La réaction des colonisateurs est prévisible, étant donné qu’ils ont toujours eu peur de ce qu’ils ne peuvent pas dominer et contrôler. C’est peut-être dans cette mesure qu’ils craignent tant « l’être woke » [approx. ‘éveillé’], parce que ceux qui restent inconscients sont plus faciles à contrôler et exploiter. Aucun être conscient ne choisirait volontairement une existence de souffrance produite par les cauchemars de quelqu’un d’autre.

Cependant, le terrain (volé) gagné dans les rues au cours des rébellions pour George Floyd, a en grande partie été cédé par des progressistes, se retranchant sur leurs terrains qu’ils imaginent illusoirement (plus) sûrs, pour des raisons électorales. Mais qu’y a-t-il à attendre de ceux qui sont prêts à se mettre à genoux avec des flics et « décolonisent » démonstrativement leurs styles de vie ?

Le décélérationisme progressiste post-élections a émergé dans toute sa gloire réactionnaire et pacifiante.

Les progressistes ont une tendance prévisible à se reposer sur leurs votes, et ainsi abandonner leur énergie à ceux qui les représentent. Mais leur politique est de celles qui devraient être appelées pour ce qu’elles sont : des « MAGA-lithes[*] ». Leurs dénonciations morales s’attardent rarement sur des causes profondes, et lorsqu’ils vont jusqu’à accuser l’Etat et la suprématie blanche, c’est toujours bien cartographié dans la géographie binaire gauche contre droite. Ils n’arrivent pas à admettre que construire et maintenir l’idée d’ « Amérique » est le vrai problème (souvenez-vous de la myopie du slogan du colon : « Nous sommes une nation d’immigrants ? ». Des enfants migrants sont toujours dans des cages, subissant la même politique de violence, juste avec des nouveaux visages politiques, des bombes portées par des drones tournent toujours comme des vautours impérialistes au-dessus de la région géopolitique transcontinentale du Moyen-Orient, et après seulement quelques mois derrière le bureau présidentiel, Biden signé plus de concessions pétrolières et gazières que le démagogue qui l’a précédé.

Lorsqu’ils ne sont pas en train de faire la police contre des mouvements, si une chose est cohérente chez les progressistes MAGA-lithiens*, c’est que leurs accès de scandale doivent être contenus dans le royaume de la politique « légitime ». Ils s’en tiennent à des réformes espérant que l’Etat résoudra les problèmes qui le construisent structurellement et sans lesquels il ne peut exister. Qu’ils optent pour les tactiques de « visibilité » en brandissant des pancartes, ils supplient toujours les politiciens pour lesquels ils ont voté de leur laisser des miettes de la carcasse pourrissante d’un idéal imaginaire appelé « justice ». Ils s’accrochent aux plus lamentables gestes politiques de reconnaissance, par des pions colonisés comme Deb Haaland. Ils sont toujours captivés et offrent leurs ovations patriotiques lors du tour de magie appelé « justice climatique », illusion qu’un système industriel construit sur la destruction de la Terre peut magiquement résoudre la crise sur laquelle il prospère.

En réaction, les progressistes investissent plus dans leur équipe (ce qui n’est qu’un autre aspect de la même politique coloniale) et sont hyper concentrés sur la « réduction des risques » avec des « solutions » rendant le capitalisme et le colonialisme de peuplement plus « verts » avec quelques restrictions économiques.

Derrière tout cela, il y a les capitalistes à but non-lucratif montant des guerres sociales et écologiques « gauchistes », pour leur propre bénéfice.

Rendre le colonialisme de peuplement et le capitalisme plus durables signifie la mort de toute existence Autochtone. Qu’on pense seulement à ruée en masse pour extraire du lithium visant les terres Autochtones à Thacker Pass, Big Sandy Valley, et au-delà.

En pleine pandémie des pandémies, des néofascistes se rassemblent et préparent l’escalade vers la prochaine élection importante et au-delà, fracturant pour du pétrole et empoisonnant des terres sacrées et les eaux avec des oléoducs ; des fxmmes, des filles, des trans et des parents à deux-esprits sont enlevés, des familles déchirées, déportées ; ou bien on les laisse mourir quand elles cherchent un refuge au-delà des lignes politiques coloniales ; nos parents sont dans les rues sans abri dans le froid, nous sommes emprisonnés et tués par les forces de l’Etat en toute impunité ; le tout pendant que l’existence rêvée par nos ancêtres est transformée en un cauchemar obscène, un commerce de  « décolonisateurs™ » de théâtre dominé par les selfies et financé par un milliardaire, agitant leurs drapeaux marqués « land back », empochant de l’argent pour « décoloniser la richesse », avec leurs hipsters les plus woke (et célèbres) parmi leurs alliés colons.

Il est clair que certains ne peuvent pas et ne vont pas cesser d’imaginer des futurs coloniaux.

Pour beaucoup d’entre nous, opposants enragés, reprenant notre souffle entre gaz lacrymogène et bombe à poivre, travaillant par équipes pour faire des livraisons d’aide mutuelle pendant le COVID ou contre la répression d’état (c’est-à-dire nous assurer de rester libres), nous ne pouvons pas ne pas voir les traces sanglantes sur les murs de cet ordre social colonial.

Pour de nombreuses raisons, entre autres notre révulsion des propositions homogénéisantes des politiques gauchistes « révolutionnaires » (spécialement celles de Marxistes Autochtones autoritaires), nous préférons les principes aux plateformes, les enseignements de nos anciens plutôt que ceux d’Européens morts, des attaques autonomes plutôt que des campagnes politiques, et nous avons plus de questions que de réponses.

Que faisons-nous ? Et de qui est composé ce « nous » ? Quelles leçons avons-nous apprises des années de batailles de rue, d’espaces autonomes, et de barricades sur les lignes de front ? Quelles tactiques plus efficaces pouvons-nous développer ? Est-ce que des actions fondées sur des cellules de groupes d’affinité et de loup solitaire, peuvent être plus efficaces que la mobilisation de masse idéalisée ? Est-ce une question de et/ou, ou pouvons-nous creuser plus profondément pour diversifier nos tactiques ? Quelles occasions peuvent être créées par la prédictibilité des réactions des forces de l’ordre ? Quelles institutions, idées et infrastructures pouvons-nous attaquer avec nos moyens ? Comment pouvons-nous assurer effectivement que les agresseurs seront tenus pour responsables dans nos communautés ? Comment pouvons-nous inscrire ces pratiques dans une culture de la sécurité ? Quels sont nos avantages ? Quels sont nos désavantages et comment pouvons-nous les surmonter ou les éviter ? Comment pouvons-nous accélérer les ruptures internes et externes coloniales, sociales, économiques et politiques et précipiter leur ruine ? Quelles nouvelles provocations, interventions et attaques peuvent être élaborées pour miner et déstabiliser l’ordre social colonial ?

Les réponses sont assurément complexes, variées et délibérément incomplètes, parce c’est à beaucoup d’égards ce que nous faisons déjà par de l’éducation et des interventions radicales, avec l’aide mutuelle (pas la merde cooptée à but non-lucratif), la défense de la communauté et des projets d’infrastructure (des conflits) autonomes. De ce point de vue, certaines de nos réactions sont plus orientées vers les questions de comment stabiliser et maintenir des projets radicaux. Comment multiplions-nous et faisons grandir ces possibilités libératrices ?

Dans « Black Seed : Not on Any Map », un nouveau livre (principalement) sur l’Anarchie Autochtones, ces questions conduisent à la tâche proposée par un membre de l’équipe d’Indigenous Action, pour l’anarchie Autochtone (ou l’autonomie, si vous préférez abandonner l’identifiant politique colonial), qui est de remplacer le principe d’autorité politique par le principe de mutualité Autochtone autonome.

Ce n’est absolument pas théorique, c’est l’exhortation de nos ancêtres et la continuité de manières d’exister avec, et non contre, la Nature.

Ce pouvoir est quelque chose que les colonisateurs ne pourraient jamais comprendre complètement, alors ils ont commis tout ce qu’ils pouvaient pour l’annihiler. Des massacres de la Ghost Dance à la violence spirituelle systématique des pensionnats, à l’interdiction pure et simple des pratiques spirituelles jusqu’à la fin des années 1970, à la profanation toujours actuelle, spécifique et intentionnelle des sites sacrés, le pouvoir de la prière et la cérémonie Autochtones a toujours terrifié les colonisateurs au plus profond d’eux-mêmes.

Nous étudions les contours de nos hxstoires de notre émergence. Nous traçons les lignes dans les mains de nos anciens qui guident et forment les cadres de nos actions. Nous retrouvons les pas des anciens pour collecter les médecines sacrées. Nous regardons patiemment la lumière et la façon dont les pluies tombent et se rassemblent, et ainsi nous savons où placer soigneusement les graines. Nous écoutons intensément quand la terre bouge et la lune est cachée par le soleil.

Nous réchauffons nos esprits aux feux sacrés sur les lignes de front à travers tous ces territoires occupés.

De ceux entretenus par les défenseurs des terres Gidimt’en à ceux allumés par les anciens qui résistent à la déportation forcée à Winnemucca, et ceux entretenus par des jeunes trans et deux-esprits Autochtones au Camp Migizi. Le feu sacré de la colère Noire qui a détruit le bureau de police de soi-disant Minneapolis. Les feux sacrés qui ont réduit en cendres les églises responsables des pensionnats.

Nous entretenons toujours des feux.

Vivre une vie en conflit avec la contrainte autoritaire sur une terre volée est une proposition spirituelle, mentale et matérielle, c’est la négation de la domination du colonialisme de peuplement.

C’est notre cérémonie perpétuelle de résistance et de réparation.

En tant qu’agitateurs anticoloniaux, nous ne rivalisons pas pour séduire les sympathies et la charité des colons alliés. La solidarité anticoloniale, c’est l’attaque.

Effrayez à nouveau les colonisateurs.

***

Big Sandy River

Un soir d’automne, il y a quatre ans, Ivan Bender, un Hualapai dans la cinquantaine, alla se promener avec son chien, pour contrôler la terre du ranch dont il s’occupe. Niché au fond de la Big Sandy Valley, le ranch protège Ha’ Kamwe’ – des sources chaudes sacrées pour les Hualapai et connue aujourd’hui en anglais comme Cofer Hot Springs. Comme les ombres s’allongeaient, Bender vit quelque chose de surprenant – des hommes travaillaient sur une colline proche.

« Je leur ai demandé ce qu’ils faisaient, » se souvint Bender. « Ils me dirent qu’ils foraient. » Il s’avère que, en plus des sites sacrés comme les sources chaudes, des sites de cérémonie et des sépultures d’ancêtres, la vallée contient aussi une énorme quantité de lithium. Maintenant, le travail exploratoire de la compagnie Australienne Hawkstone Mining menace ces lieux, et avec eux, les pratiques religieuses des Hualapai et d’autres nations Autochtones. Mais cette menace n’a rien de nouveau : des siècles d’expropriation, combinés avec des décisions de justice fédérales refusant la protection des sites sacrés, ont depuis longtemps dévasté la liberté religieuse des Autochtones.

[*] MAGA-lit: jeu de mots, entre « mégalithe » et « Make America Great Again », le slogan Trumpiste

RAPPORT SUR LA CONVERGENCE ANARCHISTE AUTOCHTONE QUI A EU LIEU A BIG MOUNTAIN-FLAGSTAFF 14-18 AOÛT 2019

Publié sur le site Taala Hooghan
Et Indigenous Action Media
Le 6 septembre 2019
Traduction Christine Prat

“Pour ce que ça vaut, nous aurons établi une façon de vivre à la fois Autochtone, c’est-à-dire du territoire où nous nous trouvons réellement, et Anarchiste, c’est-à-dire sans contrainte autoritaire.” – Aragorn!

“Mes ancêtres voulaient l’autonomie, et c’est ce que je veux aussi.” – Jaydene, The Tower

“Nous vivons ici depuis bien avant le gouvernement des Etats-Unis, et nous continuerons à vivre ici longtemps après qu’il ait cessé d’exister” – résistant Diné au déplacement [de population].

Voir aussi l’interview d’Andrew Pedro, Akimel O’odham, avec vidéo sous-titrée en français et texte intégral de l’interview, également en français, sur le même sujet.

Kinłani/Flagstaff, Arizona – Plus de 120 participants et plus de 30 groupes et organisations ont convergé à l’Infoshop Táala Hooghan pour discuter, débattre et échanger leurs perspectives sur l’Anarchisme Autochtone.

L’appel initial à la convergence déclarait “… nous appelons tous ceux qui cherchent une vie épanouissante, libre de la domination, de la coercition et de l’exploitation, à se rassembler autour de ce feu. Pour ceux que répugnent les fascinations pour des pensées d’hommes Blancs morts (et leurs académies et leurs lois), et les “activismes décolonisateurs” réformistes et réactionnaires,” et les politiques dépourvues d’imagination du cirque gauchiste dans son ensemble. Pour toutes ces forces ingouvernables de la Nature…”

Bien que des réactions gauchistes soient souvent reproduites et que beaucoup de temps ait été passé en des présentations longuement répétées à l’avance, les buts initiaux de se rassembler et d’interroger les propositions de l’Anarchisme Autochtone ont été atteints. Nous avons pu aussi coordonner ce rassemblement avec un budget de moins de 800 dollars (merci à tous ceux qui ont donné en ligne !) en nous appuyant sur l’aide de beaucoup de nos parents à Kinłani, qui ont fait la cuisine, donné de la nourriture, ouvert leurs maisons et se sont proposés comme bénévoles. En cela, la convergence pourrait être comptée comme un succès, mais ce que nous déclarons dans ce rapport ne doit pas être considéré comme une célébration. Ça ne représente absolument pas tout ce dont il a été discuté, mis au défi, débattu ou exprimé. Peut-être que cette proposition incomplète écrite de mémoire, d’après des enregistrements limités et des notes éparses, doit plutôt être vue comme des fragments de pierres sur lesquels nous pouvons nous aiguiser.

Lorsque nous avons publié l’invitation à cette Convergence Anarchiste Autochtone (IAC), nous pensions à un dialogue régional dont la forme viendrait principalement de ceux qui sont déjà familiers des idées sur lesquelles nous avons travaillé, nous n’avions pas prévu l’extraordinaire réaction de gens venus de tous les soi-disant Etats-Unis. Nous avions aussi invité plus particulièrement ces quelques voix que nous avions lues ou avec lesquelles nous avions beaucoup parlé de l’Anarchisme Autochtone (certains n’ont pas pu venir), et en cela, nous savions que nous invitions des gens controversés et qu’il y avait une sérieuse possibilité de réticences. L’agenda a été planifié d’un bloc et bourré de discussions et d’ateliers. Bien qu’un temps considérable ait été prévu pour chaque session (plus de deux heures pour certaines), nous en avons dévié, avons attendu et avons dépassé les temps comme c’est inévitable pour ce genre de choses.

Un rassemblement préliminaire a eu lieu à Big Mountain à l’invitation de Louise Benally et de sa famille, qui résistent au déplacement forcé en restant sur leurs terres ancestrales. Cette région a été déclarée Nation Diné Souveraine par les résidents qui affirment leur autonomie, hors du contrôle des gouvernements US et Tribal. Bien que seulement quelques participants de la convergence aient été présents, les contacts et les discussions (essentiellement en Diné bizaad), ont abordé les luttes territoriales, le changement climatique, l’extraction de charbon, la médecine traditionnelle et l’autonomie.

Le rassemblement a aussi été une célébration de la fermeture de la Centrale Navajo [Navajo Generating Station], une centrale au charbon de la région, qui avait rempli son dernier train de charbon la veille. Les matriarches Diné Rena Babbit Lane et Ruth Baikedy nous ont rejoint le jour suivant, lorsque John Benally a montré aux gens comment chercher les herbes utiles, puis a parlé de la géopolitique du soi-disant conflit territorial Navajo-Hopi. Globalement, le rassemblement préliminaire, tenu près d’un hogan traditionnel sans eau ni électricité, a démontré la force et la détermination des modes de vie traditionnels qui sont l’ossature de la résistance autonome à Big Mountain.

Le vendredi soir, à l’Infoshop Táala Hooghan, la convergence a débuté par une prière, par l’homme-médecine traditionnel Jones Benally, ce qui a connecté le rassemblement aux montagnes sacrées au milieu desquelles nous accueillions tout le monde.

Une déclaration a été faite, prévenant que “ce rassemblement allait être brouillon, que des erreurs seraient commises, et que pourtant nous étions enthousiastes à l’idée des possibilités qui pourraient en sortir. Bien que cette convergence soit prématurée et que nous n’avions pas toute la capacité requise pour l’accueillir, nous ne voulions pas attendre pour le faire, nous voulions pousser les conversations en avant, afin de pouvoir intervenir de façons plus directes et plus efficaces dans les présentes réalités politiques de merde que nous devons affronter. Nous ne voulons pas non plus que vous participiez en vous attendant à ce que cette convergence devienne annuelle, ce qui présenterait le danger que l’Anarchisme Autochtone soit défini par notre contexte et par nos termes, et nous savons que ce rassemblement serait très différent s’il devait avoir lieu dans vos territoires, et que vous feriez certaines choses très différemment de nous. Nous voudrions proposer que la prochaine conférence ait lieu ailleurs, alors pensez-y pendant que vous êtes ici.” Il a aussi été déclaré que l’Infoshop ne pouvait pas garantir être un lieu sûr, mais devait être vue comme un espace menaçant pour toutes formes de comportements oppressifs, et que des agresseurs connus, en particulier les auteurs de violences sexuelles ou fondées sur le genre, seraient expulsés du rassemblement.

Sur le Front Autochtone, il a été question de plusieurs causes de tensions.

Des discussions sur “le bon et le mauvais traditionalisme”, entre autres le défi de “ne pas romantiser l’utopie d’avant le contact”, particulièrement en ce qui concerne les problèmes de genre, ont dominé tout le weekend.

Membre du panel “Localiser un Anarchisme Autochtone”, Chris Finley dit “je veux être certain que les Autochtones queer, les gens qui ont deux esprits, sont des gens sacrés. Être queer n’est pas un résultat de la colonisation, c’est une idée de con. Je veux être sûr que nous sommes des membres sacrés de notre communauté. Une des choses que nous pouvons faire, pendant que les colons se débrouillent avec leur merde, c’est de travailler sur l’homophobie dans nos communautés, parce que c’est un aspect extrêmement important de comment l’Etat colonial maintient son pouvoir, et ce sont des choses sur lesquelles nous pouvons agir maintenant.”

Brandon Benallie, de l’Infoshop Ké’, dit “le Traditionalisme n’est pas la même chose que nos modes de vie. Le Traditionalisme est comme une pièce de musée posée sur une étagère et qui vieillit, alors que nos modes de vie accumulent les connaissances et grandissent indéfiniment, ce sont les gens qui vieillissent qui ne veulent pas grandir.”

Une autre question débattue était “comment faisons-nous avec les Anciens ou réagissons-nous vis-à-vis des Anciens qui nous disent de rentrer au campement ?” Cela s’adressait essentiellement aux expériences de Standing Rock, où des Anciens ont retenu des gens à distance des lignes de front. Des anecdotes ont été racontées, qui ne nous fournissaient pas de tactique claire, à part reconnaître qu’il y a “des Anciens qui vieillissent”, et que c’est un défi pour nous de comprendre comment réagir à cette dynamique fondée sur les situations dans nos communautés. Julie Richards, aka MAMA Julz, une protectrice de l’eau de Mothers Against Meth Alliance, dit : “Je veux faire partie de ces Anciens qui s’enchaînent encore sur les lignes de front pour sauver nos territoires et les générations futures.”

Les politiques concernant l’identité ont aussi dominé, entre autres la mention d’un manque d’attention aux problèmes des transsexuels et des Afro-Autochtones. Les questions sur la politique d’identité ont porté spécialement sur les Autochtones supposés ‘passer pour Blanc’ [pour cause de métissage de leurs ancêtres – NdT]. Cela a provoqué des questions sur les tentatives coloniales de “génocide de papiers.” Une personne Afro-Autochtone transsexuelle a dit que leur lutte les mène à “être haïs par la société et les gens pour qui ils se battent.” Il y eut de nombreux appels pour que les espaces d’organisations se concentrent sur les voix de transsexuels et d’Afro-Autochtones. Il y eut aussi des appels à combattre l’hostilité à ce qui est Noir dans l’organisation des Autochtones (comme la cooptation de Black Lives Matter par Native Lives Matter) et à inclure plus largement dans le mouvement Femmes Autochtones Disparues ou Assassinées [Missing and Murdered Indigenous Women – #mmiw] les transsexuels et les parents avec deux esprits, confrontés à la violence hétéro-patriarcale, en ajoutant #mmiwgts.

Les territoires et les lieux étaient au centre de toutes les conversations, bien qu’il fût fait remarquer que “si Autochtone veut dire appartenant à la terre, qui n’est pas anarchiste Autochtone ?” et que le terme “Île de la Tortue” était trop limité et trop exclusif. Ces tensions ont conduit certains participants Diné et d’autres Autochtones à clarifier la notion que leur anarchisme est une tendance spécifique à cause de leurs différents contextes culturels.

Le terme “décolonisation” parut avoir plus de poids au cours de ces discussions, vu qu’il était utilisé avec parcimonie. Cela bien qu’en un sens, la dynamique de “décolonisation” ait joué autant que dans d’autres cercles. Le terme “décolonisation” est utilisé aussi bien dans des contextes radicaux que libéraux, comme terme rhétorique vide, et on le trouve souvent dans des expressions de “reconnaissances de territoire”, alors qu’il devrait être utilisé de manière significative avec et concernant les territoires de Peuples Autochtones sur lesquels on se trouve. Cette dynamique est particulièrement claire de la part de ceux qui sont venus à la convergence de grandes villes. Par certains aspects, leurs contextes semblaient distants et aliénants, une dynamique par laquelle nous nous arc-boutons quand nous sommes confrontés à des universitaires, donc s’était préoccupant bien que pas surprenant, en ce qui concerne le lieu et les façons dont nos protocoles culturels furent ignorés et, en quelque sorte, traités sans respect.

Jaydene, de l’Infoshop anarchiste “The Tower”, au soi-disant Canada, a parlé des efforts “de réconciliation” fait par l’Etat pour aborder le génocide des Peuples Autochtones, “… le colonialisme des colons n’existe pas au passé. Sa violence est omniprésente et constante, en ce moment même, ce soir, où que nous tournions notre regard. La réconciliation c’est l’effacement de cette violence coloniale. La réconciliation – en tant que terme – c’est la résolution d’un conflit, le retour à des relations amicales… La décolonisation – par contre – concerne l’abrogation de l’autorité de l’état colonial et la redistribution des terres et des ressources. Ça implique aussi d’adopter et de légitimer les visions du monde Autochtones précédemment réprimées. Décolonisation n’est pas un mot à prendre à la légère. Nous devons réfléchir à ce qu’est la colonisation pour le comprendre : la domination administrative et économique totale sur un peuple et un territoire. Décolonisation ne signifie pas seulement anticapitaliste, ça signifie anti-état. Je suis intimement persuadé qu’il ne peut pas y avoir de réconciliation qui reconnaisse l’autodétermination des peuples Autochtones tant que l’état du Canada existe.”

Sur le front anarchiste il y semblait y avoir étonnamment moins de désaccord. L’emphase a porté sur un anarchisme Autochtone comme unique tendance radicale anticoloniale s’opposant au biais européen du terme. Des observations ont été échangées sur la manière dont les concepts d’aide mutuelle, de relations sociales non-hiérarchiques, et d’action directe étaient déjà contenus dans beaucoup, mais pas tous, nos différents systèmes de connaissance Autochtones, et sur comment les stratégies révolutionnaires à base étatique, comme le socialisme et le communisme, étaient intrinsèquement anti-Autochtone. Bien qu’il n’y ait pas eu d’accord complet, une tendance exprimée était que l’anarchisme est un outil ou une position que nous pouvons utiliser pour nous distinguer des politiques coloniales gauchistes et libérales (principalement les réformismes et le Marxisme et ses “satellites”). Nous avons perdu peu de temps à parler de l’identité anarchiste Blanche, ce qui est peut-être la principale raison pour laquelle les positions de Anarchist People of Color (APOC – Anarchistes de Couleur), d’accueillir les Autochtones, les Noirs et les Basanés a été invoquée.

Chris Finley a parlé de leur histoire, d’être venus à l’anarchisme par le milieu punk-rock et d’être arrivés à un anarchisme Autochtone féministe, “…je suis revenu à l’anarchie parce que je ne voulais pas seulement savoir contre quoi je suis, je savais bien que c’était de la merde, mais savoir ce pour quoi je voulais être et avec qui je voulais être pour cela. C’est une question difficile, je suis colonisé, c’est très dur pour nous de penser à quelque chose à part cela, donc nous avons besoin d’autres gens pour nous aider à en sortir et imaginer ces questions ensemble.”

Jaydene dit : “L’Anarchisme est une philosophie politique – certains diraient que c’est une belle idée – qui croient en des sociétés qui s’auto gouvernent, sur la base d’une association volontaire les uns avec les autres. Elle défend l’idée de prise de décision non-hiérarchique, la participation directe dans les décisions par les communautés touchées, et l’autonomie pour tous ceux qui vivent. De plus, elle accorde de la place à la valeur d’entités non-humaines par-delà leur valeur monétaire ou leur utilité aux humains. Les enseignements Autochtones que j’ai reçus m’ont communiqué l’idée que nos communautés sont importantes, mais que nous le sommes aussi en tant qu’individus. Les traditions considéraient la prise de décision comme un processus participatif, fondé sur le consensus, dans lequel les communautés choisissaient ensemble. Les enseignements que j’ai reçus me disent que la terre peut nous offrir ce dont nous avons besoin, mais de ne jamais prendre plus que cela. Je trouve ces idées fondamentalement compatibles. J’aimerais voir une anarchie de mon peuple et une anarchie des colons (qui sont aussi mon peuple) mises en pratique ici, ensemble, côte à côte. Avec une distribution égalitaire du pouvoir, chacun entretenant des relations saines, agissant selon leurs propres idées et leur propre histoire. Exactement ce qu’imaginait le [Wampun] à Deux Rangs. J’aimerais que l’état centralisé du Canada soit démantelé. J’aimerais que les communautés prennent la responsabilité de s’organiser en l’absence de ladite autorité centrale. Mes ancêtres voulaient l’autonomie, et je la veux aussi.”

Louise Benally parla de son expérience de la résistance à la déportation forcée à Big Mountain et appela à continuer d’agir pour renverser tous ces systèmes qui détruisent Notre Mère la Terre. Louise déclara que l’anarchisme “veut dire action, que vous croyez en vous-même, que vous croyez en ce de quoi vous allez parler, que vous croyez en ce que vous faites, que vous n’êtes pas lié par un groupe ou une entité gouvernementale, que vous faites ce que vous devez faire. Je crois en la terre et aux esprits qui travaillent à l’intérieur de la terre, c’est ce vers quoi je vais en premier. Travailler avec et par la nature, c’est la seule chose en laquelle je crois, je ne fais confiance à aucun système parce qu’aucun n’a jamais fait quoique ce soit pour moi. Je ne pratique pas le Christianisme, ce n’est pas quelque chose que je comprends, je ne fonde pas ma manière d’agir dessus, je ne crois pas au gouvernement des Etats-Unis, parce qu’il n’apporte que la destruction d’une culture et la consommation de la culture.”

Le panel sur “Localiser un Anarchisme Autochtone” a pris ce nom d’une brochure appelée Aragorn!’s zine, publiée en 2005, dont nous avons lu un passage et fourni une définition de l’anarchisme Autochtone : “Pour ce que ça vaut, nous avons établi un mode de vie qui est à la fois autochtone, c’est-à-dire issu du territoire sur lequel nous sommes, et anarchiste, c’est-à-dire sans contrainte autoritaire.” Aragorn! déclarait : “D’abord, j’ai un gros problème avec l’anarchisme parcellaire, quand les gens se définissent comme anarchistes Blancs, en fait ils veulent dire d’abord Blanc et l’anarchisme est une préoccupation secondaire. J’ai toujours vu l’anarchisme et le fait d’être Autochtone comme des synonymes. Pour moi, l’idée d’un anarchisme qui serait situé ici exactement n’a jamais eu de sens. L’idée d’anarchisme comme une série de valeurs des Lumières occidentales que nous avons plus ou moins apprises à l’école, n’a jamais eu de sens pour moi. Une des choses qui me préoccupent, à propos de ce weekend, c’est que parfois notre enthousiasme est surtout notre problème et la façon dont nous communiquons ce que nous sommes et nos idées d’autre chose, et au cas où quelque chose est aussi important que cette idée, cette idée d’une politique fondée sur le territoire est énorme, et je ne veux pas que ça tourne à la politique habituelle. Je dis cela en sachant que ce sera un défi dès qu’on en arrivera aux détails.”

Après avoir lu l’extrait de “Localiser un Anarchisme Autochtone”, Aragorn! souligna : “Pour moi se sont les seuls termes qui comptent, ‘contrainte autoritaire’ et ‘lieu’.”

Le panel Contre la Politique Coloniale des Colons, le dimanche, confirma que “l’anarchisme est en fait quelque chose que nous pouvons définir nous-mêmes.” Le panel se référa aussi à la déclaration de Russell Means “Pour que l’Amérique Vive, l’Europe Doit Mourir”, en tant que réaction éloquente des Autochtones à l’autoritarisme Marxiste. Une brochure intitulée “Le Marxisme et ses satellites… pour les anarchistes,” a été distribuée, dans laquelle on peut lire “… parce que quelquefois, les gens ne font pas vraiment partie de notre équipe.”

Certaines questions et réponses ont suscité de l’opposition à propos de “la nécessité d’unité de gauche” et de ne pas “perpétuer les disputes gauchistes venues d’Europe”. Il a été répondu que nous “devrions être honnêtes à propos de la politique de gauche, et que les conclusions du communisme et du socialisme sont anti-Autochtones.” Un membre du panel demanda : “Sommes-nous en train de critiquer l’autoritarisme ou les dogmes européens ?” Un tract intitulé “les Drapeaux Rouges des Fascistes Rouges”, donnant la liste des principaux groupes gauchistes fut distribué par quelqu’un qui était à La Conxa, au soi-disant Los Angeles, quand elle a été attaquée par un groupe Maoïste.

Sur le front de l’organisation, de l’activisme et de la lutte, il y a eu de nombreux ateliers sur les luttes à la frontière, qui furent le principal objectif de l’action contre les attaques subies par les territoires et les Peuples Autochtones, pour la convergence. Le Collectif O’odham Anti-Frontière a parlé de leurs stratégies pour maintenir leurs modes de vie malgré l’occupation perpétuelle, les frontières et les barrières édifiées sur leurs territoires traditionnels. Au cours du panel sur l’Organisation Autonome Contre les Frontières, un organisateur de soi-disant El Paso, a parlé de la manière dont leur communauté réagissait aux attaques du suprématisme Blanc, et du fait qu’ils devaient faire face à une répression extrême de la part de l’Etat. Ils ont aussi raconté comment un centre communautaire radical était sapé par “des formes subtiles de suprématie Blanche qui envahit et coopte nos espaces.” Ils se sont insurgés contre “les mécanismes forgeant le pouvoir libéral non-lucratif “, et ont affirmé que “nous ne sommes pas là pour demander des réformes. La loi tue notre peuple.”

Un autre organisateur des territoires Tongva occupés, le soi-disant Los Angeles, a parlé de leur travail consistant à soutenir directement les migrants détenus dans des camps de concentration. L’organisateur a reçu un appel d’une personne transsexuelle détenue dans un des camps et l’a fait entendre au micro. La conversation a été émotionnelle et dure, la tension de leur lutte a rempli la salle jusque dans ses moindres recoins.

Lors du panel “La Solidarité Signifie l’Action, la Lutte Anticoloniale Signifie l’Attaque !”, MAMA Julz dit que “la prière et l’action vont la main dans la main, j’ai toujours insisté là-dessus. Si nous restons à prier et qu’il n’y a personne dehors, rien ne sera fait. Nos ancêtres veulent nous rencontrer à mi-chemin. Peut importe à quel point ça peut être effrayant, souvenez-vous que tant que nous combattons pour les gens et Notre Mère la Terre de la manière qu’il faut, nous serons toujours protégés. Si vous croyez que vous pouvez abattre cette merde, abattez cette merde, mais priez d’abord.”

Leona Morgan, de Diné No Nukes et de Haul No! a parlé de la lutte contre le colonialisme nucléaire qui a laissé des milliers de mines d’uranium abandonnées et répandu le cancer dans les Territoires Autochtones. Elle dit que “70% de l’uranium vient de terres Autochtones” et que les projets actuels d’amener tous les déchets nucléaires des Etats-Unis au Nouveau-Mexique créaient une “zone de sacrifice national”. “Ici, ils disent que l’énergie nucléaire est une solution ‘propre’ au réchauffement climatique, alors que nous sommes ceux qui développent des cancers, nous sommes ceux dont l’eau, les plantes et la nourriture sont contaminés.” Elle se tourna vers les mouvements anti-nucléaires d’action directe qui bloquent les transports d’uranium et appellent à l’aide, et dit “nous avons peut-être besoin de faire ça ici.”

Klee Benally, de Protect the Peaks et un des organisateurs de la convergence, donna un aperçu de la lutte et des échecs des tentatives de bloquer la profanation des San Francisco Peaks sacrés, situés juste à côté de Kinłani/Flagstaff. Une station de ski a été autorisée par le Service des Forêts à faire de la neige artificielle à partir de millions de litres d’eaux usées recyclées, sur la montagne. Klee dit que “les lois coloniales des colons n’ont jamais été faites pour profiter aux modes de vie Autochtones, mais ont été fabriquées pour les détruire. Pour être plus efficaces, nous devons être honnêtes avec nous-mêmes, et comprendre que Standing Rock a été un échec stratégique qui n’a pas empêché la construction d’un oléoduc, mais bien sûr une réussite sociale et culturelle. Mais nous devons être critiques en temps réel sur ces luttes, afin d’être plus efficaces. Si nous ne parlons pas de nos échecs, comment pouvons-nous apprendre ?”

Le dimanche soir, avant que les gens commencent à échanger leurs adresses, avant le diner et après une conférence, nous nous sommes arrêtés et avons décidé de ne pas terminer selon notre protocole traditionnel.

Un des organisateurs de la convergence avait écrit dans un autre rapport, “à un moment du rassemblement, je m’attendais à être en présence de l’anarchisme autochtone. Je ne savais pas si l’anarchisme autochtone était le feu autour duquel nous allions nous rassembler, si c’était des individus qui convergeaient, ou si c’était un espace vide où des individus allaient allumer le feu. Il est prudent de dire que ce à quoi je m’attendais s’est produit. J’ai été témoin d’un anarchisme autochtone, mais ce n’était pas familier pour moi, un Diné anarchiste… Le potentiel que j’ai découvert lors de la convergence, c’est les particularités de l’anarchie Diné. Des feux faits de cristal et des feux faits de turquoise. Des feux assez intenses pour trouver la lumière d’autres anarchistes Diné dans le monde de ténèbres où je me trouve. Un monde malade de l’industrialisation d’humains civilisés dont la culture de contrôle et de destruction force tout ce qui vit à l’adopter, s’y adapter ou mourir. Je suggère que l’anarchie Diné offre un choix supplémentaire d’attaquer. Un assaut contre notre ennemi qui affaiblit leur emprise, non seulement sur notre monde scintillant, mais sur les mondes des autres. Une occasion pour l’anarchie de Ndee, les O’odham, d’exiger la vengeance sur leurs colonisateurs. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus, aux anarchistes Diné, qu’à dissuader les approbations de la prochaine idole qui requerra notre obédience.”

Pour le moment, nous voyons l’Anarchisme Autochtone comme un point de référence, mais ce terme est si large que tout ce qu’il peut inclure, il peut aussi l’étouffer. Nous n’avons rien à faire d’une restructuration de l’organisation sociale, nous cherchons des formations, des mouvements d’agitation, des interventions inspirés, et des actes menant à la libération totale. De notre perspective, aux pieds de Dooko’oosłííd, nous trouvons plus d’utilité dans la construction contextuelle d’accords profondément enracinés dans nos terres sacrées et nos enseignements. Ceci nous place, dans une certaine mesure, dans une position quelque peu contradictoire avec le nivellement qu’impliquerait un élargissement de la force émergente de l’Anarchisme Autochtone. Comme disait Aragorn!, “l’anarchisme Autochtone est une politique qui doit encore être écrite, et c’est peut-être une bonne chose.”

Pour le moment, nous continuerons à faire de l’agitation, organiser, écrire, discuter, et provoquer l’émergence de tendances autonomes/anti-autoritaires Autochtones vers une libération totale.

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