AVERTISSMENT POUR LES LAÏQUES: LE ‘SACRÉ’ CHEZ LES DINÉ (NAVAJOS)

Par Christine Prat

Dans la France laïque, le mot ‘sacré’ risque de provoquer des réticences. Plus encore chez les anarchistes, qui pourraient avoir du mal à lire les mots ‘Anarchie’ et ‘sacré’ dans la même phrase.

Les autochtones doivent écrire en anglais, parce que leur langue ne s’écrit pas et n’est pas forcément comprise par les 560 différentes tribus des États-Unis. Mais il faut savoir que l’anglais leur a été appris – de force et souvent sous la torture – par des chrétiens prosélytes. Le mot ‘sacré’ (tout comme ‘divin’, ‘saint’, ‘spiritualité’, etc.) n’existe pas dans la langue Navajo (Diné bizaad). On ne peut pas traduire simplement ce qu’ils expriment de leur attachement à la terre et aux sites qu’ils protègent, il faut expliquer.

La conquête des Amériques a dès le début été justifiée par une Bulle du Pape Alexandre VI, Borgia. Il fallait évangéliser les sauvages. Bien entendu, les pillages attiraient beaucoup plus d’Européens que l’évangélisation, mais ce sont des chrétiens qui ont été chargés de l’enseignement aux autochtones jusqu’au début du XXème siècle (le dernier « home » Indien, tenu par des religieuses, en Guyane « Française », a fermé en 2012). Ces gens-là ne traduisaient pas la langue des autochtones en anglais ou espagnol, ils traduisaient la Bible dans les langues autochtones. (On trouve sur Internet un site qui se proclame ‘Dictionnaire Navajo-Anglais’, mais toutes les traductions proposées pour ‘sacré’ sont tirées de l’ancien testament). Dans les pensionnats, les enfants autochtones devaient oublier leur langue et leur culture, « Tuer l’Indien pour sauver l’homme » était le but affiché.

Dans la deuxième moitié du XXème siècle, des ‘progressistes’ se sont élevés contre les manipulations chrétiennes et se sont efforcés de montrer que les autochtones étaient des païens polythéistes, ce qui n’est pas vrai non plus.

Enfin, il faut savoir que les Américains sont beaucoup plus religieux que les Européens, et les autochtones emploient des mots dont ils pensent qu’ils signifieront quelque chose pour les Blancs, comme « la Nature est notre Église » ou « nos sites Sacrés sont nos églises ». Souvent, peine perdue…

Quant à la ‘Spiritualité’, il faut savoir que les Autochtones pensent qu’esprit et matière ne se distinguent pas, pour eux, toutes les maladies sont psychosomatiques, il y a de l’esprit dans la terre à laquelle ils sont liés… Dans ce livre, l’auteur exprime son dédain des universitaires et autres intellos qui promeuvent un esprit désincarné.

On peut dire que les ‘croyances’ autochtones sont plus proches des idées écolos – quoique pas identiques en tout point – que des religions au sens occidental. C’est pourquoi, dans de nombreuses affaires, des grandes associations écolos (comme le Grand Canyon Trust et le Centre pour la Diversité Biologique) se joignent aux Autochtones pour aller en justice contre les projets de destructions.

Un terme fondamental dans la langue et la pensée Navajo, est ‘hozho’ (en français, prononcer ‘hojo’) et ses dérivés, qui signifie ‘harmonie’, ‘équilibre’, ‘paix’, ‘beauté d’un lieu’. Il n’y a pas de distinction entre ‘beau’ et ‘bien’ pour les Navajos, c’est toujours une question d’harmonie. Michael Lerma (nom navajo P’urhépecha), un Navajo ami de Klee et professeur à l’Université du Nord de l’Arizona, à Flagstaff, a publié en 2017, un livre intitulé ‘Guided by The Mountains’ (Michael Lerma, Oxford University Press, 2017), qui explique la vision du monde des Navajos et l’importance de la notion d’équilibre, d’harmonie dans leur pensée.

Les sites qu’ils appellent « sacrés » dans la langue des colons, sont souvent des sites vitaux : les sources d’eau, des terres non polluées, une grande biodiversité. Ils y trouvent (y trouvaient) des plantes médicinales, des fruits, des plantes et des animaux endémiques en voie de disparition. Ces sites sont souvent très spéciaux par leur beauté ou des caractéristiques exceptionnelles : la quasi-totalité des sites ‘sacrés’ se trouvent dans des Parcs Nationaux, et beaucoup sont des sites classés. Donc, les colonisateurs reconnaissent aussi leur importance. Cependant, dans un monde où les multinationales ont plus de pouvoir que les États – ou sont au pouvoir – elles obtiennent toujours des permis de faire sauter n’importe quoi dans les Parcs Nationaux, si ça doit rapporter beaucoup d’argent.

Après les massacres de la deuxième moitié du XIXème siècle, les Autochtones se sentaient anéantis, mais l’état du monde actuel leur DONNE RAISON. C’est pourquoi ils recommencent à se battre, à partir de ce qu’ils ont toujours été et de la relation qu’ils ont toujours entretenue avec la nature.

 

VOTER N’EST PAS CHOISIR LE MOINDRE MAL

Par Klee Benally   English
Traduction Christine Prat

D’abord publié comme brochure en octobre 2020, le texte figure dans le livre « Pas de capitulation spirituelle, Anarchie autochtone en défense du sacré », au chapitre 12

Quand certains proclament que « voter c’est choisir le moindre mal », il n’est jamais clair de quelle manière cette réduction des dommages est calculée. Estime-t-on combien de millions de sans-papiers Autochtones ont été expulsés ? Compte-t-on quel parti politique a mené le plus de frappes par drone ? Ou lequel a eu le plus haut budget militaire ? Prend-on en compte les oléoducs, les mines, les barrages, la profanation de sites sacrés ? Compare-t-on les taux d’incarcération ? Ou les statistiques de violences sexuelles ? S’agit-il des budgets énormes de politiciens qui dépensent des centaines de millions dans leur course aux voix ?

Bien qu’il y ait certaines distinctions politiques entre les deux grands partis des soi-disant États-Unis, ils prêtent serment au même drapeau. Rouge ou bleu, ce sont des traits sur une loque qui flotte sur des terres volées où un pays a été construit par des vies volées.

Nous ne nions pas la réalité que, à l’échelle de la violence coloniale des États-Unis, même le plus mince degré de risques peut signifier la vie ou la mort pour les plus vulnérables. Ce que nous affirmons ici, c’est que la notion de « vote comme moindre mal » dans son entier obscurcit et perpétue les violences des colons, qui ne peuvent, par définition, être « moins mauvaises », et qu’il y a des moyens plus efficaces d’intervenir dans leurs violences.

Un jour, la gauche des soi-disant États-Unis s’est rendu compte que convaincre les gens de se rallier à un « moindre mal » était une stratégie perdante. Le terme « moindre mal » était approprié pour recadrer la justification de leur participation et forcer d’autres à s’engager dans le théâtre appelé « démocratie » aux États-Unis.

Le moindre mal a été mis en place dans les années 1980, comme stratégie de santé publique pour les gens confrontés aux problèmes de drogue qui se débattaient avec l’abstinence. Selon la Coalition pour le Moindre Mal (HRC), les principes de moindre mal affirmaient que la conduite en question faisait « partie de la vie » qu’ils « choisissaient de ne pas l’ignorer ni de la condamner, mais d’en minimiser les effets dangereux » et s’efforçaient de briser la stigmatisation sociale pour aller vers « une consommation plus sûre. » La HRC déclarait aussi qu’« il n’y a pas de définition universelle ou de formule pour réaliser un moindre mal ». Globalement, le moindre mal se concentre sur la réduction des effets néfastes associés à des conduites nuisibles.

La notion de « moindre mal » dans le contexte électoral est quelque chose de complètement différent de ce que ça signifie pour ceux qui s’organisent pour faire face aux problèmes de drogue. Le slogan est que « étant donné que ce système politique ne va pas disparaitre, nous allons soutenir les politiciens et les lois qui pourraient faire le moins de dégâts. »

L’idée qu’une élection soit capable de réduire les risques dans un système enraciné dans la domination et l’exploitation coloniales, la suprématie blanche, l’hétéro-patriarcat et le capitalisme est une extraordinaire exagération. Il n’y a personne dont la vie ne soit affectée tous les jours par ces systèmes d’oppression, mais au lieu du réformisme codifié et des campagnes coercitives vers une forme « plus sécurisée » de colonialisme de peuplement, nous demandons « quel est le mal et le danger réel et tragique associé à la continuation du pouvoir colonial et que peut-on faire pour y mettre un terme ? »

Le vote, tel qu’il est pratiqué sous la « démocratie » Américaine, est le processus par lequel les gens (à l’exclusion des moins de 18 ans, des criminels condamnés, de ceux que l’Etat considère comme « mentalement incompétents, » et les immigrés sans papiers, y compris les résidents permanents), sont forcés de choisir des règles et des décideurs étroitement sélectionnés. Le collectif anarchiste Crimethinc observe : « Voter consolide le pouvoir de toute une société dans les mains de quelques politiciens. » Lorsque le processus se déroule sous une autorité coloniale, la seule option est la mort politique pour les Autochtones. En d’autres termes, voter ne peut jamais être une stratégie de survie sous la loi coloniale. C’est une stratégie de défaite et de victimisation qui prolonge la souffrance et le malheur historiques impliqués par le colonialisme de peuplement. Et alors que le sentiment de moindre mal peut être sincère, même les réformes marginales durement gagnées par le soutien populaire peuvent être facilement renversées par le trait de plume d’un politicien. Si voter est la participation démocratique à notre propre oppression, voter comme moindre mal est une politique qui nous maintient à la merci de nos oppresseurs.

Si beaucoup de gens de gauche – y compris des Autochtones radicaux – s’inquiètent de voir le pouvoir tomber dans des mains fascistes, ils ne se rendent pas compte que le pouvoir colonial est déjà solidement établi. Il n’y a rien d’intersectionnel dans la participation à et le maintien d’un système politique génocidaire. Il n’y a pas de solidarité significative à trouver dans une politique qui nous incite à rencontrer nos oppresseurs là où ils en sont. Voter comme moindre mal impose une fausse solidarité à ceux qui sont les plus vulnérables aux politiques et actions destructrices. En pratique, il s’agit d’une politique d’identité paternaliste, les progressistes s’efforçant d’identifier les candidats les moins dangereux et de se rallier à leurs campagnes. La logique du vote comme moindre mal soutient que quiconque fait face aux plus grands risques gagnera la protection du dénominateur le moins dangereux dans un système violemment autoritaire. Cette naïveté de colon met en danger plus de gens, de non-humains et de terres que le contraire. Généralement, ces mêmes activistes de gauche qui proclament que voter c’est le moindre mal, sont les mêmes qui dénoncent et essaient d’empêcher les actions directes et de sabotage qui « ne font que nuire à notre mouvement. » « Voter comme moindre mal » est le langage pacificateur de ceux qui font la police des mouvements.

Voter comme moindre mal est la couverture fournie par le gouvernement du parti démocrate dans laquelle nous allons dormir ou mourir.

S’organiser à partir de l’idée que voter est un acte de limitation des dégâts brouille les lignes de ce que le colonialisme de peuplement et de ressources impose.

Sous occupation coloniale, tout le pouvoir agit par la violence. Il n’y a absolument rien de « moins nuisible » à participer et perpétuer le pouvoir politique des forces d’occupation. Voter ne défera pas le colonialisme de peuplement, la suprématie blanche, l’hétéro-patriarcat ni le capitalisme. Voter n’est pas une stratégie de décolonisation. Tout le processus qui a conduit au « Vote Autochtone » a été l’imposition aux Peuples Autochtones de l’identité politique des États-Unis, nourrie de suprématie blanche et facilitée par le capitalisme.

LE VOTE AUTOCHTONE : UNE STRATÉGIE DE DOMINATION COLONIALE

Avant l’invasion des colons, les Peuples Autochtones avaient des organisations culturelles diverses et complexes largement incompréhensibles pour les envahisseurs européens. Dès leur conception, les États-Unis ont reconnu que les Peuples Autochtones étaient composés de Nations souveraines distinctes. La projection du statut de Nation a été commise selon les termes des colonisateurs qui avaient besoin d’entités politiques avec lesquelles signer des traités (essentiellement pour les buts de guerre et d’économie). Par conséquent, les organisations sociales des Peuples Autochtones ont fait face à une manipulation politique extrême, dans laquelle les rôles matriarcaux et des gens à deux-esprits étaient soit complètement ignorés ou purement et simplement attaqués. L’impératif du projet colonial des États-Unis a toujours été de miner et détruire la souveraineté Autochtone, c’est l’insidieuse non-nature du colonialisme.

En 1493, la Bulle Papale « Inter Caetera » a été publiée par le Pape Alexandre VI. Le document établissait la « Doctrine de la Découverte » et a joué un rôle central dans la stratégie de Christianisation de l’Espagne, pour s’assurer le « droit exclusif » sur les Peuples Autochtones réduits en esclavage et les terres envahies par Colomb l’année précédente. Ce décret rendait aussi parfaitement claire la menace du Pape d’assimiler de force les Peuples Autochtones au Catholicisme afin de renforcer l’ « Empire Chrétien ». Cette doctrine conduit au schéma général de guerres génocidaires et écocides menées par les colons européens contre les vies, les terres, l’esprit Autochtones et tout le monde vivant de nos parents non-humains. En 1823, la « Doctrine de la Découverte » a été intégrée à la loi des États-Unis afin de nier les droits territoriaux des Peuples Autochtones, dans l’affaire de la Cour Suprême, Johnson v. McIntosh. Le Président de la Cour Suprême John Marshall écrivit que les nations Chrétiennes Européennes avait assumé le contrôle total sur les terres de l’ « Amérique » durant l’ « Époque de la Découverte ». Et en déclarant leur « indépendance » de la Couronne Britannique en 1776, notait-il, les États-Unis avaient dans les faits et donc la loi, hérité l’autorité sur ces terres de la Grande-Bretagne, « en dépit de l’occupation par les Autochtones, qui étaient des païens… » Selon cette décision, les Peuples Autochtones n’avaient aucun droit comme nations indépendantes, mais seulement comme locataires ou résidents des États-Unis sur leurs propres terres.

La généalogie du vote Autochtone est liée aux pensionnats, à l’endoctrinement chrétien, aux programmes de lotissements et aux guerres globales qui ont établi l’impérialisme des États-Unis. Les politiques d’assimilation des États-Unis n’étaient pas faites comme une forme bienveillante de moindre mal, elles étaient une extension d’une stratégie militaire qui n’a pas pu réaliser complètement ses programmes de génocide. La citoyenneté a été imposée de force aux Peuples Autochtones comme partie intégrante de la stratégie coloniale de « Tuer l’Indien pour sauver l’homme. »

Il fut un temps où les Peuples Autochtones ne voulaient rien avoir à voir avec la citoyenneté américaine et le vote.

Katherine Osborn, une ethno historienne de l’Université d’Etat d’Arizona, déclare,

Les organisations politiques [Autochtones] ont une relation de gouvernement à gouvernement avec les États-Unis. Donc, leur statut politique est unique, et cela veut dire qu’ils ne sont pas seulement un groupe minoritaire espérant être intégrés dans l’ordre politique US. Pour les communautés Autochtones, protéger leur souveraineté comme nations tribales est leur préoccupation politique primordiale. »

Quand la constitution des États-Unis a été créée au départ, chaque état pouvait déterminer qui pouvait être citoyen à sa discrétion. Certains états accordaient rarement la citoyenneté et par là, conféraient le statut à des Peuples Autochtones sélectionnés, mais seulement s’ils dissolvaient leurs relations tribales et devenaient « civilisés ». Ça signifiait clairement qu’ils renonçaient à leur affiliation tribale, payaient des impôts et s’assimilaient complètement à la société blanche. Alexandra Witkin écrit dans Faire Taire un Tambour : L’Imposition de la Citoyenneté des États-Unis à des Peuples Autochtones, « Les premières politiques de citoyenneté reposaient sur la présomption qu’on ne pouvait faire allégeance qu’à une seule nation ; donc, les peuples avec une allégeance à une nation Autochtone ne pouvaient pas devenir citoyens des États-Unis. » Cependant, la préférence n’allait pas au respect et au maintien de la souveraineté Autochtone, mais la condamnait comme « incivilisée » et la minait par des tactiques extrêmes d’assimilation forcée.

Quand le 14ème Amendement de la Constitution Américaine a été ratifié, en 1868, il accordait la citoyenneté seulement aux hommes nés ou naturalisés aux États-Unis, ce qui incluait les anciens esclaves, mais était interprété comme ne s’appliquant pas aux Peuples Autochtones, à l’exception de ceux qui étaient assimilés et payaient des impôts. Le 15ème Amendement a été adopté en 1870 pour assurer le droit de tous les citoyens des États-Unis de voter sans discrimination de « race, couleur ou condition de servitude passée » mais était toujours interprété pour exclure les Peuples Autochtones qui ne s’assimilaient pas. En un sens, c’était un acte de dépossession de droits politiques, mais plus clairement, c’était une condition imposée aux Peuples Autochtones qui faisaient face à des campagnes militaires de terre brûlée et à la menace de marches mortelles de masse vers des camps de concentration. Le message était clair, « s’assimiler ou périr. »

En 1887, le Congrès US a fait passer la Loi Générale d’Attribution de Lots [de terres], plus connue sous le nom de Loi Dawes, qui avait pour but d’accélérer l’invasion coloniale, de faciliter l’extraction de ressources et de continuer d’assimiler les Peuples Autochtones à l’ordre social colonial. La Loi Dawes a marqué un glissement de la stratégie militaire vers l’économie et la politique, dans lequel les réserves furent séparées en lots individuels, dont seuls les « chefs de famille » mâles recevaient 65 hectares et toutes les terres restantes étaient mises en vente pour les envahisseurs blancs qui se précipitaient pour hériter leur « Destinée Manifeste. » Les Peuples Autochtones qui acceptaient des lots pouvaient obtenir la nationalité américaine, et, bien que ce fût la première loi du Congrès à donner ce statut, cela s’est fait au prix du sacrifice des identités culturelles et politiques des Peuples Autochtones à bien des égards, en particulier en brisant l’intégrité des sociétés Autochtones matriarcales. Avec la Loi Dawes, les terres Autochtones ont été réduites de 53 millions à 21 millions d’hectares. En 1890, la population Autochtone totale a été réduite à environ 250 000 de dizaines de millions au début de l’invasion européenne. Au contraire, la population de colons aux États-Unis a augmenté jusqu’à 62 622 250 la même année.

La destruction légale des Nations Autochtones souveraines a été parachevée par des décisions de la Cour Suprême, par le juge John Marshall, qui écrivait en 1831 que la Nation Cherokee n’était pas une nation étrangère, mais plutôt qu’ « Ils pouvaient, plus correctement, peut-être, être nommés nations domestiques dépendantes… Leur relation aux États-Unis ressemble à celle d’une pupille à son tuteur. »

Les campagnes militaires de génocide des États-Unis, connues collectivement comme les « Guerres Indiennes » sont supposées avoir pris fin en 1924. Cette même année, le Congrès a adopté la Loi de Citoyenneté Indienne (ICA), qui accordait la citoyenneté aux Peuples Autochtones mais autorisait toujours les états à décider s’ils pouvaient voter. Résultat, certains états ont interdit aux Peuples Autochtones de voter jusqu’en 1957. Jusqu’à l’adoption de l’ICA, qui était une action législative approuvée sans consultations, les Peuples Autochtones étaient considérés comme des « Sujets Domestiques » du Gouvernement des États-Unis.

La Confédération Haudenosaunee rejeta complètement l’imposition de la citoyenneté américaine par l’ICA et la déclara acte de trahison.

Joseph Heath, Conseiller Général de la Nation Onondaga, écrit :

La Nation Onondaga et les Haudenosaunee n’ont jamais accepté l’autorité des États-Unis de faire des citoyens des Six Nations des citoyens des États-Unis, comme le proclame la Loi sur la Citoyenneté de 1924. Nous avons trois traités avec les États-Unis : le Traité de Fort Stanwix de 1784, le Traité de Fort Harmor de 1789 et le Traité de Canandaigua de 1794. Ces traités reconnaissent clairement les Haudenosaunee comme des Nations séparées et souveraines. Accepter la citoyenneté des États-Unis serait une trahison de leurs propres Nations, une violation des traités et une violation de la loi internationale…

Ils rejetèrent l’ICA et,

…résistèrent à son application immédiatement après son adoption, parce qu’ils comprenaient historiquement et culturellement que ce n’était que le dernier acte de politique fédérale visant à prendre leurs terres et à forcer leur assimilation.

Heath ajoute que

Depuis plus de quatre siècles les Haudenosaunee ont maintenu leur souveraineté, contre l’assaut du colonialisme et de l’assimilation, et ils ont continué à faire leurs devoir de gardiens du monde naturel. Ils ont résisté à la déportation et aux lotissements ; ils ont préservé leur langue et leur culture ; ils n’ont pas accepté les dictats des églises chrétiennes ; et ils ont rejeté la citoyenneté forcée.

Il est important de noter, paradoxalement, que les architectes colonialistes de la constitution des États-Unis étaient fortement influencés par la Confédération Haudenosaunee.

Zane Jane Gordon, de la Nation Wyandotte, critiquait l’ICA à l’époque où elle a été adoptée,

Aucun gouvernement organisé… ne peut incorporer dans sa citoyenneté quiconque ou quelque formation que ce soit, sans un consentement formel… Les Indiens sont organisés sous la forme de ‘nations’ et ont des traités avec [d’autres] nations en tant que telles. Le Congrès ne peut pas les incorporer à la citoyenneté de l’Union par une simple loi.

Dans Défier les Frontières Américaines: Les Autochtones et le « Cadeau » de la citoyenneté U.S., Kevin Bruyneel écrit que le Chef Tuscarora Clinton Rickard, qui s’opposait énergiquement à l’adoption de l’ICA, « avait également été encouragé par le fait ‘qu‘il n’y avait pas eu de grande ruée parmi mon peuple pour aller voter aux élections de l’homme blanc.’ », Rickard déclarait

Avec nos anciens traités, nous attendions la protection du gouvernement. L’homme blanc avait obtenu la plupart de nos terres et nous pensions qu’il était obligé de donner quelque chose en échange, c’est-à-dire la protection du territoire qui nous restait, mais nous ne voulions pas être absorbés et assimilés dans sa société. La citoyenneté des États-Unis était seulement une autre manière de nous absorber et de détruire nos coutumes et notre gouvernement… Nous craignions que la citoyenneté ne mette aussi en péril notre statut selon les traités et n’amène des impôts sur nos terres. Comment un citoyen peut-il avoir un traité avec son propre gouvernement… C’était une violation de notre souveraineté. Notre citoyenneté était dans nos propres nations.

Les Haudenosaunee exprimaient aussi leur opposition à la politique des États-Unis d’imposition de la citoyenneté, à cause de la séparation de leur Nation par la frontière canadienne. Les Peuples Autochtones dont les territoires sont coupés par les frontières canadienne et mexicaine font toujours face à ces problèmes. L’imposition de la citoyenneté a séparé leur peuple politiquement le long de frontières coloniales.

Peut-être l’une des illustrations les plus claires des stratégies assimilationnistes, en ce qui concerne la citoyenneté et le vote, vient de Henry S. Pancoast, un des fondateurs du groupe chrétien suprématiste blanc l’Association des Droits des Indiens (IRA). Pancoast déclarait « Rien [à par la Citoyenneté des États-Unis] ne tendrait tant à assimiler l’Indien et à briser son étroite allégeance tribale, que de lui faire sentir qu’il a un droit et une voix distincts dans la nation de l’homme blanc. »

Le premier objectif déclaré de l’IRA était de « susciter la civilisation complète des Indiens et leur admission à la citoyenneté. » Les membres de l’IRA se considéraient comme réformistes et ont fait pression avec succès sur le Congrès pour établir le système des pensionnats, faire adopter la Loi Dawes, réformer le Bureau des Affaires Indiennes et faire passer la Loi de Réorganisation Indienne de 1834.

La citoyenneté U.S. a été imposée pour détruire la souveraineté Autochtone et faciliter le vol de terre à grande échelle. Jusqu’à aujourd’hui, le « Vote Autochtone » est lié à des conditions assimilationnistes qui servent des intérêts coloniaux.

ASSIMILATION : AL STRATÉGIE DE l’ÉMANCIPATION

Des actes historiques de répression des électeurs semblent contredire la stratégie de l’assimilation ; après tout, si les politiciens colons blancs désiraient tant que les Peuples Autochtones deviennent des citoyens, pourquoi, alors, les priver de leurs droits en même temps ? C’est la contradiction profonde du colonialisme aux États-Unis qui a été exprimée comme le « Problème Indien », ou, plus brutalement, la question de l’annihilation ou l’assimilation.

Comme il a été dit plus haut, ce n’est pas avant 1957 que les Peuples Autochtones ont pu voter dans tous les états des États-Unis.

Selon Katherine Osborn,

Certains états ont emprunté le langage de l’Article 1, Section 2, de la Constitution des États-Unis, qui exclut ‘les Indiens qui ne paient pas d’impôts’ de la citoyenneté et l’ont utilisé pour leur refuser le droit de vote. Des législateurs dans l’Idaho, le Maine, le Mississippi, le Nouveau-Mexique et l’état de Washington, ont refusé le droit à leurs citoyens Autochtones parce que ceux qui vivaient dans des réserves ne payaient pas d’impôts fonciers. Au Nouveau-Mexique, en Utah et en Arizona, des officiels des états ont avancé que vivre dans une réserve voulait dire que les Indiens n’étaient pas vraiment des résidents de l’état, ce qui faisait obstacle à leur participation politique.

  1. Osborne ajoute

l’Article 7, Section 2, de la constitution de l’Arizona déclarait ‘Aucune personne sous tutelle, non sain d’esprit ou fou, n’aura le droit de voter dans une quelconque élection’. Les législateurs d’Arizona comprenaient cela comme interdisant aux Indiens de voter, parce qu’ils étaient supposés être sous tutelle fédérale dans leurs réserves.

L’ancienne politique de citoyenneté des États-Unis vis-à-vis des Peuples Autochtones était claire : la privation de droits durerait jusqu’à ce que nous soyons assimilés et abandonnions nos statuts tribaux. La privation de droits était et est une stratégie qui met des conditions pour l’assimilation. La privation de participation politique a historiquement été la façon dont le système se régule et se maintient. Les suprématistes blancs qui contrôlaient la politique de régions ayant des populations Autochtones nombreuses craignaient de devenir des sujets minoritaires dans leur propre système démocratique. Ils ont souvent renversé les droits par des moyens violents, mais cela n’a jamais vraiment constitué une menace, en raison de l’ancrage de la suprématie blanche dans l’ensemble du projet colonial des États-Unis.

Ce n’est pas que la société de colons ait capitulé devant les intérêts Autochtones, c’est que les Peuples Autochtones – par la force ou par l’usure – ont été incorporés à la politique des États-Unis.

Peut-être que l’acte le plus clair est dans l’établissement des Conseils Tribaux. Par exemple, en 1923, le Conseil Tribal Navajo a été créé pour légitimer l’extraction de ressources par le gouvernement des États-Unis. Selon un rapport de la Commission Américaine des Droits Civils, le conseil tribal a été « créé en partie pour que les compagnies pétrolières aient quelques représentants légitimes des Navajos, à travers lesquels elles pourraient obtenir des baux sur des terres de la réserve dans lesquelles du pétrole avait été découvert. Le site web de la Compagnie de la Nation Navajo pour le Pétrole et le Gaz écrit « En 1923, un gouvernement tribal Navajo a été établi par le Bureau des Affaires Indiennes essentiellement pour approuver des accords de bail avec les compagnies pétrolières américaines, qui étaient impatientes de pouvoir commencer les opérations pétrolières dans les terres Navajo. »

Afin de parachever et maintenir la domination et l’exploitation coloniales, les colonisateurs ont formé et contrôlé l’identité politique des Peuples Autochtones. Les capitalistes ont encouragé et se sont attaqués à la dissolution de l’autonomie Autochtone. Le coût de la citoyenneté a toujours été notre souveraineté, les conditions de citoyenneté ont toujours été au service de la suprématie blanche.

Que les Peuples Autochtones se soient vu accorder le droit de vote en 1923, cependant que nos pratiques religieuses ont été illégales jusqu’en 1979, est un des nombreux exemples de l’incompatibilité de l’identité politique Autochtone dans les soi-disant États-Unis.

Les mouvements pour le droit de vote aux États-Unis ont combattu pour une participation égalitaire dans le système politique, mais n’ont pas réussi à dénoncer et abolir les systèmes d’oppression qui étayent la société coloniale. Après des décennies d’organisations, les femmes blanches ont célébré, en 1920, le suffrage qui leur avait été accordé en partie comme récompense pour leurs services dans la Première Guerre Mondiale. L’hétéro-patriarcat n’a pas été démantelé et les Noirs ont été volontairement ignorés dans leur campagne.

Lucy Parsons, une anarchiste Afro-Autochtone était parmi ceux qui critiquaient le suffrage à l’époque. Elle écrivait en 1905

Pouvez-vous blâmer une Anarchiste qui déclare que les lois faites par l’homme ne sont pas sacrées ? …Le fait est que c’est l’argent, pas les suffrages, qui règne sur les gens. Et les capitalistes ne prennent plus la peine d’acheter les électeurs, ils achètent simplement les ‘serviteurs’ après qu’ils aient été élus pour ‘servir’. L’idée que le vote du pauvre apporte quoique ce soit est l’illusion suprême. L’urne n’est que le voile de papier qui cache les trucages.

Les Afro-Américains ont souffert pendant des décennies des « Lois Jim Crow », suprématistes blanches, qui imposaient la ségrégation raciale et étaient conçues pour leur retirer leur pouvoir politique. Ces lois racistes sont restées en place, jusqu’aux puissantes mobilisations du mouvement des droits civiques des années 1960. Le gouvernement des États-Unis a appliqué, dans les années 1950 et 1960, une législation qui comprenait la loi sur les droits de vote de 1965, qui fut critiquée par des Nationalistes Noirs révolutionnaires comme Malcom X :

Le bulletin de vote ou la balle ; si vous avez peur d’utiliser une expression comme celle-là, vous devriez quitter le pays ; vous devriez retourner dans les champs de coton ; vous devriez retourner dans la rue. Ils obtiennent tous les votes des Noirs, et une fois qu’ils les ont eus, le Noir n’a rien en retour.

Les mouvements radicaux ont soit été confrontés à la violence et la répression extrême de l’état, ou ont été systématiquement assimilés dans le milieu politique des États-Unis. Le complexe industriel des ONG a opéré comme allié occulte des agissements impérialistes des États-Unis pour réprimer et pacifier (voir La Révolution ne Sera Pas Financée par INCITE !). C’est peut-être la méthode de la machinerie politique des États-Unis pour réduire les dommages ou l’impact des vrais mouvements pour la justice sociale et environnementale. S’ils ne peuvent pas tuer ou emprisonner les organisateurs, ils peuvent toujours les fourrer dans la bureaucratie ou faire de leurs luttes des business. En fin de compte, tout le monde ne peut pas devenir suprémaciste blanc, mais tout le monde peut être capitaliste.

Tant que le système politique et social reste intact, le droit de vote, bien que des suprémacistes notoires y résistent, est toujours le bienvenu, tant que rien ne change fondamentalement dans la structure politique générale. L’égalité politique de façade peut se produire sous une occupation violente, mais la libération ne peut pas venir des urnes de l’occupant. Dans le contexte du colonialisme de peuplement, voter est le « devoir civique » de maintenir notre propre oppression. C’est intrinsèquement lié à une stratégie d’extinction de nos identités culturelles et de notre autonomie.

L’existence continue des Peuples Autochtones est la plus grande menace pour le projet de colonialisme de peuplement des États-Unis, car nous pourrions un jour nous rebeller et affirmer notre position souveraine sur nos terres, réfutant la Doctrine de la Découverte.

Dans ‘Custer Est Mort pour vos Péchés’, Vine Deloria Jr. idéalisait « les Autochtones, non comme sujets passifs recevant les droits civiques et l’incorporation dans l’État-nation, mais comme peuples colonisés exigeant activement la décolonisation. »

ON NE PEUT PAS DÉCOLONISER LES URNES

Comme l’idée de la « démocratie » américaine repose sur la loi de la majorité, sans une poussée démographique extrême, les électeurs Autochtones seront toujours à la merci d’alliés politiques « bien intentionnés ». Former un bloc électoral Autochtone qui s’aligne à un quelconque parti, un politicien ou une loi des colons qui semble faire moins de mal, n’est pas une stratégie pour exercer un pouvoir politique, c’est un syndrome de Stockholm.

Le vote Autochtone tente aussi de produire des politiciens Autochtones. Et quel meilleur moyen d’assimiler la loi que lui donner un visage familier ? La stratégie de voter pour mettre des Peuples Autochtones dans une structure de pouvoir colonial n’est pas un acte de décolonisation, c’est sa réalisation. Nous avons une histoire de gens de nos peuples utilisés contre nous par les forces coloniales, particulièrement les Peuples Autochtones assimilés jouant le rôle de « Scouts » pour aider l’armée de l’ennemi. Dans un seul cas répertorié, des Scouts Ndee (Apaches Cibicue) se sont mutinés contre les États-Unis quand on leur a demandé de combattre leur propre peuple. Trois scouts Ndee ont été exécutés pour cela.

Peu importe ce que vous avez été amenés à croire d’un politicien qui cherche une position, en fin de compte ils doivent jurer de respecter un serment au système même qui a été conçu pour nous détruire, nous et nos modes de vie. Le serment des membres du Congrès dit :

Je jure (ou affirme) solennellement que je soutiendrai et défendrai la Constitution des États-Unis contre tous les ennemis, étrangers ou nationaux ; que je lui porterai une foi et une allégeance véritables, que je prends cette obligation librement, sans réserve mentale ni intention de me soustraire, et que je remplirai bien et fidèlement les devoirs de la fonction que je suis sur le point d’exercer : Que Dieu me vienne en aide.

Même si on suppose que leurs valeurs culturelles et leurs intentions s’alignent sur celles du peuple, il est rare que des politiciens ne soient pas liés à des donateurs. Dès qu’ils sont élus, ils sont aussi confrontés sans relâche à des lobbys d’intérêts spéciaux soutenus par des millions et des millions de dollars, et, même s’ils ont déclaré les meilleures intentions, ils sont inévitablement mis en minorité par leurs pairs.

Aujourd’hui, nous avons des candidats qui ont été élus avec des promesses de mettre fin aux enlèvements et assassinats en masse de femmes, filles et deux-esprits Autochtones, et que proposent-ils ? Ils n’accusent pas les colonisateurs de ressources qui détruisent nos terres, et dont l’industrie même précipite cette crise de trafic humain et de violence de genre extrême. Ils ne proposent pas d’en finir avec le capitalisme et le colonialisme de ressources. Ils proposent des lois et plus de flics, avec plus de pouvoir, pour faire appliquer ces lois à nos communautés. Alors, bien que nous traversions une épidémie de violences policières et de meurtres de nos peuples, les politiciens Autochtones s’opposent à cette crise en en créant une autre pire encore pour notre peuple. C’est la réalisation du génocide assimilationniste culturel de « tuer l’Indien pour sauver l’homme. » Avec le vote, la participation et l’approbation de la violence de ce système, vous tuez l’Indien et devenez « l’homme. »

Les politiques tribales, locales et régionales se situent dans le même model colonial qui profite à la classe dirigeante : les politiciens s’occupent des règles et de réglementer, la police et l’armée les appliquent, les juges emprisonnent. Peu importe qui et à quelle échelle, aucun politicien ne pourra jamais représenter les modes de vie Autochtones dans le cadre d’un système politique établi par le colonialisme.

Une forme de colonialisme moins nuisible, c’est de la fantaisie. Le processus de déconstruction coloniale ne se produira pas par le vote. On ne peut pas décoloniser les urnes.

REJETER L’AUTORITÉ COLONIALE, C’EST À DIRE NE PAS VOTER

Voter aux élections du colonisateur maintient les Peuples Autochtones dans l’impuissance.

Notre pouvoir, généralement parlant, ne provient pas d’une règle de majorité non-consensuelle imposant de haut en bas des lois faites par des hommes, mais découle de la relation, et en proportion, avec tous les êtres vivants. C’est un pouvoir corporel et spirituel qui a été en vigueur depuis des temps immémoriaux et c’est ce qui a permis aux Peuples Autochtones de rester en vie durant plus de 500 ans de violence coloniale extrême.

Le regretté Ben Carnes, puissant avocat des Choctaw, est cité dans un article de Mark Maxey sur le vote Autochtone, disant

Ma position est que je ne suis pas citoyen d’un gouvernement qui perpétue ce mensonge que nous sommes. L’esclavage était légal, tout comme Jim Crow, mais le fait que c’est la loi ne la rend pas bonne. Nous ne l’avons pas demandé, la loi sur la citoyenneté nous a été imposée comme un pas de plus dans le conditionnement social et mental des Autochtones pour confisquer leur identité. C’était aussi une méthode législative de circonvenir la clause « pas d’impôts pour les Indiens » de la Constitution, justifiant ainsi l’imposition de taxes. Le système électoral des États-Unis est une méthode très malsaine par laquelle les candidats peuvent être achetés par les meilleures offres (contributions) des grandes entreprises. La mentalité qui consiste à voter pour le moindre de deux maux est un faux standard pour justifier l’existence d’un système à seulement deux partis. Il n’y a pas de contrôles ni de contrepoids pour assurer que les fonctionnaires se conforment à la volonté du peuple. La chose doit être complètement supprimée, tout comme le gouvernement lui-même.

Voter ne réduira jamais les « dégâts » tant que l’occupation coloniale et l’impérialisme des États-Unis règneront. Pour guérir, nous devons empêcher le mal de se produire, pas l’atténuer. Ça ne signifie pas simplement s’abstenir ou ignorer les problèmes jusqu’à ce qu’ils passent, ça signifie développer et mettre en œuvre des stratégies et des manœuvres qui permettent l’autonomie des Peuples Autochtones.

Comme nous ne pouvons pas nous attendre à ce que ceux qui ont été sélectionnés pour diriger ce système prennent des décisions qui profitent à nos terres et nos peuples, nous devons le faire nous-mêmes. L’action directe, ou expression non-médiatisée du désir individuel ou collectif, a toujours été le moyen le plus efficace pour changer les conditions de nos communautés.

Que pouvons-nous obtenir du vote que nous ne puissions pas obtenir directement pour nous-mêmes et nos peuples ? De quelles manières pouvons-nous nous organiser et prendre des décisions en harmonie avec nos divers modes de vie ? De quelles manières les immenses ressources matérielles et l’énergie mises en jeu pour persuader les gens de voter peuvent-elles être redirigées vers les services et le soutien dont nous avons réellement besoin ? De quelles manières pouvons-nous diriger notre énergie, individuellement et collectivement, dans des actions qui auraient un effet immédiat sur nos vies et la vie de ceux qui nous entourent ?

Il ne s’agit pas seulement d’une position morale, mais d’une position pratique et ainsi, nous assumons nos contradictions. Nous ne nous rallions pas à une prescription parfaite pour la « décolonisation », ni pour une multitude de Nationalismes Autochtones, mais pour une grande déconstruction du projet colonial de peuplement qui englobe les États-Unis d’Amérique, afin de pouvoir restaurer des relations saines et justes avec Notre Mère la Terre et tous ses êtres. Nous tendons vers des luttes anticoloniales autonomes qui interviennent et attaquent l’infrastructure essentielle sur laquelle reposent les États-Unis et ses institutions. Notablement, ce sont ces régions de nos pays les plus menacées par le colonialisme de ressources. C’est là que le système est le plus susceptible de rupture, c’est la fragilité du pouvoir colonial. Nos ennemis ne sont qu’aussi puissants que l’infrastructure qui les soutient. Le résultat brut de l’assimilation forcée est que nous connaissons nos ennemis mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes.

Quelles stratégies et actions pouvons-nous concevoir pour rendre impossible pour ce système de gouverner dans un pays volé ?

Nous ne défendons pas de solution étatique, une politique européenne lavée plus rouge, ni quelle qu’autre fantaisie coloniale d’« utopie ». Dans notre rejet de l’abstraction du colonialisme de peuplement, nous ne projetons pas de saisir le pouvoir d’état colonial mais de l’abolir.

Nous ne cherchons rien d’autre que la libération totale.

[Parution] Pas de capitulation spirituelle. Anarchie autochtone en défense du sacré. (Klee Benally)


446 p. // 14 euros (-30% pour les librairies)
Éditions Tumult // été 2024

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“Il y a une raison qui a fait que les colonisateurs devinrent si furieusement effrayés par les chants et la Dance du Fantôme des peuples autochtones. Que leur médicine fut une telle menace. Bien que les champs aient été brûlés et les bisons massacrés, les envahisseurs savaient qu’ils ne pourraient jamais se battre contre la force de la nature. Que les peuples autochtones ne seraient pas complètement vaincus à moins que nos esprits soient coupés du sol sacré. Ainsi, les profanations ont précédé les massacres. Les esprits inébranlables de la terre et de nos ancêtres sont toujours vivants, ainsi que notre spiritualité, et des sites sacrés sont toujours attaqués à ce jour par des nouvelles mines, centrales photovoltaïques, oléoducs, lignes à haute tension, usines. Le génocide culturel et physique, la profanation de la Terre continuent sous le signe fatal d’une transition énergétique entamée par une civilisation au bord du précipice. C’est seulement à Nahasdzáán, Notre Mère la Terre, que nous devons rendre des comptes et pour laquelle nous prenons nos responsabilités. Notre affinité est avec les montagnes, le vent, les fleuves, les arbres et autres êtres, nous ne serons jamais les patriotes d’un quelconque ordre social politique. En tant que force ingouvernable de la Nature, nous défendons, protégeons et prenons l’initiative de frapper.”

Sommaire

TʼAALAʼI – ENRAGER EN BEAUTE
Enrager en beauté
L’illettrisme du colonialisme de peuplement

NAAKI – DEFENDRE LE SACRE
Défendre le sacré
Dook’o’oosłííd et les politiques de génocide culturel
Sous Standing Rock
Une existence profanée
La politique du pain frit

TAA’ – ATTENDEZ-VOUS A LA RESISTANCE
Action directe autochtone
Une solidarité décoloniale
Táala Hoghan
Pas d’allégeance
Voter n’est pas choisir le moindre mal
Déraciner le colonialisme

DÍÍʼ – ANARCHIE AUTOCHTONE
Covid-19, colonialisme de ressources et résistance autochtone
Inconnaissable : contre une théorie anarchiste autochtone
L’autonomie sacrée
Vers le néant colonial : la destruction du colon est une cérémonie

Extrait de l’introduction

Yáát’ééh shik’éi dóó shidine’é, Shi éi Klee Benally yinishyé, Todichiini bashishchiin, Nakai Diné’ dashinalí, shí ma éí bilagaana ado bilagaana dashicheii. Ákót’éego diné nishłį́. Dził Yijiin déé’naashá ndi Kinłani kééhasht’į́. Ce livre est le fruit d’une tension entre l’expérience vécue et les enseignements culturels. L’écrire a été un tourment et une joie fanatique. Ce processus a été un conflit entre les défis et les bénédictions de mon éducation par le biais de la cérémonie, et les antagonismes pernicieux de l’enseignement académique et des politiques gauchistes qui m’ont conduit à ce que j’ai adopté, avec des réserves, comme antipolitique anticoloniale. En écrivant et repensant mon travail précédent et mon évolution (ou désintégration), je me suis rendu compte combien – très probablement grâce à une leçon transmise par certains de mes aînés – j’avais résisté à l’attraction vers un point fixe. Vous me trouverez intentionnellement belliqueux et évasif ici et là. Je ne m’excuse ni pour l’un ni pour l’autre. Ce que j’ai appris de la vie, je l’ai appris par la cérémonie. Ce que j’ai appris de la politique, je l’ai appris de beaucoup de violences politiques et en m’organisant pour intervenir par des moyens aussi bien réactifs que proactifs. J’ai tendance à dériver loin des textes de Terre brûlée du terrain universitaire. Si mes conclusions de cette expérience vous frustrent (ce dont j’avais anticipé que ce serait le cas pour beaucoup), je suggère que vous accumuliez tout ce que vous pourrez recueillir en consultant vos aînés, en participant à des cérémonies, et en examinant d’un œil critique les échecs de l’activisme progressiste, ce qui serait tout aussi utile – si ce n’est plus. Certains s’empresseront de qualifier ce livre d’ « ethnocentrique » mais ce n’est que de la paresse. Vous ne trouverez ici aucune proposition ou hypothèse de supériorité ethnique. Je suis métis, élevé par Tádídíín K’eh Atiin et j’ai beaucoup d’expériences pratiques dans les luttes en première ligne sur des terres sacrées, en nommant ce qui est merdique dans ce monde de mon point de vue amer (je suis né pour le clan Tódích’íí’nii, l’Eau Amère, après tout). Ce livre est devenu un peu plus autobiographique que je ne le voulais au départ, ce qui est étrange car j’ai généralement un léger dédain pour ce genre d’histoires. En écrivant ceci, je n’arrêtais pas de réfléchir à certaines expériences qu’il me semblait judicieux de faire connaitre, qu’elles soient bonnes, mauvaises ou entre les deux. En relisant des textes qui m’avaient inspiré à un moment de ma vie, en parcourant des vieilles brochures, et les nouvelles polémiques en ligne ou pas, et en analysant mon évolution en tant qu’antagoniste et écrivain, il m’est difficile de ne pas remarquer à quel point les contradictions de ces textes ressortent encore plus. J’essaie d’aller à ce qui compte, d’accepter les imperfections – et probablement, je ne prends pas certaines choses aussi au sérieux que vous pourriez en les lisant. Vous trouverez des répétitions et des incohérences dans le texte, surtout dans les passages écrits au cours de différentes périodes de ma vie, et de l’évolution qui s’en est suivie. J’ai amélioré certains passages déjà écrits, laissé d’autres intacts et ajouté quelques notes. Il y a aussi des passages où je passe du je au nous – pour la plupart à cause du contexte, mais je n’ai jamais beaucoup aimé le « je ». « Nous » m’a toujours semblé plus approprié pour inviter, et certains passages ont été écrits collectivement. Je vous invite aussi à lire cet ouvrage de façon non linéaire (dans l’ordre et dans le désordre). Je parle du sacré, mais je suis mesuré dans ce que je partage, ainsi vous ne trouverez pas d’ « exploration du savoir spirituel Diné ». J’ai été élevé avec le sentiment que ce savoir sacré ne devrait pas être livré à des pages, des mots, des enregistrements, et ne devrait pas être traduit. Cela peut sembler contradictoire dans un livre sur la défense du sacré, et c’est le cas. Le désir de « faire partie du sacré » est un désir foireux du New Age anthropologique colonial. Les autopsies fétichistes de la profanation du sacré autochtone remplissent des étagères, des musées, des salles de vente aux enchères, des magasins de souvenirs – et des comptes en banque. Si vous comptez trouver ici une telle validation, je suis heureux de vous décevoir. Si vous avez lu ce livre et trouvé des moyens d’améliorer votre activisme, vous l’avez mal lu. Quand je parle de libération, ce n’est pas pour fomenter un énième projet de justice sociale, c’est une agitation inclusive et fervente contre la domination et l’exploitation de l’existant, car la libération de notre Mère la Terre, c’est la libération de tout ce qui existe. Plus que toute autre chose, ce livre est pour toi, cher voyageur, à contre-courant du temps des colons, qui écoute les murmures des voix ancestrales et qui est déchiré dans l’espace entre le cauchemar et le rêve qui constitue cette existence maltraitée. En désirant quelque chose de plus, ou peut-être par inquiétude, curiosité, ennui ou quelle que soit l’impulsion qui vous a mené à lire ces mots, nous y voilà. Si vous êtes venu chercher des réponses, vous pourriez trouver un peu de taquinerie mêlée d’angoisse. J’ai écrit surtout dans cet espace profane et étroit entre l’invocation et la provocation, cet espace qui désoriente et où le processus de guérison vit aussi. Il s’agit d’une histoire dans et hors du temps, le long d’un chemin sur lequel je suis aussi un voyageur. Asseyez-vous un moment, prenez du thé. Il faut que je m’occupe de tout un fatras – de mots maintenant cristallisés qui ont été un jour autant d’éclats de verre.