APPEL A SOUTIEN ! LA DATE DE COMPARUTION DES AUTOCHTONES DE FLAGSTAFF AYANT MANIFESTÉ LE ‘JOUR DES PEUPLES AUTOCHTONES’ EST FIXÉE AU 16 JANVIER !
Une fois de plus, des activistes Autochtones ou immigrés ont été arrêtés à Flagstaff pour avoir participé à une manif qui s’était déroulée… le 8 octobre 2018. Ils doivent passer au tribunal le 16 janvier 2020. Ce n’est pas nouveau, ils ont été arrêtés à de nombreuses reprises, avec des accusations qui ne tiennent pas debout. Là, il s’agit d’ « Obstruction d’une voie de circulation importante ». Ce qui implique que toute manif est illégale, vu que généralement ça bloque momentanément la circulation. Mais le plus choquant est qu’ils ont été poursuivis longtemps après la manif, sur la base de caméras de surveillance et d’espionnage de leurs comptes sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas nouveau non plus. En 2012, ils ont été arrêtés pour une action dans laquelle j’avais été le principal témoin. Mais ils ont attendu deux mois et demi pour les poursuivre, afin de s’assurer que les témoins n’étaient plus là ou avaient oublié. Il est arrivé aussi, qu’après une manif, les flics les fassent descendre de force du trottoir, pour pouvoir prétendre qu’ils avaient causé des troubles et bloqué la circulation. Surtout, dans toutes ces affaires, le racisme et la haine des Autochtones sont évidents. Ils ont besoin de soutien, moral et financier.
Christine Prat
La date de comparution des manifestants de la ‘Journée des Peuples Autochtones’ de Flagstaff est fixée
Les organisateurs dénoncent une attaque politique et la surveillance d’Etat
Publié le 16 décembre 2019
Par Indigenous Action Media
Traduction Christine Prat
Appel :
- Rassemblez-vous et soyez nombreux dans la salle du tribunal pour le procès, le 16 janvier 2020 de 8h30 à 16h30, et le vendredi 17 janvier de 13h30 à 16h30.
- Envoyez des dons pour couvrir les frais de justice à gofundme.com/f/support-the-ipd3
- Partagez, faites savoir : #indigenouspeoplesdayFlagstaff #supportIPD3
Flagstaff, Arizona – Trois défenseurs de la justice sociale et environnementale, qui se nomment « les Trois de la Journée des ‘Peuples Autochtones’ », comparaitrons le 16 janvier 2020, de 8h30 à 16h30 et le vendredi 17 janvier de 13h30 à 16h30, devant la Cour Municipale de Flagstaff (15N Beaver St, Flagstaff, AZ 86001) pour des accusations résultant d’une manifestation qui s’est déroulée à Flagstaff, lors de la ‘Journée des Peuples Autochtones’ en 2018.
Le 8 octobre 2018, le jour même où la Ville de Flagstaff annonçait officiellement la célébration de la ‘Journée des Peuples Autochtones’, plus de 40 personnes se sont rassemblées et ont défilé dans le centre de Flagstaff pour dénoncer l’hypocrisie de la Ville et sa déclaration vide. La manifestation avait été tenue comme appel à la justice pour les Femmes Autochtones Disparues ou Assassinées, pour dénoncer la criminalisation des migrants conduisant à des déportations et des détentions massives, pour dénoncer la responsabilité de la Ville de Flagstaff dans la profanation des Pics San Francisco, la criminalisation des Autochtones sans abri, et le profilage racial hors de proportions et les arrestations auxquels les Autochtones sont confrontés.
Une douzaine d’agents de police de Flagstaff ont utilisé des caméras pour contrôler la manifestation. La Police de Flagstaff et la Force de Renseignement sur les Gangs et l’Immigration ont alors ouvert une enquête qui a duré des semaines et a utilisé les médias sociaux, ainsi qu’un informateur non identifié, pour fonder une accusation d’« Obstruction d’une Voie Principale de Circulation ». Au total, onze personnes ont été accusées. Sept d’entre elles ont accepté un ‘accord’ impliquant 40 heures de travaux d’intérêt publique ou une amende de $150.
Klee Benally, depuis longtemps défenseur des droits à Flagstaff, et l’un des trois qui devront comparaitre dit : « Nous faisons face à une attaque politique évidente de la part des forces de l’ordre de Flagstaff, et entre autres, d’un niveau inquiétant de surveillance. Le fait que nous soyons visés et criminalisés pour combattre pour la justice pour notre communauté souligne l’hypocrisie de la célébration d’une ‘Journée des Peuples Autochtones’ ici, à Flagstaff. Les politiciens veulent célébrer, alors qu’ils camouflent leur rôle dans l’assassinat des cultures Autochtones avec leur contrat de vente de près de 700 millions de litres d’eaux usées pour faire de la neige sur les Pics San Francisco. Ils détournent leur regard tandis que le profilage racial, les raids de ICE [Forces de l’Immigration et des Douanes], les déportations et la violence policière se déploient. Ils ferment les yeux sur les appels des SDF à mettre un terme à leur politique anti-sans abri. La répression de l’état ne nous réduira pas au silence, nous continuerons à résister et à combattre l’injustice pour la terre et les gens. C’est l’enjeu véritable de ce procès. »
Sumayyah Dawud, une défenseuse des droits humains qui vit à Phoenix, Arizona (territoire Akimel O’odham), qui doit également être jugée, dit : « C’est extrêmement hypocrite, de la part de la Ville de Flagstaff, de prétendre honorer les Autochtones en leur attribuant un Jour officiel, tout en continuant à les surveiller exagérément et à les mettre en état d’accusation pour avoir défilé sur leur propre terre. C’est la continuation de plus de 500 ans de colonialisme. C’est lamentable de voir comment le Service de Police de Flagstaff, coopérant avec d’autres services de police, ont fouillé les médias sociaux et utilisé toutes sortes de techniques de surveillance pour identifier et poursuivre des activistes qui ne faisaient qu’utiliser le droit à la parole et au rassemblement. Dans cette affaire, la surveillance est empreinte de profilage racial, d’homo/transphobie et d’autres formes de préjugés. Ayant été moi-même confrontée à la surveillance et les poursuites pour avoir participé à des manifestations à Phoenix et ailleurs, je suis profondément inquiète sur les implications de cette attaque politique de la Ville de Flagstaff. Ces accusations infondées et injustes doivent être abandonnées. La Ville doit entreprendre une action significative pour honorer les Peuples Autochtones et en finir avec les injustices, au lieu de fournir une reconnaissance de pure forme par une ‘Journée’ officielle. Quelle que soit l’issue de ce procès, je continuerai à me battre pour la justice, la libération et l’égalité. »
Alejandra Becerra, ex-militante de la ‘Repeal Coalition’, qui doit également comparaitre, voit l’affaire comme une tactique du Service de Police de Flagstaff et du Service de Sécurité Publique d’Arizona, pour réduire au silence les objections de plus en plus fréquentes de la communauté locale au racisme camouflé et à l’injustice de leurs politiques. Trois jours avant la Manifestation de la ‘Journée des Autochtones’, trois femmes ont été arrêtées après s’être enchaînées sur le parking du Service de Police de Flagstaff, pour protester contre la collaboration de la ville et du comté avec l’ICE [Forces de l’Immigration et des Douanes]. Cela avait attiré l’attention sur le fait que les forces de l’ordre locales jouent un rôle crucial dans la criminalisation et la déportation de proches dans un système de détention violent, qui sépare des familles dans la communauté de Flagstaff. « J’ai parlé devant les mêmes agents qui ont fait des efforts incroyables pour mettre des contraventions et j’ai souligné une fois de plus le fait qu’ils sont le dénominateur commun de la mise en cage hors de proportions d’Autochtones et du système de déportation de masse qui fait disparaitre les sans-papiers. Qui et quoi prétendent-ils protéger ? Parce qu’en tant qu’immigrante, mère et individu qui se préoccupe de la justice sociale, je ne me sens pas en sécurité. »
Selon ses propres rapports, la police de Flagstaff arrête en moyenne 6000 personnes par an. Environ la moitié de ceux qui sont arrêtés sont Autochtones, bien qu’ils ne constituent que 11% de la population.
Un article publié récemment dans The Progressive décrivait l’affaire et avait fait appel à Chip Gibbons, conseiller politique et juridique du groupe de défense des libertés civiles ‘Defending Rights & Dissent’, dont les inquiétudes sur la nature politique des accusations ont pesé de tout leur poids.
« C’est clairement un acte destiné à intimider les manifestants et la liberté de parole », dit Gibbons. « La police était sur place et n’a apparemment rien vu qui aurait justifié d’empêcher les manifestants de bloquer la circulation, ce qui rend ces arrestations après coup complètement absurdes. »
Gibbons dit aussi qu’il était très préoccupé du fait que de la technologie de surveillance ait été utilisée pour permettre ces arrestations. « Les caméras portables, qui devaient être un moyen de responsabiliser la police, ont été transformées en un outil de surveillance » dit-il. « Associées au contrôle des médias sociaux, la police a pu identifier les manifestants et les faire comparaitre devant le tribunal. Le message est clair : Si vous vous exprimez politiquement, la police sait qui vous êtes et comment vous trouver. »
Gibbons voit cela comme faisant partie d’« une tendance nationale inquiétante, » qu’on retrouve aussi dans le contrôle des médias sociaux des groupes protestataires par la police de Boston, Memphis et Baltimore.
« Nous savons par les fichiers publics que le FBI a surveillé ou contrôlé continuellement les mouvements sociaux ou questionné les militants de ces mouvements, » dit Gibbons, « entre autres les mouvements pour la justice raciale, les protecteurs de l’eau de Standing Rock, et les activistes de Occupy ICE. »
Les 3 de l’IPD [Indigenous Peoples Day – Journée des Peuples Autochtones] demandent du soutien au tribunal et un rassemblement avant l’audience, le 16 janvier 2020, de 8h30 à 16h30, et le vendredi 17 janvier de 13h30 à 16h30.
Ils ont aussi organisé une collecte de fonds en ligne pour les frais de justice : www.gofundme.com/f/support-the-ipd3
Vous pouvez aussi faire connaître l’affaire en utilisant les mots dièze #indigenouspeoplesdayFlagstaff et #supportIPD3
Les organisateurs du rassemblement de la Journée des Peuples Autochtones appellent à ces actions immédiates :
- Continuer à boycotter Arizona Snowbowl et exiger de la Ville de Flagstaff qu’elle annule son contrat avec la station de ski.
- Mettre fin au profilage racial et à la collaboration avec l’ICE et de plus, travailler à l’abolition de la police dans nos communautés en établissant des réseaux de soutien communautaires et des options de justice transformatrices/réparatrices.
- Annuler l’ordonnance anti-camping et toutes les politiques anti-SDF.
- Faire des dons de sacs de couchage et de vêtements d’hiver pour nos parents sans abri à la Táala Hooghan infoshop (1704 N 2nd Street, Flagstaff).
En lire plus sur l’action du 8 octobre 2018 : https://chrisp.lautre.net/wpblog/?p=4706
Au lieu de faire de dons à des organisations à énormes budgets et d’acheter aveuglément à des capitalistes Autochtones, pourquoi ne pas fournir de soutien à ces projets et personnes Autochtones pleins de ressources et qui font un travail énorme avec très peu de soutien financier ? Voilà une occasion de participer et d’étendre ces efforts nécessaires au-delà du #givingtuesday.
Certains de ces projets ou de ces personnes ne sont pas explicitement anticapitaliste, mais nous savons que souvent, ce qu’ils font vient de leur poche et qu’ils donnent toujours beaucoup plus que ce qu’ils ne reçoivent ou que la reconnaissance qu’ils obtiennent.
R.I.S.E. SURVIE ET EMANCIPATION AUTOCHTONES RADICALES
R.I.S.E. est une initiative Autochtone destinée à porter les voix d’Autochtones Queer, Trans, à Deux Esprits [Homosexuels] et de communautés matriarcales. R.I.S.E. est une présence collective d’ancêtres Autochtones. R.I.S.E. est une résistance collective créée et dirigée par des Autochtones.
Dons/paypal : burymyart@gmail.com
KÉ’ INFOSHOP
Infoshop anticoloniale, anti hétéropatriarcale et anticapitaliste, située à Window Rock, Arizona, capitale de la Nation Diné/Navajo. Elle fonctionne avec le féminisme Autochtone comme principe et guide. Ké’ infoshop est un collectif Diné uni pour libérer nihi k’ei/nos proches.
Dons : www.Keinfoshop.org/donate
MAMMA JULZ
MAMA Julz (Julie Richards, Oglala Lakota) est une protectrice de l’eau de Alliance des Mères Contre la Meth[adone]. MAMA Julz travaille avec passion en première ligne pour protéger les terres sacrées, l’eau et sa communauté.
Paypal: julzzzzrich@gmail.com
DINÉ NO NUKES LEONA MORGAN
Résistance Autochtone au colonialisme nucléaire dans la Nation Diné/Navajo et au-delà.
Avec des projets comme Radiation Monitoring Project [projet de contrôle de la radioactivité]. Haul NO! [Contre le transport de matériaux radioactifs] et Nuclear Issues Study Group [Groupe d’Etude des Problèmes Nucléaires], Leona travaille sans relâche pour essayer de garantir un avenir sans nucléaire.
Dons : www.paypal.me/l30n4
COLLECTIF O’ODHAM CONTRE LA FRONTIERE
Des O’odham qui agissent et résistent contre la militarisation de la frontière et la construction du Mur frontière sur leurs terres sacrées.
Dons : www.paypal.me/antibordercollective
REPRENDRE L’ILE DE LA TORTUE [reclaim Turtle Island] LAKOTSIRAREH AMANDA
Utilisant les médias et l’action directe, Amanda est une force de la Résistance Autochtone au capitalisme de pillage des ressources.
Dons/Paypal : reclaimturtleisland@gmail.com
WARRIOR PUBLICATIONS
Warrior Publications est publié dans le territoire occupé de la Côte Salish (Vancouver, KKKanada). Son but est de promouvoir la culture guerrière, l’esprit combattant et les mouvements de résistance.
Dons/Paypal : zig_zag48@hotmail.com
TÁALA HOOGHAN INFOSHOP
Une infoshop Autochtone radicale et un centre de ressources pour l’action directe, situé à Kinłani/Flagstaff, Arizona. Durant tout l’hiver, ils s’organisent pour empêcher les SDF Autochtones de geler. Ils ont désespérément besoin de fonds.
Révélation : c’est un projet avec lequel nous travaillons beaucoup et soutenons par les ventes de notre boutique à www.indigenousaction.org.
Dons : www.paypal.me/indigenousaction
SAKEJ WARD
Sakej est un guerrier Mi’kmaq de la communauté d’Esgenoopetitj (Première Nation Burnt Church, Nouveau Brunswick). Il organise des ateliers de survie et des entrainements de guerrier dans toute l’Île de la Tortue.
Dons : Prendre contact sur Facebook www.facebook.com/sakej.ward
LOUISE BENALLY
Louise est Diné de Big Mountain, une région de Black Mesa où elle a résisté au déplacement forcé et au colonialisme de pillage des ressources pratiquement toute sa vie.
Dons : Prendre contact sur Facebook www.facebook.com/louise.benally.94
Nous serions heureux d’allonger cette liste, alors n’hésitez pas à nous contacter par mail à indigenousaction@gmail.com pour nous signaler des associations Autochtones.
Communiqué de Presse
Par Shawn Mulford
Publié par Protect The Peaks
5 décembre 2019
Egalement publié sur Censored News
Traduction Christine Prat
La Superviseure de la Forêt Nationale de Coconino, Laura Jo West, a approuvé une nouvelle ligne de télésièges, style téléphérique, dans la station de ski Arizona Snowbowl, en précisant que ça n’aurait pas d’impact significatif. L’Association des Hommes Médecine Diné [‘Navajo’] a objecté à cette affirmation en déclarant que « sur la base de notre étude de ce projet et des conclusions de l’actuelle Superviseure de la Forêt Nationale de Coconino Laura Jo West, selon lesquelles il n’y aurait pas d’impact significatif, nous constatons que rien n’a changé, que nos droits continuent d’être violés et que la Création du Créateur continue d’être détruite. »
Le Forestier Régional du Service des Forêts des Etats-Unis, Cal Joyner, étudiera toutes les objections au projet, y compris celle de l’Association des Hommes Médecine Diné. L’Association déclare qu’une « Déclaration d’Impact Environnemental » (EIS) doit être effectuée afin de démontrer clairement quel seront les impacts du projet. Sans Déclaration d’Impact Environnemental, le Service des Forêts ne remplit pas sa Responsabilité vis-à-vis des Tribus et Nations (Autochtones). »
Le Service des Poissons et de la Vie Sauvage des Etats-Unis (USFWS) est l’administration responsable de la protection des espèces menacées. Les Anciens Autochtones font remarquer que « Le Service des Poissons et de la Vie Sauvage a délibérément négligé d’entreprendre une étude sérieuse ou de visiter le site où pousse le séneçon des Pics San Francisco [packera franciscana]*, il s’est tout simplement rangé à l’avis de la Forêt Nationale de Coconino ». Après avoir appris que le Service des Forêts et le Service des Poissons et de la Vie Sauvage avaient fondé leur décision sur un plan de redressement d’il y a 32 ans, les hommes-médecine ont déclaré qu’« avec cette absence d’étude adéquate et en utilisant des données périmées, le Service des Forêts et celui des Poissons et de la Vie Sauvage n’avaient pas rendu compte du problème du séneçon [packera franciscana]*. » « Le séneçon est une plante que nous utilisons. Nous seuls, les gens sacrés qui avons des liens avec cette terre, comprenons cette plante médicinale. »
Les Anciens Autochtones disent : « Nous nous opposons à ce que le point zéro de cette zone d’impact ait été choisi pour ce projet. Le projet étant prévu sur une pente très raide au cœur de l’habitat du Séneçon des Pics San Francisco menacé, c’est de la négligence de la part du Service des Forêts et du Service des Poissons et de la Vie Sauvage que d’accepter ce projet sans tenir compte de la zone touchée. »
Dans le but de protéger le séneçon menacé, les Anciens déclarèrent : « Ce projet doit être retiré et la décision de la Forêt Nationale de Coconino annulée. Arizona Snowbowl ne voulant pas protéger la Plante Sacrée (Séneçon San Francisco), leur permis spécial d’utilisation doit être révoqué et expirer, pour le bien du grand public. »
* Le séneçon est une plante courante dans les pays tempérés. Des scientifiques trouvent le mot, qui appartient à la langue populaire, ambigu, il désigne plusieurs variétés qui ne peuvent pas être confondues. Le séneçon des Pics San Francisco est une variété rare et menacée que les scientifiques préfèrent appeler ‘packera franciscana’. Elle ne pousse que sur les pentes des deux plus hauts pics, la station de ski Snowbowl s’étant établie sur les pentes de l’un des deux.
Daiara Tukano, from the Tukano People of Brazilian Amazonia, was invited by the CSIA-Nitassinan, in October 2019. Her speech is a masterpiece in denouncing colonialism and capitalism. She delivered it in French, and I hope that my English translation is good enough to reflect her ideas.
Daiara is an artist, painter and musician. And a Warrior.
Christine Prat
Daiara Tukano Français
October 12th, 2019
Translation and photos Christine Prat
Anne Pastor, journalist: Let’s say that he [Bolsonaro] has taken a very clear position. I think that during his campaign, he even said that the laws protecting the forest were a hindrance for the economical development of the country, and he promised to break them. We feel that he is true to his words.
Daiara: That person seems, at least, to be very determined to do what he says, it was not necessarily the case with the previous government. But Amazonia has always been a target for all kinds of attacks, and the struggle of Indigenous Peoples in Brazil has been going on continuously for at least 519 years. The issue is not so much a government being more violent than another, violence is permanent. However, it has to be said that, at the moment, violence becomes institutionalized, through the discourse of the Head of State, which confers a kind of impunity to all the crimes committed on our territories and against our populations.
Journalist: He is even particularly lenient when it concerns the clear cutting of the forest!
Daiara; Yes! I am not sure that it is interesting to talk about that person, right at the beginning of this discussion. The Indigenous Movement has much more to say. Moreover, the title of the present discussion is ‘Our body, Our territory, Our mind’. ‘Our Territory’ was the name of the first Indigenous Women March, in August, in Brasilia, a march that was a very important moment, as women came from about everywhere in the country. We gathered 1500 women from everywhere, to walk and confront the situation created by the present government. Of course, Amazonia has always been endangered, at least for 500 years. In our territories, there is the exploitation of what is called natural resources, and also a continued colonial, racist relationship, with colonizers still trying to invade all our living spaces, not only the physical territories, the earth itself, but also to deny the existence of Indigenous Peoples. Thus, it is much more complicated than just the Bolsonaro government. It is clear that we have now reached a situation of deforestation that puts the whole forest in immediate danger. Some thirty years ago, when the Eco 92 took place in Rio de Janeiro, there were already 1000 warnings, showing that deforestation in Amazonia had a limit, that the forest was getting weaker, that it had reached an irreversible point, while at the time the limit was considered to be the clear cutting of 20% of the forest. In only one year of Bolsonaro government, with that impunity it guarantees to big farmers, big landowners, and the promise of mining, as well as attempts to soften all environmental rights to allow that exploitation, we are already far over those 20% that were supposed to maintain the forest standing. And it is not by chance that it is burning everywhere, through criminal actions, and it is not by chance either that the Big Industry, the Big Agribusiness and the Mining industry exert more and more pressure on the government – it was already happening under previous governments – to develop a discourse, in which, again, ‘economic progress’ does not give a damn about Indigenous Peoples lives, the life of the forest and everything in it.
Journalist: I thought it was important to talk about the present context and to state that indeed, since 2018, the process accelerated and that we are now confronted with a situation of real danger […]
So, there is indeed a climate of insecurity and violence that unfortunately exists in Brazil, in Amazonia…
Daiara: As I said before, this story has long existed, it is the history of colonization, the history of genocide, and, in the region where my People live, at the border between Brazil, Colombia and Venezuela, of all kinds of trafficking. This territory is also a target for this government to exploit mining, mainly near the Pico Da Nablina, where they mine for niobium, a metal that appears to be very expensive. But that exploitation process has always been pushed through a vision of development. And it must be said that colonization almost necessarily implies racism, which has become structural in our society and has created several mechanisms to weaken our Indigenous societies. It implies the denial of our identity, our culture, our languages, and the lack of all possible public policies by the State. Thus, our populations still have very little access to education, health, transportation, communication, etc., and are still deliberately made invisible by the media and those who own them, in government and in the big industry. Through my work, I see that it is the same everywhere in the world, be it in Siberia, where the forest is burning too and where territories are also attacked by illegal gold mining, in Canada or in the United States, where they have the same situation with oil exploitation. It is the same situation everywhere, it is the ongoing genocide, colonialism and racism, which is taboo in a society that believes it is globalized and post-colonial. For us, reality is quite different from what people learn at school and even in universities. Nobody talks about it, thus we must talk about it.
Journalist: This is why I said, at the beginning of our discussion, that it is time to listen to you, all the more so that you are a kind of ideas laboratory for tomorrow, at least as far as Amazonia is concerned. Anyway, it is saving the future of our planet as well and you, American Indians, but also the Peoples of Siberia, take a stand as the keepers of this nature. We must rethink the world and rethink its relationship with nature.
Daiara: For my part, I find perfectly cynical that XXIst century idea of asking Indigenous people how to save the planet. And I don’t like that word “American Indians”, because India is on another continent, and it is possible to use other words. So, if today 80% of the biodiversity on earth is on Indigenous Territories, it is not by chance, it is because of our culture, our relationship to the world, and the fact that we consider that we are ourselves part of Nature, not the owners of Nature. What is at stake is a series of values – we can use a dirty word – an epistemology, which is different in its relationship with the universe, and if we still exist as Indigenous Peoples, it is precisely because we have a way of thinking, an identity, a relationship with the world that have maintained themselves, that continue to exist. We have not yet been totally colonized, thus colonialism – too bad for you – is not totally realized, and we still resist, our existence is our resistance, and what we have to share is the possibility to have other values. I find very interesting that people started to talk, to think at last about colonization, as we are all children of colonization. We are not going to question history here, we are not going back in time, it is impossible. But when we talk about “de-colonial” thinking, we denounce a lot of violence but we are not proposing much. Thus, for my part, I prefer “counter-colonialism”, and what I mean by that is to share other values, those which exist in our societies. Sharing does not mean forcing other ideas upon people, but rather to share life relationships. Otherwise, some will say “What? Now Indigenous people want to colonize Europe!”, but we have little interest in that, it is a quite infertile territory. In opposition, what is fertile is the people’s interest and their desire to do something else. And what I can say about the forest, for instance – I talked about it in England, with our allies of Extinction Rebellion, who are making some noise everywhere – is that, although it is necessary and very important to stick posters and denounce violence, a forest cannot be planted with posters, and there is no B planet. It is important to love oneself and each other, it is important to plant a forest, and in order to plant a forest, you have to accept changes in your way of life. A forest has to be planted at least twenty years before it begins to be born. Thus, it is not a movement for a weekend, it is not something to just make a nice movie about, a documentary or a beautiful photo and then claim to support the Indigenous Peoples’ struggle. You really need to put your hands and feet in the soil and plant and dedicate yourself to keep life on this planet, as we all depend on each other.
Journalist: Thus, you do agree with me, you don’t use the same words, but you totally agree with what I said before. So, let’s talk about those rights of nature. And I would like to speak about Ecuador, a country where there is a lot of mining, but has been the first to include the Rights of Nature in its Constitution. The Sarayaku, a Native People, Kichua, want to do more: in July 2018, they proposed the Declaration of the Living Forest and they wish that the United Nations recognize that new category in their environment program. For over twenty years, that small community of 1200 people, also struggle to defend their territory, the biodiversity, their immaterial patrimony, against intruding by all kinds of exploitation projects and today, they are a model and mainly devote themselves to promoting that vision of cosmos in which, as you said so well, the forest is a living being, is sacred, and must be protected equally with the human beings, as we can see in the person of Patricia Gualinga, feminist environmentalist, a leader of the Kichua People of Sarayaku, that we might discover soon. In between, I imagine that you know the Kichua People of Sarayaku and that you also know Patricia Gualinga’s position, who present this concept everywhere, and that you share her ideas. At the moment, we get the impression that at last, a solidarity emerges, through a group of women, as often happens, demanding those Rights of Nature.
Daiara: I think that, among the people, the relationship we have with nature is a relationship with our Mother. Thus, Nature is necessarily a woman, as she bears all life in her womb, and, when women march, it is always with that large family, the whole forest and that womb that gave us all life. In some South American countries, they have the largest Indigenous population, it is so in Ecuador, in Bolivia and in Mexico. But in Brazil, the Indigenous population is supposed to be less than 1% of the national population, while in the above-mentioned countries, it is over 40%, thus quite a lot of people. Territorial and identity relationships are different, it is not by chance that in Ecuador and Bolivia, they managed to build a movement that created plurinational States, national States that recognize several nationalities and, among them, the Indigenous Nations. In Brazil, however, the idea that an Indigenous People could be a Nation is seen as a threat for the national State. Thus, it implies all the violence that we see, we are considered as terrorists. It is quite simple: if you are Indigenous, you were born as a criminal, in that vision that denies our territories. A territory has an identity, a territory has thoughts. Finally, I wish to pay a tribute to that warrior from Ecuador, and also affirm our solidarity with all that is happening in Ecuador right now. We have to support them on social networks, support everything happening there, because they are a crowd confronted with extreme violence, just because of Big Industry and everything that goes with it: slave work, sexual violence, denial of culture and territory. And it is again those people – it is not the first time – who are shaking their government, which, again, reacts with extreme violence, with murders, including murders of young children, in the streets.
[… Screening of a video about Patricia Gualinga, then question answered by Clarisse Da Silva, from Indigenous Youth of Guiana]
Journalist: […] When you hear Clarisse talk about the new generation, about that artistic work based on identity, I think that, in Brazil, you are also working that way, in your web radio…
Daiara: Yes, I am a coordinator of an Indigenous web radio, called Ràdio Yandê, on the Internet. We have a news portal broadcasting 24 hours a day, and also articles. We try to share what is happening in the Indigenous Movement, not only in Brazil but all around the world. We think that information and communication is the main conflict territory for us against all power relationships in this society. Talking about it in a different way is very interesting.
After all panelists had answered the questions, Daiara explained that she had come to deliver a message, but that the questions asked did not really allow her to do it. It was thus decided to skip the break and allow her more time to deliver her message.
Daiara: I think it is very interesting to build things together, specially with the other girls, because, if we travel to here, it is to find places where we can represent ourselves and be autonomous. We don’t really need any intermediary, we can talk directly, we can ask our own questions and deliver the messages we came here to bring. Thus, I thank you very much for this opportunity.
I shall introduce myself once more: I am Daiara Tukano, my people live at the border between Brazil, Colombia and Venezuela. Our territory is at the very center of Amazonia and is confronted with a situation of violence that never stopped since 1630, when the first Portuguese very quickly sailed upstream on the Amazon River. The colonization was very hard, very strong. They have always been seeking to exploit that Eldorado vision, that never stops, even on the Gold Mountains [‘Montagne d’Or’ is a disastrous mining project in the rainforest, in ‘French’ Guiana], and to force upon us a culture that, until today, has been denying our identity, our knowledge, and depicting our cultural practices as being from the Devil. Thus, we consider that the Indigenous Movement in Brazil always existed. For instance, my parents belong to that generation which, during the 1960’s, 1970’s and 1980’s, managed to build, on a constitutional level, recognized original rights that supersede all other rights, which are inviolable, which should be inviolable. However, the Brazilian State – not only the Federal Republic of Brazil, but the Empire and the Portuguese Crown before it, which also had policies toward Indigenous Peoples – never respected any agreement, any treaty, not even their own Constitution. Thus, today, more than ever, we are confronted with a violence that increases every day. Our country is huge, and it does not only include Amazonia. Of course, I come from a People that lives in Amazonia, but the Indigenous issue is not limited to Amazonia. Brazil is an almost continental country and the Indigenous population is everywhere. 40% of the Indigenous population lives outside Amazonia today, because that population lost its forest, lost its territory, which has been stolen, invaded. And this population is still submitted to violence by the same people, from the agribusiness, mining, and, even more now, under this government, self-declared extreme-rightist, which promotes ‘positive integration’, thus assimilation of Original Peoples’ culture. For instance, we have right now a Minister of Human Rights in Brazil, who is absolutely against Human Rights, on basis of a religious discourse – being herself from a neo-Pentecostal church, an evangelist – that still goes on, in the XXIst century, demonizing traditional practices, ‘denouncing’ violent practices that never existed, as infanticide for instance, and saying that for the sake of the traditional Christian family, we must be integrated into that society.
Thus, the discourse never changed for 519 years and violence only increases, as well as our invisibility and the denial of our identities, of our territories, that seems to be perpetual. This is why the movement always existed, and why Democracy, for us, has never been there. In Brazil, I don’t know where that so-called democracy is supposed to exist. Democracy exists only for those who have the economical power, it never existed for Indigenous Peoples. Thus, we don’t have any reason to trust the State or any institution, be it national or international, to obtain the respect and guarantee of the rights we demand as human beings. Because we ARE human beings. And our humanity is constantly violated in all kinds of ways. This is why our movement, today, is a movement demanding that rights that have been defended by the Constitution be respected. But should those rights not be respected, we shall implement them ourselves. This is the reason why I, personally, usually say that the ‘de-colonial’ idea is great, but de-colonizing has to be done by the colonizer. While we counter-colonize, by affirming our identity, recognizing our territory, stay on our territory, on all our territories, despite of all violence. The best example is that of the Peoples living outside of Amazonia. They are Peoples who, at a point in their history, saw their territory stolen, stolen by the State, sold by the Brazilian State to landowners. It is what happened to the Guarani Peoples, who are now in a situation of taking their territories back. Thus, on the Internet, you will find media claiming that ‘Indians are invading poor farmers’ properties’. Of course, those are private properties bought by families or given away by the State, or sold for almost nothing, for a banana price, ignoring that those territories were inhabited by Indigenous populations, and that those populations have been submitted to slaves’ conditions, to sexual violence, psychological violence and alienation of our identities. Thus, we are taking back. We are taking back our territories, we affirm our identity, and if the institutions, the non-native laws – the White never have reliable laws – what does legitimate what is happening? Those laws have never been respected, they are laws for nothing, they only exist on paper. But nobody respects their papers. Thus, what we do is work to remain alive. If it is sometimes necessary to defend our territory with our body, we do it. So, very soon, in November, a delegation of Indigenous Peoples of Brazil, including the main representatives of regional Indigenous organization – there are five regions in Brazil – a delegation of 15 people, will come to Europe, to several cities including Paris, to talk about a divestment campaign from big companies and international lobbies – like the soya lobby, the sugar cane lobby, beef and mining lobbies – and to expose, unmask the banks which are investing in genocide, the death industry, and wake up the European population about YOUR responsibility in all those Human Rights violations that are still going on in our territories. If Europe remains the main investor for those who promote all kinds of violence, while you still claim to be that space from where the so-called democracy originates, we should work together to fight them. To defend democracy in our lands means to defend democracy worldwide. To believe in the existence of Human Rights means to ensure that those Rights are respected everywhere in the world, not only at home. Thus, everywhere. Thus, if today, agribusiness, mining industry are killing entire populations, terminating civilizations, polluting all the waters of this planet, everybody suffers from the consequences of that violence, we are on the same ship and we have to work together. This is the message I wish to transmit. I hope that we shall be able to build, from now on, a true exchange. Thanks to you all.
As an answer to a question from the audience, Daiara made of few more points. About the ‘civil disobedience’ strategy, pushed forward by some European groups, she said that to be born as a Native was already considered as a kind of ‘terrorism’ and that, for them, ‘to disobey simply means existing’. She further explained that some population groups in the world are privileged, and that having privileges implies responsibilities. She insisted on the fact that the forest depends on the existence of Indigenous Peoples, who feel responsible for it and do their part of the job. She reminded the audience that the country that kills the most Human Rights and Nature Rights defenders in the world is Brazil. Indigenous peoples are in the frontline to defend Nature with their lives. She also pointed out that 80% of the biodiversity on the planet is in Indigenous territories. She thus remarked that cultural diversity was as important as biodiversity, as they depend on each other.
WENDSLER NOSIE SR. AU SERVICE DES FORETS U.S. : « JE RENTRE POUR PROTEGER CHICH’IL BILDAGOTEEL (OAK FLAT) »
Par Apache Stronghold [Le Bastion Apache]
21 novembre 2019
Publié par Indigenous Action Media
Egalement publié sur Censored News
Traduction Christine Prat
Wendsler Nosie Sr. a remis une lettre en mains propres au Service des Forêts des Etats-Unis à Washington D.C., pour notifier qu’il rentre auprès de son peuple, à Chich’il Bildagoteel (Oak Flat) et s’y établira de façon permanente afin de protéger le Site Sacré Apache et la liberté religieuse.
Dans sa lettre, Wendsler déclare, « Moi, Wendsler Nosie Sr., j’écris cette lettre pour notifier au Service des Forêts des Etats-Unis et au Congrès des Etats-Unis, que je vais rentrer chez moi, à Chich’il Bildagoteel, Oak Flat. Selon la politique du Service des Forêts des Etats-Unis, le Service des Forêts autorise ma présence sur le site pour des raisons religieuses et permettre l’accès aux zones importantes religieusement. C’est mon droit religieux, mon droit autochtone, et mon droit inhérent de retourner chez moi pour empêcher ce lieu d’être assassiné et pour protéger nos générations futures, ceux qui ne sont pas encore nés, afin qu’ils aient droit à leur identité et à leurs croyances religieuses. Il va falloir une éducation religieuse à ce pays pour qu’il comprenne ce qui arrive à la Terre. C’est un meurtre qui est en train d’être perpétré contre un être vivant et une religion, si rien n’est fait par nos dirigeants au Congrès pour protéger nos Lieux Sacrés et empêcher ce meurtre par Resolution Copper. Le pays comprendra alors ce que c’est qu’un meurtre et qui sont les responsables qui tuent la Terre, l’Eau et une Religion. Le Gouvernement des Etats-Unis continue d’ignorer la religion des Autochtones et la tromperie sur la façon dont l’Amérique a été fondée. »
Wendsler devait partir de la Réserve Apache de San Carlos le matin de Thankstaking, jeudi 28 novembre 2019, et comptait arriver au Camp de Oak Flat samedi 30 novembre à 13h. Tout le monde est bienvenu pour l’accompagner sur les 45 miles [72,5 km] de ce voyage spirituel pour protéger le Site Sacré Apache Chich’il Bildagoteel. Il a l’intention d’y rester pour garder le site sacré contre ceux qui cherchent à violer son droit religieux d’y être. Les Autochtones ont conduit la lutte pour bloquer le transfert de terrain à une entreprise étrangère pour le projet de mine de cuivre, Resolution Copper.
Des guides spirituels de tout le pays doivent rejoindre Wendsler sur son chemin, par solidarité. Le Révérend Dr. William Barber II et une délégation de la Campagne pour les Pauvres seront là demain. Il espère arriver à Oak Flat samedi [29 novembre 2019] et tout le monde est le bienvenu pour se joindre à ceux qui apportent leur soutien spirituel tandis qu’il effectue son retour. Envoyez des prières à Wendsler et toute sa famille.
Si vous êtes journaliste ou avez accès à un média, vous pouvez prendre contact avec Vanessa Nosie (vnosie11@gmail.com ) pour arranger une interview.
Hartman Deetz, Mashpee Wampanoag, était l’un des invités Autochtones du CSIA-nitassinan, le 12 octobre 2019. Il est actif dans des mouvements écologistes et Autochtones depuis plus de 20 ans. Il s’inspire principalement de sa spiritualité et des ses traditions Autochtones, fondées sur l’idée que la Terre est un être vivant et qu’il ne faut jamais l’oublier. Il a participé à des cérémonies depuis l’âge de 12 ans. Il a travaillé avec la Coalition Mashpee pour l’Action Autochtone. Il a participé à la Longue Marche de 2008 et à Idle No More à San Francisco. Il était présent à Standing Rock, Dakota du Nord, et dans le Bayou Indien, en Louisiane, pour participer à la lutte contre des projets d’oléoducs qui menacent le Fleuve Mississippi. Il participe toujours à la lutte pour que l’Epée soit retirée du drapeau du Massachusetts et à une campagne demandant que la Loi sur la Réserve Mashpee soit réellement appliquée. Hartman est aussi artiste et créateur de bijoux. A Paris, il a raconté l’histoire dramatique de ce que les Blancs des Etats-Unis célèbrent en Novembre chaque année, sous le nom de ‘Thanksgiving’.
Hartman Deetz, Wampanoag,
Paris, 12 octobre 2019 English
Also in English on Censored News
Journée Annuelle de Solidarité du CSIA-nitassinan
Traduction et photos Christine Prat
Hartman Deetz : Bonjour. [Il se présente d’abord dans sa langue d’origine]. Je m’appelle Hartman Deetz, je suis de Mashpee et Wampanoag. Je pense que le plus simple est de parler des campagnes pour lesquelles je travaille actuellement : le drapeau de l’état du Massachusetts, et la Loi sur la Réaffirmation de la Réserve Mashpee. Ces problèmes sont interconnectés, comme beaucoup de choses dans ce monde.
Nous allons faire un peu d’histoire, étant donné que la plupart des problèmes des Autochtones ont leurs racines dans l’histoire. Beaucoup des maux infligés aux peuples des Amériques ont des origines qui remontent à des centaines d’années. Ce n’est que dans les toutes dernières décennies qu’on a commencé à en parler et les voir comme des torts.
Je vais m’adresser au public. Levez la main si vous avez jamais entendu parler de Wampanoag ? Quelques-uns. Alors je vais vous demander de lever la main si vous avec jamais entendu parler du ‘Thanksgiving’ américain.
On nous appelle généralement les Indiens. Les Pèlerins et les Indiens. Nous sommes les ‘Indiens’. Mais on ne nous a jamais donné notre vrai nom. Alors, pour comprendre notre situation en tant que Wampanoag, il faut savoir que nous sommes sur notre territoire d’origine, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de Peuples Autochtones des Amériques. Mon père possède 0,8 hectare de terre, qui n’a jamais appartenu à un Blanc. C’est important. Malgré cela, il a fallu attendre l’année 2007 pour que le Gouvernement des Etats-Unis reconnaisse mon Peuple comme Tribu Autochtone. Et maintenant, ils cherchent à s’emparer des derniers moins de 1% de notre territoire qui nous restent, au moyen du renversement d’une décision par le gouvernement Trump. Pour comprendre la situation un petit peu, il faut retourner aux années 1600. Nous avons signé l’Accord de 1621 avec les colons anglais. Il stipulait qu’ils respecteraient leurs lois et que nous respecterions nos propres lois, et que, si des gens de chez nous violaient nos lois, ils seraient punis par nous, et si leurs gens violaient leurs lois, ils seraient punis par les leurs, dans leur juridiction. Ce traité a duré trois ans.
C’est pourquoi la célébration du jour de Thanksgiving se réfère aux origines des Américains. Les Indiens et les Pèlerins.
Les Anglais n’acceptaient pas de négocier avec nos dirigeantes. Ils voulaient que nos femmes leur envoient leurs fils, leurs frères, leurs maris pour leur parler. Nous avions une puissante Reine, Weetamoo, qui contrôlait de vastes territoires. Les Anglais firent de nombreuses tentatives pour conquérir ses terres. Ils essayèrent de les acheter à ses fils, à ses frères. Ils réussirent à obtenir que certains membres masculins de sa famille acceptent de vendre. Ces affaires sont allées devant les tribunaux, qui ont admis qu’elle seule et personne d’autre pouvait revendiquer ces terres, et avait le droit de les vendre. Malgré cela, les actes furent reconnus par les tribunaux britanniques et confirmés. Ça a déclenché une guerre connue comme la ‘Guerre du Roi Philippe’. Ils l’ont appelée ainsi parce qu’ils avaient choisi d’appeler l’homme à qui ils attribuaient la responsabilité de la guerre, Philippe. Ils refusaient d’apprendre à prononcer son vrai nom, Metacom. Cette guerre fut extrêmement violente, ce fut la guerre la plus violente sur le sol de la Nouvelle-Angleterre. Des villes et des villages entiers furent détruits des deux côtés. Et ce qui a mis fin à la guerre – nous, les Autochtones, avions des alliés, entre autres des Abénaki – c’est que les gens ont cherché la paix et signé des traités selon les termes des vainqueurs, afin de retourner aux champs, pour recommencer à planter au printemps. Lorsque les gens sont sortis de leurs forteresses et sont retournés sur leurs terres à découvert, ils furent attaqués. Weetamoo fut tuée et son corps jeté dans la rivière. Philippe, Metacom, fut tué dans les marécages. Sa tête fut coupée, mise sur un pic et exhibée au centre de la colonie de Plymouth pendant plus de cinquante ans. Et maintenant, le drapeau du Massachusetts représente une épée au-dessus de la tête d’un Autochtone, avec la phrase ‘Par l’Epée nous cherchons la Paix’.
En 2018, plus de 150 hectares, là même où se trouvaient les terres de Weetamoo, le centre des terres qui ont déclenché la ‘Guerre du Roi Philippe’, est devenu un point de conflit, étant donné qu’ils ont choisi ce terrain pour renverser la décision qui nous reconnaissait comme Peuple Autochtone, comme tribu, comme étant souverains. Ils ont prétendu que nous n’avions pas de liens historiques avec cette terre. C’est l’excuse qu’ils utilisent maintenant pour nous dépouiller de notre droit inhérent sur le dernier moins de 1% de notre territoire.
Ma tribu, ma communauté, compte environs 3000 personnes, et environs 120 hectares. Une acre fait environs 400 m², et nous avons 10 habitants par acre. Comment pouvons-nous continuer à exister en tant que Wampanoag sur notre territoire ? Si nous n’avons nulle part où habiter ? Comment pouvons-nous être Mashpee si nous ne sommes pas au bord du lac Mashpee ? Comment pouvons-nous être Mashpee si nous n’avons pas accès à la rivière Mashpee ? Ces eaux nous définissent. C’est ce qui nous donne notre identité de Mashpee. Nous avons un besoin urgent de justice. Nous avons lutté pendant des siècles, à travers les changements de lois, sous la domination anglaise, sous la Révolution Américaine. Sous la domination de l’Angleterre, nous étions des ‘villes de prière’ [communautés d’Indiens convertis au Christianisme, dans la colonie de la Baie de Massachusetts – NdT]. Puis la Révolution Américaine est arrivée et nous sommes devenus des ‘Districts Indiens’, puis nous avons été incorporés à une ville officielle, puis reconnus comme tribu de l’état, et finalement comme Tribu Fédérale. Et maintenant, ils ont à nouveau changé les règles. Pour les Etats-Unis, nous sommes Indiens quand ça les arrange. Et nous ne le sommes pas quand ça ne les arrange pas.
Alors, nous espérons que le monde va exercer quelque pression, afin que les Etats-Unis reconnaissent les Droits des Peuples Autochtones – qu’ils célèbrent tous les mois de novembre, selon leur mythe créateur – d’avoir une place où résider et exister.
Hartman Deetz is from Mashpee, a member of the Wampanoag tribe. He has been involved in Indigenous and Environmental movements for over 20 years. His activism mainly relies on his spirituality and his Indigenous traditions, that are based on the idea that the Earth is a living being and that it is necessary never to forget it. He has been taking part in ceremonies ever since he was 12. He has worked with the Mashpee Coalition for Native Action, took part in the Long Walk in 2008 and Idle No More in San Francisco. He has been in Standing Rock and in Indian Bayou, Louisiana, to struggle against pipelines projects that threaten the Mississippi river. He is also involved in a struggle to have the Sword removed from the Massachusetts’s flag and in another campaign aiming to have the Mashpee Reservation Act be fully implemented. Hartman is also an artist and jewelry designer.
Hartman Deetz Français
October 12, 2019
CSIA, Annual Day of Solidarity
Transcript and photos Christine Prat, CSIA
Hartman Deetz: Bonjour. [He presents himself in his own language]. Good evening. My name is Hartman Deetz, I am from Mashpee and a Wampanoag. I think the easiest is to talk about the campaigns I am working on: the state flag, and the Mashpee Reservation Reaffirmation Act. These issues can be interconnected, as many things in this world can be interconnected.
We are going to deal with some history, as most Native issues have their roots and their origins in history. Many of the wrongs done to people in the Americas, have their origins hundreds of years back. We only in recent decades started to talk about and address that these things are wrong.
I am going to address the audience. By showing hands, who has ever heard of the Wampanoag? A few. Then I am going to ask by showing hands, who has ever heard of the American Thanks Giving?
We are commonly known as the Indians, the Pilgrims and the Indians. We are “the Indians”. But we never get our own name. So, to understand what we are dealing with as Wampanoag people, we are in our original homelands, something that is not the case for many Indigenous Peoples in the Americas. My father has two acres of land, never owned by a White man ever. This is significant. In spite of this, it was not until the year 2007 that the United States Government acknowledged my People as an Indigenous Tribe. And now, they are seeking to take the last 1%, less than 1%, of our land away, in a reversal of the Trump Administration. To understand part of the situation, we have to look back to the 1600’s. We signed the 1621 Agreement with the English colonists. It said they would respect their laws and we would respect our laws, and if our folks broke our laws they would be punished by our folks, and if theirs broke their laws, they would be punished by their folks, in their jurisdiction. This treaty lasted three years. This is why the celebration of the day talks about the American origins. The Indians and the Pilgrims.
The English folks would not deal with our women leaders. They wanted our women to send their sons, to send their brothers, to send their husbands to speak for them. We had a powerful Queen, Weetamoo, she controlled vast territories of land. The English folks made many attempts to get this land from under her feet. They tried to buy it from her sons, from her brothers. They got some of her male relatives to agree to sell. These cases were brought into the court systems, where the leadership acknowledged that only she had a claim to that land and no one else, and the right to sell it. In spite of that, the deeds were recognized by the English court system and confirmed. This sparked a war known as King Philip’s War. They named this war King Philip’s War, because the man on whom they placed the responsibility for the war, they chose to call Philip. Because they refused to bother to learn to pronounce his own name, Metacom. This war was a very violent war, the most violent war fought on New-England soil. Entire villages and towns were destroyed on both sides. And, as a conclusion of that war – we had, as Native people, allies, including the Abenaki folks – they started to sue for peace and strike treaties on victors’ terms, to return to the planting grounds and start planting in the spring again. And as people returned to their open spaces, came out of their fortresses, they were attacked. Weetamoo was killed and her body thrown in the river. Philip, Metacom, was killed in the swamps. And his head cut off and stuck on a pike. It was displayed in the center of Plymouth colony for over fifty years. And now, the flag of Massachusetts bears a sword above the head of a Native man, with the word ‘By the sword we seek peace’.
In 2018, 150 acres, in the very place where Weetamoo’s landholdings were, the center of the lands that sparked the war of King Philip’s War, became the sticking point as they chose to use this land to reverse the decision on our acknowledgement of being a Native People, of being a tribe, of being sovereign. They said we have no connection to that land historically. This is the justification they use now to strip us of our inherent right on the last less than 1% of our land.
My tribe, my community has about 3000 people, and about 300 acres. That’s about 400 m² in one acre. We have about 10 people per acre. How are we expected to continue to exist as Wampanoag people in our own land? If we don’t have a place to be? How can we be Mashpee people, if we are not next to the Mashpee pond? How can we be Mashpee people, if we are not able to get to the Mashpee river? These bodies of water define us. They are what give us our identity as Mashpee people. We are faced with very dire need to see some justice. We have been struggling for hundreds of years, through changes of laws, through England, through the American Revolution. Under England, we were praying towns, the American Revolution came and we became Indian Districts, and then we were incorporated into a town, an official town, and then recognized as a state tribe, and then eventually recognized as a Federal Tribe. And now, they have changed the rules once again. For the United States, we are Indians when it suits them. And we are not when it does not. So, we are hoping to see some pressure from the world, to get the United States to acknowledge the Rights of the Native Peoples that they celebrate every November, in their creation myth, to have a place to be and exist.
Vanessa Joseph et Clarisse Da Silva
Jeunesse Autochtone de Guyane
12 octobre 2019
Journée Annuelle de Solidarité, CSIA-nitassinan
Transcription et photos Christine Prat
Vanessa Joseph et Clarisse Da Silva, représentantes de la Jeunesse Autochtone de Guyane, ont participé à une table ronde, modérée par la journaliste Anne Pastor, au cours de la Journée Annuelle de Solidarité du CSIA-nitassinan, cette année consacrée au thème des Femmes Autochtones en lutte.
Anne Pastor : […] En Guyane avec le fameux projet de Montagne d’Or, qui pourrait affecter de manière définitive le territoire, ce territoire français.
Vanessa Joseph : C’est un projet qui est « abandonné », avec de gros guillemets…
Anne Pastor : Justement, avec de gros guillemets. Alors, est-ce qu’il y a des gens qui ne connaissent pas encore le projet ? Vous voulez un petit rappel, sur le projet ?
Vanessa : Le projet Montagne d’Or est un projet de méga mine, donc large comme deux stades de France, suffisamment profond pour y mettre la Tour Eiffel sans qu’on en voie le sommet. Ils avaient l’intention de le faire en Guyane. Finalement, la population s’y est opposée, en tous cas une partie de la population. La pression nationale a fait que le Président est revenu sur sa décision et a décidé de mettre fin à ce projet, en tous cas le projet en l’état. A l’ONU, il y a quelques semaines, ils ont confirmé l’abandon de ce projet. Mais en fait, c’est plutôt une transformation du projet. Le projet en lui-même n’est pas validé, je pense dans sa dimension, dans tout ce qui avait été prévu pour le fonctionnement de cette mine. Aujourd’hui, on nous propose d’autres types de mines, des mines plus ‘vertes’, les mines les plus propres possibles, sachant qu’il n’y aura jamais de mine propre, elle rejettera toujours des déchets. Une mine reste une mine. Après, il y a des gens qui travaillent dans ce domaine, on verra où tout cela va nous mener. En tous cas, le projet Montagne d’Or n’est pas abandonné, il est juste abandonné en l’état, il va juste être modifié, c’est tout ce qu’il faut retenir.
Anne Pastor : D’autant que votre nature est déjà malmenée…
Vanessa : Oui, en tous cas, je suis sûre qu’il y a aussi des choses dont nous ne sommes pas au courant. Entre le bois, l’or et d’autres minerais qui font l’objet de recherches actuellement… Et il y a aussi l’orpaillage illégal, donc l’utilisation du mercure par les garimpeiros, des orpailleurs illégaux qui sont d’origine brésilienne pour la plupart. Il y a aussi des Surinamiens, il y a aussi des Français qui y participent. Donc, il y a utilisation de mercure, qui est rejeté dans les eaux de Guyane, donc les principaux fleuves sont touchés.
Anne Pastor : Ça a quand même des conséquences sur la chasse, la pêche, et forcément sur la santé des Amérindiens et des enfants.
Vanessa : La vie dans les villages tout court aussi. On sait très bien que la consommation de mercure porte atteinte à la santé de la personne, que ce soit des adultes ou des enfants, et des enfants à naître. L’orpaillage illégal amène aussi toutes sortes de trafics, des trafics d’humains, de la prostitution. Il n’est pas rare de voir des cas de prostitution dans nos forêts, des assassinats, des échanges de tirs avec les villages. J’ai pu le voir dans un reportage il y a quelques années, ils appelaient la Guyane le ‘Far West français’. Et dans l’intérieur, il est vrai que ça y ressemble plus ou moins. Pas totalement, ce n’est pas exactement ce qu’on essaie de vous faire croire, mais quand on vous dit qu’il y a des échanges de tirs, que certains villages vivent dans la crainte, c’est vrai.
Anne Pastor : Alors, effectivement, un climat d’insécurité et de violence qu’on trouve aussi, malheureusement, au Brésil, en Amazonie…
[Intervention de Daiara Tukano, voir article]
Anne Pastor : Est-ce que vous voulez rebondir sur la dernière phrase de Patricia Gualinga ? Qui dit que ce concept de forêt vivante pourrait être une alternative, en tous cas une idée à résoudre les conséquences du changement climatique, et en ce sens, le message qu’elle prononce à chaque conférence, est un peu celui-là. Aujourd’hui elle s’adresse au monde entier. En tous cas, on voit bien que, à travers l’importance des Droits de la Nature, de la Terre, et finalement toute la question toute la question identitaire qui est posée. Et, en particulier, pour vous, les Kali’na, vous qui êtes là depuis près de 10 000 ans sur votre terre d’origine, qui essayez de continuer à vivre avec votre mode de vie, votre langue, vos croyances, vous êtes engagés depuis quelques décennies dans un processus de revendications territoriales, de reconquête, même, de la terre,
Clarisse Da Silva : Là, on parle beaucoup de droit à la terre, de la relation avec la terre, donc c’est un sujet sensible en ce moment. Je pense que l’on va plus parler de la relation que nous avons avec la tradition et les cultures, donc la question identitaire en soi. Je suis artiste Kali’na, dans mon travail artistique je traite beaucoup de la question la question identitaire, la question de l’Autochtonie, de la relation que les jeunes ont avec les traditions, les coutumes, etc. Aujourd’hui, il faut savoir qu’en Guyane il y a une perdition de la culture. Je fais partie de cette génération qui n’a pas grandi avec la culture. C’est la conséquence des ‘homes Amérindiens’ – les Pensionnats. C’était une éducation religieuse obligatoire. Ma mère y est allée, toutes mes tantes et mes tontons y sont allés. Il y avait une évangélisation, une éducation à la française, il fallait chanter ‘La Marseillaise’, les langues Autochtones étaient interdites, et c’était toujours le cas il y a quelques années, c’est ce que nous avions dénoncé également. En internat ou en famille d’accueil, c’était pareil. Je pense, qu’inconsciemment, ma mère regardait ce processus selon lequel il ne fallait pas parler notre langue, donc nous avons grandi avec ça, nous ne parlons pas la langue Kali’na. Maintenant, nous faisons un travail là-dessus, nous essayons d’apprendre de plus en plus quelques mots, quelques phrases, ce qui n’est déjà pas mal. Mais avec le choc des sociétés, le mode de vie à l’occidentale, le développement, je ne suis pas en tenue traditionnelle, je porte des Airforce One, un pull à la mode, je parle français, je vais à l’école. Donc ma relation avec la tradition est un peu compliquée, je n’ai pas été tout de suite intéressée par tout ce qui était culturel. J’ai commencé à me revendiquer à l’âge de treize ans, puisque c’est quand j’ai commencé mon travail artistique. Ensuite, lorsqu’il y a eu des mouvements sociaux et une très forte revendication identitaire, ça a engagé les jeunes, d’où la visibilité de la Jeunesse Autochtone de Guyane. Maintenant nous essayons de nous réapproprier toute cette relation. Aujourd’hui encore il y a très peu de jeunes qui font l’effort d’aller en forêt, ils sont très peu intéressés. J’ai été l’une des premières jeunes qui suis allée en forêt avec Jean-Jacques Agevi, qui est un très grand artiste Kali’na, qui fait un travail de réappropriation. Et il faut ensuite pouvoir garder en tête et transmettre aux jeunes tout ce travail culturel. C’est vrai qu’aujourd’hui c’est très compliqué, il y a encore des histoires à apprendre, en tant que jeune, j’en apprend tous les jours.
Anne Pastor : Alors il faut quand même préciser, pour ceux qui ne connaissent pas bien ce sujet-là, c’est-à-dire qu’effectivement, avec la scolarisation massive, en particulier pour ceux qui étaient à l’intérieur, les 3000 Wayana ou Wayampi, ils devaient quitter, en fait, leur famille dès l’âge de onze ans pour aller sur le littoral, donc ils ne pouvaient pas suivre l’enseignement traditionnel, et, au bout du compte, c’est une génération qui est aussi en perte de repères. On parle beaucoup de drogue, d’alcool, mais aussi et surtout, et vous en avez beaucoup parlé, de taux de suicides absolument énormes, de vingt fois supérieurs à la moyenne nationale. Je crois que depuis le mois de janvier, dans la communauté Wayana, ils ne sont que 1500, et il y a quand même eu 13 suicides. C’est absolument énorme et, effectivement, peut-être que cette reconnexion, et ce travail que vous faites à travers l’art, permet de retrouver un peu toutes ces valeurs traditionnelles et de savoir qui ont est.
Clarisse : Effectivement. Aujourd’hui, la particularité de notre génération c’est qu’elle vit entre deux mondes et elle doit faire avec ces deux mondes. C’est-à-dire que nous devons pouvoir avancer avec notre identité, donc avec les coutumes, pour garder une connexion avec nos Anciens, avoir une connexion avec notre identité. Mais il faut aussi savoir s’intégrer, on parle beaucoup d’adaptation, c’est ce que nous faisons depuis des années. C’est souvent difficile, on le voit avec les suicides de jeunes Amérindiens. Ils sont ne sont pas habitués à la vie en ville, ils sont complètement en terre inconnue. C’est quelque chose que j’ai connu moi-même, je vis depuis un an en métropole, c’était très compliqué. C’est un autre mode de vie, nous sommes loin de la famille, loin du cocon familial. Heureusement, j’avais mes sœurs avec moi. Mais imaginez des jeunes qui partent tous seuls, c’est déjà difficile à Cayenne, alors imaginez, en France métropolitaine ! Et on parle aussi beaucoup de discrimination. Moi, j’étais en prépa artistique, j’ai voulu développer tout ce travail artistique autour de la culture et de la tradition, et c’est vrai qu’au cours de cette année, même si je me suis rendu compte, un peu trop tard à mon goût, ce qui a développé mon mal-être c’est le fait qu’on ait voulu contrôler mes messages, qu’on ait voulu contrôler cette quête identitaire. Certaines fois, on ne voulait pas que je fasse certaines choses, on voulait que je retire des symboles Kali’na de certaines productions, on voulait complètement déformer des dessins. C’était déjà assez violent, donc, si moi je l’ai vécu comme ça, et pourtant il y a pire, on peut se demander comment ça doit être pour des jeunes qui sont sans repères.
Anne Pastor : Finalement, ce que vous revendiquez c’est une identité propre, un droit aussi à la différence, d’être vous-même dans cet Etat français…
Clarisse : Oui !
Anne Pastor : Oui, mais il faut quand même le réaffirmer, parce que ce n’est pas forcément évident. Quand on suit, par exemple, des cours au collège et qu’on entend parler de TGV, d’autoroutes, on a l’impression qu’effectivement, toute l’identité Autochtone est totalement mise à part. exclue…
Clarisse : En fait, en Guyane, c’est autre chose. C’est une terre pluriculturelle, tout le monde vit en communauté. Nous sommes conscients de ce qu’il y a des Peuples Autochtones, qu’il y a des Peuples Bushinengués, des communautés créoles, haïtiennes, brésiliennes, etc. Nous vivons au quotidien avec ces différences, mais nous ne les voyons pas, ces différences. Un sujet sur lequel je travaille beaucoup aussi, c’est la manière dont l’ancienne génération vivait la Guyane et dans laquelle, maintenant, la nouvelle génération grandit. Avant, on voyait qu’il y avait d’un côté les Créoles, les Amérindiens de l’autre. Aujourd’hui, c’est un peu différent. Nous allons à l’école avec tout le monde, dans ma classe il y a des Créoles et des Brésiliens, des Bushinengués et des Hmong, et nous ne voyons pas nos différences. Je suis amie avec des Créoles, nous parlons facilement des problèmes politiques. Nous n’avons pas la même vision que la génération d’avant. Nous avons plus de facilités pour communiquer, et nous disons souvent que c’est quand la nouvelle génération va reprendre le flambeau que ça va mieux se passer. Et à l’école, j’ai toujours eu la chance d’avoir des professeurs qui nous faisaient des cours sur l’histoire de Guyane, qui nous poussaient à valoriser nos différences, valoriser nos cultures, donc, sur ce plan, nous avons été très bien encadrés. Je parle plus de la France métropolitaine où c’est difficile, mais en Guyane on commence à faire un travail de valorisation des cultures et je trouve que c’est une bonne chose, car en Guyane je ne me sens pas forcément mal. Ce n’est pas comme en métropole.
Anne Pastor : Effectivement. Et puis il y a des projets qui sont initiés, comme le projet SAWA [Savoirs Autochtones Wayana et Apalaï], qui est un projet qui a été initié par des anthropologues, le Quai Branly avec les Wayana, qui effectivement concerne leurs objets, parce que malheureusement, ces cinquante dernières années tous leurs objets ont disparu, ont été volés ou ont été vendus. Et donc, aujourd’hui, ils vont les voir dans les musées et font tout un travail de réappropriation de leur culture et de leur identité.
[Intervention de Daiara Tukano, voir article]
Daiara Tukano, du peuple Tukano du Brésil, était l’une des invitées Autochtones de la Journée Annuelle de Solidarité organisée par le CSIA-Nitassinan. La table ronde à laquelle elle a participé, avec Vanessa Joseph et Clarisse Da Silva, de la Jeunesse Autochtone de Guyane, était modérée par la journaliste Anne Pastor. Le texte ci-dessous est une transcription de l’intervention de Daiara.
Christine Prat
Daiara Tukano English
12 octobre 2019
Transcription et photos Christine Prat, CSIA
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Anne Pastor : Disons, qu’il [Bolsonaro] a pris très, très clairement position. Je crois que durant la campagne, il disait même que les lois de protection de la forêt représentaient un obstacle au développement économique du pays, et il avait promis de les faire tomber. On a l’impression quand même qu’il tient parole.
Daiara Tukano : Ce monsieur, au moins, paraît très engagé à réaliser ce qu’il dit, ce qui n’était pas nécessairement le cas du gouvernement antérieur. Mais l’Amazonie a toujours été cible de toutes sortes d’attaques et la lutte des Peuples Autochtones au Brésil est une lutte permanente depuis au moins 519 ans. Et ce n’est pas un gouvernement qui puisse être plus violent que l’autre, c’est une violence permanente. Cependant, en ce moment au Brésil, il faut bien dire que la violence s’institutionalise, par le discours du chef de l’Etat, qui apporte une espèce d’impunité à tous les crimes qui sont commis sur nos territoires et contre notre population.
Anne Pastor : Il est même extrêmement clément concernant l’abattage, par exemple, forestier !
Daiara : Oui ! Je ne sais pas personnellement si c’est intéressant de parler directement de ce monsieur comme ça, au début de cette discussion, parce que le mouvement Autochtone a beaucoup plus de choses à dire. Également, pour cette table ronde, qui a pour titre ‘Notre corps, Notre territoire, Notre esprit’. ‘Notre Territoire’, c’était le titre de la première marche des femmes Autochtones, que nous avons réalisée au mois d’août à Brasilia et qui a marqué un moment très important où les femmes sont sorties d’un peu partout dans le pays. On a rassemblé 1500 femmes de partout pour marcher, face à cette situation qu’est le gouvernement actuel.
Evidemment, l’Amazonie a toujours été en danger, elle a été en danger depuis 1500, au moins. Sur nos territoires, c’est le point de vue de l’exploitation de ce qu’on appelle les ressources naturelles et aussi la continuité d’une relation coloniale, raciste, qui continue à essayer d’envahir tous nos territoires d’existence, non pas seulement les territoires physiques, la terre elle-même, mais aussi à nier l’existence des Peuples Autochtones. Donc, c’est quelque chose de bien plus complexe que seulement le gouvernement Bolsonaro, et c’est clair qu’en ce moment, on est arrivé à une situation de déboisement qui met la forêt en danger imminent. Il y a encore une vingtaine d’années, une trentaine d’années peut-être, quand nous avons eu l’Eco 92 à Rio de Janeiro, il y avait déjà 1000 alertes, montrant que la déforestation en Amazonie avait une limite, avant que la forêt ne commence à s’affaiblir d’une façon irréversible, limite qui à l’époque était de 20% de déforestation. Et seulement cette année, avec le gouvernement Bolsonaro et avec cette garantie d’impunité des grands fermiers, des grands propriétaires terriens, et la promesse d’une exploitation minière en Amazonie et aussi l’exercice de tentatives de flexibiliser tous les droits environnementaux pour permettre que cette exploitation soit faite, on a déjà dépassé de loin les 20% qui tenaient la forêt debout, et ce n’est pas pour rien qu’elle commence à brûler un peu partout, de façon criminelle, et ce n’est pas pour rien non plus que les grandes industries, le grand lobby de l’agro-business et de l’exploitation minière font de plus en plus pression sur le gouvernement – c’était aussi le cas pour les gouvernements antérieurs – pour construire un discours où, encore une fois, le progrès économique se fiche absolument de la vie des Peuples Autochtones, de la vie de la forêt, et de tout ce qu’il y a dedans.
Anne Pastor : Mais il me paraissait important de recontextualiser et de préciser qu’effectivement, depuis 2018, le processus s’est accéléré, et qu’on est aujourd’hui véritablement en situation de danger. […]
[Intervention de Vanessa Joseph, de la Jeunesse Autochtone de Guyane. Voir article.]
Anne Pastor : Alors, effectivement, un climat d’insécurité et de violence qu’on trouve aussi, malheureusement, au Brésil, en Amazonie…
Daiara Tukano : Donc, comme je le disais auparavant, cette histoire existe depuis longtemps, c’est l’histoire de la colonisation, l’histoire du génocide, et dans la région où mon peuple habite à la frontière entre le Brésil, la Colombie et le Vénézuela, c’est aussi un grand couloir pour toutes sortes de trafics. C’est aussi un espace qui est très ciblé par le gouvernement actuel pour l’exploitation minière, principalement près du Pico Da Nablina, pour l’exploitation de niobium, un métal qui, apparemment, coûte très cher. Mais tout ce contexte d’exploitation a toujours été mis en avant, dans une vision de développement. Et il faut dire que la colonisation est accompagnée presque forcément d’un racisme qui est devenu structurel dans notre société et qui crée plusieurs mécanismes pour affaiblir nos sociétés Autochtones, la société des peuples-racine dans nos territoires. Ça inclut la négation de notre identité, de notre culture, de nos langues, l’absence de l’Etat dans toutes les politiques publiques possibles. Donc ce sont toujours des populations qui ont un très mauvais accès à l’éducation, à la santé, aux transports, à la communication, etc. et qui continuent à être invisibilisées délibérément par les médias et ceux qui les tiennent, au pouvoir, au gouvernement, et par les intérêts des grandes industries. Dans le cadre de mon travail, on voit que c’est le cas partout dans le monde, que ce soit en Sibérie, où la forêt était également en flamme et où il y a aussi des territoires attaqués par l’orpaillage illégal, etc., au Canada ou aux Etats-Unis où c’est la même situation en ce qui concerne l’exploitation du pétrole, c’est la même situation un peu partout et c’est la continuité du génocide, du colonialisme et de ce racisme qui est absolument tabou dans une société qui se croit globalisée et post-coloniale. Pour nous, notre réalité est bien différente de ce que les gens apprennent à l’école et même à l’Université. Personne n’en parle, donc il faut que nous en parlions.
Anne Pastor : C’est pourquoi je disais au début de notre conférence qu’il est temps de vous écouter, d’autant plus que vous êtes une sorte de laboratoire d’idées pour demain, ne serait-ce que par rapport à cette Amazonie. Quand même, la sauver c’est l’avenir aussi de notre planète et vous vous positionnez tous, Amérindiens, mais aussi les Peuples de Sibérie dont vous parlez comme les gardiens de cette nature. Il faut repenser le monde et repenser son rapport à la nature.
Daiara : Moi je trouve absolument cynique cette idée d’aujourd’hui, au XXIème siècle, de chercher partout et d’inviter des Autochtones pour leur demander comment on sauve la planète. Et je n’aime pas non plus ce mot ‘Amérindiens’, parce que l’Inde c’est sur un autre continent, et puis on peut utiliser d’autres mots. Donc, si, aujourd’hui dans les territoires Autochtones on a quand même la présence de 80% de la biodiversité de la planète, ce n’est pas pour rien, c’est à cause de notre culture, de notre relation au monde, et du fait que nous nous considérons comme faisant partie de la nature, et non pas que la nature nous appartienne. Il est question d’une série de valeurs – on peut utiliser un gros mot – d’une épistémologie qui est différente dans cette relation avec l’univers et si nous continuons d’exister en tant qu’Autochtones, c’est justement parce que nous avons une pensée, une identité, une relation avec le monde qui subsistent, qui continuent. Nous n’avons pas totalement été colonisés, donc le colonialisme, tant pis pour vous, n’est pas totalement réalisé, nous continuons à résister, notre existence est notre résistance, et ce que nous avons à partager, c’est justement peut-être la possibilité d’autres valeurs. Je trouve très intéressant que les gens aient commencé à discuter, enfin à réfléchir à la colonisation, puisque nous sommes tous enfants de la colonisation. Nous n’allons pas ici questionner l’histoire, nous n’allons pas revenir en arrière, ce n’est pas possible. Mais, quand on parle de pensée ‘décoloniale’, on dénonce beaucoup de violence, mais on fait très peu de propositions. Donc, personnellement, je suis plutôt partante pour le contre-colonialisme, et quand je dis ‘contre-colonialisme’, c’est partager d’autres valeurs, celles qui sont présentes dans nos sociétés. Ça ne veut pas dire que ce partage passe par l’imposition d’autres idées, mais plutôt par le partage de relations de vie. Sinon on va dire ‘Ah, maintenant il y a les Autochtones qui veulent coloniser l’Europe’, mais il n’y a pas grand-chose qui nous intéresse par-là, c’est un territoire plutôt infertile. Ce qui est fertile, par contre, c’est la curiosité des gens et le désir de vouloir faire quelque chose de différent. Et, ce que je peux dire en ce qui concerne la forêt, par exemple – j’en parlais en Angleterre avec nos alliés d’Extinction Rebellion qui font un peu de bruit un peu partout – c’est que c’est nécessaire et très important de mettre des posters et de dénoncer les violences, mais une forêt ça ne se plante pas et ça ne se tient pas debout avec des posters, il n’y a pas de planète B. C’est important de s’aimer, c’est important de planter une forêt, et pour planter une forêt, il faut avoir un compromis de vie. Une forêt se plante, au minimum, pour commencer à naître dans une vingtaine d’années. Donc, ce n’est pas un mouvement pour le week-end, ce n’est pas quelque chose dont il suffit de faire un joli film, un reportage ou une belle photo et dire qu’on donne du soutien à la lutte des Peuples Autochtones, il faut vraiment mettre les mains et les pieds sur terre et planter et se dédier à s’aimer et à maintenir la vie sur cette planète, puisque nous sommes interdépendants.
Anne Pastor : Finalement vous êtes d’accord avec moi, vous n’employez pas les mêmes mots, mais vous êtes exactement d’accord avec moi dans ce que j’ai dit précédemment. Donc parlons justement de ces droits à la nature et je voudrais vous parler de l’Equateur, qui est un pays extractiviste mais qui a été le premier à avoir inscrit dans sa Constitution les Droits de la Nature. Les Sarayaku, un peuple originaire, Kichwa, veulent aller plus loin : en juillet 2018 ils ont présenté la Déclaration de la Forêt Vivante et ils souhaitent que les Nations Unies reconnaissent cette nouvelle catégorie dans son programme pour l’environnement. Depuis plus de vingt ans, cette petite communauté, de 1200 habitants, lutte aussi pour défendre son territoire, sa biodiversité, son patrimoine immatériel, contre l’intrusion des exploitations en tous genres et aujourd’hui il est un modèle et se concentre désormais à promouvoir la cosmovision dans laquelle, vous le disiez si bien, la forêt est vivante, sacrée et doit être protégée au même titre que les être humains, comme en témoigne d’ailleurs le portrait de Patricia Gualinga [photo ci-dessus Ch.P.], écoféministe, leader du Peuple Kichwa de Sarayaku, que nous allons peut-être découvrir. En attendant de découvrir ce portrait, j’imagine que vous connaissez le Peuple Kichwa de Sarayaku, que vous connaissez aussi les positions de Patricia Gualinga qui présente d’ailleurs ce concept un peu partout, et que vous partagez ses idées. En ce moment on a l’impression qu’enfin une solidarité, et l’émergence de groupes de femmes, d’ailleurs, comme souvent, qui revendiquent ces droits à la nature.
Daiara : Je pense que très souvent, dans le peuple, la relation que nous avons avec la nature c’est une relation avec notre Mère. Donc, forcément cette Nature est une femme, puisqu’elle porte dans son ventre toute la vie, et quand les femmes marchent, nous marchons toujours accompagnées de cette grande famille, de toute cette forêt, de tout ce ventre qui nous donne origine. Dans le cas de certains pays d’Amérique du Sud, ou di continent américain, ils ont la plus grande population Autochtone, c’est le cas de l’Equateur, de la Bolivie et du Mexique. Mais il faut dire qu’au Brésil, la population Autochtone est considérée comme moins de 1% de la population nationale, par contre chez eux ça surpasse les 40%, ça représente pas mal de monde, ce sont des relations territoriales et identitaires différentes, ce n’est pas pour rien qu’en Equateur et en Bolivie ils ont tout de même réussi à créer un mouvement qui a permis la création d’Etats plurinationaux, c’est-à-dire des Etats nationaux qui reconnaissent plusieurs nationalités et parmi ces nationalités les Nations Autochtones. Au Brésil, par contre, l’idée qu’un Peuple Autochtone puisse être une nation est considérée comme une menace pour l’Etat National. Donc, ça implique justement toute la violence qui se produit, on nous considère comme des terroristes. C’est très simple : si on est Autochtone, on est déjà né comme criminel, pour cette vision qui nie tous nos territoires. Un territoire est identitaire, un territoire a des pensées. Et je voulais enfin, dans cet hommage à cette guerrière d’Equateur, aussi affirmer toute notre solidarité pour ce qui se passe en Equateur en ce moment. Il faut les accompagner sur les réseaux sociaux, soutenir ce qui se passe, parce qu’il y a une foule qui part d’une situation très extrême de violence, à cause justement des grandes industries et tout ce qui va avec, le travail esclave, la violence sexuelle, la négation de la culture et du territoire. Et ce sont des gens qui encore une fois sont en train de bousculer – car ce n’est pas la première fois – leur gouvernement, et ce gouvernement, encore une fois, répond d’une façon extrêmement violente, avec des assassinats, même de petits enfants, dans la rue. Donc tout soutien relatif à cette grande guerrière…
[Intervention de Clarisse Da Silva. Voir article.]
Anne Pastor : […] Quand vous entendez Clarisse parler de cette nouvelle génération, parler justement de ce travail artistique, identitaire, au Brésil je crois que vous travaillez aussi dans cette direction, dans votre webradio…
Daiara Tukano : Oui, je suis coordinatrice d’une radio web Autochtone, qui s’appelle Ràdio Yandê, sur Internet, nous avons un portail d’informations qui transmet 24 heures sur 24, en plus d’articles. Nous essayons de partager un peu ce qui se passe dans le Mouvement Autochtone, non seulement au Brésil mais aussi autour monde. Nous considérons que l’information et la communication est le principal territoire de dispute que nous avons par rapport à toutes ces relations de pouvoir en société. Et pouvoir les aborder autrement est toujours très intéressant.
Anne Pastor : Finalement, puisque toutes les trois vous partagez ce point de vue, vous êtes là aujourd’hui parce que vous appelez à la résistance et en particulier à la solidarité.
A la fin des interventions, Daiara a expliqué qu’elle était venue avec un message à exprimer, mais que les questions posées ne lui avaient pas permis de le faire. Il a donc été décidé de supprimer la pose, afin qu’elle puisse transmettre son message.
Daiara : Je pense que c’est intéressant de construire les choses ensemble, principalement avec les filles, parce que, si nous venons jusque-là, pour se trouver des espaces d’autoreprésentation et d’autonomie, nous n’avons pas vraiment besoin d’interlocuteur, nous pouvons parler directement, nous pouvons poser nos questions et nous pouvons passer les messages que nous sommes venues ici pour passer.
Donc je vous remercie beaucoup pour cette opportunité. Je me présente encore une fois : Je suis Daiara Tukano, mon peuple habite à la frontière entre le Brésil, la Colombie et le Vénézuela. C’est un territoire qui est tout au centre de l’Amazonie et qui fait face à toute une situation, un contexte de violence qui ne s’arrête pas depuis 1630, quand les premiers Portugais ont remonté le Fleuve Amazone extrêmement vite. Et cette colonisation est venue d’une façon hyper dure, hyper forte. Il a toujours été question d’exploiter cette vision de l’Eldorado qui ne s’arrête jamais, même sur les Montagnes d’Or, et aussi de l’imposition d’une culture qui continue jusqu’à aujourd’hui à nier notre identité, nier nos savoirs, à démoniser nos pratiques culturelles. Et donc, le mouvement Autochtone au Brésil, nous considérons qu’il a toujours existé.
La génération de mes parents, par exemple, fait partie de cette génération qui, pendant les années 1960, 1970 et 1980, a réussi à construire, sur le plan constitutionnel, des droits affirmés et reconnus comme des droits originels qui passent avant tous les autres droits et qui sont inviolables, qui devraient être inviolables. Cependant, l’Etat Brésilien – pas seulement la République fédérative du Brésil, mais aussi l’Empire, la Couronne portugaise auparavant, qui avait aussi des politiques par rapport aux Peuples Autochtones – n’a jamais respecté aucun accord, aucun traité, ni même leur propre Constitution. Donc, aujourd’hui, plus que jamais, nous faisons face à une situation d’une violence qui s’accroit chaque jour.
Notre pays est énorme et il n’est pas question seulement de l’Amazonie. Bien sûr, je viens d’un Peuple qui vit en Amazonie, mais la question Autochtone ne se limite pas à l’Amazonie. Le Brésil est un pays qui est énorme, presque continental, et la population Autochtone est partout. 40% de la population Autochtone est en dehors d’Amazonie aujourd’hui, parce que c’est une population qui a perdu sa forêt, qui a perdu son territoire, volé, envahi, et qui continue à voir toute sa population violentée jour après jour par les mêmes protagonistes de ces violences, qui sont l’agro-industrie, l’exploitation minière et, encore plus, en ce moment, sous ce gouvernement, qui se déclare ouvertement d’extrême-droite, et qui vient avec un discours pseudo positiviste intégrationniste, c’est-à-dire un discours d’assimilation vis-à-vis des cultures des Peuples-racine. Nous avons, par exemple, en ce moment, une Ministre des Droits Humains, au Brésil, qui est absolument anti Droits Humains, et qui utilise un discours très religieux – elle est aussi représentante d’une église néo-pentecôtiste, évangélique, qui continue à faire aujourd’hui, au siècle XXI, un discours qui démonise des pratiques traditionnelles, qui allègue des violences qui n’existent pas, comme par exemple l’infanticide, et qui dit que, pour le bien de la famille traditionnelle et chrétienne, il faut qu’on s’intègre à cette société.
Donc, le discours n’a pas changé depuis 519 ans et la violence ne fait que croître, et l’invisibilisation, la négation de nos identités, de nos territoires, paraît quelque chose de perpétuel. C’est pour ça que le mouvement a toujours existé et c’est pour ça qu’il est évident qu’en fait, la Démocratie, pour nous, n’a jamais été là. Au Brésil, je ne sais pas où elle existe cette supposée démocratie. La démocratie existe seulement pour ceux qui ont le pouvoir économique, elle n’a jamais existé pour les Peuples Autochtones. Donc, nous n’avons pas de raisons de faire confiance à l’Etat ou à n’importe quelle institution que ce soit, qu’elle soit nationale ou internationale, pour réussir à avoir le respect et la garantie des droits que nous demandons en tant qu’êtres humains. Parce que nous SOMMES des êtres humains. Et notre humanité est constamment violée de toutes les façons possibles. C’est pour cela que notre mouvement, aujourd’hui, est un mouvement qui réclame que les droits qui ont été défendus par la Constitution soient respectés. Mais, dans le cas où ces droits ne sont pas respectés, nous les implémentons nous-mêmes.
Donc, pour ça, personnellement, j’ai l’habitude de dire que c’est très beau la pensée ‘décoloniale’, mais décoloniser, c’est plutôt au colonisateur de le faire. Nous, nous contre-colonisons, nous réaffirmons notre identité, nous reconnaissons notre territoire, nous nous maintenons sur notre territoire, sur tous nos territoires, malgré toutes les violences. Et, le plus grand exemple, c’est justement celui des Peuples qui sont en dehors de l’Amazonie. Ce sont des Peuples qui, à un certain moment de leur histoire, ont eu leur territoire volé, volé par l’Etat, vendus arbitrairement par l’Etat brésilien aux propriétaires terriens. C’est le cas des Peuples Guarani, par exemple, qui aujourd’hui se trouvent en situation de reprendre leurs territoires. Donc, si vous allez sur Internet, vous allez trouver pas mal de médias qui vont dire ‘Il y a les Indiens qui envahissent des propriétés privées de pauvres agriculteurs.’ Bien sûr, ce sont des propriétés privées qui ont été acquises par des familles ou données par l’Etat, ou vendues pour presque rien, à prix de bananes, sans considérer que ces territoires étaient habités par des populations originales et qui ont perpétué pour ces Peuples-racine la situation d’esclaves, la situation de violences sexuelles, de violence psychologique, d’aliénation de nos identités. Donc, on reprend.
Nous reprenons nos territoires, nous réaffirmons notre identité, et si les institutions, si les lois des allochtones, des Blancs, n’ont jamais été de vraies lois, qu’est-ce qui légitime les choses ? Moi, je ne le sais pas. Elles n’ont jamais été respectées, ce sont des lois pour rien, juste sur le papier. Mais personne ne respecte leurs papiers. Donc, ce que nous faisons, c’est que nous travaillons pour continuer à être vivants. Si quelque fois c’est nécessaire de défendre notre territoire avec notre corps, nous le faisons.
Très bientôt, le mois prochain, une délégation de l’articulation des Peuples Autochtones du Brésil, constituée des principaux représentants des organisations Autochtones régionales – il y a cinq régions au Brésil – une délégation de quinze personnes, viendra en Europe, dans plusieurs villes, y compris Paris, pour parler d’une campagne de désinvestissement des grandes entreprises et des grands lobbies internationaux, notamment du soja, de la canne à sucre, du bœuf et de l’exploitation minière, et pointer du doigt, montrer, retirer le masque des banques qui sont en train d’investir dans le génocide, puisque c’est l’industrie de la mort, alerter la population européenne sur VOTRE responsabilité, concernant toutes les violations des Droits Humains qui subsistent et continuent sur nos territoires, parce qu’il est question de responsabilité. Si l’Europe continue à être le principal investisseur de ceux qui promeuvent toutes sortes de violences, et si vous êtes encore cet espace qui se dit à l’origine de cette supposée démocratie, il faudrait que nous travaillions ensemble pour la défendre. Défendre la démocratie chez nous, c’est défendre la démocratie au monde. Croire en l’existence des Droits Humains c’est faire que ces Droits soient respectés partout dans le monde et pas seulement chez soi. C’est partout. Donc, si aujourd’hui l’agro-industrie, l’industrie minière, sont en train de tuer des populations entières, de mettre fin à des civilisations, de polluer les eaux de cette planète, tout le monde est soumis aux conséquences de ces violences, nous sommes dans le même bateau et il faut bien que nous travaillions ensemble. C’est le message que je voulais vous transmettre. J’espère que nous pourrons construire, à partir de ce moment, un dialogue véritable, merci à tous.
Au cours de sa réponse à une question du public, Daiara a précisé quelques points. Au sujet de la stratégie de ‘désobéissance civile’ prônée par certains groupes européens, elle a répondu que naître Autochtone, c’était déjà être considéré comme une espèce de ‘terroriste’, et que pour eux, ‘désobéir c’est exister, tout simplement’. Elle a expliqué qu’il y avait dans le monde des groupes de population privilégiés, et que le privilège impliquait des responsabilités. Elle poursuivit en soulignant que la forêt dépendait de l’existence des Autochtones, qui se sentent donc coresponsables, et font leur part du travail. Elle a rappelé que le pays qui tue le plus de défenseurs des Droits Humains et de défenseurs des Droits de la Nature au monde, c’est le Brésil. Les Autochtones sont en première ligne pour défendre la Nature avec leurs vies. C’est dans les territoires Autochtones partout dans le monde que subsiste 80% de la biodiversité de la planète. Daiara fit aussi remarquer qu’il était aussi important d’avoir une diversité culturelle, car la biodiversité est interdépendante de la diversité culturelle.