Par Brenda Norrell, Censored News
Également publié par Indigenous Action
14 avril 2023
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan

La firme privée TigerSwan avait été embauchée par Energy Transfer pour espionner et combattre les Protecteurs de l’Eau à Standing Rock. Après 2 ans de bataille en justice, The Intercept a pu publier 50000 documents “secrets” de TigerSwan. Quelques extraits dans l’article de Brenda Norrell publié le 14 avril 2023.

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The Intercept et Grist ont commencé à publier des nouveaux documents de TigerSwan, dans une nouvelle série sur les mercenaires payés par le Dakota Access Pipeline. Ils ont maintenant 50 000 documents d’espionnage de TigerSwan, et 9 000 autres encore disputés au tribunal actuellement. Les documents révèlent que TigerSwan espionnait les Protecteurs de l’Eau à Standing Rock, dans le Dakota du Nord, de Bold Iowa et d’autres lieux.

Les journalistes Alleen Brown et Naveena Sadavisam exposent les nouveaux documents dans leur article Après avoir espionné à Standing Rock, TigerSwan démarchait d’autres compagnies pétrolières avec sa ‘Contre-insurrection’ Anti-Protestataires’.

L’article fait suite à une onéreuse bataille en justice par The Intercept pour obtenir la publication des documents. La Cour Suprême du Dakota du Nord a ordonné la publication après qu’on ait découvert que TigerSwan opérait sans autorisation dans le Dakota du Nord.

« Les documents publiés fournissent des détails étonnants sur la façon dont TigerSwan utilisait la surveillance des réseaux sociaux, la surveillance aérienne, des écoutes radio, du personnel infiltré et des bases de données par abonnement, pour constituer des listes de surveillance et des dossiers sur les activistes Autochtones et les organisations écologistes, » écrit The Intercept. Voir l’article (en anglais) sur le site The Intercept.

Le journaliste, activiste et réalisateur Paiute Myron Dewey était de ceux que TigerSwan espionnait et harcelait à Standing Rock en 2016-2017, comme il est révélé dans les nouveaux documents que la Cour a ordonné de publier.

Mardi dernier, le chauffard qui a tué Myron Dewey sur une piste isolée, près de sa maison familiale à Yomba, dans le Nevada, a, à la surprise générale, décidé de plaider coupable auprès d’un nouveau procureur à qui l’affaire a été confiée dans le Comté de Nye, Nevada. John Walsh a plaidé coupable d’un chef d’accusation moins grave, homicide involontaire par infraction routière.

Le document ci-dessous, qui montre que TigerSwan harcelait Myron Dewey et le rappeur Prolific à Standing Rock, le 17 décembre 2016, est l’un des nouveaux documents de The Intercept. Lien :
https://www.documentcloud.org/documents/23773105-tigerswan-document-daily-intelligence-update-20161217

Activités significatives : trajet d’un véhicule d’opposants, parmi lesquels Myron Dewey et le rappeur Prolific, les opposants sont entrés sur l’autoroute 1806 par la route CR136A, les réseaux sociaux montrent, dans les rubriques évènements, les opposants discutant leur trajet; sur la base des informations des réseaux sociaux et d’un reportage, le trajet probable est montré en rouge sur la carte ci-dessus. Un trajet alternatif est indiqué en jaune.

Ci-dessous : Extrait d’un fichier de TigerSwan tout juste publié : Le pouvoir du mouvement global a son cœur à Standing Rock

Le mouvement NoDAPL s’étend bien au-delà de la Rivière Canonneball, Dakota du Nord. Le Message de Standing Rock a été propagé par les réseaux sociaux et a atteint une audience globale. Des activistes ‘inspirés’ par Standing Rock dans tout le pays et le monde ont entrepris des actions contre tous les actionnaires de DAPL, même si la relation est ténue (Fonds Mutuel ODIN, le Fonds de Pensions du Gouvernement Norvégien, Wells Fargo, la Société Générale, la Bank of America…) Des activistes étrangers sont venus à Standing Rock (des Sami, Peuple Autochtone de Norvège, des Activistes Palestiniens) pour participer à la protestation organisée en solidarité avec Standing Rock. Les Protestataires de Standing Rock ont obtenu que des Officiels haut placés de l’Organisation des Droits Humains des Nations Unies rendent visite aux protestataires pour valider les proclamations de violation des droits humains, en plus d’Observateurs de l’ACLU [American Civil Liberties Union] sur le site.

Ci-dessous : La première série de documents montre à quel point le DAPL était ébranlé par la participation de célébrités, la présence du Président de Standing Rock aux Nations Unies, Bernie Sanders, le drapeau Palestinien et de grandes organisations. Le document est tiré d’une opération de publicité de TigerSwan pour trouver plus d’emploi, pousser les constructeurs d’un autre oléoduc à espionner la résistance.

Montre divers groupes d’opposition au DAPL : Tribus Autochtones, plus de 100 tribus et groupes. Célébrités : Susan Sarandon, Willie Nelson, Shailene Woodley, Amy Goodman (a fait des interviews sur le site), Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Katy Perry, Mark Ruffalo, Rosario Dawson, Ben Affleck, Neil Young (chanson anti-DAPL). David Archambault II, Président des Sioux de Standing Rock reçu au Conseil des Droits Humains des Nations Unies à Genève. Organisations contre le Changement Climatique : 350.org, Sierra Club, Food & Water Watch, Collectif FANG, etc. Drapeau palestinien.


Ci-dessus : TigerSwan utilisait des drones et des hélicoptères d’espionnage


Image d’une présentation d’une « Mise à Jour Quotidienne » de TigerSwan de janvier 2017, montrant le personnel de TigerSwan au travail. North Dakota Private Investigative and Security Board


Ci-dessus : Un fichier d’espionnage de TigerSwan à Bold Iowa. Les mercenaires payés par le Dakota Access Pipeline qualifiaient les Protecteurs de l’Eau de Bold Iowa de « belligérants ».
TigerSwan espionnait et harcelait les médias, entre autres le journaliste Paiute Myron Dewey, Amy Goodman de Democracy Now, et moi-même, éditrice de Censored News, comme il est révélé dans les documents publiés par The Intercept et Grist. TigerSwan utilisait sa surveillance des médias comme pub pour plus de travail d’espionnage pour d’autres compagnies pétrolières.
TigerSwan a fait de sa surveillance à Standing Rock une source de profits potentielle, utilisant son PowerPoint [une application de Microsoft] dans ses pubs pour du travail d’espionnage pour d’autres compagnies pétrolières et constructeurs d’oléoducs.


Moteurs extérieurs : D. Alliance Historique Réussie (Droits des Premières Nations et Changement Climatique. 3) Sandpiper bloqué, « Délais régulateurs sans précédents et des irrégularités ont entravé le projet Sandpiper depuis que les demandes d’autorisation ont été déposées, il y a presque 3 ans. 4) le Keystone bloqué : TransCanada cherche à obtenir 15 milliards de dollars de dommages et intérêts du gouvernement des USA.

TigerSwan a même harcelé la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies, en espionnant pour de l’argent.

B. Les Nations Unies sur Standing Rock – publié le 15 novembre par le Haut Commissaire aux Droits Humains : « C’est une réponse troublante à des gens qui entreprennent une action pour protéger les ressources naturelles et le territoire ancestral face à une activité cherchant des profits ». « L’utilisation excessive de l’appareil sécuritaire pour réprimer des protestations contre des activités commerciales qui sont considérées comme violant les droits humains n’est pas correct et contraire au Principes des Nations Unies sur les Affaires et les Droits Humains. »

Le Modèle d’Opposition de TigerSwan était utilisé pour faire d’autres PowerPoint potentiels pour d’autres compagnies pétrolières et constructeurs d’oléoducs.

The Intercept décrit la bataille pour ces documents

« Une requête de révélation, qui faisait partie de l’affaire, a forcé des milliers de documents internes de TigerSwan à être mis dans le fichier publique. Les avocats D’Energy Transfer se sont battus pendant près de deux ans pour que les documents restent secrets, jusqu’à ce que la Cour Suprême du Dakota du Nord décide, en 2022, que le matériau relevait du statut de fichiers publiques de l’état », dit The Intercept.
« À cause d’un arrangement entre le Dakota du Nord et Energy Transfer, qui autorise la compagnie minière à peser sur la décision de quels documents peuvent être rédigés, l’état doit encore publier 9000 pages au contenu qu’Energy Transfer lutte pour qu’il reste caché au public, au moins pour le moment.

 

LE REVOLVER PRETENDUMENT TROUVE DANS LA MAIN DE RED FAWN, APPARTENAIT A UN INDIC PAYE PAR LE GOUVERNEMENT

 

Par le Collectif Juridique des Protecteurs de l’eau
Publié sur Censored News
Le 14 décembre 2017
Traduction Christine Prat

 

BISMARCK, Dakota du Nord –

Les avocats de Red Fawn Fallis au niveau fédéral, ont déposé une Requête de Divulgation de Pièces [Motion to Compel Discovery], hier, dans le District du Dakota du Nord. La requête souligne que de nombreuses vidéos et autres documents cruciaux demandés par la Défense n’ont pas été fournis par le gouvernement.

Parmi les documents que le gouvernement n’a pas fournis, il y a des détails sur le rôle joué par l’informateur payé par le FBI, qui était le propriétaire du revolver prétendument trouvé sur le lieu où Red Fawn Fallis a été arrêtée. L’existence de cet informateur a été évoquée publiquement à la fin de l’audition des Requêtes, le lundi 11 décembre, et est également largement décrite dans un récent article du site The Intercept. D’après la requête, les demandes laissées sans réponse par le gouvernement, sont entre autres:

Une demande détaillée de documents et autres informations importantes concernant l’utilisation par le gouvernement d’un informateur payé par le FBI, infiltré dans les camps des Protecteurs de l’Eau, ayant eu une relation intime avec l’accusée, et ayant fourni des informations pendant cette période au gouvernement. Cet informateur a été témoin visuel de l’arrestation de Miss Fallis et de la décharge d’une arme à feu … [et] le revolver prétendument saisi sur Miss Fallis lors de son arrestation, appartenait à l’informateur.

La Défense demande également:

Des documents détaillés et autres informations concernant d’autres informateurs utilisés par le gouvernement, l’état du Dakota du Nord, les services de police impliqués, et/ou la firme DAPL et/ou ses agents.

Cette requête arrive seulement quelques jours après la conclusion d’une audition des Requêtes de la Défense, au cours de laquelle les avocats avaient présenté des preuves démontrant que les forces de l’ordre n’avaient pas de raison valable d’arrêter Miss Fallis. Le témoignage des forces de l’ordre durant cette audience a confirmé l’existence d’au moins un autre informateur, agent infiltré ou employé d’une firme de sécurité, qui fournissait des informations aux forces de l’ordre. L’audience a également permis de fournir des preuves confirmant l’existence de nombreuses caméras de surveillance, placées sur les véhicules des forces de l’ordre ou utilisées par des agents, dont les enregistrements audio ou vidéo n’ont pas été fournis par le gouvernement, ainsi que la loi l’exige.

Red Fawn Fallis a été arrêtée le 27 octobre 2016, et est accusée de Trouble à l’ordre Civil, d’avoir déchargé une arme à feu dans le cadre d’un crime avec violence, et de possession d’arme à feu et de munitions par une délinquante condamnée. L’accusation de ‘Trouble à l’ordre Civil’, rarement utilisée, condamne la participation à des troubles à l’ordre public et a historiquement été utilisée à l’origine contre des activistes politiques et des communautés de couleur. La Requête de communication de pièces exige que le gouvernement révèle si des “actes violents”, qui sont la base de l’accusation de Trouble à l’Ordre Civil, ont été déterminés par une enquête menée par des informateurs payés, des agents secrets ou une firme de sécurité privée.

Miss Fallis est représentée par les avocats Molly Armour, Jessie Cook et Bruce Ellison, et doit comparaitre le 29 janvier 2018, devant la Cour de District des Etats-Unis pour le District du Dakota du Nord, à Fargo. Elle a été incarcérée sans caution pendant un an, et elle est actuellement assignée à résidence dans une ‘maison de transition’, où elle se prépare pour le procès.

Red Fawn Fallis, une Sioux Lakota, est une des sept accusés au niveau fédéral dont les affaires découlent des évènements du 27 octobre 2016, à Standing Rock, et elle sera la première à être jugée. Plus de 300 Protecteurs de l’Eau attendent encore d’être jugés au niveau de l’état.

 

 

In English

Nataanii Means était l’un des intervenants, lors de la 37ème Journée de Solidarité avec les Indiens des Amériques organisée par le CSIA-nitassinan. Il a parlé de son expérience à Standing Rock, lors de la lutte contre l’oléoduc DAPL, de ses regrets et de ses espoirs, et commenté le documentaire de Michelle Latimer “Rise”, sur Standing Rock.

Après s’être présenté, comme Lakota, Omaha et Diné, il a remercié les personnes présentes d’avoir pris du temps sur leur samedi pour être là, Nataanii a raconté ce qu’il avait vécu, l’an dernier, à Standing Rock.

J’ai transcrit et traduit l’essentiel de ce qu’il a dit.

Christine Prat

 

“Ces deux dernières années, le CSIA m’a invité ici pour chanter et pour parler. L’an dernier, je vivais dans les camps, je vivais dans un Tipi avec un ami, dans le camp Red Warrior. J’ai pris le temps de venir ici en avion, puis je suis retourné là-bas. La tension avait beaucoup monté, et j’ai finalement été arrêté, le 27 novembre 2016. C’était le jour que nous avons baptisé ‘Le Raid du Camp du Traité’. Je crois que les accusations initiales portées contre nous constituaient un délit et trois infractions.

“Le film que nous venons de voir a fait remonter beaucoup de souvenirs, beaucoup de bons souvenirs, beaucoup de mauvais souvenirs, beaucoup de regrets, beaucoup de souffrance, et beaucoup de colère. Vous savez, la plupart d’entre nous ont renoncé a beaucoup de choses pour aller là-bas, et nos vies ont été complètement changées, après ça. Le film est très beau, les images sont très belles, ces images de mon peuple, mais je ne voudrais pas que vous gardiez cela dans vos esprits comme étant ce que nous sommes tout le temps. Parce que nous avons traversé des circonstances très dures. Notre plus grand combat, l’essentiel de notre combat, était entre nous. Je dois vous le dire tout net, nous nous sommes combattus les uns les autres très durement. Et c’était une véritable lutte pour, ne serait-ce que continuer, à bloquer l’oléoduc physiquement, nous nous battions éternellement rien que pour faire cela. Parce que beaucoup de gens dans les camps ne respectaient pas la diversité des tactiques.

Un grand nombre de gens ont gagné beaucoup de choses dans ce combat, jusqu’à des bottes [de marque] Eagle, jusqu’à de l’argent… Pour ma part, j’ai gagné beaucoup de regrets. Je parlais justement à Tara [Houska], il y a un instant, nous regardions la fin de cette vidéo… Putain, mec! Ça se termine tellement mal! Et tous ces vétérans qui sont venus, ça n’a absolument pas aidé. Il faut que vous compreniez que, dès le début des camps, parce que notre peuple avait été opprimé pendant si longtemps, nous n’avions pas acquis la connaissance, la compréhension, de ce qu’est le matriarcat. Les idées patriarcales sont tellement incrustées chez les plus âgés, qui ont souffert du système, que c’est en eux, depuis des générations. C’était extrêmement difficile de travailler dans ce camp, parce que ces idées patriarcales, régnaient, étaient suprêmes, même si nous essayions de rester honnêtes avec nous-même. Avec quelques amis, nous sommes restés pendant l’hiver, après que nous ayons arrêté notre camp, nous sommes restés trois mois. Et c’est alors que nous avons vu la corruption de la Tribu Sioux de Standing Rock [le Conseil Tribal], et des gouvernements selon l’IRA [Indian Reorganization Act, une loi sur le statut des Réserves]. Nous avons vu ces vétérans apparaître, et finalement infiltrer certains groupes, et diviser les gens. Plus tard, nous avons découvert que ces groupes qui infiltraient, faisaient entrer de la drogue. Et l’hiver était particulièrement dur, un des plus durs que nous ayons connu, nous avons eu quatre blizzards. Et c’est alors que j’ai appris à être, ça a été une des périodes les plus dures de ma vie. C’est comme cela que j’ai appris à être un être humain, je crois. Parce que nous devions prendre soin les uns des autres, et nous avions à nous méfier les uns des autres. Il ne s’agissait pas de certains types de groupes dans le camp, il s’agissait de qui vivait là. Pendant ce temps, les travaux [du DAPL] étaient supposés être arrêtés. Mais ils creusaient sous le fleuve, tout le temps où ils n’étaient pas supposés travailler. Nous n’étions pas assez nombreux, nous n’avions pas assez de soutien, et nous n’avions pas l’énergie pour entreprendre une quelconque action pour les empêcher de creuser.

Je vous raconte cette histoire parce que je pense que ça peut aider, mais je ne veux pas laisser les autres [intervenants] attendre, en racontant une longue histoire. Je vous raconterai encore celle-ci:

A un moment, en février [2017], alors que Witko, Tufawon et moi rentrions d’un voyage [pour appeler les banques à désinvestir du DAPL], nos amis Yazz et Sage, et quelques autres nous dirent ‘nous avons une idée’. Ils avaient un papier, divisé en trois sections, l’une appelée ‘semaines’, l’autre ‘mois’ et la troisième ‘années’. J’ai demandé ‘qu’est-ce que c’est que ça?’ Et ils me dirent ‘si tu dois faire de la prison, combien de temps est tu prêt à faire, pour arrêter cet oléoduc?’ J’ai regardé et pensé ‘pas de prison du tout’. Nous souffrions de sévère paranoïa, nous étions tout le temps fatigués, il faisait froid, et il y avait beaucoup de choses qui n’ont pas été filmées par la caméra: nous avons combattu les flics à de nombreuses reprises, sur le pont. Et à ce moment-là nous étions arrêtés la plupart du temps, alors j’ai regardé le papier et j’ai dit ‘des années’. Et ce n’est pas pour me vanter, ce n’est pas pour être vu comme un grand guerrier, je ne me considère pas comme un guerrier. Je veux dire, j’aurai préféré des semaines, mais j’ai réfléchi, ‘si je veux faire ça, c’est le moment de me sacrifier’. Et seuls Sage et moi avons choisi les années. Chaque catégorie avait un rôle à jouer dans notre plan. Enfin, il y a eu une réunion de femmes, quelques jours plus tard, certaines de mes tantes étaient venues pour partager leur sagesse avec ces jeunes femmes, et elles ont acquis un certain pouvoir dans les camps, ça faisait plaisir à voir. Quand je dis ‘mes tantes’, il s’agit de Madonna Thunderhawk et de Marbella Philips. Elles étaient dans ce camp de femmes. Nous sommes allés les voir avec nos plans pour leur demander conseil, parce que ces femmes étaient à Wounded Knee en 1973, et depuis, elles ont accompli tellement pour le mouvement. Alors, je leur ai demandé ce qu’elles pensaient. Et elles me dirent ‘vous êtes trop jeunes, nous n’avons pas besoin de vous en prison pour le moment. Il y a déjà suffisamment d’entre nous en prison.’ Et j’étais troublé. Je ne savais pas ce que je devais en penser. Et elles ne voulaient vraiment pas qu’on le fasse. Alors, nous les avons écoutées. Parce que nous les estimons, que nous estimons leurs opinions et leur sagesse. Donc, nous n’avons pas mis notre plan en pratique, nous en avons essayé un autre, qui n’a même pas marché. Les flics avaient fini par le découvrir. C’était fin février, quand ils ont fermé les camps. Et ils avaient creusé en mars. Mais depuis cette décision, j’y pense tous les jours.

Ce qui reste, c’est le tourment et les regrets. Je ne pense pas que nous avons gagné. Je pense que nous avons perdu, nous avons perdu notre combat. Et j’en sais quelque chose, des combats perdus!

Je ne connais pas la réponse, je ne veux pas prétendre connaître les réponses. Je sais ce que j’ai à faire en tant que jeune Autochtone. C’est un honneur d’être ici, avec ces gens, je me sens honoré d’être ici avec vous, et c’est un honneur pour moi de représenter ma Nation. Et je me suis rendu compte, il y a peu de temps, que nous devrons combattre chaque jour de notre vie, c’est quelque chose que je n’attends pas que vous compreniez, je ne pense pas que vous le comprendrez, mais c’est ce que nous devons faire, c’est ce que nous sommes. Et je pense que ça compense mon tourment, parce que je suis fier d’être la personne que je suis, et si fier d’avoir mes ancêtres coulant dans mes veines. Alors, je vais leur rendre honneur de la meilleure façon que je peux, chaque jour de ma vie. Et je continuerai à combattre, par la musique, par l’art, part les tribunaux, sur le front, pour le bien de la communauté, ou avec les jeunes.”

 

 

STANDING ROCK: UNE VICTOIRE! UN JUGE CONCLUT QUE L’APPROBATION DU DAPL ETAIT ILLEGALE, MAIS L’OLEODUC CONTINUE A FONCTIONNER, ET RED FAWN FALLIS N’EST TOUJOURS PAS LIBEREE

 

Le 14 juin 2017, le Juge James Boasberg a pris une décision – dont le texte fait 91 pages – dans laquelle il dit que “La Cour reconnaît que le [Corps d’Armée des Ingénieurs] n’a pas suffisamment considéré les impacts possibles d’une fuite de pétrole sur les droits de pêche, les droits de chasse, et la justice environnementale, ni la mesure dans laquelle les effets de l’oléoduc seraient probablement controversés.” Cependant, bien que le Juge Boasberg ait noté que la présomption initiale est que les opérations devraient cesser jusqu’à ce que la Déclaration d’Impact Environnementale soit complète, il a aussi déclaré que, dans ce cas, une interruption des activités causerait des dommages inacceptables à l’entreprise accusée [il veut dire par là qu’il n’est pas question de faire perdre de l’argent aux actionnaires des grandes entreprises]. Donc, ce jugement a essentiellement pour conséquence d’obliger le Corps d’Armée des Ingénieurs à compléter le processus qui permettra de produire une ‘Déclaration d’Impact Environnemental’ (EIS), attendue pour décembre.

Cependant, cette décision a probablement joué un rôle dans le fait que beaucoup de Protecteurs arrêtés et poursuivis, ont récemment bénéficié d’un non-lieu.

D’après ‘High Plains Reader’, officiellement 761 personnes ont été arrêtées – ce sont les chiffres fournis par le Sheriff du Comté de Morton, mais le Collectif Légal des Protecteurs de l’Eau dit qu’en réalité 854 personnes ont été arrêtées. Jusqu’à maintenant, dans 114 cas un non-lieu a été prononcé, 11 personnes ont été déclarées coupables, 50 personnes accusées de délits mineurs ont plaidé coupable, 3 ont été acquittées.

Outre la décision du juge, le fait que beaucoup de personnes arrêtées ont été accusées, non par des représentants légaux des forces de l’ordre ou des témoins crédibles, mais par des agents infiltrés, qu’ils soient du FBI ou de la firme privée de sécurité TigerSwan, qui a agi sans autorisation légale d’opérer dans le Dakota du Nord, a aussi été décisif pour prononcer des non-lieux. Beaucoup de personnes arrêtées ont été piégées par TigerSwan ou autres infiltrés.

Récemment, le juge Daniel Hovland a accepté la libération conditionnelle de Red Fawn Fallis dans une maison à mi-chemin de l’endroit où elle est détenue. Mais Red Fawn n’est toujours pas débarrassée des accusations qui pèsent sur elle, malgré les nombreuses vidéos de son arrestation qui sont en contradiction avec l’accusation dont elle est l’objet.

Les procès des gens qui n’ont pas bénéficié de non-lieu, pourraient, d’après un de leurs avocats, aller en appel ou devant une Cour Fédérale pour ne pas avoir été jugés selon la procédure accélérée. Le même avocat estime que les autorités sont dépassées, qu’elles se rendent compte que les choses ne se passent pas comme elles voudraient, vu que très peu de gens plaident coupable [aux Etats-Unis, les gens qui plaident coupable sont quasiment assurés d’une forte diminution de leur peine, mais pour les innocents, c’est quitte-ou-double, ils peuvent être acquittés, sinon ils ont la peine maximum].

Une bonne nouvelle, mais la lutte n’est certainement pas terminée!

Christine Prat

 

 

Sources et plus d’informations (en anglais):

Site indigenous Americans:
https://www.theindigenousamericans.com/2017/07/16/victory-standing-rock-sioux-tribe-court-finds-approval-dakota-access-pipeline-violated-law/

High Plains Reader:
http://hpr1.com/index.php/feature/news/dapl-cases-dropped-by-state-in-record-numbers/

Le Guardian du 14 juin 2017:
https://www.theguardian.com/us-news/2017/jun/14/dakota-access-pipeline-environmental-study-inadequate

Forbes:
https://www.forbes.com/sites/richardepstein/2017/07/17/the-next-steps-for-judge-boasberg-in-dakota-access-let-dapl-remain-in-operation/#202f15372d6b

Voir aussi les dépêches de Reuters du 14 juin 2017.