L’annonce, le 4 décembre, de la décision de Trump de réduire considérablement le territoire du Monument National de Bears Ears, en Utah, a provoqué des réactions immédiates. La Tribu Indienne Ute a publié un communiqué, le Grand Canyon Trust a publié un article et annoncé sa décision de porter plainte, et des manifestations ont éclaté à Salt Lake City.

 

LE GRAND CANYON TRUST EXPLIQUE POURQUOI TRUMP A FAIT UNE ERREUR MONUMENTALE EN VOULANT ETRIPER LES TERRITOIRES DE BEARS EARS ET DU GRAND ESCALIER

 

Extrait d’un article du Grand Canyon Trust
4 décembre 2017
Publié sur Censored News
Traduction Christine Prat

 

L’attaque d’aujourd’hui contre Bears Ears et le Grand Escalier, vient après que le Ministre de l’Intérieur Ryan Zinke ait procédé à une revue biaisée et opaque de ces monuments, en seulement quelques mois. Dans de nombreux cas, les actions pour protéger ces lieus en les faisant classer comme monuments ont pris des années, voire des décennies.

Zinke a rendu ses recommandations définitives à la Maison Blanche le 24 août 2017, et, en un exemple extrême de la dissimulation qui a entaché toute l’opération, il a gardé ses recommandations secrètes. Le projet de recommandations a fui en septembre, mais il devait encore rendre publiques ses recommandations définitives.

Pendant son examen, Zinke a “gracié” plusieurs des 27 monuments sur la liste des cibles. Parlant de quelques monuments qu’il avait recommandé de laisser tranquilles, Zinke a dit des Canyons des Anciens “l’histoire de ce site couvre des milliers d’années, et la protection fédérale de ces objets et de leur histoire nous aidera à préserver ce site pour mille ans de plus.” Il dit aussi, à propos des Cratères de la Lune, “en tant qu’ex-géologue, je me rends compte que c’est une représentation vivante de l’histoire géologique de notre pays.” Et il dit également que le Grand Canyon-Parashant représente “l’histoire scientifique de notre terre et contient des reliques humaines et des fossiles datant de milliers d’années.”

Les Monuments Nationaux du Grand Escalier et de Bears Ears ont toutes ces qualités et plus encore. Ils sont plus qu’un record étourdissant de milliers d’années d’histoire humaine, un paysage magnifique, de la géologie et un trésor de fossiles et d’os de dinosaures. Ils sont notre héritage naturel et culturel commun. Les recommandations du Ministre Zinke et les actions du Président Trump sont tout bonnement une tentative de démolir l’héritage de leurs prédécesseurs aux dépends des générations futures.

Les Américains veulent que nos parcs et monuments soient renforcés pour les générations futures, pas étripés pour des intérêts à court terme issus des carburants fossiles et de l’uranium. 99,2% de ceux qui ont commenté durant le passage en revue des monuments nationaux l’ont dit.

 

NE PAS CROIRE LE BATTAGE MEDIATIQUE

Vous avez peut-être entendu des officiels du gouvernement Trump dire que ces zones, dont les protections en tant que monuments nationaux viennent d’être éviscérées, sont déjà protégées. Bien que certaines zones fassent partie des Zones d’Etude des Lieus Sauvages du Bureau d’Aménagement du Territoire, ce genre de classification n’a jamais eu pour but d’être permanent, contrairement aux monuments nationaux. Beaucoup de lieus à Bears Ears, entre autres des milliers d’hectares de forêt nationale qui ont été abattus, n’ont pas de telle protection, et sont bourrés de biens culturels irremplaçables qui sont maintenant susceptibles d’être pillés, livrés au développement de sources d’énergie et autres projets qui détruisent les sites culturels.

Afin de protéger les terres publiques de façon permanente, soit le Congrès, soit le Président doit prendre des mesures pour convertir les protections temporaires en protection permanente, comme monuments nationaux ou zones sauvages. Mais la délégation de l’Utah au Congrès s’est révélée incapable de rédiger ou de faire passer des lois qui protègeraient effectivement les terres publiques. L’Utah a toujours moins de zones sauvages classées que n’importe quel autre état de l’Ouest. Si le gouvernement Trump essaie de vous faire avaler l’idée que ces lieus sont toujours protégés, n’y croyez pas. Le Président Trump a supprimé les protections du plus vieux site artistique sur des rochers près de Bluff, du site du village le plus au nord de l’ère de Chaco en Utah, et d’innombrables autres sites culturels importants.

 

Sur le site du Grand Canyon Trust, on peut lire aussi:
Le Grand Canyon Trust déposera une plainte contre cet affront inacceptable à nos valeurs essentielles, à notre mission et à la loi du pays. Nous soutenons les tribus qui ont travaillé dur pour protéger Bears Ears, et nous continuerons à défendre les intérêts des Américains qui aiment les monuments nationaux, au cours de la longue bataille juridique qui s’annonce.

 

MANIFS A SALT LAKE CITY

Le 4 décembre, jour de l’annonce de la décision de Trump, des manifs ont éclaté à Salt Lake City. Bien entendu, les Autochtones pour qui Bears Ears est sacré sont allés manifester leur colère, mais d’autres groupes se sont affrontés à la police et ont crié des obscénités à l’égard de Trump. ABC a publié une vidéo, mais recommande la prudence, les obscénités en question étant passibles de poursuites et, en tous cas, d’interdiction sur Internet.

Ces photos, et d’autres, ont été publiées sur Censored News.

 

 

 

 

Contexte: Les Akimel O’odham luttent depuis des années contre un project de prolongement du périphérique 202, qui longe leur Réserve et les menace d’une pollution aggravée, et, surtout, implique de faire sauter une bonne partie de leur Montagne Sacrée, à laquelle ils n’ont plus librement accès à cause des travaux. Ce périphérique n’est qu’une petite portion du project CANAMEX, qui doit relier le port de Guaymas, au Mexique, à Edmonton en Alberta, au Canada, c’est-à-dire aux Sables Bitumineux. La Réserve – Communauté Indienne de Gila River – accolée à Phoenix, a déjà été lourdement touchée par l’assèchement définitif de la Rivière Gila. Depuis toujours, ils utilisaient l’eau de la Gila pour arroser leurs cultures et y pêchaient du poisson. L’assèchement, causé par la construction de barrages, a brutalement changé leur régime alimentaire (agriculture remplacée par un supermarché), avec pour conséquence que la communauté a le plus fort taux de diabète et d’obésité au monde. Le projet autoroutier ne peut qu’aggraver leur situation, en amenant la pollution d’une circulation accrue et du transport de matériaux très sales et probablement de la drogue. Pour plus de détails, voir l’article que j’ai écrit en 2015, qui donne quelques explications sur les projets CANAMEX et ‘Corridor du Soleil’, et la vidéo d’une interview d’Andrew Pedro sur les effets possibles du 202. Salt River, également citée dans l’article, est aussi définitivement à sec dans la région de Phoenix.

 

L’EXTENSION DU PERIPHERIQUE 202 LE LONG DE LA RESERVE DE GILA RIVER CONTINUE

 

Interview d’Andrew Pedro, Akimel O’odham
Le 2 octobre 2017, à la limite de la Réserve
Article et traduction Christine Prat English
Novembre 2017

 

Le périphérique 202 est une bretelle d’autoroute autour de Phoenix, Arizona. Il existe déjà à l’est de la ville, et est actuellement prolongé vers l’ouest. La décision de prolonger le périphérique 202 par la Montagne du Sud a été prise en 1986. L’approbation officielle de l’extension a été accordée le 10 mars 2015. La construction devrait être terminée en 2019. Cette extension implique la destruction d’une portion importante de Moadag Do’ag, ou Montagne du Sud, un site sacré pour les Akimel O’odham. La destruction a malheureusement déjà commencé, mais le rythme s’accélère.

Le périphérique 202 doit aussi faire partie du “Corridor du Soleil”, un projet ‘touristique’, qui vise à développer une mégapole de Phoenix à Tucson, peut-être même de Prescott à Nogales [frontière avec le Mexique].

En fait, l’extension du périphérique 202 s’inscrit dans un projet infiniment plus vaste, le CANAMEX. C’est un projet routier pensé dans le cadre de l’ALENA, l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, mis au point en 1993 et signé par Bill Clinton en 1994.

En septembre 2015, j’avais rencontré Andrew Pedro, un activiste Akimel O’odham, pour parler des conséquences du projet pour la Tribu, et de la lutte contre. Début octobre 2017, nous nous sommes à nouveau rencontrés pour parler de la situation actuelle de la construction et de la lutte.

“C’est l’automne 2017, et la construction du 202 continue” dit Andrew. Il évoqua ensuite l’aspect légal du problème. La plainte en justice contre le projet est actuellement examinée par la Cour d’Appel du 9ème Circuit de San Francisco. Des arguments devaient être entendus le 28 octobre. Andrew Pedro m’a alors écrit: “Des gens du Conseil Tribal y sont allés. Maintenant, c’est à nouveau l’incertitude. La Cour pourrait mettre six mois pour prendre une décision. Une autre partie impliquée, PARC, dit que c’est probablement sans espoir pour eux. Ils ne croient pas que la Cour Suprême acceptera d’examiner l’affaire”. Il n’est pas sûr du tout que la décision de la Cour puisse donner un espoir d’arrêter la construction, étant donné que les trois juges du 9ème Circuit ont déjà rejeté des injonctions en ce sens. Andrew souligne que, l’affaire étant aux mains de la Justice, la construction devrait être suspendue. Cependant, le Service des Transports de l’Arizona, ADOT, responsable du chantier, a au contraire accéléré les travaux, très probablement dans l’espoir que, lorsque la Cour prendra une décision, il serait trop tard pour que ça ait un effet notable sur le projet.

Début octobre, les travaux avaient essentiellement lieu sur ce qu’ils appellent la section de Pecos, dans la ville d’Ahwatukee, le long de la Route de Pecos. Beaucoup de gens d’Ahwatukee, qui est en territoire ‘blanc’, mais où vivent aussi des O’odham, sont également contre le périphérique.

Les activistes qui luttent contre le projet n’ont jamais espéré grand-chose du système judiciaire, sachant que les tribunaux ne sont pas avec eux. “… d’un côté, ils pourraient protéger les enfants et les ressources de l’Arizona, ce qui concerne surtout des Blancs qui vivent hors d’Ahwatukee, mais il y a aussi la Communauté Indienne de Gila River [la Réserve] avec ses propres lois. Mais les plaintes sont jointes, donc, si une partie perd, l’autre aussi. Donc, nous avons aussi un gros problème de ce côté-là.” Ils ne font pas non plus confiance à leur Conseil Tribal, qui “ne remplit pas vraiment ses obligations de protéger la communauté, de protéger nos sites sacrés, et de protéger notre droit inhérent d’être sur ces sites”.

Il y a d’autres zones en travaux. Entre autres, la section de Salt River, à l’ouest de la Montagne, où la construction d’un pont est sur le point de commencer. Ils ont déjà amené des piliers et du ciment. Il y a aussi des travaux sur l’autoroute I10, la 79ème Avenue, jusqu’à la 43ème Avenue, et entre elles, ils construisent un échangeur important.

“Pour nous, les O’odham, c’est difficile de se concentrer sur les zones qui doivent être défendues convenablement et en priorité. Parce que le périphérique est un grand projet, de plus de 35 km. Et avec tous ces travaux, c’est difficile de décider de ce qui pourrait les arrêter dans une zone, étant donné qu’ils continueraient dans une autre” dit Andrew. “Cependant, ceux d’entre nous qui font le travail n’ont pas perdu l’espoir de sauver notre Montagne de la destruction totale, de davantage de destruction.”

Beaucoup de gens sont démoralisés et se sentent vaincus, mais, dit Andrew “nous devons continuer.”

Bien que beaucoup de non-Autochtones ne voient que les actions et les manifs, et donc voient le problème comme étant essentiellement politique, les O’odham, et les autres Peuples Autochtones, voient un autre aspect, l’aspect culturel, c’est-à-dire “qui nous sommes”. “… c’est plus puissant que le monde politique, parce que ça nous lie à notre sol, ça nous ramène à nos racines et à d’où nous venons, et ça explique pourquoi ces choses sont importantes pour nous et pourquoi ces lieux, ces montagnes sont importants pour nous à la base.”

Ensuite, Andrew explique comment d’autres gens viennent aider, des Autochtones qui comprennent l’aspect culturel. Et aussi, “parce que maintenant, de plus en plus de gens de partout s’intéressent à la lutte, parce que ça va toucher d’autres régions aussi. Que ce soit la Nation Tohono O’odham, et même Salt River, déjà traversée et affectée par le périphérique 101. Alors, ils savent ce que nous ressentons, là-bas. C’est la même chose, parce que nous sommes tous O’odham, à Salt River, ils sont aussi O’odham…”

Les effets des ‘grands projets’, le Corridor du Soleil et CANAMEX, touchent aussi des Autochtones en dehors de la Communauté Indienne de Gila River. Le CANAMEX est un projet de super autoroute de Guaymas, au Mexique, à Edmonton, en Alberta, au Canada. Des constructions et des réparations de routes ont déjà commencé, à Tucson, Nogales, Phoenix et Casa Grande. A Case Grande, une ‘zone de libre-échange’, un carrefour international de commerce, appelé Phoenix Mart, doit ouvrir l’année prochaine. “De cette façon, ils continueront à empiéter de plus en plus sur nos territoires. Nous nous trouvons toujours coincés là où un soi-disant progrès doit avoir lieu, et où le développement doit arriver” dit Andrew. Bien sûr, la politique du Conseil Tribal suit, vu que les responsables ne voient que l’argent qui pourrait en venir. Pourtant, c’est moins que certain que le développement amène un quelconque progrès pour les gens, comme le montre l’exemple de l’autoroute I10: lorsqu’elle a été construite dans la Rivière Gila, ils ont promis des routes, des logements, des emplois… mais rien n’est venu, “si vous circulez sur l’I10, c’est complètement vide”. Avec les nouveaux développements – le Phoenix Mart, les travaux à Tucson – “…ces villes s’approchent de nous, et c’est un exemple de ce qui va arriver à long terme, elles pourraient nous passer dessus. […] Avec le 202, les gens qui circulent sur la Route de Pecos maintenant, voient d’un côté Ahwatukee, de l’autre, la Réserve.”

Cependant, la portion importante, c’est la Montagne. C’est au centre, c’est la section centrale du périphérique. Il y a aussi un projet de construction de logements, dans un quartier d’Ahwatukee, entre les crêtes de Moadag Do’ag. Ce projet est indépendant de l’autoroute, ce n’est pas le Service des Transports d’Arizona (ADOT), mais c’est peut-être dans le passage. Ils ont déjà fait sauter une partie de la Montagne pour une route. “Ces travaux ne sont pas finis non plus, mais c’est là, la terre a été balayée et détruite entre les crêtes, et nous avons une Montagne qui a déjà été suffisamment profanée. Et ce n’est même pas la moitié de ce que l’ADOT veut faire” dit Andrew.

La route actuelle a deux voies, le périphérique doit en avoir quatre de chaque côté, “c’est une brèche énorme dans la Montagne”.

Ce qui est fait est déjà désastreux, mais “il y a encore un combat à venir, la guerre n’est pas finie” ajoute Andrew Pedro, “parce que le projet est à bien plus grande échelle”. Le projet est en fait le Corridor CANAMEX, qui va empiéter sur beaucoup d’autres territoires Autochtones, jusqu’au Mexique: le territoire O’odham est coupé par la frontière. Les territoires Tohono O’odham et Hia C-ed O’odham traversent la frontière. Des villages de l’autre côté seront touchés aussi.

Andrew Pedro déclare: “Nous sommes attaqués ici, dans le centre de l’Arizona, les O’odham sont attaqués par le 202, la Nation Tohono O’odham est attaquée par la frontière, et, dans le Nord, il y a beaucoup de luttes, des mines d’uranium à la station de ski Snowbowl. L’Arizona est bien connu pour ses attaques contre les Autochtones.”

La raison de ces attaques a un nom: le Capitalisme. “C’est ce qui relie tout ça. Parce que ce qui arrive a pour but de faciliter le commerce. C’est le Capitalisme en Arizona, si on veut vraiment trouver la racine de ce qui nous arrive. Ce sera toujours l’argent qui sera la force motrice derrière ces projets.” Le 202 est un couloir commercial, le Corridor du Soleil aussi. Ces projets sont supposés amener du business et du développement à la région, mais ils n’ont pratiquement pas d’effet sur l’économie locale. “Ça n’aide vraiment personne. Mais ce faisant, ils ignorent les Autochtones. Ils ne pensent pas à ce qui va advenir de nos lieux cérémoniels et de nos sites sacrés.”

Dans la Réserve, la Communauté Indienne de Gila River, l’ADOT emprunte illégalement les routes. En tant qu’entité non-tribale, elle devrait demander un permis pour utiliser ces routes, surtout dans la mesure où le périphérique est juste à la limite extérieure de la Réserve. Mais ils utilisent ces routes pour gagner un peu de temps.

La construction a terriblement restreint l’accessibilité à la Montagne sacrée pour les O’odham. Ça a bousculé les sépultures des Ancêtres, des restes humains ont été exhumés et sont toujours retenus par l’état d’Arizona. Les gens craignent les effets sur leur santé de la pollution accrue.

Andrew Pedro conclut: “Nous continuerons à nous battre, parce qu’il faut qu’ils sachent qu’ils devront payer pour ce qu’ils ont fait, d’une manière ou d’une autre. Nous ferons tout ce que nous pouvons. Même si ça implique des manifestations et des actions directes… C’est un risque, mais les gens doivent savoir ce que cette Montagne représente pour nous et pourquoi il est important de prendre des risques.”

 

Le Projet CANAMEX

 

 

COMMUNIQUE

 

LA TRIBU INDIENNE UTE PORTE PLAINTE CONTRE LE PROJET DU PRESIDENT D’ABOLIR LE STATUT DE MONUMENT NATIONAL DE BEARS EARS

 

Fort Duchesne, Utah,
4 décembre 2017
Original text in English
Traduction Christine Prat

 

La Tribu Indienne Ute est profondément offensée par l’annonce du Président Trump ce jour, de son intention de réduire considérablement le Monument National de Bears Ears. Son action va en fait révoquer le statut de Monument et menacer les biens culturels et historiques de la Tribu qui étaient protégés par la classification comme Monument. La Tribu Indienne Ute va, avec les 4 autres tribus qui s’étaient unies pour demander le statut de Monument, porter plainte contre le Président Trump, le Secrétaire Zinke et d’autres, devant la Cour Fédérale du District de Columbia, afin de les mettre devant leurs responsabilités pour ces actes qui sont un véritable affront contre la souveraineté de la Tribu Indienne Ute et de toutes les Tribus des Etats-Unis.

Les actes du Président sont d’autant plus déplorables qu’il les a entrepris sans même visiter le Monument ou consulter les tribus pour lesquelles la création du Monument devait protéger les sites culturels et sacrés. Au lieu de cela, le Président s’en remet au bref rapport du Secrétaire Zinke, qui s’efforce de réduire la position de la Tribu, en faveur de certains groupes d’intérêts. La proposition de réduire l’étendue du Monument va laisser sans protection des centaines de milliers d’antiquités, de sites archéologiques et de biens culturels et miner des années de travail commun entrepris par les membres de la Coalition Intertribale de Bears Ears pour obtenir le statut de monument, en reconnaissance des contributions culturelles et spirituelles uniques des Peuples Autochtones à l’histoire de cette grande Nation.

L’action du Président va mettre un terme à près de dix ans de collaboration avec les membres locaux de la tribu et les cinq tribus. “Le Président a promis d’assécher le marécage,” dit Luke Duncan, le Président du Comité Commercial Tribal Indien Ute, “mais avec cette action unilatérale, entreprise à la demande que quelques puissants politiciens d’Utah, le marécage ne fait que s’approfondir.” Le Président Duncan ajouta: “Nous refusons de devenir le peuple oublié de ce pays et le Président devrait reconnaître et respecter notre avis sur cette question, en tant que premiers habitants de l’Utah.”

L’action du Président, pour apaiser des politiciens de l’Utah, arrive à point nommé pour obtenir l’approbation du Congrès pour ses réductions d’impôts et n’est en fait rien d’autre que de la duplicité, satisfaire l’objectif du Sénateur Orrin Hatch d’éliminer le Monument, afin que de s’assurer le soutien du Sénateur Hatch pour la réforme des impôts. L’initiative du Président de réformer les impôts dépend du soutien du Sénateur Hatch, vu sa situation de Président du Comité des Finances du Sénat. Malgré ses promesses de travailler pour les Nations Tribales, le Président agit pour de riches groupes d’intérêts, en dépit de l’impact sur l’histoire et la culture tribales.

L’action du Président menace les biens inestimables de Bears Ears. “Le Monument ne concerne pas seulement quelques objets archéologiques isolés. Le Monument est une part vivante de notre culture, ainsi que de l’histoire et de la culture des Etats-Unis. Nos cultures existent toujours et elles sont toujours florissantes,” dit Shaun Chapoose, membre du Comité Commercial Tribal Indien Ute. “La région de Bears Ears est un paysage culturel – un lieu qui entretient nos familles dans nos traditions. C’est une triste situation, quant le Président de cette grande Nation affiche un tel manque de respect pour notre histoire et notre culture en tant que peuple, mais nous sommes prêts à nous battre pour nos droits, et pour protéger Bears Ears.”

La Tribu Indienne Ute affirme que la Loi sur les Antiquités ne donne pas au Président l’autorité de révoquer ou réduire un Monument National. La position de la Tribu Indienne Ute est que le projet du Président Trump de réduire Bears Ears constitue une révocation illégale du statut d’un Monument National et que ses actes en la matière devraient être universellement condamnés par tous les Peuples Autochtones du monde, et par tous ceux qui soutiennent les droits des Peuples Autochtones. L’action du Président dans ce cas, enfreint la Loi sur les Antiquités et est menée sans autorité légale. Cette action est aussi une violation de la responsabilité de tutelle du gouvernement fédéral et de la relation de gouvernement à gouvernement avec les tribus Indiennes. La Tribu Indienne Ute déposera une plainte contre l’action du Président, avec les autres tribus de Bears Ears, dès que l’acte aura été exécuté.

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A propos de la Tribu Indienne Ute – La Tribu Indienne Ute réside dans la Réserve Uintah et Ouray, dans le nord-est de l’Utah. La Tribu est composée de trois bandes: la Bande de White River, la Bande Uncompahgre et la Bande Uintah. La Tribu compte plus de trois mille individus, dont plus de la moitié vivent dans la Réserve Uintah et Ouray. La Tribu Indienne Ute a son propre gouvernement tribal et contrôle environs 53 000 km² de terres tribales, qui contiennent des gisements importants de pétrole et de gaz. Le Comité Commercial Tribal est le conseil qui gouverne la Tribu.

 

 

AKIMEL O’ODHAM: CONSTRUCTION OF LOOP 202 IS STILL CONTINUING AND ENCROACHING ON US

 

Andrew Pedro, Akimel O’odham
October 2, 2017
Interview and article by Christine Prat  Français

The Loop 202 is a freeway leading around Phoenix, Arizona. It is partly existing east of the city and is now being extended westward. The decision to include the South Mountain Freeway in Loop 202 was taken in 1986. The final approval to extend it was received on March 10, 2015. The construction is planned to be completed in 2019. The extension implies destruction of a huge part of Moadag Do’ag, or South Mountain, which is sacred for the Akimel O’odham. A lot of destruction has already happened, but it is rapidly going on.

The Loop 202 is also part of the “Sun Corridor”, a ‘recreation’ project, meant to develop a megacity from Phoenix to Tucson, maybe even from Prescott to Nogales.

As a matter of fact, Loop 202 extension is part of a much bigger project, the CANAMEX* project. It is a road project devised as part of NAFTA, a free trade agreement between the USA, Canada and Mexico, designed in 1993 and signed by Bill Clinton in 1994.

In September 2015, I had talked with Andrew Pedro, Akimel O’odham activist, about the consequences of the project for the Tribe, and their struggle against it. At the beginning of October 2017, we met again, to talk about the present situation, regarding the construction and the struggle against it.

“It’s the fall of 2017, and the construction of the 202 is still continuing” said Andrew. He went on talking about the legal aspect of the issue, as a court case against construction is now in the Court of Appeal of the 9th Circuit in San Francisco. Arguments were supposed to be heard on October 28th. Andrew Pedro wrote then “People from the Tribal Council went and attended the oral arguments. Now it’s in a state of limbo again. The Court could take as long as six months to make a ruling in the case. The other litigants, PARC, said this is probably the end for them. They don’t believe that the Supreme Court will take the case”. It is not sure that the ruling will give more hope of stopping the construction, as the 9th Circuit three judges already denied injunctions to stop construction. Andrew Pedro pointed out that, the project being in a Court case, construction should be held. However, ADOT has just stepped up construction speed, very likely hoping that when the Court will make a ruling, it will be too late to have a substantial effect on the project.

At the beginning of October, construction was mainly happening in what they call the Pecos segment, in the town of Ahwatukee, along the Pecos road. Many people in Ahwatukee, which is in ‘white’ territory, but where some O’odham live, are also against the Freeway.

The activists struggling against the project never expected much from the Court system, knowing that courts are not on their side. “… on one hand, they would protect Arizona’s children and resources, which is predominantly a White group of people based out of Ahwatukee, and then you have the Gila River Indian Community with all their own legislation, but the lawsuits are joined, so that, if one case loses, the other case loses. So, we’re kind of in a big mess with that as well.” They don’t trust their Tribal Council either, who “are not really fulfilling their purpose of protecting the community and protecting our sacred places and protecting our inherent right to be at these places”.

There are other areas under construction. Among others, the Salt River segment, on the west side of the mountain, where bridge construction was about to start, pillars and concrete having been already brought. There is also construction on Interstate 10, 79th Avenue, to 43rd Avenue, in between, a major freeway interchange is being built.

“For us, as O’odham people, it is hard to really put a focus on which areas need to be handled properly and first. Because that freeway is one big project and is 22 miles long, and with all those constructions happening, it’s hard to say what could really stop them in one area, as they’ll continue in another area” Andrew stated. “Nonetheless, those of us who do this work have not lost hope that we can still save our mountain from being destroyed, from further destruction.”

A lot of people are demoralized and feel defeated, but, says Andrew, “we just got to keep moving forward.”

Although outsiders mainly see the actions and protests, and thus view the issue as mainly political, O’odham people, and other Indigenous peoples, see another side to it, the cultural side, meaning “who we are.” …”that is more powerful than the political world, because that keeps us grounded, it keeps us back to our roots and where we really come from, and why these things are important to us and why these places and these mountains are important to us in the first place.”

Then Andrew explains that there are some new people coming in to help, Indigenous people who understand the cultural side. And also, “because now, there are more people from all over taking interest in the struggle itself because it’s gonna later on affect other areas too. Be it in Tohono O’odham Nation, even in Salt River, already affected by the 101 freeway, because that crosses their area. So, they know how we’re feeling out here. It’s the same thing because we are O’odham people, Salt River is O’odham people…”

The effects of the ‘greater’ projects, the Sun Corridor and the CANAMEX, are also felt by Indigenous people outside the Gila River Indian Community. The CANAMEX project is a super highway from Guaymas, in Mexico, to Edmonton, in Alberta, Canada. Road construction and repair has already started, in Tucson, Nogales, Phoenix and in Casa Grande. In Casa Grande, a ‘free trade zone’, an international trade hub, called Phoenix Mart, is supposed to open next year. “So, it will just keep them encroaching and encroaching on us. We are still stuck in the middle of where so-called progress is supposed to be made, and development is supposed to come from” Andrew stated. Of course, tribal politics go with it, as they only see the money that could be made. However, it is less than certain that development brings any progress to the people, as the example of Interstate 10 shows: when it was built through the Gila River, they were promised roads, housing, jobs… but none of it happened, “if you drive through the I10 now, it’s completely bare.” With the new developments – Phoenix Mart, development in Tucson – “…these cities are coming closer to us, and that’s the example of what’s going to happen to us in the long run, we’ll possibly get run over. …With the 202, people who drive over the Pecos Road right now, looking one way, they see Ahwatukee, looking the other way, they see the Reservation.”

However, the important part is the mountain. It is in the center, it is the central segment of the freeway. There is also a housing development, a subdivision of Ahwatukee, between the ridges of Moadag Do’ag. The project is independent from the freeway, it is not ADOT, but possibly in the way. The mountain has already been blasted for a road. “That construction is also not finished, but it’s there, the land has been wiped and destroyed in the middle of those ridges, and we’re left with a mountain that has already been desecrated enough. And it’s not even half of what ADOT wants to do” says Andrew.

The present road is a two lanes road, the freeway is supposed to be four lanes on each side, “which is a massive cut in the mountain”.

What has already been done is bad enough, but “there is still another fight coming, the war isn’t over,” adds Andrew Pedro, “because the scale of the project is much larger”. The project is in fact the CANAMEX Corridor, which will encroach on many other Indigenous areas, down to Mexico: the O’odham territory is cut by the border. Tohono O’odham and Hia C-ed O’odham territory goes across the border. Villages on the other side will be affected too.

Andrew Pedro states “We are being attacked here, we are in the center of Arizona, the O’odham people are here being attacked by the 202, the Tohono O’odham Nation is being attacked with the border, and then, in the North, there are plenty of struggles, from uranium mines to Snowbowl. Arizona is pretty much known for its attacks against Indigenous People.”

The reason for these attacks has a name: Capitalism. “That’s what kind of connect it all. Because the development that is happening is to help facilitate trade. That is Capitalism in Arizona, if you really want to get down to the root of what is happening to us. It’s always gonna be the money that is the driving force behind a lot of these projects.” The 202 is a trade corridor, so is the Sun Corridor. Those projects are supposed to bring business and development to the region, but it hardly has any effect on the local economy. “It doesn’t help anybody at all. But by doing so, they bypass Indigenous People. They don’t think about what’s going to happen to our ceremonial grounds and our sacred places.”

In the Gila River Indian Community, ADOT illegally uses Reservation roads. As a non-tribal entity, they should have a permit to use those roads, specially as the freeway is just off the Reservation. But they use those roads because it is a little quicker to reach the construction sites.

Construction has drastically restricted O’odham people’s accessibility to the sacred mountain. It has disturbed ancestors remains, human remains have been excavated and are still withheld by the state of Arizona. People fear the increased pollution which will affect their health.

Andrew Pedro concludes “We will continue to fight, as they have to know they’re going to pay for this, somehow. We will do everything we can. Whether that means protests and direct actions… It is a risk and people do need to realize what this mountain means to us and why these risks are important.”

 

*The CANAMEX Project

 

 

UNE MANIFESTATION PERTURBE L’OUVERTURE DE SNOWBOWL, QUI S’EST FAITE AVEC 100% D’EAUX USEES RECYCLEES

Par Indigenous Action Media
21 novembre 2017
Traduction Christine Prat

Flagstaff, Arizona – La station de ski Arizona Snowbowl, qui perpétue des années de profanation et d’attaques contre le mode de vie des Autochtones, de destruction de l’environnement et de menaces pour la santé publique, a ouvert avec de la neige faite à 100% avec des millions de litres d’eaux usées recyclées. Après avoir dû repousser deux fois le jour d’ouverture, par manque de neige naturelle, la station a ouvert un remonte-pente et une piste, pour quelques rares visiteurs. Plus d’une douzaine de protecteurs des sites sacrés ont affronté les employés de Snowbowl et les visiteurs, lors d’une action de “quarantaine”, avec des costumes de protection, des banderoles, des rubans d’avertissement, en scandant “Pas de Profanation pour votre Récréation”.

“C’est clairement un exemple de perpétuation du colonialisme. Ce qui se passe, c’est que Dook’o’oosłííd, une montagne sacrée pour de nombreux Peuples Autochtones de cette région, est profanée par la firme Snowbowl” dit Maile Hampton. “Ces capitalistes continuent à venir abattre des arbres et poursuivre la construction de cette station de ski. Non, seulement ils construisent ça, mais ils la remplissent à 100% d’eaux usées recyclées. Accepteriez-vous que quelqu’un déverse de l’eau d’égout sur la pelouse de votre église? Cette montagne est une église pour les Autochtones. Cette montagne est sacrée. Ça ne peut pas continuer comme ça. Cette compagnie profane cette montagne sacrée pour le seul profit et le divertissement. Nous continuerons à résister et faire tout ce que nous pouvons pour attirer l’attention sur ce problème et expulser Snowbowl complètement. BOYCOTTEZ SNOWBOWL!”

“Le manque de respect pour le territoire et tous ceux qui l’habitent est dégoûtant. J’ai parlé à des employés et des clients de Snowbowl, qui ont fait voir qu’ils ne s’intéressaient qu’à leur divertissement”, dit Mary Begay. “Ils se sont moqués de nous et étaient ouvertement sexistes et racistes. Certains clients ont essayé de manger le produit d’égouts, qui contient des produits pharmaceutiques et des hormones, pour prouver quelque chose, mais ils l’ont immédiatement recraché dans notre direction. Nous étions là dans un esprit de prière, pour arrêter la destruction et la profanation de notre eau, de notre écosystème et de notre humanité.”

“Les clients de Snowbowl n’ont pas de hautes valeurs morales et n’ont aucun respect pour ceux qui veulent protester pacifiquement” dit Scott Begay. “Si les clients de Snowbowl font preuve d’un tel manque de respect le jour de l’ouverture, j’ai du mal à imaginer ce que ce doit être le reste de l’année. Snowbowl permet et cautionne cet étalage vulgaire de colonialisme, et il faut y faire quelque chose.”

Au départ, l’action avait pour but de bloquer une section de la piste de ski, mais a dû être déplacée, vu que les agents des forces de l’ordre menaçaient d’arrestations. Six véhicules des forces de l’ordre ont suivi les résistants pendant qu’ils se rendaient plus haut, à travers la zone de construction où Snowbowl continue sa violence contre la montagne.

“Cette montagne est notre église, l’ouverture de Snowbowl aujourd’hui et les menaces d’arrestation pour ‘effraction’ rappellent encore qu’en tant qu’Autochtones, nous n’avons pas de liberté religieuse sur nos propres terres” dit Klee Benally, un bénévole de Protect the Peaks. “Pensez-y, avec vos familles, en vous préparant à célébrer le soi-disant ‘Thanks Giving’: le Service des Forêts des Etats-Unis, Snowbowl et la ville de Flagstaff perpétuent le génocide culturel des Peuples Autochtones pour quelques dollars.”

“Nous étions là pour essayer d’arrêter la profanation de notre montagne sacrée, où nos prières et nos cérémonies ont lieu” dit Dustin Wero, “étant Diné, c’est instinctif, pour nous, de défendre ce qui est sacré.”

Snowbowl est la seule station de ski au monde à faire de la neige avec de l’eau d’égout recyclée.

“Bien que sachant que des eaux usées recyclées étaient utilisées pour faire de la neige à Snowbowl, j’ai été choquée en voyant la neige et cette couleur jaunâtre, j’ai cru avoir un problème d’yeux, ou qu’un chien avait pissé dans la neige” dit Crystal Zevon, “Mais en regardant plus loin, c’était certain, cette neige est jaune au soleil. J’ai grandi en faisant du ski dans le Colorado, mais je n’ai jamais rien vu de semblable.”

Snowbowl est controversée depuis longtemps, à cause de sa présence sur les Pics San Francisco, qui sont sacrés pour plus de 13 Nations Autochtones. La station de ski opère avec un permis spécial d’utilisation, sur des terres publiques gérées par le Service des Forêts des Etats-Unis. Depuis des décennies, elle a connu de nombreuses poursuites en justice, qui constituent un précédent pour la liberté religieuse des Autochtones.

“Les luttes pour protéger nos sites sacrés et notre précieuse eau ne seront pas terminées tant que nos cultures ne le seront pas. Nous ne laisserons pas cela se produire” dit Klee Benally.

 

 

 

 

 

 

ANARCHISTES AUTOCHTONES, ANARCHISTES BLANCS

Andrew Pedro, Akimel O’odham
2 octobre 2017
Interview, enregistrement, traduction Christine Prat
Version anglaise publiée sur Censored News

 

“Les Révolutionnaires et les Anarchistes, les gens qui se définissent comme Anarchistes, ont toujours une mentalité très coloniale. En particulier ici, car beaucoup d’entre eux ne se rendent pas compte de ce qu’ils disent et comment ça touche les Autochtones. C’est en grande partie parce qu’ils n’ont pas de valeurs culturelles, spirituelles ou religieuses, et ce n’est pas à moi de résoudre le problème, formulez-le comme vous voulez, nous avons une vision différente. Pour moi, qui me considère Anarchiste, l’Anarchisme est une couche à la surface de ce que notre mode de vie traditionnel signifie pour nous. Parce que pour moi, l’Anarchisme est l’idée d’être libéré de toutes ces formes d’oppression, et c’est comme ça que nous vivions il y a longtemps. D’après ce que j’en sais, en tant que peuple O’odham, nous étions libres de nous déplacer dans notre territoire. Il y avait des Tohono O’odham, des Akimel O’odham, des Hia C-ed O’odham, mais il n’y avait pas vraiment de frontière, ça ne voulait pas dire que nous n’étions pas autorisés à aller dans certaines zones pour faire ce que nous avions à y faire, il y avait seulement du respect pour les gens qui y vivaient. Pour moi, beaucoup d’Anarchistes Blancs, y compris ceux d’origine Latino, ce genre d’Anarchistes et beaucoup d’autres gens à Phoenix, et dans toute l’Arizona, ne reconnaissent pas vraiment cela. Nous sommes toujours là, nous avons toujours ces valeurs culturelles et spirituelles, mais pour eux, c’est un obstacle. Ils voient surtout le fait que ce n’est pas de l’athéisme. Je n’ai pas de problèmes avec l’athéisme, mais c’est leur choix, et, nous O’odham, n’imposons pas nos croyances à qui que ce soit, nous n’obligeons pas le gens à les comprendre, parce qu’elles sont seulement pour les O’odham. C’est comme certains lieux où nous allons, certaines de nos cérémonies, dont nous ne parlons même pas aux autres Tribus, parce que c’est pour nous, les O’odham. Et je suis sûr que c’est la même chose pour les autres Tribus.

Les O’odham ont toujours été très ouverts aux autres peuples. Certains disent que si nous avons tenu jusqu’à aujourd’hui, c’est pour avoir été amicaux avec les autres peuples, avec la Chrétienté elle-même, avec les Blancs, avec les Espagnols. Cette bonté a toujours existé et nous a amenés à la situation où nous sommes maintenant. Je crois que c’est grâce à la foi solide et aux fortes valeurs culturelles que nous avions. C’est la raison pour laquelle nous sommes toujours en vie.

Il y a eu des temps où les O’odham se sont révoltés contre l’Eglise et ont brûlé toutes les églises. Des choses comme ça ont eu lieu. Personne ne s’en souvient vraiment, et les Anarchistes étant presque totalement athées, et leurs croyances et leurs valeurs y étant intrinsèques, ils voient n’importe quelle religion comme oppressive. Mais ce n’est pas toujours le cas. D’abord, les Autochtones et l’Anarchisme sont des idées très nouvelles. Pour nous, nous sommes des Autochtones, et je pense qu’également ceux qui se définissent comme Anarchistes du point de vue politique, voient l’indigénéité comme venant toujours d’abord.

Pour moi, l’Anarchisme est la couche supérieure, le niveau de surface de ce que Himdag [mode de vie traditionnel] signifie pour moi, parce toutes ces choses se recoupent. Nos idées et nos façons de faire les choses se recoupent dans différentes cultures, de différentes manières. Ce que je ressens, la société O’odham, comment elle m’a été expliquée, les temps passés et le monde tel qu’il est maintenant, tout cela est similaire à ce que l’Anarchisme veut être, mais il n’y est pas encore tout à fait. Spécialement dans la façon dont l’Anarchisme fonctionne, ces lieux où ils vont qui n’autorisent pas les objets religieux, et d’autres choses comme ça. Ils ne veulent pas vraiment discuter de ce que ça signifie pour certains peuples. A beaucoup d’égards, il y a une perte. Il y a une perte, parce qu’au départ, ils ne sont pas chez eux ici. Ils n’ont pas de connexion avec la terre, ils n’ont pas de connexion avec toutes ces choses.

Mon plus grand espoir pour les Anarchistes Blancs, surtout en Arizona, c’est qu’ils comprennent qu’ils peuvent nous aider dans les luttes Autochtones, mais ça n’a pas à être au sens spirituel. Ils n’ont pas besoin de comprendre le caractère sacré de ce que Moadag Do’ag [la Montagne du Sud] signifie pour nous. Il y a le Capitalisme, allez le combattre, allez combattre ce que vous connaissez! Ils n’ont pas besoin de comprendre ce que ça signifie pour nous, parce que ces enseignements sont pour nous, pour un certain groupe de gens. Et ce n’est pas la même chose qu’être ouverts ou repousser les gens.

Ça fait des centaines d’années, certains disent des milliers, que nous avons suivi ces idées et cette culture, et nous les suivons toujours. Tandis que les gens, les ancêtres – appelez-les comme vous voulez – de ces Anarchistes Blancs ne viennent probablement même pas d’Arizona, si on remonte à quelques générations. Mais nous, nous avons toujours été ici, donc nous avons ces connexions et une compréhension plus profonde de ce que ça signifie, de ce que ce désert signifie pour nous. La vie de toutes ces plantes, tous ces animaux, ça signifie quelque chose pour nous. Ils n’ont pas ça, et ils ne savent quoi penser parce qu’ils ne comprennent pas. Beaucoup de problèmes Autochtones – le colonialisme en est un à la base – font partie de ce qui pousse ces Anarchistes Blancs à se battre, au départ. Le Capitalisme en est une des racines principales. Et si vous ne combattez pas vraiment les deux, qu’êtes-vous en train de faire? Vous n’aidez personne, en fait, vous allez avoir un comportement colonial vis-à-vis de ces combats, et vous ne penserez pas aux Autochtones. Je ne veux pas d’un Sauveur Blanc pour sauver la mise, et je ne vais pas rester là à tenir la main d’un Anarchiste Blanc pour leur montrer la voie tout le temps. Ils doivent juste comprendre que certaines choses sont pour eux et d’autres ne le sont pas, et il n’y a rien de mal à ça! Souvent, les Anarchistes Blancs se sentent floués quand nous leur disons “nous n’allons pas participer, parce que nous avons nos vies, nous avons un tout autre monde dont nous devons nous occuper. La Réserve est un autre monde. Ça ne va pas si vite, on y fait les choses différemment, ce sont des valeurs culturelles différentes qui y ont cours. Même si les gens n’ont pas de culture particulière, ils ne peuvent pas avoir la compréhension de tout ce qui y est différent. La façon dont nous analysons les choses dans notre tête n’est pas la même que celle des gens des villes…

Ainsi, c’est assez difficile d’avoir des conversations utiles avec beaucoup d’Anarchistes Blancs, parce qu’ils sont coincés dans leur monde, dans le genre “j’ai raison”, et c’est en quelque sorte une mentalité coloniale. Ces gens ne savent pas de quoi on parle, ils ne vivent pas ici, cependant, c’est notre territoire!

Par le passé, il y a environ 5 ans, nous avons eu pas mal de problèmes avec un nouveau groupe anarchiste, ils venaient plus ou moins du mouvement “Occupy”. Ils sont toujours très “de gauche” dans leur façon de s’organiser, et ils s’allient souvent aux groupes “de gauche” de Phoenix. Je suppose que ce n’est pas vraiment compris, peut-être même pas par eux, peut-être qu’ils ne savent pas bien ce qu’Anarchisme veut dire pour eux. Ce qui cause des encore plus de problèmes, de ne pas savoir ce qu’on fait ni pourquoi on le fait. Même certains groupes Antifa, maintenant, commencent à faire la même chose, et ne sont donc pas très ouverts envers les Autochtones. Ils sont mal à l’aise, parce qu’ils nous voient d’une manière très “Blanche”. Il y a eu un groupe, qui n’existe plus vraiment maintenant, qui se définissait comme Anarchiste, “combattons le Capitalisme”, “Combattons ceci, cela”, mais ce n’étaient que des mots. Le plus grand projet capitaliste d’Arizona, c’est le périphérique 202, le Sun Corridor, et personne ne sait de quoi on parle, quand on essaie d’en parler avec eux. C’est une partie du problème. Ils devraient d’eux-mêmes apprendre ce qui se passe dans la région où ils habitent. Et savoir qu’il y a une connexion avec les Autochtones. Mais pour cela il n’est pas nécessaire de comprendre complètement qu’il y a des choses sacrées, qu’il faut une vie entière pour comprendre, que cela prend toute la vie, que c’est quelque chose que nous ne pouvons pas expliquer simplement, dans une vidéo ou un email. Ces choses prennent toute notre vie et une connaissance complète de ce qui arrive. En ce qui les concerne, nous disons qu’ils ne comprendront pas, à cause de ce qu’ils sont, ce sont des Blancs, ce sont des Latinos, et ils ne le comprendront pas comme nous le comprenons.

Ces choses les touchent différemment de nous, parce que nous avons la ferme croyance que ça ira bien pour nous, en fin de compte. Même si dans 20 ans – et j’espère que ça n’arrivera pas – mais dans 20 ans, si ces autoroutes sont là, certains d’entre nous seront toujours en vie et pratiquerons notre culture, et nous les ferons payer, d’une façon ou d’une autre. Avec les Anarchistes, ce n’est pas comme cela. Je vois souvent l’Anarchisme Blanc comme une histoire de victoires à très court terme, c’est intrinsèque à leur croyance qu’ils peuvent occuper le terrain, mais qu’est-ce que ça veut dire “occuper le terrain” en territoire occupé? Avoir une librairie anar quelque part, si vous ne reconnaissez pas les Autochtones, pour moi c’est colonial. C’est une partie du problème. Je pense que vous êtes Anarchiste si vous êtes anticapitaliste dans tous les sens du terme, antifasciste, etc., mais si vous n’avez pas une position politique anticoloniale, vous ne valez pas mieux que n’importe quel autre.”

 

 

La COP23 officielle a plutôt été une reculade par rapport aux précédentes. L’ex-star écolo de la télévision française, Nicolas Hulot, s’est fait remarquer en reportant la diminution de la part du nucléaire dans la production d’énergie, prétendant qu’il fallait choisir entre le nucléaire et le charbon. Tant les pro-nucléaires que les “anti” officiels ont affirmé que le nucléaire était “propre”, les “anti” disant que, cependant, le problème se pose après, quand il faut se débarrasser des déchets. Leona Morgan, Navajo, sait fort bien – comme beaucoup d’Autochtones de tous les continents – que la pollution radioactive, bien plus durable que n’importe quelle autre – se produit dès le début, au cours de l’extraction de l’uranium et du traitement du minerai. Leona est venue à Paris pour participer au Forum Mondial contre le Nucléaire, puis s’est rendue à Bonn, pour rencontrer ceux qui n’étaient pas invités à la COP officielle, mais tenaient à manifester leur opposition à tous les dangers qui menacent l’humanité.

Christine Prat

 

Leona Morgan, de Bonn
Publié sur Censored News
Traduction française Christine Prat

Yá’át’ééh from across the Big water! I’ve traveling internationally to connect uranium mining issues to other anti-nuke fights at the World Anti-Nuclear Social Forum last week in Paris and with climate issues, now at the COP23 in Bonn, Germany. There is much misinformation about nuclear being clean when we all know how dirty uranium mining and processing are, and all the other steps of the fuel chain. Nuclear energy is not clean, and not a solution to Climate Change!! One of my goals is to connect with other indigenous peoples fighting the nuclear monster, so far, so good!! #HaulNo #DontNukeTheClimate #WaterIsLife #DismantleTheNuclearBeast! #StopNuclearColonialism #LeetsohDooda

Ya’at’eeh d’au-delà de la Grande Mer! J’ai fait un voyage international afin de relier les problèmes d’extraction d’uranium aux autres combats anti-nucléaires, la semaine dernière à Paris, au Forum Social Anti-Nucléaire, et aux problèmes climatiques, maintenant, à la COP23, à Bonn, en Allemagne. Il y a beaucoup de désinformation sur le nucléaire supposé propre, alors que nous savons tous combien l’extraction et le traitement de l’uranium sont sales, tout comme tous les autres stades de la production de carburant. L’énergie nucléaire n’est pas propre, et ce n’est pas une solution au Changement Climatique!! L’un de mes buts est d’entrer en contact avec d’autres peuples autochtones qui combattent le monstre nucléaire, et jusqu’à maintenant, ça marche!!

Leona Morgan, 9 novembre 2017

 

 

Leona Morgan est une activiste anti-nucléaire Navajo. Elle réside actuellement à Albuquerque, au Nouveau Mexique. Elle s’occupe essentiellement du développement du nucléaire au Nouveau Mexique, déjà complètement pollué par le pétrole (puits, raffineries, transport, accidents, fuites), et du grave problème causé par les mines d’uranium, en activité ou abandonnées, en territoire Navajo. Elle est membre de Diné No Nukes (Navajo contre le nucléaire) et de Haul No!, une organisation qui combat le transport de minerai d’uranium par camions à travers la réserve Navajo.

Photos prises près de la mine dite ‘zombie’, n’ayant pas d’activités pour le moment. Elle se trouve à l’ouest du Nouveau Mexique, près du Mont Taylor, montagne sacrée pour beaucoup d’Autochtones

 

 

COMMUNIQUE DE PRESSE

Mardi 7 novembre 2017
Contact: Klee Benally
stopcanyonmine@gmail.com
https://www.haulno.org
Egalement publié sur Censored News
Traduction Christine Prat

 

La ville de Flagstaff adopte une résolution contre l’extraction et le transport d’uranium
Elle s’engage à mener une action légale aux niveaux fédéral, de l’état, et municipal

Crédit photos: Caleb Eckert

 

Flagstaff, Arizona – Le Conseil Municipal de la ville de Flagstaff a adopté une résolution s’opposant à l’extraction et au transport d’uranium de Canyon Mine, une mine située à 10 km de la Rive Sud du Grand Canyon du Colorado.

Le scrutin a été de six voix pour et une contre, celle du conseiller Scott Overton.

Leilani Clark, une bénévole de Haul No! a déclaré au conseil: “Adoptez la résolution, adoptez un arrêté municipal, faites tout ce que vous pouvez, parce que nous, le public, ferons tout, par tous les moyens nécessaires, pour empêcher des camions transportant du poison de traverser nos communautés.”

Après le vote, Clark a déclaré “L’acte du Conseil Municipal de la ville de Flagstaff de ce soir est une des nombreuses mesures à prendre pour soulager le traumatisme historique et la souffrance des Peuples Autochtones, causés par l’industrie nucléaire. Nous ferons tout pour nous assurer que nos communautés, les sites sacrés, l’eau si précieuse et le Grand Canyon soient à l’abri des effets toxiques de l’extraction d’uranium.”

Plus de 100 personnes s’étaient entassées dans la salle du conseil, dont une écrasante majorité en faveur d’une action allant plus loin qu’une résolution symbolique. Les personnes présentes ont exprimé leurs inquiétudes face à la perspective de voir jusqu’à 12 camions par jour, transportant chacun 30 tonnes de minerai d’uranium hautement radioactif de Canyon Mine. Le minerai d’uranium serait transporté sur un total de près de 500 km, par Flagstaff et les communautés de la Réserve [Navajo], jusqu’à l’usine de retraitement controversée d’Energy Fuels Inc., “White Mesa Mill”, près de Blanding, en Utah, située sur des terres ancestrales des Ute de Ute Mountain.

Des membres de communautés Autochtones de la région, dont six représentants du Conseil Tribal Havasupai, ainsi que des représentants des nations Diné (Navajo), Hopi, Apache et Pueblo, étaient présents pour être témoins de l’adoption de cette résolution historique. Et on pouvait ressentir de la solidarité à l’échelle de tout l’état, étant donné que des habitants de l’Arizona étaient venus d’aussi loin que Phoenix et Tucson pour manifester leur soutien à l’adoption de la résolution par le Conseil, et pour appuyer un futur arrêté municipal.

Ophelia Watahomigie-Corliss, membre du Conseil Tribal Havasupai, s’est exprimée au nom de tout le Conseil Tribal pour soutenir la résolution et un arrêté municipal: “Depuis plus de 40 ans, la Tribu Havasupai a systématiquement utilisé tous les moyens possibles pour s’opposer à l’extraction d’uranium sur le Plateau du Colorado. Nous considérons l’extraction d’uranium et de métaux lourds dans notre région comme une menace pour notre eau, notre territoire, nos sites sacrés, et notre survie même en tant que peuple.”

Watahomigie-Corliss dit qu’elle était parfaitement consciente des inquiétudes du Conseil Municipal de Flagstaff quant à des conflits possibles avec la loi fédérale, si un arrêté était adopté, [mais] “c’est aussi du pouvoir que d’essayer de créer un précédent en faveur des citoyens, dans un mouvement positif qui durera pendant des générations après la fin de votre mandat.” Watahomigie-Corliss a aussi parlé des inquiétudes causées par l’annonce récente du gouvernement Trump, envisageant d’annuler un moratoire de 2012 sur de nouvelles mines d’uranium autour du Grand Canyon. “Cela rend notre coopération d’autant plus urgente. Nous nous considérons tous chez nous sur ce territoire et nous devons nous unir pour protéger les citoyens et l’environnement des effets nocifs de l’extraction d’uranium.”

Canyon Mine est située près de Red Butte, une montagne sacrée et une Propriété Culturelle Traditionnelle de la Nation Havasupai. La Nation Havasupai a poursuivi en justice le Service des Forêts des Etats-Unis pour ne pas avoir effectué de consultation effective à propos de Canyon Mine, dans sa Déclaration d’Impact Environnemental de 1986. Une décision de la Cour d’Appel du 9ème Circuit pourrait tomber d’un jour à l’autre.

Milton Tso, Président du Chapitre de Cameron, dans la Nation Diné, a mis la menace de l’uranium en perspective, étant donné que sa communauté compte plus de 100 mines d’uranium abandonnées. Pendant qu’il s’adressait aux conseillers de Flagstaff, son fils brandissait des photos de pancartes prévenant des dangers de l’exposition à la radioactivité. “C’est notre réalité, à Cameron. Ces pancartes se trouvent près d’habitations, près d’enfants. Si ça passe par Flagstaff, ça passera dans ma ville. Nous ne sommes pas seulement contre l’extraction d’uranium, mais contre tout type d’activités minières qui détruit notre eau, et pour beaucoup d’entre nous, nous sommes touchés personnellement par l’uranium. J’ai un grand-père en train de mourir lentement, il était mineur, et ils n’avaient pas été instruits sur les dangers de l’uranium. Donc, ça me touche personnellement, ainsi que ma petite sœur ici présente, qui va avoir un bébé. Ils habitent juste sous cette pancarte. Le danger n’est pas de savoir si un accident va arriver, mais quand. Dans ma ville, nous sommes mal préparés pour quelque chose de ce genre. Nous n’avons pas eu d’instructions sur le nettoyage des fuites importantes. Nous avons toujours des puits ouverts autour de ma ville. Nous avons perdu beaucoup de parents morts de cancers, beaucoup de gens de la région de Cameron ont des cancers à cause des mines. C’est là, et on nous ignore. Je vous en prie, prenez position et combattez ça” dit Tso.

Wenona Benally, membre de la Chambre des Représentants d’Arizona, District 7, a assisté à la réunion et s’est engagée à soutenir l’impulsion du Conseil Municipal de Flagstaff pour prévenir l’extraction et le transport d’uranium, au niveau de l’état et au niveau fédéral.

Wenona Benally déclara “Ce soir, la Sénatrice de l’état Jamescita Peshlakai, le Représentant de l’état Eric Descheenie et moi-même avons publié une déclaration écrite au Conseil Municipal de Flagstaff, soutenant l’adoption de la Résolution No. 2017-38, qui s’oppose au transport de minerai d’uranium par la ville de Flagstaff et les territoires Autochtones. Notre district est malheureusement connu pour son héritage empoisonné de l’extraction d’uranium. Nous remercions la Ville de Flagstaff d’adopter cette résolution et d’accepter de se joindre à nous pour arrêter le cycle mortel qui a ravi des vies dans notre peuple et détruit nos communautés.”

Juste avant que la résolution ne soit soumise au vote, le Maire de Flagstaff, Coral Evans dit “Je veux parler de l’aspect constitutionnel et légal de ceci. Dans sa ‘Lettre de la Prison de Birmingham’, le Dr. King parle de ce qu’il appelle des lois justes et injustes. Je voudrais dire que dans ce pays, historiquement, nous avons vu plusieurs lois changer ou être abolies, au cours des temps, parce que nous, le peuple, avons jugé qu’elles étaient injustes.”

“L’héritage des mines d’uranium dans le Nord de l’Arizona est injuste. Je crois que cela a été clairement démontré par les routes que prend ce minerai… [et] clairement démontré par le taux de cancer et les morts par cancer chez le Peuple Autochtone de notre région.

“Nous avons des voisins Autochtones qui se sont battus et ont demandé de remédier à ce problème depuis des décennies, depuis des générations. Et ils nous demandent, en tant que principale ville du Nord de l’Arizona, de les aider.”

La Conseillère Celia Barotz s’apprêtait à voter et était secondée par la Conseillère Eva Putzova. Celia Barotz déclara: “Avant de passer au vote de la résolution, je veux rappeler à tous que ce n’est qu’un début et que nous allons avoir besoin de vous tous pour nous aider à tous les stades des diverses procédures, au niveau de l’état et au niveau fédéral, si nous voulons réaliser des changements significatifs au cours des prochaines années. Le conseil municipal ne peut certainement pas le faire seul, je vous invite donc tous à rester engagés, ceci n’est qu’un début.”

Après le vote, Eva Putzova fit la déclaration suivante: “Avec cette résolution, le Conseil Municipal rejoint les communautés Autochtones dans leur combat pour la justice sociale et environnementale. Je suis impatiente de travailler avec notre représentant au Congrès et les représentants de l’état à une législation qui interdirait pour de bon l’extraction d’uranium et le transport du minerai.”

Après le vote en faveur de la résolution, un tonnerre d’applaudissements éclata dans la foule.

Haul No! a réussi à obtenir des résolutions s’opposant au transport de minerai dans des communautés Diné comme Cameron, Coal Mine, Oljato, Monument Valley, Kayenta, l’Agence Navajo de l’Ouest, et des Tribus Hualapai et Havasupai.

Flagstaff est la première communauté hors réserves à adopter une résolution et pourrait être la première communauté à prendre un arrêté municipal défiant l’autorité fédérale sur le transport d’uranium de Canyon Mine.

 

Pour plus d’informations (en anglais): https://www.haulno.org/

 

 

 

This year, for several months already, Natives of French Guiana have organized protests and strikes that ultimately forced the authorities and the media to notice them and report about them. The Indigenous Movement in French Guiana started long before, but it is only when the protests and strikes began to disturb the quiet life of settlers and authorities that they were forced to talk about it outside Guiana. Of course, the response of the French Government is totally inadequate. However, the existence of Indigenous Peoples “in France” has become visible. On October 14th, 2017, Christophe Pierre aka Yanuwana Tapoka, was among the speakers invited by the CSIA-nitassinan for their 37th Annual Day of Solidarity. You will find below my translation of Yanuwana’s speech. Before he spoke, a delegation from Natives of French Guiana came on stage to remind French people that there are “Indians in France”. The title was chosen by me, from his words, the responsibility for the choice is entirely mine.

Christine Prat

 

Yanuwana Tapoka aka Christophe Pierre, Paris, October 14th 2017
Transcript and translation Christine Prat
Also published on Censored News
En Français

 

“Greetings to you all. My name is Christophe Pierre in the language of the colonialists, Yanuwana Tapoka in my mother tongue.

First, I think it is necessary to describe, to give a short overview, of the situation and history of French Guiana, which is currently, in legal terms, a French ‘département’ [county], a French ‘region’ like any other. What is French Guiana? French Guiana is in South America, it is a French Amazonian territory. It is 50% of the biological diversity of Europe, 80% of the biological diversity of France. It is about 300,000 inhabitants, including a handful of Native Americans who survived colonization; a handful: if we really have to give figures, it’s between ten to fifteen thousand, according to the latest information. As compared to those ten to fifteen thousand, it is nowadays estimated that, when the colonialists arrived, there were 25 to 30 Peoples, there are only six left today. Those six Peoples are the Kali’na, the Palikuyene and the Lokono, who live along the coast, and the Teko, the Wayãpi and the Wayana who live inland. Problems are different, power relationships are different depending on the geographical situation, but the struggle is practically the same, since the 1980’s.

The first gathering of Native Americans of Guiana took place in Awala, in 1984 – on December 8th and 9th, 1984. It was the first time that youths – youths at the time, now they are Elders – Native youths, spoke out against the French institution and took a political stand. This meant that a new form of struggle began for Native Americans of Guiana, a political struggle symbolized by Félix Tiouka’s speeches – I think that CSIA supported that struggle – together with Alexis Tiouka and others. They were young people who had been in the ‘Indian’ boarding schools. The Indian boarding schools meant abducting children from the families, taking children away from their parents, and put them in catholic boarding schools, where they were forced to learn the Catholic, Christian religion, from 5-years-old on, sometimes even from 3, where speaking our languages was forbidden and where, thus, a massive destruction of our traditional societies occurred. For 80 years, France ran them through the Church, and still does now… [most of those boarding schools are now closed, but at least one still exists, due to the lack of schools in some Indigenous territories].

We have a special status, in French Guiana, that makes it a territory that still has to be evangelized, as priests still get their wages from the French State. We had to face that situation, to confront a Guianese political class which did not want to hear about Native Americans, to confront France, which had almost exterminated Native Americans, physically, culturally, and in their identity. In the 1980’s, there was a youth movement mainly following leaders as Alexis Tiouka, Félix Tiouka, Thomas Appolinaire, who have been involved, in the following years, in the creation of French municipalities with Native American governance, as well as what has been called later ‘collective use rights areas’. Those collective use rights areas are the only possibility we had to try to get back some of our ancestors’ lands.

Thus, that’s where we were then, some statements were made, then the Association of Native Americans of French Guiana is created, which will include members of each Nation, of the six Nations, and will later become the Federation of Native American Organizations of Guiana (FOAG), which will lead struggles to spread information internationally. The FOAG appealed several times to the United Nations and came several times to France, to meet, for instance, President Chirac, and to take part in the campaign for recognition of those crimes that were the ‘human zoos’, in the Jardin d’Acclimatation, here in Paris. In 1994, a ceremony took place, here, at the Jardin d’Acclimatation, where, in 1858 – I think, maybe a few years later – Kali’na who had been taken from villages were exhibited in the human zoos, in the Jardin d’Acclimatation, in Paris. Most of them never returned, they died from the cold or something else, and the bodies are still held by France. The bodies had been dissected, later, experiments had been done on them. Thus, we are still trying to struggle on that issue. There has been a ceremony for the rest of their souls, once.

This is our history with France, until, approximately, the 2000’s. Then there has been sort of a dead silence, nothing was heard any more about Native Americans. The leaders of the time were getting exhausted, some of them have, I think, given up, dropped the issue, as, let’s say, the destruction of Native American identity had gone so far, that it was difficult to mobilize the people, even villagers, on issues that affected them directly. As a matter of fact, assimilation had gone so far, that we almost disappeared as a people. At the same time, illegal gold mining had begun. From the years 2000’s, the first illegal gold seekers settled in Wayana and Teko territories. With all the usual consequences, mercury poisoning, poisoning of the fish, birth defects for children… On several occasions, the Wayana tried to warn the French State, demanding for a direct solution to suppress illegal gold mining. Today, we have come to realize that illegal gold mining means that there are about 30,000 illegal gold seekers a year, Brazilian or from Guyana, present in the National Park called Amazonian Park of Guyana, and they keep polluting rivers and streams. There are 120 kilometers of waterways in French Guiana, and now, if we really look at it, there is only ONE river which is not polluted by gold mining. The Guyana Plateau, the north of Amazon, is the second largest freshwater reserve in the world, after all, and the mountain range from the south border between Guiana and Brazil to Venezuela, where the Orinoco begins, is one of the sources of the Amazon River, the largest river in the world. This is the situation with which the Wayana are confronted, and today they get very little support. On the national level, the French State puts up missions – ‘Anaconda’ was the first – and operations, but they are ineffective: some twenty military police raid an illegal site every now and then, but I think that 275 have been reported and located, this year, and there are still others which are not yet located.

Thus, this dead silence prevails, until the 2010’s, and then, there is a revival of Native American identity. This is what we always try to explain, again and again. Still, I think that we belong to the generation that has gone all the way through it. In the 1980’s, they were the first who had had some education and knew French, and understood how absurd what was proposed to us was. In the 2010’s, we were the first generation that completed college education, we had a lifestyle model very much the same as that of any western citizen. But having gone straight, all the way, we realized, first individually, as each member of the Indigenous movement, that it did not fit us. We had received a traditional education and teaching, as we did not go to the boarding schools, but we did not acquire the deepest aspects of Native American identity. And when we came to realize that, it was very violent for us. As a result, we started with the opposite process to re-appropriate our Native identity, the identity of our respective peoples. So, starting from there, realizing what is proposed to us, what is happening in the whole world, we decided to take matters in our own hands and to start doing things, but in a different way from what our Elders had done. Our elders were somehow scared, they were alone, they felt very isolated. The dialogue, the relations they had with France were different from ours. Today, we want a change, and we are ready to do anything for it. So, starting from the fact that ‘we are ready to do anything’, we began to undertake actions, and we soon realized that the French State had done its work well, that the French EMPIRE had done its work well. France is the most gifted colonial country in the world. The United States, the South American countries, are all small players, compared to France. They created ways to put peoples to sleep. Nowadays, for instance, France signed the United Nations Declaration on recognition of Indigenous Peoples. But it is only declarative. Today, it is still written in the French Constitution that Guiana is an unoccupied territory, without owner, and that when the French arrived, there were no human beings on Guiana lands. Today, if you realize what French law means, we are peoples supposed to mainly live off the forest. This is our status. And today, we realize too that, to say it lightly, the Native American struggle has become fashionable again. It is true that it feels good. And, (to come back on what Edith said earlier), that is why we said that, why we are our ancestors’ wildest dream, it is because 525 years after the end of our world, that world has disappeared. The one we had for thousands of years, that territory on which we roamed around, to which we belonged and which belonged to us. It is this relationship we had with those lands which disappeared then. Everything disappeared. At the moment when our worlds met, it was the end for us. Today, there is not much hope left over. In a few years – we reckon 20 years – in 20 years, thus, we shall be able to see if we succeeded or not. We don’t have hundreds of years ahead of us. Twenty years ago, we could say ‘it’s time to take action’, now, this time is gone. How shall I put it? We must be twice as much active, but the world you proposed, the world with which you came, is devouring itself. How did you do that? I don’t know. But to manage to convince the world that water, forests, land and air are only secondary elements, which can be destroyed in the name of development, is something I can’t find words to describe… You are Masters!

This is the healing we must achieve, that is the way we talk about it. We must purify the minds, get people to understand what is fundamental. So, here we are, a small group of young Native Americans, with still a little bit of hope, and we want to change things against the French State, which is so gifted to enslave peoples and put them to sleep. Today, there are several issues on which we have to work, about which we must fight. First is the health emergency, meaning that illegal gold seeking must be stopped at last, that what is damaged must be repaired, because it is a duty. We are aching with the Earth, we could not prevent that wound, that open wound. But at a point, it must be stopped, and then it must be healed, the Earth must be healed, water must be healed, our children must be healed. Then, there is that other mad issue, the mining project called ‘Montagne d’Or’ [‘Mountain of Gold’]. It is a Russian-Canadian project for an industrial gold mine. That project is the first of the kind in Guiana. There is currently a movement developing around the rejection of that project. But it is here, that everything is decided, it is in Paris that everything is thought of, centralization is the way France functions, so, everything is decided in Paris. But there are issues which primarily concern us, issues that will affect our children. And it is here that it is decided, in your country, our children’s future is decided in your country. This is the message that we came to bring over today. […]

This is what I wanted to tell you. […] There are practical issues on which we can fight each other, but also on which we can all work together, around which we can unite, because it’s an emergency, we have been involved in it for years now. And we are extremely angry against your country, and, at a point, to achieve a reconciliation, to contemplate forgiveness, you must, each and every one of you, admit your crimes.”

 

 

Depuis quelques mois déjà, les Autochtones de Guyane Française organisent des manifestations et des grèves qui ont fini par obliger les autorités à s’en préoccuper, et les médias à en parler. Le mouvement avait commencé bien avant, mais ce n’est que lorsque les grèves ont véritablement dérangé le cours paisible de la vie des colons et des autorités que les médias ont dû en parler hors de Guyane. Evidemment, les réactions du pouvoir français ne répondent en rien aux préoccupations des Autochtones. Cependant, l’existence et le mécontentement de la population Autochtone de Guyane est devenue visible. Le 14 octobre 2017, Christophe Pierre aka Yanuwana Tapoka, avait été invité à intervenir au cours de la Journée Annuelle de Solidarité avec les Indiens des Amériques, organisée pour la 37ème année par le CSIA-nitassinan. Vous trouverez ci-dessous la transcription de son intervention. Une délégation, en costume traditionnel, était montée sur scène juste avant, pour montrer aux Français présents “qu’il y a des Indiens Français”. J’ai choisi le titre, parmi les propos de Yanuwana et en suis seule responsable.

Christine Prat

 

Christophe Pierre, 14 octobre 2017
Transcription, photos, Christine Prat
In English

 

“Bonjour à tous. Je m’appelle Christophe Pierre dans la langue des colons, “Christophe” … mes parents avaient, je pense, un humour assez ironique – et Yanuwana Tapoka dans ma langue maternelle.

Pour commencer, je pense qu’il faut donner une description, une vision rapide de la situation et de l’histoire de la Guyane, qui est actuellement, si on parle de statut juridique, un département, une région française comme une autre. La Guyane, c’est quoi? La Guyane c’est en Amérique du Sud, c’est un territoire amazonien français. C’est 50% de la diversité biologique de l’Europe, 80% de la biodiversité de France, c’est 300 000 habitants à peu près, sur lesquels il y a une poignée d’Amérindiens qui ont survécu à la colonisation, une poignée: s’il fallait vraiment donner des chiffres, c’est dix à quinze mille aux dernières nouvelles, sur ces dix à quinze mille, on évalue aujourd’hui qu’à l’époque de l’arrivée des colons, il y avait environ 25 à 30 peuples, aujourd’hui il en reste six. Parmi ces six peuples, il y a les Kali’na, les Palikuyene et les Lokono, qui sont sur la bande littorale, et dans l’intérieur, il y a les Teko, les Wayãpi et les Wayana. Les problèmes sont différents, les rapports de force sont différents selon le positionnement géographique des peuples, mais le combat est quasiment le même depuis les années 1980.

Il y a eu le premier rassemblement des Amérindiens de Guyane, à Awala, en 1984, les 8 et 9 décembre 1984, et c’était la première fois que des jeunes – à l’époque ils étaient jeunes, aujourd’hui ce sont des Anciens – des jeunes Amérindiens, prenaient la parole face à l’institution française et prenaient une position politique. C’est à dire qu’une nouvelle forme de lutte commençait pour les Amérindiens de Guyane, lutte politique qui est symbolisée à travers le discours de Félix Tiouka, que je pense le CSIA a accompagnée, avec Alexis Tiouka, et d’autres. C’était des jeunes qui avaient fait les homes Indiens. Les homes Indiens, c’est enlever les enfants aux familles, enlever les enfants aux parents, et les mettre dans des internats catholiques où ils étaient obligés d’apprendre la religion catholique, chrétienne, dès l’âge de 5 ans, dès l’âge de 3 ans parfois, où il y avait l’interdiction de parler la langue maternelle et où, du coup, il y a eu une destruction massive de nos sociétés d’origine. 80 ans durant lesquels la France, à travers l’Eglise, les gérait et les gère toujours aujourd’hui … [la plupart des ‘homes’ sont maintenant fermés, il en reste au moins un, à cause du manque d’établissements scolaires dans certains territoires Autochtones]

On a un statut particulier en Guyane, qui fait que ça reste un territoire à évangéliser, puisque les prêtres sont toujours rémunérés par l’Etat français. On s’est retrouvés face à ce constat, face à une classe politique guyanaise qui ne voulait pas entendre parler des Amérindiens, face à la France qui avait presque exterminé les Amérindiens, physiquement, culturellement, identitairement. Dans les années 1980, c’est une jeunesse principalement menée par des leaders comme Alexis Tiouka, Félix Tiouka, Thomas Appolinaire, qui ont été, pendant les années qui ont suivi, des acteurs de la création des communes françaises, mais à gouvernance amérindienne, également de ce qu’on a appelé par la suite les zones de droit d’usage collectif. Les zones de droit d’usage collectif, c’est l’unique marge de manœuvre qu’on a, au niveau de la récupération des terres ancestrales.

Donc on se retrouve face à ça, des déclarations sont faites, et ensuite est créée l’Association des Amérindiens de Guyane française, qui va regrouper des membres de chaque nation, des six nations, qui par la suite va se transformer en la Fédération des Organisations Amérindiennes de Guyane (FOAG), et qui va pendant plusieurs années mener des luttes d’information à l’échelle internationale. La FOAG a utilisé plusieurs recours auprès de l’ONU et est venue plusieurs fois ici en France, pour rencontrer, par exemple, le Président Chirac, a participé à la reconnaissance des crimes constitués par les zoos humains au Jardin d’Acclimatation ici à Paris. En 1994, il y a eu une cérémonie ici, au Jardin d’Acclimatation où, en 1858, je crois, ou quelques années plus tard, des Kali’na ont été pris dans des villages et exposés parmi les zoos humains au Jardin d’Acclimatation, à Paris. La plupart d’entre eux ne sont jamais rentrés, ils sont morts de froid ou d’autre chose, et les corps, aujourd’hui, sont encore en la possession de la France. Les corps, ensuite, ont été disséqués, il y a eu des expériences sur eux, donc on essaie encore de mener un combat à ce niveau-là. Il y a eu une cérémonie pour faire reposer leur âme.

C’est notre histoire avec la France, jusque dans les années 2000, à peu près. Ensuite, il y a un calme plat, on n’entend plus parler des Amérindiens, les leaders de l’époque s’épuisent un peu, certains, je pense, ont démissionné, ont laissé tomber l’affaire, puisque, disons, que la destruction de l’identité Amérindienne était tellement avancée, que la population, même les villageois, étaient difficiles à mobiliser sur les affaires qui les concernaient directement. L’assimilation avait tellement avancé, qu’on a presque disparu en tant que peuple, en fait. En parallèle, dans l’intérieur, l’orpaillage illégal commence. A partir des années 2000, les premiers orpailleurs clandestins s’implantent sur les territoires Wayana et sur les territoires Teko. Avec tout ce que ça répercute, l’empoisonnement au mercure, l’empoisonnement des poissons, les malformations qui vont s’ensuivre pour les enfants … A plusieurs reprises, les Wayana tentent de prévenir l’Etat français, pour qu’il apporte une solution directe pour éliminer l’orpaillage illégal. Aujourd’hui on fait un constat, l’orpaillage illégal c’est environ 30 000 orpailleurs brésiliens sur une année, ou Guyanais du Guyana, qui sont présents dans le Parc National appelé Parc Amazonien de Guyane, et qui continuent à polluer les cours d’eau. Il y a 120 km de cours d’eau en Guyane, et aujourd’hui, si on fait vraiment un constat, il y a UN fleuve qui n’est pas pollué par l’orpaillage. Le plateau de la Guyane, le Nord de l’Amazonie, c’est quand même la deuxième réserve d’eau douce du monde, la chaîne de montagnes qui va de la frontière sud de la Guyane et du Brésil jusqu’au Venezuela, où commence ensuite l’Orénoque, est la source d’une partie de l’Amazone, qui est le plus grand fleuve du monde. C’est cette situation là à laquelle font face les Wayana, qui aujourd’hui rencontrent peu de soutien. Au niveau national, l’Etat met en place des missions, d’abord Anaconda, des opérations, mais qui sont inefficaces: c’est une vingtaine de gendarmes qui débarquent de temps en temps sur un site illégal; mais des sites illégaux, je crois qu’il y en a 275, cette année, qui ont été recensés, situés, mais il y en a encore d’autres qui ne sont pas recensés.

Donc il y a ce calme plat qui tombe jusque dans les années 2010, et là il y a un renouveau de l’identité amérindienne. Cela, on essaie toujours de le réexpliquer, mais je pense qu’on fait partie de la génération qui est allée au bout des choses. Dans les années 1980, c’était les premiers à avoir fait un peu d’études et à maîtriser déjà le français, et à comprendre les absurdités qu’on nous proposait. Dans les années 2010, nous faisions partie de la première génération qui sommes allés au bout des études supérieures, on avait un modèle de vie quasiment pareil à n’importe quel occidental. Mais en allant tout droit, en ayant fait le bout du chemin, on s’est rendu compte, d’abord de manière isolée, chaque membre de la mouvance autochtone, que ceci ne nous correspondait pas. On a reçu un enseignement, une éducation, traditionnels, puisque nous ne sommes pas allés dans les homes indiens, mais on n’a pas reçu tous les aspects de profondeur de l’identité amérindienne. Et quand on a fait ce constat là, ça a été très violent. Et du coup, on a commencé le processus inverse, de réappropriation de l’identité amérindienne, de l’identité de nos peuples respectifs. Donc, sur cette base-là, on se rend compte de ce qu’on nous propose, de ce qui se passe dans le monde entier, on a décidé de se prendre en main et de commencer des choses, mais différemment de nos anciens. Nos anciens, quelque part, avaient peur, étaient seuls, et se sentaient très isolés. Le dialogue, les échanges qu’ils ont eu avec la France n’étaient pas les mêmes que nous. Aujourd’hui, nous voulons que ça change, et pour ça, nous sommes prêts à tout. Donc, sur cette base-là, ‘nous sommes prêts à tout’, nous avons commencé à mener des actions, on s’est très rapidement rendu compte que l’État français avait bien fait son travail, que l’EMPIRE français a très bien fait son travail. La France est le pays colonisateur le plus doué au monde. Les États-Unis, tous les pays d’Amérique du Sud, sont des petits joueurs à côté de la France. Ils ont créé tous les procédés pour endormir les peuples. Et aujourd’hui, par exemple, la France a signé la Déclaration des Nations Unies sur la reconnaissance des Peuples Autochtones. Mais c’est du déclaratif. Actuellement, dans la Constitution, il est encore écrit que la Guyane est un territoire vacant et sans maître, que quand les Français sont arrivés, il n’y avait pas d’hommes, il n’y avait pas d’êtres humains sur la terre de la Guyane. Aujourd’hui, en réalisant ce qu’est le droit français, nous sommes des populations tirant traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt. C’est ça le statut qu’on a. Et, on fait ce constat-là, aujourd’hui, on peut dire, en étant un peu léger, la lutte amérindienne en Guyane est redevenue un peu à la mode. Et c’est vrai que ça fait du bien. Et, pour rebondir sur ce qu’Edith disait tout à l’heure, pourquoi avons-nous dit ça, pourquoi sommes-nous le rêve le plus fou de nos ancêtres, c’est parce que 525 ans après la fin de notre monde, ce monde a disparu. Celui qu’on a eu pendant des milliers d’années, ce territoire-là qu’on a parcouru, à qui on appartenait et qui nous appartenait, c’est cette relation qu’on avait avec ces terres qui a disparu à ce moment-là. Tout a disparu. Au moment où nos mondes se rencontraient, ça a été la fin pour nous. Aujourd’hui, l’espoir, il n’y en a quasiment plus. Dans quelques années – on se donne 20 ans – dans 20 ans, on pourra faire le constat de ce qu’on a réussi ou pas. Nous n’avons pas des centaines d’années devant nous. Il y a 20 ans on pouvait dire ‘il est temps d’agir’, aujourd’hui ce temps-là est dépassé. Comment le dire? Il faut doublement agir, mais le monde que vous avez proposé, le monde avec lequel vous êtes venus, se dévore lui-même. Comment l’avez-vous fait? Je ne sais pas. Mais convaincre le monde entier que l’eau, que les forêts, que la terre et que l’air étaient des éléments secondaires qui pouvaient être détruits au nom d’une économie, au nom d’un développement, c’est quelque chose que je ne sais pas comment qualifier… Vous êtes des maîtres! C’est cette guérison-là que nous devons apporter, c’est comme ça que nous en parlons. Assainir les esprits, faire comprendre aux gens ce qui est basique. Donc, nous sommes là, un petit groupe de jeunes Amérindiens, avec un petit peu d’espoir quand même, et nous voulons changer les choses face à l’Etat français, doué pour asservir et pour endormir les peuples. Aujourd’hui, nous avons plusieurs points sur lesquels nous devons travailler, nous devons nous battre. Tout d’abord, l’urgence sanitaire, qu’on arrête enfin l’orpaillage illégal, et qu’on répare les choses, parce que c’est un devoir. Nous avons mal à la terre, nous n’avons pas pu empêcher cette blessure-là et cette plaie-là. Mais à un moment, il faut l’arrêter et après avoir arrêté, guérir, guérir la terre, guérir les eaux et guérir nos enfants. Ensuite, il y a une autre absurdité encore, qui est le projet de mine industrielle appelé “Montagne d’Or”. C’est un projet russo-canadien, de site d’exploitation minière d’or à l’échelle industrielle. Ce projet-là, c’est le premier du genre en Guyane. Aujourd’hui, il y a un mouvement en train de se créer autour du rejet de ce projet-là. Mais c’est ici que tout se décide, c’est à Paris que ça se pense, la centralisation c’est le fonctionnement de la France, c’est à Paris que tout se décide. Mais ce sont des choses qui nous concernent, qui vont porter atteinte à nos enfants. C’est ici que ça se décide, ça se décide chez vous, l’avenir de nos enfants se décide chez vous. C’est ce message-là qu’on est venu apporter aujourd’hui. […]

C’est ce que je voulais vous dire aujourd’hui. […] Il y a des points concrets sur lesquels nous pouvons batailler, sur lesquels nous pouvons tous collaborer, tous s’unir, parce que l’urgence, on est dedans depuis quelques années maintenant, et nous en voulons énormément à votre pays, et qu’à un moment, pour qu’il y ait réconciliation, pour qu’il y ait un pardon qui soit envisageable, il faut que chacun, vous reconnaissiez vos méfaits.”