Par Brenda Norrell
Censored News
24 janvier 2018
Traduction Christine Prat

 

C’est avec tristesse que nous apprenons que les bénévoles qui avaient déposé de l’eau pour les migrants ont été arrêtés à la frontière Arizona/Mexique.

Il y a quelques années, une amie m’a emmenée sur ces lieux, et m’a montré les pistes. Il faisait plus de 40 degrés, et sa voiture n’avait pas de climatisation. Nous nous sommes enveloppées dans des serviettes mouillées pour continuer.

Nous avons vu les agents de la Patrouille des Frontières assis dans leurs véhicules climatisés qui jetaient leurs gobelets Starbucks sur le sol, et achetaient de la bouffe de snackbar à Three Points. Ils fainéantaient et aboyaient dans leurs téléphones portables, dans la zone même où des bénévoles plaçaient de l’eau pour sauver des vies et sont maintenant arrêtés.

A un autre moment, j’aurais pu être arrêtée avec eux.

Les bénévoles qui font cela depuis des années sont des héros.

Un autre jour, toujours avec des températures supérieures à 40 degrés, mes amis m’ont demandé de les aider à chercher le corps d’un migrant. La chaleur m’a mise K.O. en quelques minutes. Ils ont continué à marcher sous le soleil brulant et ont trouvé celui que quelqu’un aimait.

D’autres ont fourni un abri, de l’eau, un sandwich ou ont conduit quelqu’un à l’hôpital et sauvé une vie.

Quelques fois, la vie sauvée est celle d’un ou une Autochtone, qui a traversé à pied, depuis le Guatemala ou le Salvador, dans l’espoir de trouver un moyen de nourrir sa famille restée à la maison.

Les petites tombes dans le désert ont quelque fois un collier de perles Maya déposé dessus. Ces bénévoles sont des héros. Nous savons qui sont les monstres.

 

Brenda Norrell, journaliste en pays Indien depuis 36 ans, publie Censored News.

 

Photos: une tombe à la frontière de l’Arizona.
Des chaussures abandonnées par des migrants, photo par Brenda Norrell.
Un agent de la Patrouille des Frontières détruisant un bidon d’eau destiné à sauver des vies, filmé en caméra cachée.

 

Notes: Neuf volontaires de No More Deaths [Plus jamais de Morts] ont été arrêtés et risquent des poursuites fédérales pour avoir laissé de l’eau pour les migrants dans le Désert de Sonora, à la frontière de l’Arizona.

Cette région a l’un des taux les plus élevés de décès de migrants.

Un instructeur de l’Université d’Etat d’Arizona et bénévole de No More Deaths, a été arrêté cette semaine pour avoir aidé des migrants à Ajo, en Arizona, après que No More Deaths ait publié un rapport dénonçant les agents de la Patrouille des Frontières qui détruisent des bidons d’eau qui pourrait sauver des vies dans le désert.

No More Deaths est l’une de plusieurs organisations qui fournissent de l’aide humanitaire. Beaucoup d’individus, entre autres des Tohono O’odham, ignorent tout simplement les lois tribales et fédérales qui interdisent d’aider ou de sauver des vies de migrants.

 

Copyright Brenda Norrell

 

La veille, le 23 janvier, Censored News avait publié un communiqué de No More Deaths:

Chers amis de No More Deaths,

Aujourd’hui, No More Deaths, en collaboration avec La Coalición de Derechos Humanos, publie “Interférence avec l’Aide Humanitaire: Mort et Disparition à la Frontière US-Mexique”. Ce rapport est la deuxième partie d’une série de trois, intitulée “Disparus: Comment les Forces de l’Ordre de la Frontière des Etats-Unis Alimentent une Crise de Personnes Disparues”. Dans la 2ème partie, nous traitons en détail de la destruction intentionnelle de plus de 12 000 litres d’eau déposés pour ceux qui traversent la frontière, la majorité de ceux qui font cela étant de la Patrouille des Frontières des Etats-Unis.

Les dépouilles de plus de 7000 personnes qui, très probablement, avaient essayé de passer la frontière, ont été trouvées dans les régions frontalières au cours des dix dernières années. Entre 2012 et 2015, le Bureau d’Investigation Médicale du Comté de Pima a reçu les restes d’au moins 593 personnes ayant traversé la frontière. Ces chiffres n’incluent pas ceux qui sont morts mais n’ont jamais été retrouvés.

Au cours de la même période, plus de 13 000 litres d’eau placés par No More Deaths sur des pistes lointaines et difficiles dans le désert, ont été détruits intentionnellement, tout comme de la nourriture et des couvertures. Les vidéos et l’analyse statistique publiés dans le nouveau rapport impliquent la Patrouille des Frontières dans la destruction à grande échelle d’aide humanitaire. Des témoignages personnels nous montre que la Patrouille des Frontières est également coupable d’interférences routinières avec les actions d’aide humanitaire, entre autres par le harcèlement et la surveillance des bénévoles sur le terrain.

No More Deaths appelle instamment à mettre un terme à la politique de Prévention par le Découragement, qui force les gens à s’aventurer dans cette zone dangereuse. En attendant, la fourniture d’eau et autre aide humanitaire sont essentielles.

Les agents de la Patrouille de Frontières doivent être tenus pour responsables de ces actions. Nous vous demandons d’appeler la Police des Frontières du Secteur de Tucson à adopter une politique qui interdit formellement la destruction d’aide humanitaire et assure qu’elle sera passible de mesures disciplinaires. Appelez le (00 1) 520-748-3000 ou envoyez un email à steven.passement@cbp.dhs.gov . Demandez à ce que votre message soit transmis au vice-chef Raleigh Leonard, ou à Tom Martin, Chef de Division des Programmes Opérationnels d’Application de la Loi. Ils ont des années d’expérience dans le secteur de Tucson, et l’autorité pour faire passer cette politique immédiatement.

Nous demandons qu’il soit mis fin immédiatement à la destruction ou la confiscation d’eau, de nourriture, de couvertures et tout autre article d’aide humanitaire déposés pour ceux qui traversent la frontière. Nous demandons aussi la cessation immédiate de toute interférence avec les actions d’aide humanitaire. Nous exigeons que vous appliquiez une Procédure d’Opération Standard (SOP) ou une directive similaire, désignant formellement la destruction d’aide humanitaire et l’obstruction d’actions humanitaires comme des délits pouvant entrainer le renvoi d’agents de la Police des Frontières des Etats-Unis. Nous vous demandons aussi de détailler ces mesures et toutes les autres mesures disciplinaires internes dans des dossiers accessibles au public.

Merci pour votre soutien. Vous pouvez trouver le rapport complet sur http://www.thedisappearedreport.org/

Solidarité,

La communauté de No More Deaths