Leona Morgan à la Convention de Diné CARE, samedi 2 juin 2018, photo Brenda Norrell

 

LEONA MORGAN: LES ETATS-UNIS VISENT LES AUTOCHTONES ET LES PAUVRES AVEC LES DECHETS NUCLEAIRES, LE TRANSPORT ET L’EXTRACTION D’URANIUM

 

Intervention de Leona Morgan à la Convention de l’ONG Navajo Diné CARE, le 2 juin 2018, diffusée en direct sur Spirit Resistance Radio et transcrite par Brenda Norrell pour Censored News. (Voir article plus détaillé sur la biographie et le travail de Leona).

Article de Brenda Norrell
Publié sur Censored News
Le 8 juin 2018
Traduction Christine Prat

 

DILKON, Nation Navajo – Leona Morgan, Diné, a passé sa vie à combattre les mines et le transport d’uranium, et la décharge de déchets. Actuellement, les Etats-Unis visent les pauvres du sud du Nouveau-Mexique pour décharger des déchets nucléaires, et l’extraction d’uranium menace à nouveau le Mont Taylor, site sacré, dans le nord du Nouveau-Mexique.

“Nous combattons tout cela” dit Leona à la Convention de Diné CARE samedi 2 juin 2018.

Leona s’est engagée dans la lutte en 2007, lorsqu’un projet de mine d’uranium à Church Rock, au Nouveau-Mexique, impliquait de transporter le minerai près de Crownpoint, où vivait sa famille.

Après une longue lutte, le projet de mine d’Uranium Resources, Inc. a été arrêté, en 2014.

“Les Etats-Unis appellent cela le cycle du combustible nucléaire,” dit Leona, en référence au vocabulaire aseptisé que les Etats-Unis utilisent pour parler du cycle mortel. “Nous sommes au bout de la ligne de front” dit-elle à propos des communautés Navajo.

Leona expliqua comment l’extraction et le traitement d’uranium aboutissent aux armes et au développement nucléaires. Elle dit que le but du colonialisme des Etats-Unis était de contrôler le reste du monde.

Entretemps, une grande partie des déchets et des armes nucléaires, ainsi que l’uranium appauvri, arrive au Nouveau-Mexique. Parmi les plus mortels, il y a le carburant irradié ou carburant usé. C’est le déchet le plus radioactif. “Ils veulent amener tous les déchets nucléaires au Nouveau-Mexique,” dit-elle.

Actuellement, Leona travaille au sein du Groupe d’Etude des Problèmes Nucléaires, à Albuquerque, et avec le groupe Haul No! de Flagstaff [Arizona]. Energy Fuels a le projet d’extraire du minerai dans le Grand Canyon du Colorado, et de le transporter, par Flagstaff et à travers la Nation Navajo, à l’usine de traitement White Mesa, Utah, en territoire Ute.

Leona dit que la Nation Navajo a des lois pour empêcher le transport d’uranium sur son territoire, mais les lois Navajo ne s’appliquent pas aux autoroutes et chemins de fer fédéraux, ce qui laisse les Diné sans protection. “Nous avons une loi contre le transport de matériaux radioactifs.”

Cherchant comment y remédier, Leona se joignit à d’autres pour aller au ministère de la Justice de la Nation Navajo. Cependant la réponse fut celle-ci: “C’est hors de notre juridiction, et nous ne pouvons rien y faire.”

Après s’être rendu compte que la Nation Navajo ne ferait rien, Leona, en compagnie d’autres personnes, alla dans les communautés. Les gens se sont engagés, les chapitres ont adopté des résolutions. La ville de Flagstaff a adopté un mémorandum, mais, encore une fois, il a fallu admettre que les lois fédérales priment sur les lois locales. “Ils ont adopté une résolution, ce qui est formidable,” dit Leona du Conseil Municipal de Flagstaff.

Puis, de bonnes nouvelles sont arrivées. Il y a trois semaines, la compagnie d’uranium a retiré la plupart de ses ouvriers et déclaré un moratoire sur l’exploitation dans le Grand Canyon. En plus de la résistance, Leona fit remarquer que le prix de l’uranium est très bas.

A l’usine de White Mesa, on décharge des déchets nucléaires très sales. “Ils brûlent des déchets à 2h du matin.”

Leona travaille aussi au Projet de Surveillance des Radiations, de Haul No!, qui organisera une séance de formation fin octobre 2018, incluant apprendre à se servir de compteurs Geiger. Etant donné qu’il y a des résidus d’uranium de l’extraction d’il y a des décennies encore disséminés dans la Nation Navajo, les compteurs Geiger peuvent être empruntés et utilisés par les habitants à volonté, pour détecter la radioactivité.

Leona souligna que les radiations causaient le plus de dégâts au plus vulnérable: l’enfant à naître, pendant la grossesse. Elle dit que même les lois qui visent à contrôler la radioactivité aux Etats-Unis sont racistes. Les lois sont fondées sur les effets de la radioactivité sur un sujet masculin blanc de 35 ans.

Maintenant, les communautés, au Nouveau-Mexique, sont à nouveau menacées par une mine qui a actuellement le statut d’attente. La firme Rio Grande Resources y extrayait du minerai d’uranium dans les années 1970-1980. Elle se trouve près de Grants, au nord-ouest du Nouveau-Mexique. La mine est ouverte, émet des radiations, et n’a pas été décontaminée.

A Grants, des gens veulent que cette mine redémarre. Leona dit qu’ils pensent que ça ramènera la grande époque de l’extraction d’uranium. Ils pensent que c’est bon pour l’économie. “Nous savons que c’est mauvais pour l’environnement.” La mine a été autorisée à reprendre le statut d’active. Cette mine devrait être décontaminée, étant près du Mont Taylor, qui est sacré pour les Navajos. Leona, en compagnies d’autres personnes, a assisté à des réunions publiques et dit à l’état du Nouveau-Mexique que cette mine devait être nettoyée.

N’ayant pas de site où déposer les déchets nucléaires hautement radioactifs, les Etats-Unis ont produit la loi sur les ‘Consolidated Interim Storage’ [sites d’Entreposage Temporaire]. Les Etats-Unis n’avaient pas trouvé de solution jusqu’aux années 1990, puis ont eu l’idée d’entreposer les déchets nucléaires sous la montagne Yucca, dans le Nevada. “Les Shoshone de l’ouest sont la nation la plus bombardée sur planète,” dit Leona, à propos du site de tests de bombes atomiques sur leurs terres ancestrales du Nevada. Les Etats-Unis n’ont pas encore de lieu où mettre les déchets hautement radioactifs, ils essaient donc de construire un site temporaire. “Ils veulent les amener au Nouveau-Mexique” dit Leona, parlant de deux sites près de Carlsbad, dans le sud du Nouveau-Mexique. Actuellement, des compagnies ont demandé des autorisations d’entreposer d’énormes quantités de déchets nucléaires, et deux d’entre elles ont demandé des autorisations pour 40 ans, pour décharger près de Carlsbad, et la durée peut en être prolongée. “Nous craignons que ça ne devienne une décharge permanente.”

Le transport de ces déchets hautement radioactifs passerait par la Nation Navajo, par chemin de fer. Actuellement, le Groupe d’Etude des Problèmes Nucléaires travaille très dur, pour collecter des signatures dans les communautés afin de s’y opposer. Ils vont au marché aux puces de Gallup et d’autres endroits pour collecter des signatures et informer les habitants.

Les Etats-Unis veulent se débarrasser des déchets nucléaires au Nouveau-Mexique, des déchets qui proviennent de la production d’électricité pour d’autres gens, ailleurs. Et quand ces décharges nucléaires dangereuses auront des problèmes, ce sont les contribuables des Etats-Unis qui paieront les frais.

Leona termina son intervention en rappelant que Tetra Tech avait déjà été dénoncé pour des infractions et un nettoyage bâclé aux Chantiers Navals de Hunters Point, en Californie, et n’aurait pas dû avoir un contrat pour transporter des matériaux radioactifs dans la Nation Navajo.

Leona faisait partie des intervenants à la Convention de Diné CARE ‘Citoyens Contre la Destruction de Notre Environnement’, pour l’ouest de la Nation Navajo, qui s’est tenue du 1er au 3 juin 2018, à Dilkon, dans la Nation Navajo.

Diné CARE fête ses 30 ans d’existence, comme organisation environnementale de base.

 

 

LEONA MORGAN, DINÉ, UNE VIE CONTRE LE NUCLÉAIRE

 

D’après une interview de Leona Morgan
Albuquerque, Nouveau-Mexique
21 septembre 2017
Par Christine Prat
Traduction Christine Prat

 

Les Territoires Autochtones du sud-ouest des “Etats-Unis” ont été, et sont encore, dévastés par l’extraction d’uranium et les usines de traitement depuis les années 1940, et surtout durant les années 1950 et 1960, pendant la Guerre Froide. Aucune mesure de sécurité n’avait été prise par les compagnies privées, qui ne cherchaient que le profit. De nombreux mineurs, pour la plupart Navajos, et des membres de leurs familles sont morts de cancers et autres maladies. Dans les années 1980, le prix de l’uranium s’est effondré, la plupart des mines ont été abandonnées – mais pas décontaminées. En 2006, le prix de l’uranium a de nouveau explosé. Les compagnies minières ont cherché à rouvrir les mines. Leona Morgan, une jeune Diné [Navajo], dont la famille a été directement touchée, consacre sa vie à organiser les gens contre l’uranium et le nucléaire depuis des années. Actuellement, elle travaille aussi avec des organisations internationales. En novembre 2017, elle est venue à Paris pour des réunions, puis elle s’est rendue à Bonn, pour la COP23, afin d’attirer l’attention sur la question nucléaire, laissée de côté par les participants officiels des COP de ces dernières années, qui veulent limiter la portée de ces évènements à la lutte contre le CO², afin de promouvoir l’énergie nucléaire, en tant que soi-disant ‘énergie propre’. J’ai rencontré Leona en septembre 2017, elle m’a fourni beaucoup d’informations sur son travail (bénévole) et les problèmes d’uranium et de nucléaire au Nouveau-Mexique, où elle vit. En ce moment – printemps 2018 – elle-même et d’autres personnes et groupes anti-nucléaire luttent principalement contre un projet d’enfouissement de déchets extrêmement radioactifs, dans le sud-est du Nouveau-Mexique.

 

ALBUQUERQUE, Nouveau-Mexique, 21 septembre 2017 – Une jeune Diné parle de sa vie et de son travail contre le nucléaire et les mines d’uranium.

“Je m’appelle Leona Morgan. Je travaille sur les problèmes d’uranium depuis environs dix ans, et j’ai commencé à travailler sur les problèmes nucléaires depuis à peu près cinq ans. Dans l’état du Nouveau-Mexique, nous avons plusieurs sites nucléaires. Mon travail se concentre sur les communautés Autochtones. J’ai commencé à organiser les gens à l’université, il y a peut-être 15 ans.”

A l’époque, elle s’est impliquée, comme étudiante, dans une organisation appelée le Conseil SAGE, qui défendait un site sacré, le Monument National des Pétroglyphes, à l’ouest d’Albuquerque. La ville voulait s’étendre, mais elle est limitée à l’est par la montagne, au sud par la Nation Pueblo d’Isleta, et au nord par les Pueblos Sandia. Donc, les autorités voulaient l’étendre vers l’ouest, aux dépens du Monument National des Pétroglyphes. “Pete Domenici (Républicain), un de nos représentants au Congrès, a sacrifié une partie du Parc National, il l’a soustraite au contrôle fédéral pour l’attribuer à la ville. Ils ont fait passer la décision comme amendement d’un projet de loi du Congrès, qui a été adopté pour aider la Bosnie-Herzégovine.” Leona ajouta “C’est comme cela que j’ai appris comment s’organiser, par la protection des pétroglyphes. Ainsi, j’ai entendu parler des Sites Sacrés, j’ai entendu parler de la construction des mouvements Autochtones, et puis, aussi, j’ai appris la différence entre l’organisation et le militantisme. Puis, j’ai rencontré énormément de gens, à Albuquerque et dans l’état. Ils m’ont mis sur la voie, pour avoir des relations avec des organisateurs, des Peuples Autochtones, et c’est comme cela que j’ai commencé, à Albuquerque.”

 

Puis, en 2007, Leona entendit parler de l’extraction d’uranium, et assista à des réunions sur la question.

“… au début des années 2000, ma grand-mère est morte d’un cancer du poumon. Nous étions très surpris, nous nous demandions comment elle pouvait avoir un cancer du poumon, elle ne fumait pas. Et ce n’était pas quelque chose de courant, donc elle est morte, sans savoir pourquoi elle avait un cancer. Ça s’est passé ici, à Albuquerque, à l’Hôpital Universitaire du Nouveau-Mexique, quand j’étais étudiante. J’habitais à la résidence universitaire, donc je rendais visite à ma grand-mère. Quand elle est morte, nous ne savions pas quelle était la cause.

Environs six ans plus tard, j’ai entendu parler de l’extraction d’uranium, après avoir terminé mes études. Ils ne nous apprennent pas l’histoire de l’extraction, ils ne nous apprennent pas rien sur les problèmes nucléaires du Nouveau-Mexique, au lycée ou à l’université.”

“Alors, après avoir terminé mes études universitaires, j’ai entendu parler des mines d’uranium, et j’ai été absolument convaincue que c’était ce qui avait tué ma grand-mère. A la même époque, une de mes tantes a eu un cancer des seins, ils lui ont enlevé les deux, et j’ai pensé que ce devait être à cause des mines d’uranium. Une autre tante – mon oncle, son mari, avait été mineur dans une mine d’uranium – a eu une maladie des reins. C’est aussi quelque chose qui peut être causé par l’extraction d’uranium. Ils attribuaient la maladie au fait que les femmes lavaient les vêtements contaminés de leurs maris, alors elle a dû ingérer de l’uranium comme cela. Et elle est morte, je suis convaincue que c’était aussi à cause de l’uranium…”

D’autres membres de la famille sont morts de cancers, mais vu la période de latence, c’est difficile de prouver que c’était à cause de l’uranium. Les compagnies essaient toujours de nier leur responsabilité dans les maladies qui touchent les régions minières. De plus, les compagnies fusionnent, sont vendues, achetées, changent de noms et même de nationalité, et peuvent rejeter la responsabilité sur leurs prédécesseurs pour ce qui est arrivé dans le passé.

La famille de Leona est de la région de Crownpoint, à l’est de la Réserve Navajo, au Nouveau-Mexique. C’est dans cette région que les compagnies minières voulaient à nouveau extraire de l’uranium en 2006. Il y a eu un projet de mine d’uranium à Crownpoint.

 

Leona est allée à sa première réunion sur l’uranium en 2007. Cette réunion portait sur l’extraction d’uranium sur le Mont Taylor, près de Grants, au Nouveau-Mexique. Le Mont Taylor est une des quatre Montagnes Sacrées pour les Diné, une des limites du Territoire Diné, Dinetah. Il est également sacré pour d’autres Nations Autochtones de la région, qui veulent toutes protéger le Mont Taylor. Actuellement, le territoire de la Nation Navajo se trouve en grande partie au nord de l’Arizona, débordant un peu dans le sud de l’Utah et le nord-ouest du Nouveau-Mexique. Au Nouveau-Mexique, il y a aussi 19 Nations Pueblo, principalement le long du Rio Grande. Les Pueblos ont unifié leur gouvernement, leurs dirigeants se rencontrent une fois par mois. En 2007, à la réunion à laquelle Leona a assisté pour la première fois, ils ont adopté une résolution contre l’extraction au Mont Taylor. Leona se souvient: “Je ne savais pas ce qu’était l’uranium, je n’en connaissais pas l’histoire, mais j’ai appris plus tard qu’il y avait eu beaucoup d’extraction d’uranium au Mont Taylor dans le passé, surtout pour la Guerre Froide, principalement pour les armes. Donc, il y avait beaucoup d’uranium ici. La raison pour laquelle nous avons demandé plus de protection était l’énorme boum du prix de l’uranium en 2006. Donc, les compagnies voulaient recommencer à en extraire. C’est ainsi que j’ai commencé à y travailler.” Mais surtout, Leona s’inquiétait pour la petite ville de Crownpoint, où vit sa famille. “Cette communauté est très petite, mais il y a un hôpital, des facultés, des écoles, des bureaux et des logements, et l’usine de traitement d’uranium était prévue exactement ici:

 

L’entreprise a commencé par projeter d’extraire de l’uranium à Church Rock, dans les années 1980, et de le transporter sur plus de 72 km à l’usine prévue à Crownpoint. Church Rock, près de Gallup, au Nouveau-Mexique, est le lieu de la plus grande catastrophe nucléaire de l’histoire des Etats-Unis, qui s’est produite en 1979: une digue contenant un bassin de déchets nucléaires s’est rompue et les déchets se sont déversés dans la rivière Puerco. Lorsqu’ils ont décidé de reprendre l’extraction, ils ont prétendu qu’ils allaient utiliser une technique totalement différente, qui n’impliquait ni tas de déchets, ni bassins, ni digues: la lixiviation in-situ [en anglais, “leaching” signifie “infiltration”, mais les exploitants de mines d’uranium francophones préfèrent utiliser un mot que personne ne comprend – NdT]. Ça consiste à extraire l’uranium de la nappe aquifère. A l’état naturel, l’uranium colle aux roches et les eaux souterraines ne le dissolvent pas. La “lixiviation” in-situ se fait en injectant des produits chimiques dans la nappe aquifère afin de détacher l’uranium, puis en pompant l’eau et en filtrant l’uranium. Leona remarque: “Nous, nous ne sommes pas idiots, nous savions que si l’eau profonde est irradiée, ils la pompent, mais dès qu’ils font ça, ça se déplace, et notre eau souterraine est contaminée. Donc, nous nous sommes battus contre.”

En 2005, la Nation Navajo a adopté une loi interdisant l’extraction d’uranium. Cependant, Church Rock et Crownpoint se trouvent juste en dehors des limites de la Réserve Navajo, dans une région appelée ‘l’échiquier’. Leona dit “C’est d’où mes parents sont originaires, ils sont de cette région. C’est un chaos. Il y a beaucoup de pression dans cette région pour la fracturation hydraulique, il y a toutes sortes de minéraux, il y a de l’uranium, du pétrole, du gaz et du charbon.” Donc, la région appelée ‘l’échiquier’ a été divisée en petits lots, qui sont soi des propriétés privées, soi des terres d’Etat. Les Amérindiens considèrent que les terres – qui appartiennent à La Terre – ne peuvent pas être des propriétés, mais seulement utilisées en commun par les créatures qui y vivent. Cependant, les pays capitalistes ne reconnaissent pas les terres ‘d’usage commun’, mais seulement la propriété privée ou d’Etat. De plus, les gouvernements Américains croyaient qu’en faisant des Autochtones des propriétaires, ils pourraient les pousser à adopter le Mode de Vie Occidental. Ainsi, en 1887, les Etats-Unis ont adopté le ‘General Allotment Act’ [Loi d’Attribution Générale de Lots]. Cette loi divisait le Territoire Indien en petits lots, dont certains étaient attribués à des chefs de famille Autochtones (masculins), alors que d’autres devenaient terres d’Etat. Les lots attribués à des Autochtones et les lots d’Etat pouvaient être vendus à des propriétaires privés Blancs. En tant que propriétés privées, les petits lots passaient aux héritiers quand le propriétaire initial décédait, et pouvaient ainsi être divisés entre de nombreuses personnes, qui ne pouvaient pas en vivre. Certains Navajos ont soutenu le projet minier parce qu’ils voulaient de l’argent. Leona dit “Il n’y a pas beaucoup d’emplois, pas beaucoup d’écoles, pas beaucoup d’endroits pour faire les courses, les gens ne cultivent plus leur nourriture eux-mêmes, et vont au magasin pour l’acheter. Parfois, les gens n’ont pas beaucoup d’eau, et ils doivent aller quelque part pour acheter de l’eau. Souvent, les gens déménagent, quittent leur terre, et si une compagnie minière leur dit ‘nous voulons extraire de l’uranium de votre terre, et nous vous donnerons tant d’argent’, c’est facile pour les gens d’accepter. S’ils ne vivent pas sur leur terre, ça leur importe peu. Il n’y a pas beaucoup d’emplois, donc c’est de l’argent facile.” Dès que les compagnies ont acheté un terrain, elles peuvent obtenir une ‘exemption aquifère’ sous leur terrain, ce qui signifie que l’eau sous leur terrain privé est exemptée de la Loi sur la Sécurité de l’Eau. Alors que les permis (de polluer) sont normalement attribués pour un temps limité, ceux-ci sont éternels, vu que, comme dit l’Agence pour la Protection de l’Environnement, “une fois que vous avez exempté une nappe aquifère de la loi, vous ne pouvez plus la nettoyer”.

Leona se souvient d’avoir entendu ses parents parler du boom de l’uranium dans les années 1950. C’était la Guerre Froide, l’Etat avait besoin d’uranium pour les armes. “Mes parents disaient que des gens devenaient riches du jour au lendemain. Alors, les gens qui possédaient un terrain, ceux qui avaient reçu des lots, en bénéficiaient immédiatement, dès qu’ils avaient signé un contrat. Mais personne n’imaginait les impacts et les effets négatifs qui allaient durer toujours, la radioactivité, les cancers. Le cancer n’arrive pas comme ça: la période de latence est d’environs 20 ans. Alors, ils avaient empoché un gros chèque, mais 20 ans plus tard, ils avaient le cancer. Beaucoup de gens en sont morts.”

Dans les années 1980, le prix de l’uranium a baissé et la plupart des mines ont cessé d’être exploitées. Mais en 2006, le prix a recommencé à monter et les compagnies ont voulu rouvrir les sites dont elles étaient propriétaires. Depuis, les prix ont monté et descendu, mais la menace de réouverture des mines ou de l’ouverture de nouvelles, existe toujours. Leona a commencé à travailler contre les mines en 2007, à cause de la menace sur la région de Crownpoint.

En février 2014, elle a commencé à travailler avec Diné No Nukes, une organisation qu’elle a co-fondée et qui a pour but de créer “une Nation Navajo Délivrée de la Contamination Radioactive” – , et, en septembre 2014, pour le Projet de Contrôle des Radiations [Radiation Monitoring Project , qui a été fondé par Diné No Nukes avec deux autres organisations –, en décembre 2016 avec Haul No! et en juillet 2016 avec le Groupe d’Etude du Problème Nucléaire [ Nuclear Issue Study Group]. “Notre équipe consiste en trois personnes: David Kraft, Nuclear Energy Information Service; Leona Morgan, Diné No Nukes; Yuko Tonoshira, Sloths Against Nuclear States. Le groupe de David – NEIS – est de Chicago, Diné No Nukes est d’ici, quant à SANS, Yuko Tonoshira, qui fait la plupart de nos graphiques et dessins, s’y est impliquée après Fukushima. David a travaillé sur les problèmes d’énergie nucléaire dans l’Illinois, l’Illinois ayant le plus grand nombre de réacteurs nucléaires des Etats-Unis, 14 réacteurs. Et nous faisons appel à des instructeurs, à l’expertise de nos amis. L’une est Cindy Folkers, l’autre Lucas Hixon. Notre travail porte essentiellement sur l’éducation: Instructions sur les principes de base de la radioactivité et des radiations. Matériel pédagogique approprié. Instruments pour mesurer et informer sur les radiations. Traduire le jargon compliqué et scientifique de l’industrie en langage ordinaire et compréhensible.”

“Ainsi, nous, le Groupe d’Etude du Problème Nucléaire, nous formons une équipe ici, nous ne voulons pas que notre état devienne une ‘zone de sacrifice’, nous pensons que le Nouveau-Mexique ne devrait pas devenir la poubelle des déchets nucléaires de la nation.” Ce groupe diffère des autres organisations anti-nucléaires du Nouveau-Mexique par sa façon de travailler, la composition de ses membres, et les communautés qu’il essaie de toucher. “Il y a de très nombreuses organisations anti-nucléaires au Nouveau-Mexique, la plupart de leurs membres sont âgés, et beaucoup sont des hommes blancs âgés. Trop souvent, ces gens deviennent experts et travaillent beaucoup, mais ils ne partagent pas leurs connaissances de manière accessible, avec les jeunes. Ils voudraient peut-être impliquer des gens plus jeunes, mais ils ne sont pas organisateurs. Nous sommes organisateurs, nous sommes des artistes, des gens de la communauté.” Leona ajoute “Nous incorporons toutes nos cultures différentes, la plupart des dirigeants du groupe sont des femmes. Nous sommes aussi sensibles aux problèmes de la communauté LGBT, pas seulement à ceux des gens de couleur”. Le groupe est nouveau, “…nous sommes encore préoccupés par la façon dont nous allons travailler. Mais, parce que nous sommes nouveaux, nous avons beaucoup de flexibilité, et nous avons beaucoup d’occasions de faire de ce groupe ce que nous voulons qu’il soit. Parce qu’à l’heure actuelle, beaucoup de groupes ne savent pas comment se parler, ne s’aiment pas, tandis que nous, nous voulons travailler avec tout le monde.”

 

Actuellement, juin 2018, le groupe s’occupe essentiellement de la lutte contre un projet d’enfouissement de déchets nucléaires extrêmement radioactifs, dans le sud-est du Nouveau-Mexique. Officiellement, il s’agit d’un site ‘temporaire’, mais les opposants craignent qu’il ne soit permanent (voir article précédent).

 

 

Leona Morgan, Diné, photo Censored News

 

Par Ramona Blaber, du Sierra Club
Publié sur Censored News
17 mai 2018
Traduction Christine Prat

 

Des réunions publiques supplémentaires sont prévues, à cause de l’inquiétude croissante due au projet de site de déchets nucléaires hautement radioactifs

Contacts:
Karen Hadden, SEED Coalition
Rose Gardner, Alliance for Environmental Strategies
Leona Morgan, Nuclear Issues Study Group
Pat Cardona, Sierra Club Rio Grande Chapter
Angel Amaya, Press Officer, Public Citizen’s Texas Office

 

L’inquiétude croissante dans tout l’état, à propos des risques posés par un site de déchets hautement radioactifs et l’opposition du public à l’installation projetée dans le sud-est du Nouveau Mexique, ont conduit à ajouter deux réunions publiques de la Commission de Régulation du Nucléaire [NRC – Nuclear Regulatory Commission] et à l’extension du délai pour les commentaires publics du 29 mai au 30 juillet.

Les réunions sont prévues à Gallup et Albuquerque. De plus, le Comité Intérimaire pour les Matériaux Dangereux et Radioactifs du Nouveau Mexique devait se réunir le 18 mai pour examiner les impacts du projet dans l’état. Ce dangereux projet de déchets radioactifs est aussi devenu une question importante dans la campagne électorale pour le poste de gouverneur.

La firme Holtec International veut ouvrir un entrepôt de déchets supposé “temporaire”, pour les déchets hautement radioactifs mortels de la nation, sur un site situé entre Hobbs et Carlsbad, au Nouveau Mexique. Mais il y a fort peu de chances que les déchets soient à nouveau déplacés, vu qu’il n’y a plus de volonté politique de créer un site permanent ni de fonds pour le faire. La compagnie a l’intention de transporter 10 000 silos de barres combustibles de réacteurs irradiées de tout le pays et de les entreposer juste sous la surface du sol et en partie au-dessus. Ça représente plus de déchets que tous les réacteurs nucléaires des Etats-Unis ont produit jusqu’à maintenant.

“Nous ne voulons pas être le dépotoir nucléaire de la nation. L’opposition s’accroît dans tout l’état. A une réunion récente de la NRC, les opposants au projet étaient beaucoup plus nombreux que ceux qui étaient pour: 133 contre 49” dit Rose Gardner de Eunice, membre fondatrice de l’Alliance pour les Stratégies Environnementales. Mme Gardner a assisté à toutes les réunions récentes de la NRC à propos du projet de Holtec, la première par téléphone, les trois autres au Nouveau Mexique.

  • Le 25 avril, la NRC s’est réunie à son siège, dans le Maryland et a rassemblé des commentaires publics par webinar et call-in. Les 23 personnes qui se sont exprimées étaient toutes opposées à la demande de Holtec.
  • Le 30 avril, la NRC a tenu une réunion à Roswell. Plus de 95 personnes ont y ont assisté, la salle était pleine et les portes ont dû être fermées, ce qui a empêché plus de gens d’y assister. Parmi ceux qui se sont exprimés, 45 étaient opposés au projet, 7 étaient pour, et un était neutre.
  • Le 1er mai, à la réunion de la NRC à Hobbs, 33 personnes ont exprimé leur opposition au projet de Holtec. Seulement 14 personnes étaient pour, parmi elles des porte-parole de Holtec et de leur partenaire, Eddy-Lea Energy Alliance LLC.
  • A la dernière réunion, le 3 mai à Carlsbad, 32 résidents ont exprimé leur opposition et 28 ont dit être en faveur du projet. Parmi les partisans du projet, il y avait des employés de la compagnie et d’autres personnes qui devraient en profiter économiquement.

Dans une déclaration du 7 mai, dans “Holtec Highlights”, la compagnie n’a pas mentionné le fait que les partisans du projet étaient en minorité dans les quatre réunions publiques de la NRC.

“Ceux qui conspirent pour construire cet entrepôt de déchets ont travaillé derrière des portes verrouillées depuis des années” dit Leona Morgan co-fondatrice du Groupe d’Etude des Questions Nucléaires [Nuclear Issues Study Group]. “Notre organisation travaille pour informer le public, par des présentations, en utilisant les médias sociaux et en parlant à chacun personnellement lors d’évènements dans les communautés. Une immense majorité de gens ne savent rien de ce projet ni du transport possible à travers leurs communautés. Maintenir les gens dans le noir est la seule façon de faire avancer le projet. Dès que les gens en entendent parler, non seulement ils sont choqués, mais ils veulent en savoir plus. Beaucoup veulent s’engager pour aider à l’empêcher.” A la réunion de la NRC à Carlsbad, Leona Morgan a apporté plus de 1300 lettres d’opposition au projet, signées par des résidents d’un peu partout dans l’état.

“Ce dépôt de déchets nucléaires hautement radioactifs peut signifier la fin de l’eau potable, la terre et les récoltes, la vie sauvage, qui fournissent la nourriture des habitants du Nouveau Mexique” dit Patricia Cardona du Sierra Club du secteur de Rio Grande. “Les déchets peuvent causer des cancers, des malformations congénitales et des décès. Le Sierra Club du secteur de Rio Grande ne soutient pas le projet à cause de ses effets sur la population et du fait qu’il est malencontreusement situé près des “karst”, c’est-à-dire des cavernes, des lacs sans fond, et des puits salins, dont il a déjà été prouvé qu’il était problématique d’y entreposer des déchets dangereux et de créer les conditions d’un effondrement possible.”

En 2016, le Ministère de l’Energie a tenu huit réunions dans tout le pays, pour chercher à obtenir du consentement pour l’entreposage de ces déchets. Il n’y a pas eu de réunions au Nouveau Mexique ni au Texas. Les opposants au projet de Holtec ont dû voyager pour aller à la réunion la plus proche, à Phoenix, pour dire au Ministère de l’Energie que les résidents du Nouveau Mexique et du Texas ne consentaient pas à ce qu’on amène les déchets de réacteurs nucléaires de tout le pays dans leurs communautés, en dépit des affirmations contraires de l’administration. Les données récentes sur les nombres d’opposants et de partisans dénoncent les affirmations de l’industrie selon lesquelles les habitants du Nouveau Mexique soutiennent la proposition d’avoir chez eux un site d’entreposage “temporaire”.

Ce problème a commencé à créer des divisions en vue de la prochaine campagne électorale pour le poste de gouverneur du Nouveau Mexique. Le 10 mai, la Chambre des Représentants a voté pour la proposition de loi H.R.3053, un changement dans la politique actuelle concernant les déchets nucléaires, qui rendrait le projet de dépôt de déchets de Holtec autorisable par la loi. Les Représentants du Nouveau Mexique Ben R. Luján et Michelle Lujan Grisham ont voté contre le projet de loi, qui lèverait les obstacles pour les dépôts de déchets nucléaires temporaires, tandis que le Représentant Steve Pearce a voté pour les autoriser.

“Les réunions de Gallup et d’Albuquerque sont de grandes occasions pour ceux mis en danger par le transport de ces déchets d’élever la voix et de dire ‘Non!’ C’est important que les gens assistent aux réunions de la NRC et envoient leurs commentaires, particulièrement ceux des zones rurales le long des rails de chemin de fer” dit Petuuche Gilbert du Pueblo d’Acoma.

Sept accidents de chemin de fer graves se sont produits au Nouveau Mexique au cours des trois dernières années. D’après un rapport du Ministère de l’Energie, l’échappement d’une petite quantité de radioactivité pourrait contaminer plus de 100 km² et le nettoyage de chaque portion de 2,6 km² d’une zone urbaine pourrait coûter jusqu’à 9,5 milliards de dollars.

“Des incendies récents près des sites de déchets radioactifs existants d’Urenco et de WCS montrent à quel point ce genre de déchets est soumis au risque de catastrophes naturelles imprévisibles et de plus en plus graves au fur et à mesure que le climat change” dit Mme Gardner.

“Nous avons tout à perdre, avec ce projet d’amener les déchets les plus radioactifs de la nation au Nouveau Mexique. Les risques pour la santé, la sécurité, et le bien-être financier sont immenses, et les gens doivent agir maintenant pour bloquer cette erreur colossale qui met en danger les gens du Nouveau Mexique et ceux qui se trouvent le long de trajets de transport dans tout le pays” dit Karen Hadden, directrice de la Coalition pour une Energie et un Développement Economique Durables (SEED). La Coalition SEED travaille avec des partenaires locaux pour s’opposer à ce projet et à un autre similaire, juste de l’autre côté de la limite de l’état, dans le Comté d’Andrews, au Texas.

 

Les principales raisons de s’opposer au site de déchets de Holtec

  1. L’exposition aux radiations peut causer des cancers, des problèmes génétiques, des malformations congénitales et des décès. Une partie des déchets qui pourraient être importés resteront dangereux pour des millions d’années.
  2. C’est un train attendant de dérailler. Plus de 10 000 wagons trop lourds transporteraient des barres de combustible nucléaire irradiées jusqu’au site, ce qui prendrait au moins 20 ans. On peut prévoir qu’au moins un accident se produira. Les déchets seraient transportés sur des rails très proches du gouffre de Carlsbad.
  3. Un seul wagon transporterait autant de plutonium que la bombe de Nagasaki.
  4. Si le projet obtenait une licence, le Nouveau Mexique hebergerait vraisemblablement un site de déchets de facto permanent, pour les déchets radioactifs les plus dangereux, un site prévu pour un entreposage seulement temporaire. Dans des silos vieillissants, il est peu probable que les déchets soient déménagés un jour. Les caissons, les silos et le site lui-même ne sont pas conçus pour un entreposage à long terme. Des fuites, des lézardes pourraient se produire.
  5. Quand les silos commenceront à se détériorer ou s’ils fuient, ils devront être reconditionnés. Actuellement, il n’y a pas de cellule chaude ni d’unités de reconditionnement pour les silos détériorés dans le projet déposé par Holtec.
  6. La plupart des sites de dépôt de déchets à basse émission ont fui et les coûts de réhabilitation se sont élevés à plus d’un milliard de dollars.
  7. Le Congrès n’accordera pas les fonds adéquats s’il y a des fuites ou des accidents. Le coût du nettoyage d’une pollution radioactive pourrait être un désastre financier pour les gens du Nouveau Mexique.
  8. Les gens qui vivent près de réacteurs nucléaires existants connaissent les risques et ne veulent pas que les déchets restent près de chez eux.
  9. Pourquoi le Nouveau Mexique ou le Texas devraient-ils les prendre? Le Nouveau Mexique n’a reçu aucun profit des réacteurs nucléaires qui les ont produits. Larguer les déchets au Nouveau Mexique serait une injustice environnementale de la pire espèce.
  10. Ces déchets mortels pourraient avoir un impact économique extrêmement négatif sur les industries du pétrole et du gaz, des produits laitiers, des noix de pécan et du tourisme, qui emploient plus de 20 000 personnes dans la région. Le projet de Holtec ne promet que 55 emplois. [NdT: je traduis, mais je n’approuve pas forcément ce dernier point…]

 

Ramona Blaber

Coordinatrice des communications du Secteur de Rio Grande du Sierra Club, 505 660-5405