QUAND LA CONSTRUCTION COMMUNAUTAIRE IMPLIQUE UNE RECONSTRUCTION CONCRETE
Par Kent Lebsock
Owe Aku International Justice Project
Publié sur Censored News
7 mai 2014
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Traduction Christine Prat
Depuis sa création il y a plus de 20 ans, Owe Aku (‘Bring Back the Way’ – Retrouvez la Voie – fondé par le tiyospaye – famille élargie – White Plume) a travaillé pour la culture Lakota et sa base territoriale dans des forums allant des salles de séjour des Anciens de Pine Ridge au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies à Genève. Les nombreux aspects du travail pour le changement social et la revitalisation culturelle se situent nécessairement dans le cadre du système de tiyospaye (famille élargie ou communauté) qui est la base de l’organisation sociale des Lakota traditionnels. Les membres de cette famille ne sont pas seulement les humains. Les nations silencieuses (l’herbe, les fleurs, les arbres), les êtres à quatre pattes, l’eau sacrée et notre Mère la Terre elle-même font partie de la communauté et être un bon parent est le but du système du tiyospaye. Nous sommes maintenant sur la ligne de front pour protéger l’eau sacrée, ayant fait le vœu de bloquer l’exploitation d’uranium dans les Black Hills et d’empêcher le Pipeline KXL de pénétrer dans le territoire Lakota défini par traité. C’est notre devoir, notre responsabilité et notre plaisir de faire ce travail uniquement en tant que bénévoles à temps plein.
Il y a quelques années, un incendie à l’origine douteuse a détruit la maison des White Plume sur un terrain proche de Wounded Knee Creek. L’incendie était catastrophique pour la famille, la communauté et le travail d’Owe Aku. Des objets cérémoniels et des œuvres d’art ancestrales inestimables, ainsi que de la documentation historique ont été perdus. Çà c’est produit pendant que nous menions un combat contre une des plus grandes compagnies d’uranium du monde et, pendant de nombreuses semaines, Debra White Plume a travaillé sans relâche pour reconstituer la documentation de la chambre d’un motel de la réserve.Les choses se sont améliorées avec le temps, bien sûr, et Alex White Plume a reconstruit la maison familiale qui constitue le cœur de leur tiyospaye. A tout moment, des petits-enfants, quelques arrière-petits-enfants et des hôtes venus de partout dans le monde viennent y vivre et travailler à la reconstruction de leur maison. Le ‘bureau’ a été déménagé dans une chambre d’amis pleine à craquer et la ‘boîte aux lettres’ est un coin du lit de Debra. Le travail n’a jamais cessé.
Owe Aku est bien connu en Amérique du Nord comme force motrice derrière les alliances qui regroupent les Lakota, tout comme des alliés et soutiens non-Autochtones, pour bloquer le Keystone XL, et la lutte contre l’uranium continue.
Cependant, Owe Aku n’a jamais eu son propre bureau ni même une vraie table de travail. Mais finalement, le tiyospaye s’est rassemblé pour aider à construire un bel espace de bureau, avec des combles pour le rangement et/ou un ‘dortoir’ pour la multitude de visiteurs venus pour travailler avec Owe Aku. Dans les premiers jours de la construction, la nouvelle s’est répandue, et des petits-enfants, des nièces, des neveux et des amis sont venus aider. Certains ont apporté du matériel. Certains ont fait don de quelques dollars.
De plus, beaucoup de planches ont été coupées avec la scie portable des White Plume dans les pins de Pine Ridge, et beaucoup de matériel a été donné par la famille White Plume.
L’extérieur du bâtiment est terminé et à présent nous avons besoin d’aide pour finir l’intérieur. Comme toujours, tout don que vous pouvez faire est bienvenu, quelque soit le montant. Voir notre site www.oweakuinternational.org et cliquer sur Pay pal pour faire un don. Nous sommes conscients de demander beaucoup à ceux qui nous soutiennent et de compter sur eux pour tout ce que nous faisons, mais nous vous assurons que notre travail acharné et notre implication méritent la confiance que vos dons représentent.
Wopila !
DES COMPLICES, PAS D’ ALLIÉS: ABOLIR LE COMPLEX INDUSTRIEL DE L’ ‘ALLIANCE’
Par Indigenous Action Media
4 mai 2014
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Traduction Christine Prat
Un point de vue et une provocation Autochtones
Cette provocation a pour but d’intervenir dans certaines tensions actuelles relatives au travail de solidarité/soutien, vu que les trajectoires actuelles sont contre-libératrices, de mon point de vue. Remerciements à DS à Phoenix pour les échanges qui ont conduit à ce pamphlet et à tous ceux qui ont fait des commentaires, posé des questions, exprimé des désaccords. N’imaginez pas que ceci s’adresse aux « jeunes alliés blancs de la classe moyenne », mais seulement aux activistes payés, aux organisations à but non lucratif, ou, comme l’a dit un ami, aux « anarchistes et étudiants à la mobilité tirant vers le bas. » Il y a beaucoup de soi-disant « alliés » dans la lutte pour les droits des migrants qui soutiennent la « réforme complète de l’immigration » qui intensifie la militarisation de territoires Autochtones.
Le complexe industriel de la ‘solidarité’ a été édifié par des activistes dont la carrière dépend des ‘problèmes’ auxquels ils travaillent. Ces capitalistes à but non lucratif font avancer leurs carrières au dépend des luttes qu’ils soutiennent ostensiblement. Ils travaillent souvent sous couvert de ‘la base’ ou de ‘la communauté’ et ne sont pas nécessairement liés à une organisation.
Ils construisent un pouvoir ou des capacités organisationnels ou individuels, et s’établissent confortablement au sommet de leur hiérarchie de l’oppression en s’efforçant de devenir les alliés ‘vedettes’ de la majorité des opprimés. Tandis que l’exploitation de la solidarité et du soutien n’est pas nouvelle, la marchandisation et l’exploitation de la ‘solidarité’ est une tendance montante dans l’industrie du militantisme.
Quiconque s’implique dans les luttes contre l’oppression et pour la libération collective a, à un moment ou à un autre, participé à des ateliers, lu des manifestes ou pris part à de profondes discussions sur comment être un ‘bon’ allié. Vous pouvez maintenant payer des centaines de dollars pour aller dans des instituts ésotériques vous procurer un certificat d’allié anti-oppression. Vous pouvez participer à des ateliers et recevoir un badge d’allié. Pour faire de la lutte une marchandise, il faut d’abord l’objectiver. C’est révélé par la façon dont les ‘problèmes’ sont ‘présentés’ et ‘étiquetés’. Quand la lutte est une marchandise, la ‘solidarité’ est une monnaie d’échange.
Etre un allié est aussi devenu une identité désincarnée, hors de toute compréhension ou soutien réels. Le terme ‘allié’ est devenu inefficace et vide de sens.
Complices, pas alliés
Com.plice
Nom : complice ; pluriel : complices
Une personne qui en aide une autre à commettre un crime.
Il existe un désir violent et incessant d’arriver à la libération totale, avec la terre, et, ensemble. Il y a bien un ‘nous’, et nous devons très certainement travailler ensemble. Ce qui signifie, au minimum, formuler des conceptions mutuelles qui ne soient pas entièrement antagonistes, sinon nous pourrions avoir à constater que nous-mêmes, nos désirs et nos luttes sont incompatibles.
Certaines conceptions peuvent ne pas être négociables. Il y a des contradictions que nous devons résoudre et nous le ferons certainement, à nos propres conditions.
Mais il est impératif que nous sachions qui nous soutien, ou plus exactement : qui est avec nous, à nos côtés ?
Les risques qu’amènent un allié qui apporte du soutien ou de la solidarité (généralement sur une base temporaire) dans un combat, sont très différents de ceux d’un complice. Quand nous nous battons, pour nous défendre ou attaquer, ensemble, devenant complices dans la lutte pour la libération, nous sommes effectivement complices. L’abolition de l’ ‘solidarité intéressée’ peut se produire par la criminalisation du soutien et de la solidarité.
Alors que les stratégies et les tactiques pour conforter (ou abolir, suivant le point de vue) le pouvoir social et politique peuvent être diverses, il y a de dures leçons qui ne doivent pas être reproduites.
Considérez ce qui suit comme un guide pour identifier les points d’intervention contre le complexe industriel de la ‘solidarité’.
“Salut, c.a.d., Travail Missionnaire et Auto Thérapie”
Certains alliés entretiennent trop souvent des notions romantiques des peuples opprimés qu’ils souhaitent ‘aider’. Ce sont les alliés ‘sauveurs’ qui voient des victimes et des pions au lieu de voir des gens.
Cette victimisation devient un fétiche pour les pires des alliés sous forme d’exotisme, d‘anarchisme de pacotille, d’explications condescendantes, d’exploitation sexuelle justifiée sous d’autres termes, etc. Ce type de relation mène généralement à l’exploitation de l’opprimé et de l’oppresseur. L’allié et celui avec qui il est allié se retrouvent englués dans une relation trompeuse et nocive. Généralement ni l’un ni l’autre ne peuvent le voir avant qu’il ne soit trop tard. Cette relation peut aussi dégénérer en dépendance ce qui veut dire qu’ils se sont mutuellement privés de leur pouvoir. Les alliés ‘sauveurs’ ont tendance à créer une dépendance à eux-mêmes et leur fonction, qui conditionnent leur soutien. Personne ici n’a besoin d’être sauvé, nous n’avons pas besoin d’ ‘alliés missionnaires’ ni de pitié.
La culpabilité est également un facteur fondamental pour l’allié. Même si ce n’est jamais admis, la culpabilité et la honte fonctionnent généralement comme motivations dans la conscience d’un oppresseur qui se rend compte qu’il est du mauvais côté. Bien que la culpabilité et la honte soient des émotions très puissantes, pensez à ce que vous faites avant de faire de la lutte d’une autre communauté votre séance de psychothérapie. Bien sûr, les actes de résistance et de libération peuvent guérir, mais se confronter à la culpabilité et à la honte demande une toute autre perspective, ou au moins une perspective explicite et consensuelle. Quel genre de relations peut être construit sur la culpabilité et la honte ?
“Exploitation et Cooptation”
Ceux qui cooptent ne font que promouvoir leurs propres intérêts (généralement la notoriété ou un intérêt financier). Lorsque ces ‘alliés’ cherchent à imposer leur agenda, ils se révèlent. Les organisateurs de ‘la base’ ‘radicaux’, plus-militant-que-vous, cherchent avidement à coopter des problèmes porteurs (pour la notoriété/l’égo/être le super allié/l’allié le plus radical) et fixent les modalités de l’affrontement ou dictent quelles luttes doivent être amplifiées ou marginalisées, sans égards pour ceux dans le pays desquels ils agissent. Les officiels du non-lucratif, ou le complexe industriel du non-lucratif (NPIC – Non Profit Industrial Complex) cherchent aussi à coopter des problèmes porteurs ou pouvant ‘être subventionnés’ et les exploitent dès qu’ils sont mûrs pour récolter les subventions qu’ils convoitent. Trop souvent, les luttes de libération Autochtones pour la vie et la terre, doivent, par nature, affronter directement toute la structure sur laquelle cette société coloniale et capitaliste est fondée. Çà constitue une menace pour les bâilleurs de fonds potentiels capitalistes, ce qui fait que certains groupes sont forcés de compromettre le radicalisme ou la dimension libératrice de leur travail en échange de subventions, tandis que d’autres sont aliénés et tombent dans l’invisibilité ou s’abandonnent à une lutte de pure forme.
Les ‘cooptateurs’ arrivent le plus souvent sur les lieus du combat lorsque l’affrontement a déjà escaladé et qu’il est un peu trop tard.
Ces entités proposent presque toujours des formations, des ateliers, des camps d’action et offrent leur expertise spécialisée avec condescendance. Ces gens reçoivent généralement des salaires énormes pour leur activisme ‘professionnel’, obtiennent des subventions artificiellement gonflées pour la logistique et ‘la construction de capacité organisationnelle’, et les luttes peuvent ensuite être exploitées comme ‘luttes publicitaires’ par leurs bâilleurs de fonds. De plus, les capacités qu’ ils pretendent apporter existent vraisemblablement déjà dans les communautés, ne serait-ce que sous forme de tendances qui ne demandent qu’à être provoquées pour se traduire en actions.
Ces pratiques ne sont pas seulement le fait des grandes organisations soi-disant non-gouvernementales (ONG), des individus peuvent également adopter ces tactiques qui servent leurs propres intérêts.
La cooptation fonctionne comme une forme de libéralisme. La ‘solidarité professionnelle’ peut perpétuer une dynamique de neutralisation en cooptant une intention libératrice à l’origine pour la placer dans un projet réformiste.
Certains, dans les luttes (en générale les ‘personnalités’ du mouvement), qui ne bousculent pas le statuquo des alliés officiels, peuvent être récompensés par un poste dans l’industrie de la ‘solidarité’.
“Alliés auto proclamés ou confessionnels”
Trop souvent, des gens débarquent avec l’attitude ‘Je suis là pour vous soutenir’ portée comme un badge. Pour finalement faire des luttes une activité para universitaire qui leur rapportera des ‘points de solidarité’. Les alliés autoproclamés peuvent même avoir des principes et des valeurs anti-oppression comme devanture. Vous avez peut-être vu cette citation de Lilla Watson à leur propos : ‘Si vous venez ici pour m’aider, vous perdez votre temps. Si vous venez parce que votre libération est liée à la mienne, alors travaillons ensemble’. Ils aiment les poses, mais leurs actions contredisent leurs proclamations.
Les alliances significatives ne sont pas imposées, elles sont consenties. Les alliés autoproclamés n’ont pas l’intention d’abolir leur habilitation à imposer la relation à ceux avec qui ils prétendent s’allier.
“Parachutistes”
Les ‘parachutistes’ se précipitent sur les lignes de front apparemment sortis de nulle part. Ils se déplacent littéralement d’un point chaud ou médiatique à un autre. Ils appartiennent aussi aux catégories de ‘sauveurs’ et d’ ‘autoproclamés’, vu qu’ils viennent principalement d’instituts ou d’organisations spécialisés et de think-tanks. Ils ont suivi des formations, des ateliers, des conférences, etc. , ils sont ‘experts’ et savent donc ‘ce qu’il faut faire’. Cette attitude paternaliste est implicite dans les structures (ONG, instituts, etc.) d’où ces ‘alliés’ tirent leur conscience des ‘problèmes’. Même s’ils rejettent leur propre programmation par leurs organismes non-lucratifs, ils sont en fin de compte réactionnaires, ‘ayant droit’, et condescendants, ou prennent une position de pouvoir sur ceux avec qui ils prétendent s’allier. C’est la même condescendance structurelle qui est enracinée dans la domination de la suprématie blanche hétéro-patriarcale.
Les parachutistes sont généralement des missionnaires recevant davantage de subventions.
“Universitaires et Intellectuels”
Bien qu’étant quelquefois directement issus des communautés en lutte, les intellectuels et les universitaires correspondent aussi parfaitement à toutes ces catégories. Leur rôle dans la lutte peut être extrêmement condescendant. Dans beaucoup de cas, les universitaires maintiennent un pouvoir institutionnel sur le savoir et les capacités de la communauté – ou des communautés – en lutte. Les intellectuels font souvent une fixation sur l’idée de désapprendre l’oppression. Ces gens-là n’ont généralement pas les pieds sur terre, mais sont prompt à critiquer ceux qui les ont.
Devrions-nous nous contenter de ‘désapprendre’ l’oppression, ou de l’écraser, bordel ! et d’en supprimer l’existence même ?
Un complice universitaire chercherait comment se procurer des ressources et du matériel et trahir son institution pour promouvoir les luttes de libération. Un complice intellectuel élaborerait une stratégie avec, et non pour, la lutte, et n’aurait pas peur d’utiliser un marteau.
“Les Gardiens du Sérail”
Les gardiens du sérail cherchent le pouvoir sur les autres, pas avec eux. Ils sont connus pour leurs tactiques visant à contrôler et/ou à dissimuler des informations, des ressources, des connections, des soutiens, etc. Les gardiens du sérail viennent de l’extérieur et de l’intérieur. Lorsqu’ils sont découverts, ils deviennent généralement inefficaces (tant qu’il y a des mécanismes de responsabilité effective).
Les individus et les organisations agissant comme ‘gardiens du sérail’, ont tendance, tout comme les ‘alliés sauveurs’ à créer une dépendance à leur personne et leur fonction pour obtenir du soutien. Ils ont tendance à dominer et contrôler.
“Navigants et Flottants”
L’allié ‘navigant’ est familier du jargon – qu’il peut manier avec habileté – et des manœuvres dans les luttes mais n’entretient pas de dialogue significatif (en évitant les débats ou en se taisant) et n’entreprend pas d’action effective au-delà de ses zones de confort personnel (çà existe aussi dans des organisations entières). Il maintient son pouvoir et, par extension, les structures de pouvoir dominantes, en ne les attaquant pas directement. Ici, ‘la solidarité intéressée’ se définit plus précisément par le fait de transformer l’oppression des autres en projets personnels. Les ‘navigants’ sont ‘alliés’ par leur style de vie, ils se manifestent par une participation passive ou en utilisant simplement une terminologie adéquate pour exprimer leur soutien. Quand c’est la merde, ils sont les premiers à se retirer. Ils ne restent pas pour assumer la responsabilité de leur conduite. Quand on leur demande des comptes, ils accusent souvent les autres et essaient de rejeter ou de délégitimer les suspicions. Les complices n’ont pas peur de s’engager dans des débats ou des discussions inconfortables, dérangeants ou délicats.
Les ‘flottants’ sont des ‘alliés’ qui vont d’un groupe à l’autre, d’une question à une autre, sans jamais s’engager suffisamment, mais voulant toujours que leur présence soit ressentie et leurs voix entendues. Ils ont tendance à disparaître quand on en arrive à leur demander des comptes ou de reconnaître leur responsabilité pour leur conduite merdique.
Les flottants sont des gens qui diront assurément aux flics d’ ‘aller se faire foutre’ mais ne s’exposeront jamais aux risques mutuels, tout en mettant constamment les autres en danger; qui se montreront vite autoritaires pour dénoncer les privilèges d’autres personnes, mais ne mettront jamais les leur en question. Ils sont fondamentalement des touristes accros à l’action, qui ne veulent jamais être là pour en payer le prix, participer à sa préparation ou en assumer la responsabilité, mais veulent toujours être reconnus et mériter le respect pour ‘avoir été là’ quand un pavé devait être jeté, une barricade érigée, etc.
Il est aussi important d’avoir conscience de ce phénomène, à cause des menaces d’infiltration. Les provocateurs sont des flottants notoires, allant d’un endroit à l’autre sans jamais rendre compte de leurs faits et gestes. L’infiltration ne vient pas nécessairement de l’Etat, les mêmes effets peuvent être produits par des alliés ‘bien intentionnés’. Il est important de noter que dénoncer des infiltrés a des implications graves et ne devrait pas être tenté sans preuve concrète.
“Démissions”
Démissionner de l’organisation d’origine est un sous-produit du marché officiel de la ‘solidarité’. A première vue, le phénomène peut ne pas paraître problématique, après tout, pourquoi serait-ce douteux de la part de ceux qui tirent profit de systèmes d’oppression de rejeter ou de se distancier des privilèges et des conduites (droits, etc.) qu’ils impliquent ? Dans le pire des cas, les ‘alliés’ eux-mêmes sont paralysés, persuadés que c’est leur devoir en tant que ‘bon allié’. Il y a une différence entre agir pour les autres, avec les autres, et dans son propre intérêt, il faut être explicite. On ne trouverait pas de complice démissionnant de son organisation ou de ses fonctions en tant qu’acte de ‘soutien’. Il trouverait des façons créatives de changer en armes ses privilèges (ou plus clairement, ses récompenses pour son appartenance à la classe des oppresseurs), comme expression de la guerre sociale. Sinon, on se retrouve avec une bande d’usurpateurs anticiviques, primitivistes ou d’anarchistes-tendance, alors qu’on préfèrerait des saboteurs.
Suggestions de quelques moyens de trouver des complices anticolonialistes
La solidarité intéressée est la corruption de l’esprit radical et de l’imagination, c’est le cul-de-sac de la décolonisation.
La ‘solidarité’ officielle coopte la décolonisation comme une bannière à brandir dans ses galas sans fin contre l’oppression.
Ce qui n’est pas compris, c’est que la décolonisation menace l’existence même des colons ‘alliés’. Peu importe à quel point vous êtes libérés, si vous continuez à occuper des territoires Autochtones, vous êtes toujours des colonialistes.
La décolonisation (le processus de restauration de l’identité Autochtone) peut être très personnel et devrait être différentié, mais pas déconnecté, de la lutte contre le colonialisme.
La tâche d’un complice dans la lutte contre le colonialisme est d’attaquer les structures et les idées coloniales.
Le point de départ est de définir clairement votre relation avec les Peuples Autochtones dont vous occupez les territoires. Cela est au-delà de la reconnaissance. Çà peut être particulièrement épineux dans le cas de Peuples Autochtones ‘non reconnus au niveau fédéral’, étant donné qu’ils sont rendus invisibles par l’Etat et par les envahisseurs qui occupent leurs territoires.
Çà peut prendre du temps pour établir la communication, d’autant plus que certains ont déjà été blessés par des contacts extérieurs. Si vous ne savez ni où ni comment prendre contact avec les gens, faites un travail de terrain, de la recherche (mais ne vous fiez pas aux sources anthropologiques, elles sont euro centristes), et faites attention. Essayez d’écouter plus que de parler ou de faire des projets.
Dans les luttes à long terme, la communication peut avoir été rompue entre différentes factions, il n’y a pas de solution facile à ce problème. N’essayez pas de résoudre le problème, mais communiquez ouvertement, en prenant en considération les points mentionnés plus bas.
Quelquefois, des Peuples Autochtones sont ‘invités’ sur le territoire d’autres peuples et cependant utilisés comme représentants Autochtones des ‘luttes locales’. Ce phénomène perpétue le colonialisme d’occupation. Beaucoup de gens supposent que les Autochtones sont tous sur la même ligne ‘politiquement’, nous ne le sommes certainement pas.
Bien que parfois des gens aient la capacité et la patience de le faire, soyez conscients du processus perpétué par le fait de se ‘tenir la main’.
Comprenez que ce n’est pas notre rôle de vous tenir la main au cours du processus parcouru pour devenir complice.
Les complices écoutent avec respect l’ensemble des pratiques et dynamiques culturelles existant dans les diverses communautés Autochtones.
Les complices ne sont pas inspirés par leur culpabilité ou leur honte personnelles, ils peuvent avoir leur propre projet mais ils le disent explicitement.
La complicité se forme par le consentement mutuel et l’édification de la confiance. Ils n’ont pas seulement notre approbation, ils sont à nos côtés, ou ils s’opposent et déstabilisent le colonialisme sur leur propre terrain. En tant que complices nous sommes forcés de rendre des comptes et d’être responsables vis-à-vis des uns des autres, c’est la nature même de la confiance.
Ne vous attendez pas à ce que quelqu’un vous proclame complice, et vous ne pouvez certainement pas le proclamer vous-même. Vous l’êtes ou vous ne l’êtes pas. Les lignes d’oppression sont déjà tracées. L’action directe est vraiment ce qu’il y a de mieux et peut-être la seule façon d’apprendre ce que c’est que d’être complice. Nous sommes engagés dans un combat, alors soyez prêt à l’affrontement et ses conséquences.
Si vous envisagez de vous engager dans ou de soutenir une organisation :
Soyez vigilant vis-à-vis de qui que ce soit ou de toute organisation qui proclame la ‘solidarité’, le travail de décolonisation et/ou qui exhibe sa relation avec les Peuples Autochtones comme un badge.
Utilisez les questions traitées ci-dessus pour déterminer les intentions de base.
Vérifiez le financement des organisations. Qui est payé ? Où est la transparence ? Qui définit les conditions ? Qui fixe le programme ? Les campagnes sont-elles en adéquation avec les besoins sur le terrain ?
Est-ce que le Peuple Autochtone – la base, pas les ‘représentants’ – est directement impliqué dans les prises de décisions ?
UNE REFORME COMPLETE DE L’IMMIGRATION AUX USA EST ANTI-IMMIGRANTS ET ANTI-AUTOCHTONES
Par Franco Habre et Mari Garza
Publié sur Indigenous Action Media
1er mai 2014
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Contact : mgarza418@yahoo.com et francohabre@yahoo.com
La Réforme Complète de l’Immigration est intrinsèquement anti-immigrants. Elle est présentée comme ‘une voie vers la citoyenneté’ et comme une solution temporaire pour stopper l’incarcération ou la déportation de certains migrants, mais elle est en fait une attaque déguisée. Le projet de réforme connu sous le nom de Proposition du Sénat S.744 est un complot flagrant pour immobiliser, forger et réduire la vie des migrants. La Réforme Complète de l’Immigration ou ‘CIR’ [Comprehensive Immigration Reform] n’a pas pour but de restaurer la dignité et les droits humains des migrants. C’est, cependant, une occasion de renforcer la suprématie blanche ; la force de la loi ; les frontières racistes et impérialistes ; le libre échange et l’exploitation du travail du sud, ainsi que l’invisibilité de l’existence des Peuples Autochtones ou Premières Nations vivant aux alentours de la soi-disant frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, qui lors de sa création, a divisé les territoires de quatre tribus Autochtones.
L intitulé de la Proposition Sénatoriale S.744 est « Loi sur la Sécurité de la Frontière, les Opportunités Economiques et la Modernisation de l’Immigration ». Ce titre permet d’inférer la priorité de la sécurité de la frontière. Le maintien de l’ordre et la surveillance des 3111 km de limite coloniale appelée frontière US/Mexique, se sont accrus exponentiellement au cours de la dernière décennie. Les communautés le long de cette frontière ont subi l’invasion incessante et de plus en plus provocante des agents de la Patrouille des Frontières, des drones, des points de contrôle armés à l’intérieur du pays, dans la vie quotidienne de leurs quartiers, ainsi qu’un trafic accru de camions de marchandises. De plus, malgré l’accroissement de la sécurité à la frontière, des gens meurent toujours dans les déserts de la région frontalière, des gens immigrant vers le nord du Mexique et d’Amérique Centrale pour fuir l’injustice économique et politique. Cette loi continuera à limiter la liberté de mouvement des Peuples Autochtones, étant donné qu’elle prévoit des mesures d’intensification de la militarisation de leurs territoires, et continuera donc à repousser ceux qui traversent la frontière vers les déserts dangereux des territoires Apaches Lipan, Kickapoo, Tohono O’odham et Yaqui.
S.744 amplifie cette réalité mortelle en appelant à une ‘poussée à la frontière’ qui fera presque doubler le nombre d’agents de la Patrouille des Frontières de 21000 à 40000. Actuellement, plus de la moitié des agents de la Patrouille des Frontières sont latino, et si le nombre d’agents est doublé, quelles seront les conséquences pour la solidarité dans nos communautés, sinon nous diviser d’avantage ? Cette ‘poussée à la frontière’ appelle aussi à construire plus de 1000 km de clôture sur la frontière, rendant ridicules les 155 km du Mur de Berlin. Des amendements comprennent un plan de surveillance high-tech de 3,2 milliards de dollars, entre autres des drones d’attaque, des capteurs d’infrarouge au sol, des caméras thermiques de longue portée, un programme électronique de vérification d’emploi pour tous les employeurs, et un système de visas d’entrée et de sortie dans tous les ports maritimes et aéroports afin de limiter les possibilités pour les immigrants de rester au-delà de la limite de leur visa.
Ceci représente un ‘big business’, de gros contrats fédéraux avec les firmes de défense et de technologies de surveillance. Est-ce que cela ressemble à la ‘voie vers la citoyenneté’ dont vous avez entendu parler ?
S.744 est une attaque déguisée utilisant les antiques tactiques de diviser pour conquérir. La loi confère arbitrairement une ‘voie vers la citoyenneté’ avec très peu de chance d’acquérir effectivement cette citoyenneté, vu les processus bureaucratiques ridiculement longs et ardus auxquels il sera demandé aux gens de se soumettre. Ce processus laborieux forcera en fait les gens à se faire connaître comme sans-papiers, ce qui rendra plus facile pour le gouvernement de les incarcérer ou de les déporter au lieu de leur accorder le séjour. C’est certainement un Catch-22 que les auteurs du projet de loi avaient en tête, car depuis quand les politiciens ont-ils à cœur la libération de nos gente [en espagnol dans le texte] ? Comment pouvons-nous pousser à l’intégration dans un système qui nous considère déjà comme jetables ? S.744 a pour but d’extirper ceux que le système voit comme des migrants indésirables (ceux qui sous de fausses accusations sont taxés de ‘criminels’ par l’état policier, et les travailleurs journaliers) et d’incorporer les migrants qu’ils considèrent plus intéressants tels que les universitaires et autres considérés comme ‘travailleurs hautement qualifiés’. Ce projet de loi est présenté comme un soulagement à tous les sans-papiers, alors qu’en fait il n’aidera que quelques-uns qui sont considérés comme ayant une valeur par un corps législatif majoritairement blanc. Ceci crée une division parmi les gens qui essaient d’obtenir la citoyenneté et divise toujours plus notre communauté, renforçant par là la suprématie blanche.
Alors pourquoi les gens acceptent-ils le CIR alors que çà fait plus de mal que de bien ? L’argent. Beaucoup pourraient faire de gros profits grâce à cette loi. A part les compagnies de défense et de technologie de surveillance, l’industrie des prisons privées a fait un énorme commerce des déportations de nos gente [en espagnol dans le texte] depuis sa création dans les années 1980, avec des milliards de dollars de profits annuels. L’industrie des prisons privées a exercé de fortes pressions sur le Congrès et le Sénat par des dons énormes pour les campagnes de représentants-clef (qui devraient être visés par nos exigences), afin de continuer à profiter financièrement des déportations. Il n’est pas étonnant que le projet de loi S.744 rende extrêmement difficile pour les gens d’avoir accès au statut d’Immigrant Enregistré Provisoirement (RPI), ce qui conduira à l’incarcération d’un plus grand nombre de gente [en espagnol dans le texte] dans des prisons privées, comme condition pour avoir abandonné leur statut de sans-papiers au gouvernement.
Le projet S.744 exige aussi qu’ « une Stratégie Complète de Sécurité de la Frontière Sud soit déployée et opérationnelle » avant qu’une seule personne ayant obtenu le statut de RPI puisse déposer une demande de citoyenneté légale permanente. Comme nous l’avons déjà indiqué, l’accroissement de la militarisation de la frontière nourrit l’industrie des prisons pour le profit, et l’accroissement du déploiement de la Patrouille des Frontière signifie l’augmentation des incarcérations. Le projet S.744 stipule aussi que 90% des immigrants restés plus longtemps que leur visa le permettait soient détenus avant que quiconque puisse entamer le processus d’acquisition de la résidence permanente, ce qui pourrait conduire finalement à un programme de ‘mouchardage’ pour dénicher les gens considérés comme irréguliers. Toutes ces mesures continueront à faire augmenter la population de sans-papiers incarcérés. Est-ce que cela ressemble au grand compromis politique sur la citoyenneté dont vous avez entendu parler ?
Comment pouvons-nous en tant que mouvement espérer des victoires alors qu’au fil des années les mêmes tactiques d’organisations (des marches co-organisées avec la police, des protestations symboliques des médias sociaux, et des demandes adressées aux pouvoirs blancs autoritaires) continuent à être employées ? Notre communauté a constaté les mêmes résultats inefficaces depuis plusieurs années, particulièrement au sein de la lutte pour les droits des migrants. La demande actuelle de réforme de l’immigration mènera inévitablement à une militarisation accrue de la frontière, et à plus de morts parmi les migrants. Le CIR continuera à déporter les Autochtones venus du sud et les Autochtones dont le seul ‘crime’ est d’exister sur leurs territoires le long de la frontière. Nous devons reconnaître que la lutte pour l’immigration fait partie de la lutte globale des Autochtones.
Il est temps de cesser de plaider pour les droits de l’homme et de commencer à exiger la justice. Nous devons identifier et attaquer à la racine les causes (entre autres les politiques de commerce bilatéral US/Mexique) de l’oppression à laquelle nous sommes confrontés qui continue à nous diviser en tant que mouvement, et identifier ces politiciens vendido [en espagnol dans le texte] qui concoctent plus de lois (racistes) et plus d’emprisonnements d’êtres humains. Nous devons en dire beaucoup plus sur les politiques de commerce international qui continuent à déraciner des gens. Il est clair que la Réforme Complète de l’Immigration n’est pas une solution pour le peuple. Profiter de notre défaite en tant que gente [en espagnol dans le texte] et convertir les territoires Autochtones en états policiers paramilitaires représentent de grosses affaires pour les officiels du gouvernement et les compagnies qui soutiennent ces réformes. Nous devons nous mettre à poser les questions cruciales pour devenir une force plus puissante et unie pour réagir à cette attaque et la combattre !
Casey Camp-Horinek, Ponca, screen capture by Censored News
CASEY CAMP-HORINEK, PONCA, DECLARE : L’HOMME BLANC S’EST RETOURNE CONTRE LUI-MEME, EN REQUISITIONNANT LES TERRES DE FERMIERS ET D’ELEVEURS
Par Brenda Norrell
Censored News
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Jeudi 24 avril 2014
Traduction Christine Prat
WASHINGTON D.C. – Casey Camp-Horinek, une Ponca, dit que l’homme blanc s’est retourné contre lui-même. Des fermiers et éleveurs blancs se trouvant sur le trajet prévu pour le pipeline Keystone XL doivent faire face aux mêmes réquisitions de terres et destruction que les Autochtones.
Dans un discours prononcé dans le cadre de l’action ‘Rejeter et Protéger’ de l’Alliance Cowboys-Indiens à Washington, C. Camp-Horinek dit que les sables bitumineux avaient déjà dévasté les territoires de leurs parents des Premières Nations au Canada et visaient maintenant les Autochtones et leurs parents du sud.
Rejointe par des éleveurs du Nebraska, C. Camp-Horinek a déclaré « Ils doivent faire face à la même chose que nous, pendant tous ces siècles de dévastation de notre terre, quand l’homme blanc arrivait et prenait ce qu’il voulait ».
« Maintenant il s’est retourné contre les siens. Il va chez les éleveurs et les fermiers et fait la même chose avec eux ».
C. Camp-Horinek dit qu’une alliance puissante s’était formée entre les Autochtones, les fermiers et les éleveurs au sein de l’Alliance Cowboys-Indiens.
A propos des femmes Autochtones qui ont monté des tipis sur le National Mall, Casey Camp-Horinek dit « Nous sommes des femmes de pouvoir. Nous allons changer les structures parce que nous avons un intérêt particulier dans les générations à venir ».
« Nous sommes déterminées à ce que nos petits-petits-petits-petits-petits-petits-petits-enfants puissent manger, boire et respirer ».
Casey Camp-Horinek est une activiste Autochtone de longue date, une écologiste et une actrice. En tant que Gardienne du Tambour pour la Pa-tha-ta Ponca, la Société de la Danse du Scalp de la Femme, C. Camp-Horinek aide à maintenir l’identité culturelle de la Nation Ponca d’Oklahoma pour elle-même, sa famille et sa communauté.
C. Camp-Horinek a récemment témoigné devant le Tribunal pour les Droits de la Nature en Equateur . Elle a voyagé dans le monde entier pour la défense de Notre Mère la Terre et s’est adressée à des rassemblements lors de la Conférence sur le Climat des Nations Unies à Cancun, au Mexique, en 2010.
Lorsqu’elle a témoigné en tant qu’expert au Tribunal pour les Droits de la Nature en Equateur, en janvier, elle a expliqué la responsabilité de ceux qui prennent soin de la Terre et ceux qui la défendent. Elle a témoigné sur les forages pétroliers et gaziers, ainsi que sur la fracturation hydraulique, qui dévastent des terres Indiennes aux Etats-Unis.
Le Tribunal en Equateur faisait suite à la Conférence sur Notre Mère la Terre de Cochabamba, en Bolivie, en 2010.
Suite au rassemblement de Peuples Autochtones du monde entier en Bolivie, la Bolivie et l’Equateur ont adopté des lois affirmant les Droits de la Nature.
En Equateur, Casey Camp-Horinek avait dit « Nos prophéties et enseignements nous disent que la vie sur notre Mère la Terre est en danger et atteint une époque de grande transformation. En tant que Peuples Autochtones du Sud et du Nord, nous acceptons la responsabilité indiquée par nos prophéties de dire au monde que nous devons vivre en paix les uns avec les autres et notre Mère la Terre pour assurer l’harmonie dans la Création. » (voir article du 19 février 2014)
FAITH SPOTTED EAGLE : LES FEMMES SONT LA POUR NOURRIR, MAIS ELLES SONT AUSSI DES ‘MERES OURS’, PRETES A DEFENDRE LA TERRE ET L’EAU
Par Brenda Norrell
Censored News
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Mardi 22 avril 2014
Traduction Christine Prat
WASHINGTON D.C. – Faith Spotted Eagle, Ihanktonwan Oyate (Yankton Dakota) a déclaré aujourd’hui, au cours de l’action ‘Rejeter et Protéger’ qui résiste au pipeline pour sables bitumineux Keystone XL, que les femmes Indiennes sont prêtes à protéger leur territoire contre l’invasion projetée du Keystone XL et de la violence des camps masculins dans les deux Dakota.
Faith Spotted Eagle, guide spirituelle et Ancienne Ihanktonwan Oyate, dit que les Ponca du sud, les Pawnee et des Premières Nations (Canada) alliées ont signé un traité international, pour protéger le territoire du Keystone XL, en janvier 2013.
« Avec ce Traité, nous sommes sérieux ».
Pendant l’action sur le National Mall, elle a aussi parlé du rôle des Peaux de Bisons et des Couvertures Etoilées pour honorer les gens. Elle a été rejointe par Casey Camp-Horinek, Ponca d’Oklahoma.
Faith Spotted Eagle dit que les femmes sont la colonne vertébrale de la nation. Elles sont co-créateurs. Le rôle des femmes est de donner la vie, un rôle qui requiert de l’humilité de leur part.
« Nous devons faire preuve d’humilité parce que nous donnons aussi la vie. Nous devons suivre la voie de la mémoire. »
« Nous avons une responsabilité mais nous nous changeons aussi en Mère Ours ».
« C’est en tant que Mères Ours que nous résistons pour défendre notre terre, nos fermes, nos ranchs, notre territoire selon les traités. Ils violent notre territoire et notre eau reconnus par traités ».
« Nous sommes venues ici pour dire ‘Assez !’ Nous ne laisserons pas TransCanada passer par notre territoire reconnu par les traités ».
F. Spotted Eagle a dit que les ‘camps masculins’ pour les équipes des compagnies pétrolières avaient accru la violence envers les Nations Indiennes. Une femme Yankton sur trois a été agressée sexuellement par des non-Indiens, dit-elle.
« Quand vous nous agressez, vous agressez Notre Mère la Terre ».
Actuellement, des Camps Spirituels Autochtones sont établis le long du trajet projeté par TransCanada, pour défendre et protéger.
F. Spotted Eagle dit que le premier camp spirituel se trouvait en terre Ponca en Oklahoma, puis dans le Dakota du Sud sur le territoire Lakota de Rosebud, et le suivant sur le territoire de la réserve de Cheyenne River. Les camps spirituels vont se propager en territoire Lakota dans la réserve de Lower Brule et celle de Pine Ridge dans le Dakota du Sud. Le site Ihanktonwan est là pour « garder la porte ».
Photo Bora Chung |
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UNE ALLIANCE ‘COWBOYS-INDIENS’ A WASHINGTON D.C. POUR REJETER L’OLEODUC POUR PETROLE DE SABLES BITUMINEUX KEYSTONE XL
Par Brenda Norrell
Censored News
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Lundi 21 avril 2014
Traduction Christine Prat
WASHINGTON D.C. – Des Autochtones, des fermiers et des éleveurs se sont unis à des mouvements de base et des groupes écologistes et ont monté leurs tipis sur le National Mall ce jour, pour envoyer un message spirituel au Président Obama de dire ‘Non !’ au pipeline Keystone XL. La coalition est à Washington pour protéger d’une seule voix l’eau sacrée et la terre pour les générations futures.
Dans le cadre de la campagne « Rejeter et Protéger », a lieu en ce moment une semaine d’actions contre le Keystone XL – qui doit transporter des sables bitumineux – à Washington et dans des communautés locales, du 22 au 27 avril 2014.
L’Alliance Cowboys-Indiens et ses alliés invitent les gens de tout le pays à visiter le camp de tipis sur le National Mall et à participer aux actions.
« Nous avons besoin de tout le monde pour témoigner pendant toute la semaine. Rejoignez-nous pour montrer la force de nos communautés. Nous appelons le Président Obama à faire un pas historique en rejetant le Keystone XL pour protéger notre terre, notre eau et notre climat » disent les organisateurs.
Pour ceux qui ne peuvent assister qu’à un seul évènement dans la semaine, le plus important sera celui du samedi 26 avril, au cours duquel des milliers de gens se réuniront au Camp pour une cérémonie de présentation et une procession.
Le Chef Arvol Looking Horse, leader spirituel pour les Dakota, Lakota et Nakota a déclaré « Chacun de nous est envoyé ici à ce moment et à cet endroit pour décider personnellement du futur de l’humanité. Pensez-vous que le Créateur aurait créé des gens non nécessaires en temps de danger ? Sachez que vous êtes essentiels pour ce monde. Le pire cancer proliférant sur Notre Mère la Terre c’est les sables bitumineux. »
Le Chef Arvol Looking Horse, 19ème Génération de Gardien de la Pipe du Bison Blanc, a béni le camp spirituel de Cheyenne River dans le Dakota du Sud. Un deuxième camp spirituel a été établi sur le territoire Lakota de Rosebud dans le Dakota du Sud également, pour protéger l’eau et la terre de la menace du Keystone XL.
Uni avec eux dans la lutte, le Chef Reuben George, Tsleil-Waututh [Première Nation de Colombie Britannique, Canada] a déclaré « Je peux d’emblée dire une chose, c’est que nous sommes en train de gagner. Quand nous nous rassemblons comme cela, nous sommes plus forts. Il n’y a pas de prix pour notre eau et nos terres. Les leçons que nous recevons de Notre Mère la Terre nous font devenir de meilleurs êtres humains. Nous rendons quelque chose à la terre et au sol. Les pipelines ne font pas cela. Nous allons gagner ! »
Déclaration de l’Alliance Cowboys-Indiens sur la semaine d’actions
Le 22 avril, notre alliance combattant le pipeline – éleveurs, fermiers, communautés tribales et leurs amis – intitulée Alliance Cowboys-Indiens, entrera à cheval dans Washington D.C. pour entamer le prochain, et peut-être le dernier, chapitre du combat contre le Keystone XL.
Ce jour-là, nous établirons un camp près de la Maison Blanche, allumerons notre feu et brûlerons notre sauge, et pendant 5 jours, nous serons les fiers témoins de la décision finale du Président Obama sur le Keystone XL, lui rappelant la menace que ce pipeline transportant des sables bitumineux fait peser sur notre climat, notre territoire, notre eau et nos droits tribaux. Durant ces 5 jours, nous montrerons la puissance de nos communautés avec des manifestations commençant par des prières au domicile du Secrétaire d’Etat Kerry et une cérémonie d’ouverture par des tribus et des ranchers à cheval devant la Maison Blanche.
Le 26 avril nous invitons tous nos amis et alliés contre le pipeline à nous rejoindre pour la clôture de notre camp et pour transmettre notre message final et sans ambigüité au Président Obama. Notre communauté de combattants contre le pipeline vient d’envoyer 2 millions de commentaires en tout juste 30 jours. Nous devons poursuivre par une action dans les rues le 27 avril, en défilant avec les leaders tribaux et les individus qui vivent actuellement avec le risque posé par les sables bitumineux, pour montrer la beauté et la puissance que nous représentons. On a besoin de tout le monde et tout le monde est bienvenu.
Sa décision étant imminente, le Président Obama doit savoir ce qui est vraiment en jeu, et voir une fois de plus la puissance des alliances qui ont mis le Keystone XL à un point crucial de nos mouvements, pour notre futur.
L’Alliance Cowboys-Indiens [en anglais Cowboy Indian Alliance – C.I.A.] réunit des communautés tribales et des éleveurs et des fermiers qui vivent le long du trajet projeté pour le Keystone XL. Les fermiers et les éleveurs connaissent le risque de première main. Ils travaillent la terre tous les jours. Les tribus connaissent le risque de première main. Elles protègent l’eau sacrée et défendent les sites sacrés de leurs ancêtres tous les jours. Ils se sont unis par amour et par respect de la terre et de l’eau dont nous dépendons tous.
Ce n’est pas la première fois que des Cowboys et des Indiens se sont rejoints pour bloquer des projets qui menaçaient nos terres et notre eau. Dans les années 1980, ils se sont unis pour protéger l’eau et les Black Hills de l’extraction d’uranium et de tests de munitions risqués. Dans l’imaginaire américain, les cowboys et les Indiens sont toujours en conflit. Cependant, en réalité, l’opposition au Keystone XL transportant des sables bitumineux ont rapproché des communautés comme peu de causes dans notre histoire l’ont fait. Tribus, fermiers et éleveurs sont des gens de la terre qui considèrent de leur devoir d’intendants de conserver la terre et de protéger l’eau pour les générations futures.
La C.I.A. – l’Alliance Cowboys-Indiens – pose au Président Obama une question simple : Est-ce qu’un pipeline pour exporter des sables bitumineux polluants vaut la peine de risquer notre terre et notre eau sacrées pour les sept générations suivantes ?
Le 25 juin 2013, le Président Obama a dit « Notre intérêt national sera servi seulement si ce projet n’exacerbe pas de manière significative le problème de la pollution au carbone. » Toute personne de bon sens sait que le Keystone XL exacerberait la crise climatique : 830 000 barils par jour de sables bitumineux et de produits chimiques comme le benzène transportés par le Keystone XL rendront plus facile pour les multinationales d’extraire et de bruler d’avantage de ce pétrole, le plus polluant du monde, qu’ils ne pourraient le faire avec d’autres alternatives.
Nos actions de ce mois montrerons au Président Obama que nous nous tenons à son appel d’ « être le changement que nous souhaitons voir » et que nous sommes avec lui pour dire non aux Grandes Compagnies Pétrolières. Ensemble nous ferons la promesse claire que si le Président Obama revient sur sa parole et approuve le Keystone XL, il se heurtera à la résistance féroce de notre Alliance et de nos alliés dans tous les milieux. Bryan Brewer, le Président des Sioux Oglala, parle pour nous quand il dit « Nous sommes prêts à combattre le pipeline, et nos chevaux sont prêts aussi. »
Nous vous prions de vous joindre à nous en ce mois d’avril pour dire au Président Obama de Rejeter le Keystone XL et de protéger notre terre, notre eau et notre climat.
– L’Alliance Cowboys-Indiens –
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ARIVACA, EN ARIZONA, SE REVOLTE CONTRE L’ARMEE D’OCCUPATION DE LA PATROUILLE DES FRONTIERES
Les droits des photographes sont mis en cause, tandis qu’une communauté d’Arizona se rebelle contre «l’Armée d’Occupation» des agents de la Patrouille des Frontières
Par Jay Stanley, analyste politique du Projet sur l’Expression, la Vie Privée et la Technologie de l’ACLU [American Civil Liberties Union]
16 avril 2014
Publié sur Censored News
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Traduction Christine Prat
L’ACLU d’Arizona a envoyé ce jour une lettre à la Patrouille des Frontières des Etats-Unis demandant que ce service cesse immédiatement d’entraver les droits, garantis par le Premier Amendement [liberté d’expression – NdT], des habitants d’Arivaca, Arizona, de protester et de photographier les activités gouvernementales qui se déroulent à la vue de tous dans une rue publique.
Le conflit s’inscrit dans un contexte plus large et ce qui se développe à Arivaca, est une incroyable histoire de citoyens qui se rebellent contre les violations et la répression gouvernementales dans leur communauté. J’ai parlé récemment avec James Lyall, un avocat de l’ACLU d’Arizona, qui m’a décrit la situation :
« Arivaca est une communauté d’environs 700 personnes, située à 80 km au sud-ouest de Tucson. C’est une petite ville, dans une très belle région du désert de Sonora. Mais quand vous allez là-bas, vous avez parfois l’impression d’être dans un autre pays ou quelque part où la loi martiale a été déclarée, simplement à cause de la présence écrasante de la Patrouille des Frontières. Il y a un nombre incroyable d’agents fédéraux armés – çà donne l’impression que toutes les autres voitures ou personnes que vous rencontrez sont de la Patrouille des Frontières – ainsi que de nombreuses tours de surveillance, de drones, et d’hélicoptères. Notre bureau reçoit régulièrement des appels d’habitants qui ont été interpelés sans raison, détenus et interrogés à un point de contrôle, ou ont eu la visite d’agents de la Patrouille des Frontières qui ont coupé leurs clôtures pour pénétrer dans leur propriété. Les habitants disent avoir l’impression de vivre dans un état policier ou sous une armée d’occupation. Des agents disent aux gens ‘Vous n’avez pas de droits ici’ et ‘vous êtes suspect parce que vous vivez ici.’
On comprend facilement que les gens sont excédés par cette militarisation extrême de leur communauté. C’est pourquoi certains habitants d’Arivaca se sont unis pour former une organisation intitulée Les Gens Aident Les Gens. C’est vraiment une organisation de la base, dirigée par des membres de la communauté, et l’an dernier ils ont lancé une campagne pour exiger la suppression du point de contrôle sur la route d’Arivaca. Ce n’est qu’un des trois points de contrôle de la Patrouille des Frontières autour de la ville et çà a eu un effet dévastateur sur la communauté. Les habitants subissent depuis années un harcèlement routinier et des violations de leurs droits civils au point de contrôle de la Route d’Arivaca, qui se trouve à 40km au nord de la frontière. Ils disent aussi avoir remarqué une chute de la valeur des propriétés, un déclin du tourisme et des préjudices aux commerces locaux. Une commerçante locale a fait faillite récemment, d’après elle à cause du déclin du tourisme dû au poste de contrôle, qui existe depuis plus de sept ans, bien qu’il soit supposé être « temporaire ». Ils s’opposent aussi au fait que le point de contrôle fasse partie d’une stratégie plus large visant à repousser les immigrants vers des régions plus désolées du désert, ce qui cause d’innombrables décès. »
Lyall dit que les violations des droits à ces points de contrôle – et d’autres dans tout le Sud-ouest – consistent en retenues prolongées et des détentions, de longs interrogatoires qui n’ont rien à voir avec la vérification de la nationalité, des chiens supposés chercher de la drogue qui donnent de fausses alertes afin de justifier les fouilles, des insultes verbales, un usage excessif de la force et le profilage racial des habitants latinos.
En janvier, l’ACLU d’Arizona a déposé une plainte au Service de la Sécurité Intérieure pour des violations perpétrées à six points de contrôle dans le sud de l’Arizona, parmi lesquels le point de contrôle de la Route d’Arivaca. La lecture de la plainte donne une idée de ce que c’est pour les citoyens vivant dans la région – bien qu’il soit noté dans la plainte que les violations par la Patrouille des Frontières ne se limitent pas à l’Arizona ni même à la frontière du Sud-ouest – et indique comment les agents de la Patrouille des Frontières vont bien au-delà des limites de leur autorité aux points de contrôle, qui, selon l’Arizona Republic [quotidien de Phoenix – NdT] sont au nombre de 170 dans l’ensemble des Etats-Unis.
Ces points de contrôle de l’intérieur résultent d’une législation remontant à des décennies qui donne à la Patrouille des Frontières l’autorité pour opérer à une « distance raisonnable » de la frontière. Cette distance a été définie dans les années 1950 – sans consultation publique ni débats, à une époque où la Patrouille des Frontières comptait à peine 1100 agents – comme étant de 160 km de toute frontière extérieure des Etats-Unis. Cette zone comprend aujourd’hui les deux tiers de la population des Etats-Unis, neuf des dix plus grandes villes, et certains états en entier. La loi autorise aussi la Patrouille des Frontières à pénétrer dans des propriétés privées jusqu’à 40 km de la frontière.
En pratique, cependant, la Patrouille des Frontière va souvent encore plus loin à l’intérieur du pays. En 2008, un Sénateur Démocrate du Vermont a été arrêté à un point de contrôle à 200 km de la frontière canadienne, et c’est un des nombreux exemples d’agents outrepassant les limites géographiques et légales de leur autorité. […]
Lyall explique comment les gens d’Arivaca se sont organisés contre le point de contrôle :
« Ces gens doivent passer le point de contrôle quotidiennement – pour se rendre au travail, conduire les enfants à l’école, faire les courses. Et chaque jour ils doivent répondre aux questions d’un agent fédéral armé. Et ils ne savent pas s’ils vont pouvoir passer ou si les agents vont dire « je veux fouiller votre coffre ». Ils ont le droit de refuser la fouille, mais ils pourraient alors être détenus pendant que des chiens cherchant prétendument de la drogue démolissent leur voiture. Et c’est arrivé, à répétition. Ainsi ils ne savent jamais, quand ils arrivent au point de contrôle quotidiennement, ce qui les attend.
La première partie de leur campagne a été une pétition demandant la suppression du point de contrôle : la pétition a été signée par plus de 200 personnes et 10 commerces – donc environs un tiers des habitants de la ville, parmi lesquels la plupart des propriétaires de commerces. Leur Représentant au Congrès, Raùl Grijalva, a écrit une lettre pour soutenir leur pétition. La Patrouille des Frontières a répondu que leurs inquiétudes étaient prises au sérieux, mais qu’ils pouvaient aller se faire voir – c’est ce qu’ils disaient en substance. Rien au sujet d’une enquête sur les violations des droits civils. La Patrouille des Frontière a même refusé de publier les données qui permettrait de juger si le point de contrôle correspond à un besoin. »
Ce fut donc la première étape. L’étape suivante, selon Lyall, a été de démarrer une campagne de surveillance du point de contrôle, à la lumière de toutes les violations qui y avaient été commises :
« Ils ont commencé la surveillance du point de contrôle le 26 février. Cinq ou six surveillants en vestes jaunes, avec des caméras vidéo et des carnets de notes – ainsi qu’une douzaine de supporters – sont allés protester et surveiller le point de contrôle. Des médias locaux et le Los Angeles Times ont couvert l’évènement.
Ils sont arrivés au point de contrôle à pied, et se sont installés près de la zone d’inspection secondaire, où les agents de la Patrouille des Frontières demandent quelques fois aux gens de se garer pour fouiller leur voiture. Ils ont formé un piquet et ont commencé à filmer et noter les interactions des agents avec les automobilistes. Des agents se sont approchés d’eux et leur ont dit qu’ils ne pouvaient pas rester là, donnant toutes sortes de raisons vagues et incohérentes : que la Patrouille des Frontières avait un permis, qu’ils avaient l’autorité exclusive sur cette zone. Le sheriff est venu et leur a seulement demandé de se mettre de l’autre côté de la rue, ce qu’ils ont fait. Mais peu de temps après le départ du sheriff, les agents de la Patrouille des Frontières ont dit « vous devez reculer de 300 mètres ou nous vous arrêtons ». Donc, sous la menace, ils ont été forcés de s’éloigner du point de contrôle, derrière une barricade construite à la hâte, d’où ils ne pouvaient pas vraiment voir ou filmer ce qui se passait.
Quelques jours plus tard, ils sont revenus, et la Patrouille des Frontières avait placé un panneau ‘Interdit aux piétons’ et ajouté des barrières et des cordes empêchant le passage du public. La Patrouille des Frontières prétend maintenant que cette route publique et leur zone d’autorité exclusive et que les piétons n’y sont pas autorisés. Ils avaient aussi garé leurs véhicules derrière la barrière pour obstruer la vue des photographes et des manifestants. Une fois, ils ont laissé tourner pendant des heures le moteur d’un véhicule de la Patrouille des Frontières, afin que les gaz d’échappement atteignent directement les activistes qui les surveillaient, pour essayer de les faire partir. Ils ont aussi autorisé les gens qui soutiennent la Patrouille [les anti-immigration – NdT] – mais pas les autres – à s’installer dans la nouvelle zone. C’est un bon exemple de ‘discrimination au point de vue’, et c’est anticonstitutionnel.
La Patrouille des Frontières n’est pas habilitée à venir dans cette communauté et dire ‘maintenant c’est à nous et vous devez rester à 450 mètres derrière nos véhicules afin de ne pas pouvoir voir ce que nous faisons à vos voisins’. Ce n’est pas différent des autres points de contrôle, au sujet desquels les tribunaux ont exprimé clairement que l’application de la loi ne pouvait pas restreindre au-delà de limites raisonnables les droits reconnus par le Premier Amendement des manifestants et des photographes, et encore moins d’exercer des représailles pour avoir mis ces droits en pratique. Et des tribunaux ont souvent répété qu’un trottoir publique comme celui-ci était ‘l’archétype du forum publique traditionnel’, où la capacité du gouvernement à restreindre l’expression pour quelque raison que ce soit, est strictement limitée.
Ainsi, maintenant, en plus de tous les abus et violations de la Patrouille des Frontières auxquels cette communauté est confrontée, les agents enfreignent les droits fondamentaux à la liberté d’expression garantis par le Premier Amendement – le droit de protester contre un point de contrôle qui a des effets profondément négatifs sur leurs vies quotidiennes, et le droit de faire des vidéos d’un service connu pour des violations commises de façon routinière à l’encontre des habitants. Je ne pense pas que la démonstration pourrait être plus claire : au lieu de faire quelque chose contre ces violations des droits et de répondre aux inquiétudes de la communauté, ils interdisent littéralement aux habitants d’Arivaca de voir de que ces agents fédéraux armés font à leurs amis, leur famille, leurs voisins – dans leur propre communauté.
Donc, le travail des gens d’Arivaca est un précédent important et il est important que l’ACLU les soutienne – surtout maintenant que la Patrouille des Frontières violent les droits garantis par le Premier Amendement, en plus des autres violations de droits civils et humains que nous-mêmes et d’autres rapportent depuis des années. »
[…]
LA TRIBU SIOUX DE ROSEBUD COMPTE LE PREMIER COUP CONTRE LES CONVOIS GEANTS
Par Ann-Erika White Bird
De Lakota Voice
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14 avril 2014
Traduction Christine Prat
Cette nuit, un petit groupe de membres de la Tribu Lakota Sicangu [‘Brulés’] s’est opposé aux convois exceptionnels voulant traverser les terres de la réserve.
L’équipe de Lakota Voice est arrivée après avoir été doublée par un convoi se dirigeant vers le nord par la route 83, généralement empruntée par les semi-remorque venant du Nebraska.
Gary Dorr, qui fait partie de Oyate Wahacanka Woecun – Protéger le Peuple, et membre de la Tribu des Nez Perce, était sur les lieus, à la station d’essence du Casino de Rosebud. Darwin Spotted Tail, Dustin Running Horse et d’autres membres des Sicangu Lakota Oyate ont surveillé la situation jusqu’à l’arrivée de la Police Tribale de Rosebud.
Garé près d’une pompe à essence avec un énorme réservoir en fibre de verre, le chauffeur de camion de Hess Trucking, a eu affaire à la Police Tribale Sioux de Rosebud.
Les policiers ont dit au chauffeur qu’il existait une Résolution s’opposant à tout accord de coopération avec le Pipeline Keystone XL, et qu’il devait faire demi-tour et retourner d’où il venait. La société devait également venir chercher le reste de l’équipement pétrolier qui avait entreposé près du casino, en territoire tribal.
Le chauffeur a expliqué : « Il y a un accord entre notre société et le manager. Nous achetons notre essence ici et il nous laisse entreposer nos remorques ici. »
Interrogé sur le trajet à travers la réserve, le chauffeur a déclaré : « La Patrouille de la route de l’état nous donne le permis de faire passer nos camions par ici ». Le chauffeur fait des transports pour Zenergy, un sous-contractant de KXL.
Des membres de la tribu ont commencé à donner des coups de téléphone après avoir vu des convois exceptionnels sur la route principale et au casino. Des membres de ‘Protéger le Peuple’ ont été contactés, ainsi que le membre du Conseil William « Willie » Bear Shield et le Président Cyril Scott.
Selon Bear Shield, « [ils ont] discuté et pris une décision ».
Le Président Scott a appelé le Service de Police de la Tribu Sioux de Rosebud et leur a ordonné de faire faire demi-tour au convoi, en raison de la Résolution s’opposant à toute aide au Pipeline Keystone XL.
La Procureur Général Concha a été appelée par des officiers de la Police Tribale de Rosebud au sujet des remorques entreposées en territoire tribal, mais elle n’a pas décroché le téléphone. Le Chef de la Police Iver Crow Eagle est arrivé. Le chauffeur du convoi a fini de remplir son réservoir à la station d’essence et a fait demi-tour, prenant la direction de Valentine, dans le Nebraska.
Gary Dorr a déclaré : « C’est le premier auquel nous faisons faire demi-tour, il y en aura beaucoup. Il faut qu’ils sachent que nous leur ferons tous faire demi-tour. »
Voir article sur le Camp Spirituel de résistance de Rosebud au Keystone XL
RESISTANCE AU KEYSTONE XL: LA TRIBU SIOUX DE ROSEBUD ETABLIT UN CAMP SPIRITUEL POUR PROTEGER LA POPULATION LOCALE
Par Christine Prat
Sources (en anglais/in English) :
Communiqué de Presse, Oyate Wahacanka Woecun, 12 mars 2014
Communiqué de Presse, Oyate Wahacanka Woecun, 27 mars 2014
Article de Denise DePaolo sur www.ksfy.com
Censored News
En mars dernier, dans le cadre du Projet Oyate Wahacanka Woecun – Shielding the People, ‘Protéger le Peuple’, des membres de la Tribu Sioux de Rosebud ont établi un Camp Spirituel près d’Ideal, dans le Dakota du Sud. La Communauté Tribale d’Ideal est très isolée et se trouve au milieu d’un corridor qui devrait être touché par le projet de Pipeline Keystone XL. Selon plusieurs membres de la communauté, des représentants de TransCanada étaient venus dans la région promettant des centres communautaires et des terrains de jeux, promesses qui ont été purement et simplement rejetées par la communauté.
Des membres du projet Oyate Wahacanka Woecun ont sélectionné pour le Camp une zone située à quelques kilomètres d’Ideal, zone qui devrait être traversée par le Keystone XL.
Les principales inquiétudes des membres de la communauté concernent les effets d’éventuelles fuites de pétrole sur la région et la nappe aquifère Ogallala, mais aussi la perspective de l’installation d’un de ces ‘camps masculins’ devant héberger plus de 1200 hommes travaillant à la construction du pipeline.
Le Camp Spirituel mis en place par le Projet Oyate Wahacanka Woecun s’est fait avec la coopération de la Tribu, qui a publié un mémorandum demandant l’assistance de tous les services et programmes tribaux. D’après le communiqué d’Oyate Wahacanka Woecun du 12 mars 2014, le Président de la Tribu Sioux de Rosebud, Cyril « Whitey » Scott, a déclaré que la Tribu devait faire tout ce qui était en son pouvoir pour sauvegarder la nappe aquifère Oglala et la protéger de toute pollution. Les membres de la communauté d’Ideal soutiennent le camp en fournissant des cuisiniers et des gardiens des feux, afin de le maintenir à long terme. D’après le communiqué du 27 mars 2014, le camp est une action destinée à s’unir dans la prière pour la protection contre le projet de Keystone XL, et en fin de compte pour demander au Président Obama de refuser le permis pour le pipeline. Le Camp Spirituel est la première de plusieurs actions concrètes projetées par la Tribu Sioux de Rosebud pour empêcher le Keystone XL de passer par son territoire. Des représentants des autres Tribus Lakota, Oceti Sakowin (Conseil des 7 feux), du Nebraska, du Montana et du Dakota du Sud devaient participer au Camp. Il a été demandé à l’administration Tribale de Lower Brule d’annuler l’autorisation aux constructeurs du Keystone XL de faire passer une ligne à haute tension à travers son territoire, ligne devant fournir de l’électricité à l’une des stations de pompage du Keystone XL, qui devrait ensuite être prolongée à travers la réserve de Rosebud. Cette ligne est vitale pour le projet de pipeline.
Le 27 avril 2014 une délégation comprenant entre autres des représentants de la Tribu Sioux de Rosebud, devrait se rendre à Washington D.C. pour rendre publique la demande faite au Président Obama de refuser le permis pour le Keystone XL.
Le communiqué du 27 mars 2014 indique pour finir que « Oyate Wahacanka Woecun est un projet mis sur pied pour établir et faire connaître les intentions et la volonté de la Tribu Sioux de Rosebud en opposition aux impacts sociaux et environnementaux du Projet de Pipeline Keystone XL ».
Les territoires du Dakota du Sud devant être traversés par le Keystone XL ont été garantis à l’usage des tribus par le Traité de Fort Laramie de 1868 (ce fameux traité dont on parle tout le temps parce qu’il n’a jamais été respecté).
D’après un article de Denise DePaolo, publié le 1er avril 2014 sur le site ksfy.com, il y a dans le camp des tipis représentant Oceti Sakowin, le Conseil des Sept Feux de la Grande Nation Sioux. Le camp est entouré de ballots de foin. Gary Dorr, Nez Perce, porte-parole auprès des médias de Oyate Wahacanka Woecun, dit à ce propos : « La raison pour ces bottes de foin est que, pas loin d’ici, nous avons eu une cérémonie et des gens se sont fait tirer dessus ». Gary Dorr a également déclaré que ce camp spirituel « restera sur le mode spirituel, sur le mode de la prière, jusqu’à ce qu’une de deux solutions se produise », « l’une est que le Président Obama refuse le permis pour le Pipeline Keystone XL », ou « le sol est éventré, et à ce moment-à çà deviendra un camp de barrage ». D’après le même article, Wizipan Little Elk, de la tribu Sioux de Rosebud dit « Nous sommes ici pour au moins un mois, après quoi nous nous attendons à ce que le Président Obama et son gouvernement prennent une décision. Si la décision est non, nous plierons le camp et rentrerons chez nous, et resterons vigilants sur la question. S’il dit oui, nous serons ici pour deux mois de plus et nous avons d’autres projets de camps tout le long du trajet ».
Les organisateurs ont souligné l’importance du camp : « C’est un évènement historique. Nous avons le Conseil des Sept Feux uni ici aujourd’hui, çà ne s’était pas produit depuis plus de cent ans. »
CHARBON, URANIUM ET LE MEURTRE DES INDIENS: BIG MOUNTAIN 1986
Article paru dans le mensuel ‘De Vrije’, Amsterdam 1986
Traduction Christine Prat
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‘La terre est moi sont une seule âme’. Ce proverbe Indien exprime de façon laconique ce que les Navajos et les Hopis traditionnels essaient de faire comprendre au gouvernement Américain depuis douze ans. La déportation imminente de dix mille Navajos de la région d’Arizona où leurs ancêtres ont vécu depuis des siècles – une déportation qui pourrait commencer à tout moment, étant donné que l’ultimatum expire le 7 juillet de cette année – menace d’être un triste record dans l’histoire des Etats-Unis. Une histoire au cours de laquelle le gouvernement a systématiquement essayé de mettre un terme à l’existence des cultures Indiennes. Au cours de laquelle les ‘Anciens Peuples’ devaient perdre devant les compagnies de charbon et d’uranium, le Mormonisme, les politiciens et le ‘développement économique’. Cet article met en lumière le contexte à la base du conflit en Arizona et décrit la lutte des Navajos et Hopis traditionnels contre l’agression de leur terre et de leur vie.
Un jour de l’automne 1977 une équipe de construction du gouvernement est arrivée sur Black Mesa, au cœur de la Réserve Navajo, en Arizona. Leur mission était de poser une clôture de barbelés à travers le désert rocheux. Peu après leur arrivée, ils se sont soudain retrouvés face à Pauline Whitesinger, une veuve et mère Navajo de 43 ans. Pauline a ordonné aux hommes de disparaître de sa terre. Le chef d’équipe a répondu par une obscénité. Pauline a brandi le poing et très vite le chef d’équipe s’est retrouvé par terre tandis qu’elle jetait des bâtons et de la terre sur l’équipe. Intimidés par la férocité de son attaque, les hommes ont tourné les talons.
L’action de Pauline Whitesinger a marqué le début de la phase actuelle de résistance dans la lutte des Navajos pour conserver le territoire sur lequel ils vivent depuis des siècles et auquel ils appartiennent de tout leur cœur et de toute leur âme. La clôture – dont ils ont empêché la pose depuis ce moment – doit être placée sous prétexte d’un Règlement Territorial Navajo-Hopi, plus connu comme Loi 93-531. Cette loi a été adoptée par un Congrès délibérément trompé. La Loi 93-531 prétend résoudre un ‘conflit’ entre les Navajos et les Hopis sur la propriété de la Zone d’Utilisation Conjointe, une zone mise à leur disposition commune. Les Navajos sont supposés l’avoir confisquée et les Hopis vouloir en expulser les Navajos. En réalité, il n’y a pas de conflit. Entre le Peuple Navajo et le Peuple Hopi, en tous cas. Le vrai conflit est entre les Navajos et Hopis traditionnels d’une part, et leurs conseils tribaux nommés contre leur volonté par le gouvernement central, ce gouvernement lui-même, et les grandes compagnies d’énergie et l’église Mormone, d’autre part. L’intérêt qui lie ces quatre entités – souvent liées de près – ce sont les milliards de dollars potentiels du charbon, de l’uranium, du pétrole et du gaz du sous-sol de la Zone d’Utilisation Conjointe. Les Conseils d’Administration – dominés par des Mormons – des compagnies d’énergie – qui sont en grande partie propriétés de Mormons – sont impatients de signer les uns avec les autres des contrats d’exploitation. Cependant, les Indiens qui vivent sur ce territoire n’ont pas l’intention de se sacrifier pour cela. De plus, le fait que la Zone d’Utilisation Conjointe soit depuis longtemps propriété commune des Navajos et des Hopis rend la signature de contrats plus compliquée. Les compagnies minières et énergétiques ont donc dû créer le ‘conflit’ et mettre en scène une véritable guerre sur le terrain, pour finalement faire adopter par le Congrès leur ‘solution au conflit entre les Hopis et les Navajos’. La Loi 93-531 stipule que la Zone d’Utilisation Conjointe doit être divisée par une clôture de fils de fer barbelés entre une moitié Navajo et une moitié Hopi. Tous les Navajos vivant actuellement dans la zone Hopi – environs dix mille – doivent partir. La même chose s’applique à la centaine de Hopis vivant dans la zone Navajo. La plupart sont casés hors de la Réserve. Ainsi, la Zone d’Utilisation Conjointe devient, juridiquement et en pratique, beaucoup plus accessible pour l’extraction de matières premières.
LA TERRE EST VIVANTE
Afin de comprendre ce qui se passe exactement dans et autour des réserves, il est important de connaître un peu l’histoire et la culture des Hopis et des Navajos. La ruée vers l’or de 1848 a amené des Blancs, Mormons et autres, en Arizona et au Nouveau-Mexique (entre autres). Beaucoup d’entre eux se sont installés définitivement sur des terres qui avaient appartenu aux Hopis depuis un millier d’années et dans la zone adjacente où des Navajos vivaient depuis six cents ans. Il y a eu des frictions. La résistance Hopi consiste traditionnellement en un refus non-violent de coopérer. Mais les Navajos se sont défendus contre les Blancs et ont été vaincus. Un régiment de cavalerie conduit par le héros national Américain Kit Carson a brûlé leurs terres, détruit leurs animaux et leurs vergers et kidnappé 8500 Navajos conduits dans un camp de concentration près de Fort Sumner, où beaucoup sont morts de faim. Quelques années plus tard, le gouvernement est arrivé à la conclusion qu’il serait économiquement plus profitable de permettre aux Navajos de se nourrir eux-mêmes que de les combattre. Les survivants ont été libérés et largués dans une petite réserve désertique. Entretemps, des Blancs avaient confisqué leurs terres, et les Navajos qui avaient pu s’échapper s’étaient installés dans le voisinage immédiat des Hopis. La pression causée par leur présence occasionne des disputes mineures de temps en temps, mais ils arrivent toujours à les régler entre eux. En générale, la relation entre les deux peuples est bonne. Les Hopis ont beaucoup plus de problèmes du fait que les Etats-Unis ont aussi créé une réserve pour eux en 1882, ce qu’ils n’avaient absolument pas le droit de faire selon les Hopis : selon le traité Guadalupe-Hidalgo, ils sont restés une nation indépendante. En 1934, la réserve Hopi a été réduite au tiers de sa taille initiale. Les Hopis doivent maintenant faire paitre leurs troupeaux dans le ‘District 6’, les Navajos à l’extérieur de ce district, dans le reste de leur ancienne réserve. Les droits de propriété sur ce nouveau ‘no-man’s land’ appartiennent aux deux peuples conjointement. C’est ainsi que la Zone d’Utilisation Conjointe a été créée.
Au début, le gouvernement américain a pensé que les Hopis et les Navajos avaient été relégués sur des lambeaux de terres sans valeur. Mais il s’est vite avéré que le sous-sol de leurs réserves contenait en abondance du pétrole et du gaz, et au cours du vingtième siècle il est devenu évident que les Navajos et les Hopis vivaient sur des ressources minérales valant des milliards : il y a dans le sous-sol d’énormes veines de charbon et des milliards de tonnes d’uranium. De nombreuses compagnies minières et d’énergie ont immédiatement manifesté un grand intérêt. Leurs tentatives de signer des contrats d’exploitation du sol avec les Indiens ont cependant échoué. Ceux-ci se trouvent avoir une autre conception de la terre que les Américains blancs. Bien que chacun des deux peuples ait son propre mode de vie et sa culture – les Hopis vivent d’agriculture sur le sommet des plateaux, alors que les Navajos se déplacent depuis toujours dans le désert avec leurs troupeaux – leur attitude face à la vie est en fait similaire. Ils se sentent inséparablement liés à la terre qui leur a donné naissance, à eux et leurs ancêtres. Et le sol, la Terre vit. Tout ce qui pousse ou se déplace dessus a sa place dans son cycle ; tout tient le reste en équilibre. ‘Nous devons nous considérer comme faisant partie de la terre, pas comme un ennemi extérieur essayant de lui imposer sa volonté.’ C’est la façon dont un Indien l’exprime. ‘Nous savons que parce que nous en sommes une partie, nous ne pouvons en endommager ne serait-ce qu’une petite partie sans nous blesser nous-mêmes.’ C’est pourquoi les Peuples Anciens ne prennent jamais pour eux-mêmes plus que le nécessaire. Par exemple, les Hopis ont rarement plus d’animaux que ce qui est nécessaire pour leurs besoins quotidiens. La terre elle-même n’est la propriété de personne. Mais c’est le devoir des gens qui y vivent de la protéger. Déchirer et mutiler cette Mère la Terre a longtemps été impensable pour les Hopis et les Navajos, jusqu’à ce qu’ils le voient se produire devant leurs propres yeux.
Les Américains et les Occidentaux en générale voient la terre différemment : comme un objet de consommation essentiellement apprécié pour sa valeur d’échange. Il va de soi de diviser, acheter et vendre de la terre, de l’éventrer pour en tirer toutes sortes de choses et de la couvrir de béton. La terre est un matériau mort. C’est la différence entre la notion occidentale de la terre et l’approche Indienne qui en fin de compte fonde le conflit autour de la Zone d’Utilisation Conjointe.
L’AIDE DES MORMONS
En dehors de partenaires récalcitrants à la signature de contrats, il y a aussi, au début du siècle, un autre obstacle pour les développeurs d’énergie potentiels. Avec qui peuvent-ils conclure un accord ? Selon une loi de 1891, ce devrait être avec ‘le conseil gouvernant représentant les Indiens’. Mais un tel conseil n’existe pas. Les Hopis et Navajos traditionnels n’ont jamais connu d’autorité centralisée ou d’organe représentatif. Le pouvoir politique est décentralisé depuis des temps immémoriaux et repose sur un consensus entre des communautés autonomes. Pour les Navajos, l’unité politique de base est la famille. Çà inclut de vingt à deux cents membres qui travaillent ensemble sur le plan économique et organisent leurs cérémonies en commun. Il peut y avoir un homme à la tête d’une telle communauté, mais c’est généralement une femme. Le bétail et les biens sont gérés par les femmes et la descendance est déterminée par les femmes. Ce n’est pas une coïncidence si l’essentiel de la résistance à la Loi 91-531 vient d’elles. Ce sont souvent des femmes de plus de soixante ans, armées de fusils, qui résistent aux équipes de construction.
L’autorité centralisée est également un phénomène étranger aux Hopis. Chaque village Hopi est autonome et totalement autogéré. Ils ont bien un dirigeant traditionnel, le (ou la) Kikmongwi, mais son autorité est uniquement fondée sur sa sagesse. S’il y a des problèmes, les Kikmongwis de différents villages se réunissent pour échanger des informations et délibérer. Cependant, les décisions finales sont prises exclusivement dans les villages et pas avant que tous les gens concernés ne soient parvenus à un accord. C’est souvent laborieux et çà demande beaucoup de discussions, mais le consensus est une condition pour les décisions concernant le village.
Une telle organisation de la société Indienne était une épine dans le pied des compagnies et du gouvernement. Non seulement les Indiens n’étaient pas adaptés à la société américaine, mais il était impossible de faire des affaires avec eux. Où étaient les gens autorisés à mettre une signature au bas d’un contrat et prêts à le faire sans avoir l’accord de tous les autres ? Ces gens devaient être fabriqués. Et il se trouvait, par hasard, des Mormons qui s’en préoccupaient déjà depuis 1880 : transformer des Indiens traditionnels en citoyens Américains assoiffés de profits et de pouvoir. La croyance des Mormons enseigne qu’une peau foncée est une punition de Dieu. Les Indiens sont foncés, selon le Livre des Mormons, parce qu’ils sont tombés dans la mécréance et la vanité. S’ils se convertissent au Mormonisme, ils redeviendront blancs. Guidés par le noble souhait de sauver les Indiens, les Mormons ont commencé vers 1880 à attirer les enfants Hopis et Navajos les plus doués hors des réserves pour les envoyer dans de lointains pensionnats ou orphelinats. Jusqu’en 1915, çà s’est souvent produit avec l’aide de la Cavalerie américaine, qui a littéralement enlevé des enfants et arrêté les parents récalcitrants. Après 1915, ils ont surtout profité de la situation financière désastreuse des parents pour les convaincre. Dans les orphelinats principalement Mormons, il était interdit aux enfants de parler leur langue ou de porter leurs vêtements et coiffures traditionnels. On leur donne des noms anglais et leurs habitudes Indiennes sont déclarées tabou. Ils sont soumis à un endoctrinement religieux intensif. A l’heure actuelle, entre vingt et quarante pour cent des Hopis sont Mormons – chez les Navajos, le pourcentage est plus bas. Ces gens croient que le Royaume de Dieu peut être réalisé sur terre en accumulant le plus de richesses possible. L’église Mormone, qui compte des millions de membres, est donc très riche et puissante. Les Mormons sont propriétaires de nombreuses compagnies et multinationales. Dans l’état d’Utah (qui inclut une petite partie de la réserve Navajo) ils contrôlent toute la vie politique. Ils ont fondé Salt Lake City. Dans les compagnies dont l’avidité est attirée par les richesses du sol Indien, les intérêts Mormons sont très largement représentés.
Les Hopis et Navajos Mormons voient leur propre terre avec les yeux de ces compagnies. C’est précisément pourquoi le ‘conflit’ présent peut être présenté comme cela.
« YELLOW CAKE » (« GATEAU JAUNE »)
Retournons au début du siècle. Tandis que les Mormons aident les Indiens à devenir des capitalistes blancs, le Bureau des Affaires Indiennes – une institution gouvernementale dans la même ligne d’idées que les hommes d’affaires – n’est pas resté inactif. En 1921, un sous-traitant de Standard Oil a trouvé du pétrole dans la réserve Navajo. Le Bureau des Affaires Indiennes a immédiatement réuni tous les hommes ( !) Navajos pour approuver un accord sur le pétrole. Les soixante-quinze personnes présentes ont unanimement voté contre. Le Bureau des Affaires Indiennes se sent très concerné par le sort de Standard Oil. Après deux ans d’efforts, ils ont réussi, probablement avec des menaces et de fausses promesses, à former un Conseil Navajo permanent dont la première décision officielle a été de transmettre ses pouvoirs de signer des contrats au Bureau des Affaires Indiennes !
C’était il y a soixante-trois ans. Aujourd’hui il y a quatre mines de charbon à ciel ouvert (le charbon est obtenu en faisant sauter la couche supérieure de la terre) et cinq énormes centrales au charbon sur la réserve Navajo. La région, qui auparavant avait l’air le plus pur des Etats-Unis, est maintenant couverte de fumée noire et de suie. La Centrale de Four Corners rejette chaque jour trois cents tonnes de sulfures et deux cents tonnes de nitrates dans l’atmosphère. Il y a trente-huit mines d’uranium et six usines de retraitement. En ce moment, elles sont arrêtées la plupart du temps parce que le charbon est plus facile à extraire et moins controversé. Cependant, l’extraction d’uranium reste intéressante pour la production d’armes nucléaires.
Des cinq mille mineurs Navajos qui ont travaillé dans les mines d’uranium de 1952 à 1969, plus de quatorze cents sont morts du cancer, principalement du cancer du poumon. Un grand nombre de survivants en sont atteints. L’eau du sous-sol est contaminée. D’innombrables chevaux et moutons sont morts après en avoir bu. Les déchets radioactifs sont abandonnés en tas partout dans la réserve. Maris van Kints, de l’association Groupe d’Action Hollandais pour les Indiens d’Amérique du Nord (NANAI) l’a vu elle-même : ‘Çà ressemble à de gros tas de sable. Ils appellent çà Gâteau Jaune [Yellow Cake]. Les enfants jouent dedans, les maisons sont construites avec, les moutons mangent l’herbe qui pousse dessus et çà entre dans la chaîne alimentaire. Et çà restera contaminé pendant des milliers d’années !’ Il y a beaucoup d’enfants mort-nés ou avec des malformations congénitales.
De plus, les accords financiers pour le pétrole, l’uranium et le charbon conclus par le Bureau des Affaires Indiennes pour les Navajos sont les pires au monde. Exemple typique : il y a un contrat par lequel les Navajos touchent 15 cents pour une tonne de charbon, alors que dans des territoires non-Indiens le prix normal est d’1,50 dollar – dix fois plus. Les Navajos eux-mêmes n’ont pas l’électricité.
Pour les Hopis aussi, un conseil a été fabriqué. Pour mettre fin à l’autogouvernement des peuples Indiens, le gouvernement américain a promulgué en 1934 la Loi de Réorganisation Indienne (IRA). Cette loi a été saluée comme une grande réussite : elle donnait aux Indiens la bénédiction du système politique américain. La constitution a été écrite spécialement pour eux. On y trouve entre autres un règlement selon lequel toutes les décisions de leurs conseils doivent être approuvées par le gouvernement central. Les Kikmongwis étaient contre la loi (imposée à 76% des Indiens) dès le début. Ils ont boycotté le référendum à ce sujet : la façon Hopi d’exprimer leur opposition à quoique ce soit. L’administration centrale le sait parfaitement, mais a tout de même choisi de considérer l’abstention comme un accord. Avec pour conséquence que les Hopis se sont soudain retrouvés gouvernés par un conseil central qui peut promulguer des lois et conclure des accords avec des compagnies au nom de tout le peuple. Le conseil Hopi a une base électorale de moins de dix pourcent de la population. La présence au conseil, qui a été longtemps insuffisante pour constituer un quorum, était, et est toujours, presque entièrement composée de Hopis Mormons. Ces soi-disant ‘progressistes’ trouvent les conseils, l’exploitation du territoire et l’ ‘American Way’ magnifiques et sont de très bons amis de l’administration. En 1955, le conseil Hopi a recruté un avocat de Salt Lake City pour conduire leurs négociations avec les compagnies d’énergie. Ce John Boyden, qui avait arrangé lui-même, par l’intermédiaire du Bureau des Affaires Indiennes, la composition du conseil, est un ex-archevêque Mormon. Quelques années plus tard, il a présenté une ‘revendication territoriale’, au nom des Hopis, à la Commission des Revendications Territoriales Indiennes, et a ‘gagné’. Selon une loi récente, çà ne voulait pas dire que les Hopis récupèreraient leurs terres, comme ils le croyaient au départ, mais seulement qu’ils recevraient une somme d’argent relativement modeste, dont Boyden a reçu un pourcentage conséquent. Jusqu’à maintenant, même les membres du conseil ont refusé d’accepter l’argent.
Dans les années soixante, Boyden a conclu de nombreux accords avec des compagnies minières et énergétiques. Les Kikmongwis, en tant que représentants des Hopis traditionnels, ont protesté à chaque étape et ont même porté l’affaire devant un juge fédéral, qui a rejeté leur assertion selon laquelle le conseil n’était pas le représentant légitime de leur peuple, sous prétexte qu’ils n’avaient pas le droit de poursuivre leurs propres autorités !
ZONE DE SACRIFICE NATIONAL
Entretemps, Boyden continue. Une enquête a montré plus tard qu’en dehors du conseil Hopi, il travaillait, en même temps, pour une grande compagnie Mormone, Peabody Coal Company. C’est avec Peabody qu’il a signé les principaux accords de 1964 et 1966 (pour un salaire d’un million de dollars). Peabody loue 260 km² sur Black Mesa, partiellement situés dans la Zone d’Utilisation Conjointe et contiennent la plus grande réserve de charbon d’Arizona. Les mines ont laissé d’énormes cicatrices sur le territoire. Pire encore, ils utilisent pour transporter le charbon – par un pipeline de 100 km – 7,5 millions de litres d’eau par jour. C’est une grave menace pour l’agriculture et l’élevage dont les Indiens d’une région déjà très sèche dépendent. ‘Le pompage de telles quantités d’eau du sous-sol de Black Mesa va briser l’harmonie et rompre l’équilibre partout’ selon la mise en garde des Kikmongwis en 1971. Leur protestation concerne l’ensemble de la manière occidentale de se comporter avec la Terre et ses conséquences. ‘Les développements techniques de l’homme blanc se produisent comme conséquence de son manque d’intérêt pour l’aspect spirituel et pour la façon selon laquelle tout vit’ dit leur porte-parole Thomas Banyacaya. ‘Si la terre sacrée est profanée et déchirée par l’exploitation de matières premières et autres activités destructrices, çà signifie à terme la plus grande marche vers la mort pour tous les peuples du monde.’
La veine de charbon sous Black Mesa – entretemps déclarée par l’Académie Nationale des Sciences ‘zone de sacrifice national’ – s’étend jusqu’à Big Mountain, à quatre kilomètres à l’intérieur de la Zone d’Utilisation Conjointe. On estime qu’il y a vingt-et-un milliards de tonnes de charbon facilement accessible. Cependant, à part Peabody, aucune compagnie charbonnière n’arrive à en obtenir. Ni le conseil Hopi ni le conseil Navajo (qui, contrairement aux Navajos traditionnels, ne sont pas contre la délivrance de permis d’extraction) n’ont le droit de louer le sol séparément, mais ensemble ils n’arrivent pas à se mettre d’accord. Pendant ce temps, les gens qui vivent à Big Mountain sont déterminés à laisser les vingt-et-un milliards de tonnes de charbon dans le sol.
« BONS INDIENS »
Dans la seconde moitié des années soixante, les Hopis ‘progressistes’ (c’est-à-dire le conseil Hopi) a entamé une campagne intensive pour diviser la Zone d’Utilisation Conjointe et se débarrasser des Navajos. Ils sont personnellement concernés par l’exploitation de la terre, étant donné que le salaire des fonctionnaires Indiens dépend en partie des revenus des permis miniers. Aussi, les ‘progressistes’ se mettent de plus en plus à l’élevage à grande échelle et ont besoin de plus de terres. Jerry Kammer, un journaliste qui a enquêté sur place, conclut en 1980 : ‘La famille qui profite le plus de cette façon de faire des affaires est la famille Sekaquaptewa. Les Sekaquaptewa sont les Hopis les plus riches et possèdent le plus grand troupeau. Des Mormons. Wayne Sekaquaptewa est aussi propriétaire du quotidien Hopi et a été président de l’église Mormone de la réserve. Son frère Abbot est l’actuel président de conseil Hopi.’
Cependant, le leader de la campagne est John Boyden. Avec l’aide de Peabody Coal, d’un groupe de banquiers de l’Utah et de WEST, une association de compagnies d’énergie intéressées, il est constamment à Washington D.C. pour tenter de gagner le Congrès à sa cause. Ils disent au Congrès que les Navajos ont pénétré de force en territoire Hopi et refusent de partir. Qu’il y aurait une véritable guerre sur place. Pendant ce temps, une firme de Relations Publiques engagée par le conseil Hopi, Evans & Associates de Salt Lake City, met ladite guerre en scène. Ils font circuler des photos de camps brûlés et de granges détruites, qui sont avidement reprises par la plupart des journaux. Le Washington Post a écrit le 21 juillet 1974 : ‘Evans & Associates représente aussi 23 sociétés de services qui ont installé des centrales et des mines à ciel ouvert dans la région de Four Corners… Ces sociétés ont dit à leurs clients que les Hopis étaient de « bons Indiens » qui n’arrêteraient pas la chose qui fait fonctionner leur climatisation.’
La campagne est un succès. En 1974, un Congrès distrait par l’affaire du Watergate, a adopté la Loi 93-531, soutenue avec zèle par le sénateur d’Arizona Barry Goldwater, entre autres. Selon cette loi, la Zone d’Utilisation Conjointe doit être divisée par une clôture de fils barbelés de six cent kilomètres entre deux zones, Navajo et Hopi ; les dix mille Navajos qui vivent du mauvais côté de la clôture doivent abattre ou vendre 90% de leur bétail en préparation de leur déportation ; de plus, il y a une interdiction de construire, améliorer ou réparer les maisons et les granges. Une commission de relocalisation organisera la déportation des Navajos. Ils auront une ‘compensation’ de cinq mille dollars si ils partent ‘volontairement’ dans les cinq ans. A part cela, la loi promet de ‘minimiser les effets négatifs’ en leur donnant une terre ailleurs. Le gouvernement fournira des ‘logements hygiéniques et décents’ et l’infrastructure de la communauté : écoles, hôpitaux, routes, etc. Parce qu’il n’y a plus de place dans la réserve. Le sol est déjà touché par le broutage excessif et il est difficile d’y survivre.
A peine vingt pourcent des habitants de la Zone d’Utilisation Conjointe ont été déplacés, souvent après avoir subi des pressions. Çà a commencé à révéler la tragédie impliquée par la Loi 93-531.
DEPRESSIONS ET SUICIDES
Les Navajos déplacés ont échoué dans des maisons individuelles, dans des banlieues de petite classe moyenne raciste. Les petites maisons avaient des prises et de la tuyauterie, mais pas d’électricité, ni de gaz, ni de lumière. Pas la peine de parler de la Terre Promise. Quarante pourcent des Navajos déplacés ne comprennent pas l’anglais et la majorité d’entre eux n’ont jamais eu d’emploi salarié ou payé des impôts. Mais c’est difficile, dans leur petit bout de jardin, de rester éleveurs de moutons indépendants. Ils doivent tenter de survivre dans un système économique et bureaucratique totalement étranger, alors qu’ils ont peu de chance de trouver un emploi, considérant d’où ils viennent. La plupart ont rapidement des problèmes quand ils doivent payer des impôts ou reçoivent soudain des factures de gaz, d’électricité ou de frais médicaux. Les sociétés de crédit se sont précipitées pour exploiter habilement leur manque d’expérience en matière économique. Par exemple, elles les ont convaincus de donner leur maison en garantie pour des prêts dont les sociétés de crédit savaient qu’ils ne pourraient pas rembourser. D’autres maisons ont été vendues pour le quart de leur valeur. Depuis, cinquante pourcent des Navajos relogés à Flagstaff ont perdu leur maison. Il est à noter que la commission de relocalisation continue à racheter les mêmes maisons deux ou trois fois, apparemment sans se demander ce que sont devenus les habitants précédents. La plupart des promesses du gouvernement en matière d’écoles et de services de santé sont restées lettre morte. Mais pour les Diné [Navajos] ce qui est bien pire que leur situation matérielle c’est la séparation d’avec leur terre. Avec leur terre, à laquelle leur religion et leur existence sont étroitement liées, c’est aussi métaphoriquement que le sol s’est dérobé sous leurs pieds. Ils voient leur culture détruite, leur vie communautaire éclatée : ‘Çà semble en être fini de nous’ dit une femme déportée. ‘Nos projets pour l’avenir de nos enfants se sont effondrés. Nous nous sentons très seuls depuis la déportation. Çà ressemble à une prison ici. Nous nous demandons pourquoi nous l’avons fait. Si nous n’avions pas accepté d’être déplacés, notre fille ne serait peut-être pas morte.’ C’est un fait que beaucoup, à part la dépression et l’alcoolisme, souffrent de problèmes de santé. La mortalité est élevée. Sous l’effet du stress émotionnel les familles éclatent et le nombre de suicide a beaucoup augmenté.
Certains Navajos déplacés retournent illégalement sur leur ancienne terre. Mais il est de plus en plus difficile d’y survivre. Du fait de l’interdiction de construire et de réparer, de plus en plus de familles qui s’agrandissent vivent dans des hogans – les huttes traditionnelles – qui se dégradent lentement. S’ils essaient d’améliorer leur logement, ils voient le résultat de leurs efforts détruit sous leurs yeux par des employés du gouvernement. Avec seulement dix pourcent de leur bétail, ils peuvent à peine se maintenir en vie : leur nourriture consiste de pain, de café et de pommes de terre. Mais ils sont déterminés à ne pas se laisser chasser. Il a été annoncé au nom de Reagan que l’armée serait envoyée. Les vieilles Navajos s’y préparent. ‘Nous avons déjà fait face aux soldats. Jusqu’à maintenant, nous y avons survécu.’ La tâche ne sera pas facile pour les militaires. Des femmes ont déjà été arrêtées pour avoir tiré au-dessus des têtes des constructeurs de clôture, mais personne n’a été condamné jusqu’à maintenant. Et la clôture ne restera pas debout.
GENOCIDE
La résistance s’amplifie chez les Navajos traditionnels. Ils attaquent aussi de plus en plus clairement le président du conseil, Peterson Zah. Zah se présente comme le représentant des gens traditionnels, mais il ne fait rien contre l’administration. Il négocie sur la façon dont les déportations doivent être effectuées, il ne s’y oppose pas. Il a même fait le projet, avec General Electric et Bechtel, d’installer une centrale de vingt mille mégawatts et une mine à ciel ouvert en territoire Navajo. Les ‘vieux’ Navajos n’attendent rien de lui. Ce sont principalement les Hopis traditionnels qui les soutiennent dans leur résistance aux projets du gouvernement. Les Hopis ordinaires n’ont pas plus à gagner que les Diné des projets de leur conseil, qui ne laisse aucun doute sur le fait que le terrain gagné sera utilisé pour l’extraction de charbon à ciel ouvert, ce qui profitera essentiellement aux membres du conseil. Malgré toutes les tentatives extérieures pour les monter les uns contre les autres, la plupart des Hopis restent sur les mêmes positions que les Navajos traditionnels. En 1981, Thomas Banyacaya a publié en leur nom une déclaration de solidarité avec les Diné.
En1982, le Comité de Défense Juridique de Big Mountain [Big Mountain-JUA Legal Defense/Offense Committee – BMLDOC] a été créé à Flagstaff. Sous la direction d’Anciens de Big Mountain, le BMLDOC donne une assistance juridique gratuite aux Indiens frappés par le programme de déportation. Il a entrepris des actions en justice contre l’Etat et fait campagne pour l’abrogation de la Loi 93-531.
Il y a aussi eu du soutien inattendu. Le 1er janvier 1982, le directeur de la commission de relocalisation, Leon Berger, a démissionné. Il a qualifié le programme de déportation de ‘désastre sans précédent’ et annoncé qu’il allait se consacrer à l’abrogation de la loi. En mai de la même année, un membre de la commission, Roger Lewis, a démissionné pour les mêmes motifs.
La résistance internationale aux conséquences de la Loi 93-531 se met aussi en place. Le jury du Quatrième Tribunal Russell, qui s’est tenu à Rotterdam en 1980, a conclu que selon la Convention des Nations Unies il s’agit d’un cas de génocide. Aux Pays-Bas, l’association NANAI, entre autres, s’est engagée contre les déportations projetées et partout en Europe des groupes d’action et de soutien sont formés.
AMENDEMENTS
Même au Congrès américain, des inquiétudes sont exprimées. Elles concernent essentiellement l’aspect financier du programme. Les quarante millions de dollars que la Loi 93-531 devait coûter sont maintenant montés à cinq cent millions et les dépenses totales pourraient bien atteindre les deux milliards. En des temps de réductions budgétaires drastiques, le Congrès ne peut pas se permettre, vis-à-vis des contribuables, de dépenser une telle somme pour ‘intervenir dans un conflit entre une poignée de tribus Indiennes’ (image toujours en cours, grâce aux médias). Et certainement pas si le programme, comme l’a dit un membre du Congrès ‘peut être qualifié de fiasco d’envergure.’ Certains membres du Congrès commencent à se rendre compte que le résultat de leur intervention a été de transformer un peuple fier et indépendant économiquement en une bande de misérables sans-abri dépendant de l’aide publique pour survivre. Ainsi, quelques amendements ont été proposés dans le but de repousser à plus tard les déportations forcées, qui, depuis le 7 juillet de cette année, peuvent intervenir à tout moment, par exemple jusqu’à ce que suffisamment de logements aient été construits pour les Navajos déportés, ce qui a pris beaucoup de retard suite à la politique de coupes budgétaires. Personne ne parle des promesses concernant les services médicaux et scolaires.
Bien entendu, un délai ne fait aucune différence. La déportation ne doit pas se produire. Comme le dit la résistante Navajo Roberta Blackgoat, ‘C’est une autre voie : une voie de famine et de génocide’. Les Diné ont tout autant droit à leur terre, leur vie et leur culture que les Hopis traditionnels. Et le monde a besoin d’eux parce que Big Mountain est partout. Les forces économiques, sociales et politiques que ces gens combattent sont aussi à l’œuvre dans le reste du monde. A une époque où elles sont en train de détruire la terre, les Diné sont un des derniers peuples qui savent comment vivre sans détruire l’équilibre de la nature et en ayant conservé leur unité spirituelle avec la terre. Que cela reste ainsi. Tout soutien est nécessaire dans la lutte contre la déportation.