Par Brenda Norrell
Censored News
15 février 2025
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan

WINDOW ROCK, Navajo Nation – Un comité du Conseil de la Nation Navajo a demandé qui était responsable de l’accord avec Energy Fuels qui autorise des camions chargés de minerai d’uranium radioactif à passer par la Nation Navajo, et souligné que le Conseil de la Nation Navajo n’avait jamais été consulté et n’avait jamais approuvé l’accord avec Energy Fuels.

Après avoir louvoyé et évité de répondre aux questions, les avocats du gouvernement Navajo ont fini par dire que les responsables des négociations de l’accord étaient Ethel Branch, ex-Procureure Générale de la Nation Navajo, Heather Claw, actuelle Procureure Générale, avec le Département de la Justice Navajo et l’Agence pour la Protection de l’Environnement (EPA) Navajo.

Des camions transportant des déchets radioactifs d’uranium – couverts de simples toiles cirées – ont traversé la Réserve mercredi 13 février et deux autres jeudi 14. Le nombre de camions va augmenter. De deux à quatre camions passeront chaque jour jusqu’à la fin du mois. L’accord est prévu pour les deux à quatre ans à venir.

Les camions sont passés sans que les habitants soient prévenus.

Lors d’une réunion de jeudi, des Délégués du Conseil de la Nation Navajo ont rappelé qu’ils étaient le corps législatif de la Nation, mais n’avaient jamais été consultés sur l’accord avec Energy Fuels.

Réunion ordinaire du Comité Naabik’íyáti’, jeudi 13 février 2025

Questions de la tribu aux avocats et à l’EPA Navajo sur l’accord

La déléguée Eugenia Charles-Newton demanda qui avait négocié les termes de l’accord et qui avait décidé du montant à payer à la tribu par Energy Fuels.
« Qui en est arrivé au montant de 1,2 million de dollars ? »
« Nous n’aurions jamais dû accepter, parce qu’au cours de la dernière réunion que nous avons eu sur l’uranium, nous avons tous été d’accord pour ne pas autoriser que de l’uranium soit transporté dans notre Nation Navajo, parce que nous nous battons toujours avec le gouvernement fédéral sur ce qui est arrivé à notre peuple, et qu’il continue à balayer en disant ‘C’est arrivé il y a des années, pendant la deuxième Guerre Mondiale.’ »

E. Charles-Newton a mis en question la légalité de l’accord et si ceux qui l’avaient négocié avaient le pouvoir de le faire.
Elle dit que le 1,2 million de dollars d’Energy Fuels à la tribu n’étaient pas grand-chose, que ça ne couvrirait les coûts que d’une seule personne atteinte de cancer.
« Ce qui me préoccupe, ce sont les Navajos qui combattent toujours le cancer à cause des mines dans lesquelles ils ont travaillé, alors que le gouvernement fédéral avait choisi de ne pas leur donner d’informations, et je me demande si nous connaissons déjà tout les effets de l’uranium, pourquoi nous autorisons à ce que ça continue, et si nous voulons y mettre fin. »
Elle demanda pourquoi il n’y avait pas eu d’audiences publiques, ni de communiqués de presse importants, et pourquoi les Diné n’avaient pas été informés durant les négociations.
« Où est-il spécifié qu’ils peuvent signer ce contrat sans passer par le Conseil ? »

À la suite de ses questions, une longue et fastidieuse série d’explications fut donnée par les avocats tribaux et l’EPA Navajo au cours de la session du conseil.

Le directeur exécutif de l’EPA Navajo, Steven Etsitty, dit que le prix élevé de l’uranium sur le marché mondial stimulait la réouverture de la mine Pinyon Plain et d’autres mines d’uranium. Etsitty dit que l’autre facteur qui prouvait que ça allait continuer, est le fait que l’usine de traitement d’uranium d’Energy Fuels à White Mesa, en Utah, était la seule en service aux États-Unis.

L’avocat pour les ressources naturelles de la tribu, Dan Moquin, dit que des camions d’uranium étaient probablement passés dans la Nation Navajo autrefois, mais qu’on ne pouvait pas le savoir ni les surveiller.

L’EPA Navajo et les avocats tribaux affirmèrent que cet accord bénéficiait aux Navajos, mais les délégués du conseil n’étaient pas d’accord.
Le Délégué du Conseil, le Dr. Andy Nez dit que « cet accord ne bénéficie pas à notre peuple. »
Le Dr. Nez, qui représente Crystal, Fort Defiance, Red Lake et Sawmill, demanda si l’EPA Navajo avait un plan pour les situations d’urgence qui ne manqueront pas de se produire.
« Malheureusement, nous avons beaucoup de parents le long du trajet. Ils les empruntent, vous savez qu’ils vendent leurs marchandises le long de ces trajets, et cela met en danger nos parents et notre Agence de l’Ouest sur tout le chemin jusqu’en Utah. »
« Quand je pense aux bénéfices, ça ne bénéficie qu’à Energy Fuels […] »
« Pour moi, ça n’a pas de sens » dit le Dr. Nez à propos des négociations. Il fit aussi remarquer qu’aucun permis pour transports dangereux n’avait été délivré aux chauffeurs de camions par l’EPA Navajo.
S. Etsitty répondit que le permis était pour la compagnie de transport, Hammond Trucking, qui payait une redevance annuelle.

Les délégués du Conseil étaient visiblement frustrés par le manque de réponses. Le membre du Conseil George Tolth dit « je ne pense pas qu’ils vont nous donner des réponses. Ils ne font que se repasser la patate chaude. »
[…]
Tolth recommanda que le sujet soit renvoyé au Comité des Ressources et du Développement du Conseil Navajo. Il dit aussi qu’il faudrait probablement avoir recours à une assignation pour obtenir des réponses à leurs questions. […]

Le comité décida d’y revenir dans deux semaines, et comme il s’agit d’un contrat, la session ne sera pas publique.

Entretemps, des Navajos témoignent que les toiles cirées qui couvrent les déchets radioactifs des camions ne sont pas sûres, qu’elles s’ouvrent dans les coins à cause du vent, ce qui contamine l’air.

L’accord inclut aussi une autorisation future pour qu’Energy Fuels transporte des déchets radioactifs dans la partie est de la Nation Navajo, au Nouveau-Mexique, si Energy Fuels entreprend l’extraction d’uranium de la mine Roca Honda, près de la Montagne Sacrée Diné, le Mont Taylor, au Nouveau-Mexique.

Selon l’accord, Energy Fuels accepte de retirer de la Nation Navajo 10 000 tonnes de déchets des mines d’uranium abandonnées exploitées pendant la Guerre Froide.
Mais si ce nettoyage peut bénéficier à la tribu Navajo, les Navajos concernés et les Utes soulignent que ça va aggraver le danger pour les Utes de White Mesa, dont la communauté vit là où l’usine de traitement est située, un site de décharge de déchets radioactifs, dans l’Utah.
Les Utes de White Mesa ont témoigné en 2024 devant la Commission Interaméricaine des Droits Humains en 2024, des effets de l’usine sur la santé. Ils veulent que l’usine ferme.

Le Président Navajo Buu Nygren dit que c’était la Procureure Générale Heather Claw qui avait signé l’accord avec Energy Fuels, pour la Nation Navajo. Lundi 10 février, un autre membre du Conseil de la Nation Navajo avait dit que l’accord avec Energy Fuels n’avait été ni négocié ni approuvé.

L’accord secret du Président Navajo avec Energy Fuels met en danger toute la région, y compris les Laguna et Acoma du Nouveau-Mexique qui souffrent déjà de cancers et autres maladies mortelles à cause de la mine d’uranium Jackpile, aujourd’hui abandonnée. L’accord avec le gouvernement Navajo permet aussi de transporter des déchets d’uranium dans la partie Est de la Nation Navajo, si Energy Fuels exploite une mine d’uranium près du Mont Taylor, au Nouveau-Mexique.

Nos amis de Haul NO! continuent de se battre contre le nucléaire et les mines d’uranium.

Par Brenda Norrell
Censored News
28 février 2024
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan

WASHINGTON – La Commission Interaméricaine des Droits Humains a entendu des témoignages de Navajos, Utes, et Lakota Oglala, sur les impacts de l’exploitation d’uranium sur les droits humains des Peuples Autochtones, à Washington, le 28 février 2024.

« Nahasdzáán Shimá – Notre Mère la Terre – fournit tout ce dont nous avons besoin pour nous maintenir en vie – les quatre choses dont les Navajos parlent – l’air, l’eau, le sol et la lumière – et c’est chez nous » dit Edith Hook, Présidente de l’Association de la Communauté de la Route de Red Water Pond.

« Nous avons vécu avec ce tueur silencieux sans en connaitre les dangers. Après le début de l’extraction, après que la mine ait été creusée, nous ne nous sommes pas rendu compte que nous étions contaminés. »

« Quand nous étions enfants et jouions et gardions les moutons, nous ne comprenions pas que nous étions exposés à des radiations dangereuses » dit Edith Hood.

Elle remercia la commission pour l’avoir entendue et ajouta « Notre propre gouvernement tribal ne nous écoute pas. »

La Commission Interaméricaine des Droits Humains avait été d’accord pour une audience thématique sur comment les politiques d’exploitation de l’uranium avaient conduit à des violations des droits humains dans les communautés Autochtones dans tout le pays. Ça coïncide avec la recrudescence de l’extraction d’uranium, dit le représentant du Centre de Droit Environnemental du Nouveau-Mexique.

« Comme les États-Unis ont mis les bouchées doubles sur la base de l’idée fausse selon laquelle l’énergie nucléaire serait une solution à la crise climatique, l’industrie de l’uranium commence à bénéficier de cadeaux de généreux contribuables à toute l’industrie nucléaire. »

« Des subventions du gouvernement Biden ont stimulé l’extraction d’uranium au point de rouvrir 3 mines en quelques mois, en Utah, dans le Wyoming et en Arizona, près du Grand Canyon. Comme ça a toujours été le cas depuis l’aube de l’Age Atomique, les effets de l’extraction d’uranium ont été largement mis de côté dans le débat sur l’énergie nucléaire. »

Energy Fuels dit accroitre la production d’uranium aux États-Unis, comme les prix atteignent leur niveau le plus haut depuis 16 ans. Energy Fuels avait dit en décembre que la production d’uranium serait augmentée dans trois mines, Pinyon Plain près du Grand Canyon, et La Sal et Pandora dans le sud-est de l’Utah.

Le minerai des trois mines, en 2024, sera entassé à l’usine d’Energy Fuels de White Mesa, en Utah, pour être traité en 2025. Ils préparent aussi deux mines, Whirlwind dans le sud-est de l’Utah, et Nichols Ranch au centre du Wyoming, pour démarrer la production d’uranium d’ici un an, dit Energy Fuels.

L’extraction d’uranium a commencé à Pinyon Plain et menace maintenant l’eau des Havasupai qui vivent dans le Grand Canyon. La mine menace aussi les Navajos, les Hopis, les Utes et les résidents du sud-ouest, le long de la route de transport du minerai d’uranium, du Grand Canyon à l’usine d’Energy Fuels dans le sud-est de l’Utah.

Le Centre de Droit de l’Environnement du Nouveau-Mexique dit :

L’audience thématique doit permettre aux communautés Autochtones, qui vivent depuis des générations avec les déchets de l’extraction et du traitement de l’uranium historiques, de tenir les officiels du gouvernement des États-Unis pour responsables de n’avoir jamais pris de mesures pour régler le problème des déchets de la production d’uranium efficacement.

  • Pour Red Water Pond, Edit Hood, Diné dit « Il n’y avait pas de respect pour les gens qui vivaient sur ces terres, et certainement pas de respect pour notre Mère la Terre. Le gouvernement connaissait les risques et les dangers mais a négligé d’en informer notre peuple. »
  • Yolanda Badback, Ute de Ute Mountain, décrivit ce que c’était de vivre à côté de l’usine de White Mesa, au sud-est de l’Utah. Les représentants des États-Unis prétendent que le gouvernement Biden a entamé une consultation et que la Commission de Régulation Nucléaire est attachée aux droits des Autochtones – ce ne sont que des camouflages de ce long héritage de cancers et de morts de l’extraction d’uranium, des déchets radioactifs et de la décharge de l’industrie nucléaire dans les terres Autochtones.
  • Tonia Sands, Oglala, dit « Des gens viennent du monde entier pour partager la connexion que nous avons avec l’eau, la terre et nos parents maintenant silencieux ». Tout en décrivant la beauté de la culture Lakota, elle souligne que l’extraction d’uranium conduit à un accroissement des cérémonies de guérison et à la contamination par les radiations de ceux qui participent à la cérémonie. Et maintenant, il y a la menace de nouvelle extraction d’uranium. Elle dit, qu’alors que l’eau pompée dans la rivière Missouri est supposée sauver les Lakotas de la contamination de leur propre eau, en fait ça apporte de l’eau contaminée par l’uranium du Wyoming à cause du manque de filtrage.
  • Carletta Tilousi, Havasupai, a témoigné de l’exploitation d’uranium qui menace maintenant l’eau Supai dans le Grand Canyon. « C’est un problème grave et urgent » dit-elle à la Commission Interaméricaine des Droits Humains. La Tribu Havasupai demande que la Commission présente leur affaire à la Cour Interaméricaine pour obtenir un ordre exigeant l’adoption de mesures provisoires. L’héritage de l’extraction d’uranium dans le sud-ouest, c’est la mort par cancer et les mines d’uranium abandonnées non nettoyées. Maintenant, la contamination menace le Colorado. C. Tilousi demande à la Commission de faire pression pour que les États-Unis changent la loi de 1872 qui autorise les compagnies internationales à s’emparer de terres publiques pour leurs mines.
  • Big Wind Carpenter Northern Arapaho. « Ils ont redéfini le nucléaire comme énergie verte » dit Big Wind Carpenter à la Commission Interaméricaine sur les droits humains. « Les dommages fait à notre terre natale sont loin d’être verts. Nos communautés et notre terre ont souffert assez longtemps. » En territoire Arapaho, dans le Wyoming, l’extraction et le traitement d’uranium ont empoisonné la terre et laissé des impacts éternels pour des sites sacrés, l’eau et les générations futures. Les partisans du nucléaire ont souvent réduit au silence les voix de ceux qui souffrent le plus de ses effets. « Nous exigeons la justice environnementale » dit Carpenter, pressant la Commission de tenir pour responsables ceux qui exploitent les ressources.

Jonathan Perry, coordinateur de l’Alliance Multiculturelle pour un Environnement Sûr, dit « C’est une bonne occasion pour les communautés Autochtones de la ligne de front, de faire connaitre les injustices qu’ils continuent d’endurer. L’héritage de l’industrie de l’uranium continue de frapper beaucoup d’Autochtones à travers le continent, sans vraies solutions du gouvernement des États-Unis. »

Larry King, ENDAUM, dit “Nous n’avons qu’une Terre Mère, et en tant que gardiens, nous avons TOUS la responsabilité de protéger notre Mère la Terre si nous voulons laisser un environnement sain à nos générations futures.

Eric Jantz, directeur du Centre de Droit Environnemental du Nouveau-Mexique, dit « Depuis des décennies, le lamentable record du gouvernement des États-Unis concernant les droits humains liés à l’exploitation d’uranium dans les communautés Autochtones, a été ignoré. C’est la première fois que le gouvernement des États-Unis est appelé à expliquer pourquoi la politique d’extraction d’uranium des États-Unis continue à détruire les communautés Indigènes. »