En novembre dernier, des Autochtones de diverses tribus se sont rendus sur l’île d’Alcatraz pour commémorer l’occupation de 1969-1970. Ils ont été accueillis par des Ohlone, les Autochtones d’Alcatraz et de la région de San Francisco.

Brenda Norrell
Censored News
27 novembre 2025
Traduction Christine Prat

La Cérémonie de l’Aube d’Alcatraz, la Commémoration de l’Occupation d’Alcatraz, a commencé avant le lever du soleil, avec des prières et l’accueil Ohlone, l’évocation des voies ancestrales et des femmes qui étaient à Alcatraz.

L’Occupation de 1969-1970 a été le fait d’Indiens de Toutes Tribus.

Après le partage de chants traditionnels et de prières, les intervenants autochtones ont parlé de l’extermination de leur peuple, qui continue aujourd’hui, et ont souligné la surveillance accrue du rassemblement, et les « yeux » pointés sur eux alors qu’ils se réunissent.

Avec des prières et des chants de Pit River, Miwok et Round Valley, Madonna Feather, elle-même de Round Valley, a parlé de la lutte pour sauver la forêt ancienne de Redwoods, des arbres à glands et de la terre ancestrale.

Des femmes et des jeunes filles Apaches combattent pour Oak Flat

Le Bastion Apache était présent pour parler de la lutte pour protéger Oak Flat d’être détruit pour une mine de cuivre à ciel ouvert. Des femmes et des jeunes Apaches veulent sauver le site sacré d’Oak Flat pour pouvoir continuer à pratiquer leurs cérémonies.

Trente-six membres du Bastion Apache avaient fait le voyage de leur pays en Arizona pour faire part de leur combat pour empêcher que le site sacré d’Oak Flat soit creusé, éventré, pour une énorme mine. Les femmes Apaches ont décrit leur combat pour protéger le site pour la Cérémonie de passage à l’âge adulte des jeunes filles Apaches.

« Nous avons pu les tenir à distance un moment, et d’effectuer la cérémonie pour ma fille », dit Sinetta Brown, Apache. « Nous avons couru, combattu, ils ont essayé de prendre l’île. Ils nous ont menacés, ils nous ont tiré dessus. »
« C’est dans notre sang, de continuer, de continuer à combattre. » Alors que leur combat continue au tribunal, S. Brown a appelé les Autochtones de Round Valley et de Californie à les soutenir.
La fille de S. Brown, la jeune Apache Lozen Brown Lopez, dit : « Ils vont essayer de détruire notre terre sacrée où notre eau sacrée sera polluée. »
« C’est où nous sommes nés et avons pris notre premier souffle » dit Lozen, qui parla aussi avec passion de ceux qui avaient souffert dans les pensionnats, ceux dont les cheveux ont été coupés et à qui il a été interdit de parler leur langue – et des filles qui luttent pour pouvoir y avoir leurs cérémonies.
« Nous connaissons notre langue, et ce que nous devons faire pour protéger nos terres sacrées » dit Lozen, au nom des jeunes filles Apaches qui se préparent à effectuer leur Cérémonie de passage à l’âge adulte à Oak Flat.

Wendsler Nosie Sr. dit qu’il était retourné au pays pour protéger Oak Flat il y a six ans, un site Saint et Sacré. Il dit que c’était un honneur d’être là et d’honorer les femmes dans ce combat.
« Aujourd’hui, nous combattons pour la Terre, notre Mère. »
« Les autres races oublient que c’est notre Mère, qu’elle nous nous nourrit. »
W. Nosie dit que les gens étaient revenus à l’essentiel, que c’était le grand plus cadeau de pouvoir, la grâce de pouvoir communiquer avec l’Esprit.
À propos des enfants, il dit que « c’est triste de voir combien d’entre eux luttent pour leur survie. »
« Tout a commencé par une prière. »
« Nous devons nous lever comme nous l’avons fait ce matin, en priant » dit W. Nosie, en remerciant pour la souffrance qui, dit-il, ne peut que rendre les gens plus forts.
« Nous devons protéger ces Lieux Sacrés. »
« Quand ce pays pleure, il est temps pour les Autochtones d’agir spirituellement. Ce pays pleure, il a montré sa faiblesse. »
« Maintenant, il est temps d’aller de l’avant. »
Le Bastion Apache a offert un chant de bénédiction.

Les Kumeyaay : Les Sons et les Graines de la Résistance

Stan Rodriguez, Kumeyaay, de San Isabel, parla des tentatives d’exterminer son peuple dans leur territoire. Les Kumeyaay vivent dans ce qu’on appelle le Comté de San Diego, en Californie, et au sud de la frontière, à Baja.
« Cette frontière a été imposée à travers le territoire Kumeyaay » dit Rodriguez, à propos de la moitié de leur territoire au sud de la frontière, à Baja.
En tant que président de l’Université DQ (Deganawidah-Quetzalcoatl), il dit que DQ, qui était sorti des cendres d’Alcatraz, voulait se relever.
« Nous ne reconnaissons pas ces frontières, nous avons nos propres territoires, notre propre terre » dit Rodriguez, parlant du riche héritage des Autochtones de Californie.
« Nous avons plus de langues, de cultures, de diversité que n’importe quel endroit du monde, à part les Papous de Nouvelle-Guinée, des centaines de langues, des centaines de nations. »
La nation Kumeyaay a survécu aux intrusions espagnoles, mexicaines, russes et américaines.
« Leur politique était d’essayer d’exterminer notre peuple » dit-il. Le premier gouverneur de Californie, Peter Burnett, avait mis leurs têtes à prix.
« Nous sommes les survivants d’un Holocauste, nous sommes toujours en vie. »
« Quand nous nous réunissons pour chanter nos chants, c’est de la résistance. Quand nous parlons notre langue, c’est de la résistance. Notre pouvoir vient de notre unité. Quand nous nous rassemblons et nous soutenons les uns les autres, personne ne peut nous arrêter. »
Avec des remerciements aux Ohlone de les avoir laissés venir, il entama des Chants du Guerrier, les chants de valeur, de persévérance et des batailles menées et gagnées.
« Nous sommes tous des guerriers, ici, nous devons nous en souvenir. »

La raison pour laquelle la terre nous a échappé est que les gens n’ont pas résisté ensemble, dit-il, mais ils peuvent en tirer des leçons.
« Nous pouvons nous rassembler comme un Carquois de Flèches qui ne peut jamais être brisé. »

Quand les gens ont été évacués de force d’Alcatraz, ils ont occupé un terrain près de Davis et Santa Rosa, dans le nord de la Californie.
« Ils ont emporté les graines d’Alcatraz avec eux, c’est devenu l’Université DQ » dit-il, invitant tous ceux qui s’étaient rassemblés à Alcatraz de se joindre à eux pour le diner et de parler d’ouvrir une nouvelle école.

Souvenirs des Premiers Jours de la Résistance

« Radio Alcatraz Libre » avec Miguel Molina sur KPFA, émet toujours en direct. Molina dit que la Radio Alcatraz Libre avait à l’origine été émise par John Trudell, pendant l’Occupation de 1969, et redémarrée par Molina et KPFA en 1992.
L’émission de ce matin a commencé quand le premier bateau est arrivé sur l’île à l’aube, avec l’interview par Molina de Jimbo Simmons, venu d’Oklahoma. Jimbo dit que la prière commencée en 1969 continue aujourd’hui, les jeunes portant la prière au niveau suivant.
« Cet esprit de résistance est ce pour quoi nous sommes ici aujourd’hui. » Jimbo dit qu’Alcatraz était le début d’un mouvement international de solidarité pour les droits des Autochtones.

Se souvenant des premiers jours de la Cérémonie du Lever du Soleil d’Alcatraz, Jimbo dit qu’il avait été difficile de trouver 150 personnes pour assister, les premiers jours. « Nous donnions nos billets pour rien. »
Jimbo se souvenait de Bill Wahpepah et des premiers jours de résistance de l’AIM [Mouvement de Résistance Indienne].
« Alcatraz était la pointe de la lance. »
L’esprit de résistance et le Feu Sacré sont la raison pour laquelle les gens sont ici, dit-il.

Tony Gonzales, de l’AIM-Ouest, parlant de « Un-Thanksgiving » [Non-Remerciements], dit que la fête célébrant « des Indiens nourrissant les pèlerins » était un mythe.
Tony dit qu’il était heureux de voir tant de jeunes aujourd’hui. Rappelant ceux qui avaient occupé l’île la première fois et les sacrifices faits pour être là, Tony dit, « Nous partageons ce lien. »

Justice Autochtone : Honorer les Femmes Guerrières Indiennes de Californie


« En ce 56ème Anniversaire de l’Occupation d’Alcatraz, nous voulons honorer les femmes Indiennes de Californie, qui protégeaient, nourrissaient et portaient le mouvement alors que le monde ne voyait rien.
« Sue Steele, Shirley Guevara, Eldy Bratt, Justine Moppin, Cecilia Pepion, Sandra Aguilar et Rosalie McKay – des femmes qui étaient là, maintenait la ligne, élevaient les enfants, faisaient la cuisine, protégeaient les gens et faisaient brûler les feux de la souveraineté. Leur direction a rendu possible le Red Power Movement [Mouvement du Pouvoir Rouge]. Leur courage continue de modeler notre lutte pour les droits des Autochtones, la sécurité et l’autodétermination aujourd’hui.

« De 1969 à maintenant, l’Occupation reste un rappel : notre survie est un acte de résistance, notre souveraineté est inhérente et notre futur est sacré. Les prières de nos anciens et de nos ancêtres sur cette île, continuent de nous protéger, de nous guider et de renforcer notre combat pour les 7 générations à venir.

« Nous sommes heureux de nous rassembler jeudi 27 novembre, pour honorer les guerrières de l’Occupation, nos anciens, et continuer le travail qu’ils avaient commencé, en défendant nos terres, nos peuples et notre droit de vivre libres, en sécurité et souverains.

« Nous rendons honneur aux femmes qui nous ont soutenus à l’époque. Nous suivons leurs pas maintenant. »

 

Jimbo Simmons, de l’AIM West, était l’un des intervenants, lors de la Journée Annuelle de Solidarité du CSIA-nitassinan. Cette année, la Journée commémorait aussi le 50ème Anniversaire de la fondation de l’AIM. Jimbo a donné sa vision de ce que devrait être la décolonisation.
Intervention enregistrée le 13 octobre par Pascal Grégis, du CSIA.

 

Jimbo Simmons
Paris, 13 octobre 2018
Transcription et traduction Christine Prat, CSIA

 

“Nous sommes réunis ici et avons parlé de la colonisation. Et c’est bien de cela qu’il s’agit. Selon ma façon de voir la colonisation, elle a été fondée et imposée de force à notre peuple en Amérique du Nord, les Indiens. Puis elle a été exportée partout dans le monde à d’autres communautés Autochtones. Alors, pour que nous puissions rejeter le joug de la colonisation, il faut que je la définisse plus profondément, en ce qui me concerne. Parce que je pense qu’il y a plus à faire que décoloniser. Il faudrait qu’on vous fasse toute une leçon d’histoire, sur la colonisation. Mais pour notre peuple en Amérique du Nord, la décolonisation, nous la concevons comme une libération, nous libérer d’un système de valeurs qui nous a été imposé. Notre mode de vie, notre philosophie de la vie, est tout aussi valable que n’importe quelle autre idéologie, en tant que mode de vie dans le monde d’aujourd’hui. Mais lorsque nous nous décolonisons nous-mêmes, je pense que nous ne faisons que nous coloniser davantage. Et alors, les Etats-Unis ont affaire à un néocolonialisme. Et pour moi, ça signifie que des gens qui ont été colonisés par notre ennemi, ont acquis le pouvoir, à travers le système de gouvernement, de perpétuer le même système colonial. Ainsi, c’est plus facile pour les colonialistes de dire “ils le font à eux-mêmes”. Alors, nous devons bien comprendre ce que nous voulons dire par colonisation et décolonisation. Je pense que nous, en Amérique du Nord, commençons à aller dans ce sens. Et aujourd’hui, en écoutant les interventions de nos frères et sœurs qui combattent aussi, je vois que c’est la même chose. Donc, je pense que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres, à partager, à comprendre tout ce que nous avons en commun, quand nous parlons de colonialisme. Car pour nous, en Amérique du Nord, c’est une colonisation qui a menacé notre mode de vie, qui nous a conduit à nous soulever pour défendre ce mode de vie. Ainsi, nous devons vraiment bien comprendre de quoi nous parlons, quand nous disons “décolonisez”. Parce que beaucoup de problèmes qui touchent notre peuple, comme les oléoducs, comme nos sites sacrés, en font partie intégralement. Et je voulais juste faire remarquer cela, afin que nous puissions avoir une meilleure compréhension de ce que nous subissons, de ce dont nous parlons aujourd’hui.

J’ai écouté nos frères Kanak et les autres frères qui combattent le colonialisme… J’avais toujours pensé que les Français étaient nos amis, qu’ils étaient nos alliés, alors ça me pousse en quelque sorte à me demander, quel est notre but, quel est notre objectif? Et je viens ici, pourtant je suis Choctaw, et ce sont les Français qui ont pris notre territoire puis l’ont abandonné au gouvernement des Etats-Unis. L’enseigne-t-on dans les livres d’histoire? Je crois que non. Ainsi, je pense que nous devons nous rééduquer pour savoir ce que nous pouvons faire pour parvenir réellement à ce que nous essayons de faire, c’est-à-dire nous libérer.

Et c’est un honneur pour moi d’être à nouveau ici avec mes frères et mes sœurs, qui se battent tellement dans leurs communautés, et de trouver les moyens de tendre la main à d’autres peuples dans le monde et aux communautés à travers tous les Etats-Unis. Et [des communautés] qui découvrent leur pouvoir, retrouvent leur voix, et trouvent leur force. Et pendant ce temps, nous nous construisons aussi spirituellement, et par là, nous guérissons, nous sommes sur le point de guérir. Ainsi, quand nous comprenons bien comment la colonisation nous affecte, il devient beaucoup plus facile de nous guérir nous-mêmes.

Parfois, ça me pose des problèmes de dire que les Indiens sont les gens les plus colonisés du monde aujourd’hui. Alors, comment combattre ça? En revenant à nos façons et traditions, à notre philosophie de la vie. Et, comme nos frères nous l’ont montré au début de ce programme, avec leurs danses, ce que ça va exiger de nous pour montrer aux gens que nous sommes humains aussi. Parce que, comme je l’ai observé par leurs danses, leurs costumes, c’est un processus que nous aussi devrons suivre pour retrouver notre identité.

L’autre aspect extrêmement important, c’est notre langue. Notre identité. Nous ne sommes pas autochtones, nous sommes les peuples d’origine de ces pays. Nous sommes les Lakota, ou Dakota, les Cheyennes, les Dineh ou les Choctaw. Quel qu’aient été les noms originaux, ce qu’étaient leurs noms originaux au début des temps, c’est de ça qu’il s’agit. Et si nous les traduisons en anglais ou en français, ils signifient tous Les Gens [et Kanak signifie ‘Homme’]. Alors, ce qu’ils veulent faire c’est effacer la mémoire de qui nous étions à l’origine. Et pour moi, c’est cela, la colonisation. Et tant qu’ils perpétueront ce système dans nos communautés, nous continuerons à nous battre, nous continuerons la lutte contre ce système. Même s’il n’y a pas de solution, ou peut-être même pas de réponse à ça. C’est tout ce que le gouvernement veut, créer assez de chaos pour nous aveugler.

Donc, nous devons revenir à nos débuts. Peu importe d’où nous venons. Notre peuple a toujours regardé quatre couleurs sacrées: le jaune, le noir, le rouge, le blanc. Nous avons tous eu une origine dans le temps, nous avons tous dû apprendre de quelque chose. Ainsi, les instructions qui nous ont été données à l’origine sont ce qui nous constitue. Mais, quelque part sur le chemin, nous les avons perdues. Je dis ‘nous tous ensemble’, mais alors, je ne veux pas dire ‘nous’, les Indiens d’Amérique du Nord, parce que nous sommes tous embarqués dans cette lutte avec vous. Merci.”