Par Brenda Norrell
Censored News
14 février 2023
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan

BLACK MESA, Arizona – Peabody Coal a enlevé 341 Navajo et Hopi de leurs sépultures pour extraire du charbon, un instrument de génocide, d’oppression et de déportation.

L’Université du Sud de l’Illinois a encore plusieurs millions d’objets volés à Black Mesa par Peabody Coal, certains datant de 8000 ans.

Au cours de ce tragique voyage, les ancêtres ont été envoyés à cinq musées – dans le Colorado, l’Illinois, le Massachussetts et le Nevada, et finalement au Musée du Nord de l’Arizona, à Flagstaff – avant d’être à nouveau inhumés dans leur terre natale.

Louise Benally, Diné de Big Mountain, dit « La compagnie Peabody Coal n’a aucun respect pour quoique ce soit ni qui que ce soit, il n’y a que leur avidité qui compte. » Louise Benally répondait à une interview en 2013, après la découverte du déplacement des ancêtres.

« Ils volent les âmes des ancêtres qui reposaient dans la terre. Les os doivent être laissés tranquilles » dit Louise, qui a passé sa vie à résister à Peabody Coal et à la déportation.

Le vol des ancêtres par Peabody Coal avait commencé 45 ans plus tôt sur Black Mesa.

Aujourd’hui, Nicole Horseherder, Diné, de Big Mountain, sur Black Mesa, et directrice de To Nizhóní Ani, dit que les gouvernements tribaux Navajo et Hopi ont été pris en otage.

« On n’en finit jamais de l’exploitation de la Compagnie de l’Ouest de Peabody Coal. Ils ont pris plus de 24000 hectares de terres pour la mine, ont dressé les familles les unes contre les autres, ont détruit les nappes phréatiques peu profondes et l’eau des sources*, mis en danger l’équilibre des nappes phréatiques profondes, et déterré nos ancêtres pour les envoyer dans des musées et des institutions sans notre consentement.

« C’est une honte que la Nation Navajo et la Tribu Hopi se soient laissées prendre en otage pendant 50 ans, mais les membres de la communauté Diné savent que les objets archéologiques et les restes d’ancêtres devraient être rendus pour être à nouveau enterrés » dit Nicole Horseherder à Censored News.

Nicole dit que les Diné qui vivent sur leur terre n’ont jamais été informés de la réinhumation de certains ancêtres.

« Le fait que nous n’ayons été ni informés ni consultés est un testament de la perfidie de Peabody Coal envers les communautés Navajo. Nous avons eu une relation raciste avec Peabody depuis qu’on leur a accordé des baux pour extraire du charbon. »

Depuis 1968, Peabody a déterré 200 ancêtres de leurs sépultures en creusant pour extraire du charbon de Black Mesa. D’autres ancêtres ont été retirés de leurs tombes près de Kayenta, pour faire place au chemin de fer qui transportait du charbon à la centrale de Page, selon une note de la NAGPRA [Loi sur la Protection et le Rapatriement des Tombes Autochtones].

C’était le Prescott College et l’Université du Sud de l’Illinois qui a effectué le ‘Projet Archéologique de Black Mesa’ – un euphémisme pour couvrir l’horreur d’ouvrir des tombes et de voler des ancêtres et leurs anciennes possessions. Le Prescott College a annoncé avoir fait faillite, à l’époque, selon la note de la NAGPRA qui relate en détail ces horreurs.

Vernon Masayesva, ex-président tribal Hopi, dit « je suis furieux que mes ancêtres aient été déterrés, émiettés et envoyés aux universités pour être étudiés. »

Le Guardian a publié un reportage sur la lutte pour ramener les ancêtres chez eux en 2014. Cependant, il a fallu encore cinq ans avant que les ancêtres soient réinhumés.

« Les os sont un sous-produit de l’extraction minière » dit Nicole Horseherder, une militante du groupe de base Navajo Tó Nizhóní Ání. « Ils auraient dû avoir un projet pour les réinhumer… Au lieu de cela, ils ont créé une situation qu’ils ne savent pas réparer. »

Un rapport du Corps des Ingénieurs de l’Armée décrivait les conditions déplorables dans lesquelles les ancêtres étaient conservés à l’Université du Sud de l’Illinois. On avait pénétré dans les lieux par effraction et des objets avaient disparu.

Alan Downer, un ancien responsable de la conservation pour la Nation Navajo, dit que la tribu n’avait jamais autorisé à prêter des restes à une professeure, Debra l. Martin, qui enseigne à l’Université du Nevada à Las Vegas. Il dit avoir été « choqué de découvrir » il y a environ huit ans, qu’elle avait des os depuis 1980, selon le Guardian.

Plusieurs millions d’objets archéologiques pris à Black Mesa sont toujours à l’université.

Une anthropologue de l’Université du Nord de l’Arizona, Kelley Hays-Gilpin, qui avait participé aux fouilles, écrivit avoir vu, lors d’une excavation de Peabody, des os humains écrasés par la machinerie de la mine et des ruines anciennes creusées par une pelleteuse, selon l’article du Guardian.

Ramener les ancêtres chez eux

Richard Begay, responsable de la conservation historique Navajo, et Stewart Koyiyumptewa, responsable de la conservation culturelle Hopi, ont travaillé ensemble pour ramener les ancêtres pour les réinhumer. Ils ont commencé en 2017, selon le Southern Illinoisan, un journal de l’Illinois.

Begay dit « Nous croyons que les restes spirituels de ces gens sont toujours à Black Mesa, bien qu’ils se languissent depuis longtemps.

« Nous voulions être sûrs de leur donner une sensation de paix. »

Avant la réinhumation, les objets funéraires sont restés à Carbondale (Illinois), alors que les restes humains avaient été transférés à un chercheur de l’Université du Nevada, à Las Vegas.

« Des représentants Navajo et Hopi sont allés à Las Vegas pour ramener les squelettes en Arizona. Ils sont aussi allés deux fois à Carbondale pour récupérer les objets funéraires et les ramener en Arizona. »

Les ancêtres ont été enterrés par des Navajo et Hopi, avec leurs propres cérémonies, en mai 2019, près du lieu où ils avaient été retirés, selon le Southern Illinoisan.

Roberta Blackgoat : Peabody Coal creuse le foie de Notre Mère la Terre

Roberta Blackgoat [décédée en 2002], qui a passé sa vie à lutter contre Peabody Coal et à résister à la déportation, dit « Notre Mère la Terre est comme un être humain. C’est comme si elle subissait de nombreuses opérations chirurgicales partout, et la poussière s’échappe et se dépose dans nos poumons. Ça cause le cancer et ce genre de maladies. Nos jeunes ont été envoyés au-delà des mers et utilisés pour leur langue et pour tuer des gens pour Washington. [Pendant la 2ème Guerre Mondiale, les Navajos mobilisés étaient envoyés se battre contre les Japonais. Ils ont développé un code en langue Navajo pour communiquer, les Japonais n’ont jamais réussi à le décoder. ‘Washington’ signifie le gouvernement U.S. pour les Navajos]. À part ça, nous ne sommes même pas reconnus comme des humains. Nous avons besoin d’être connus. »

« La chose la plus importante que nous avons mentionnée, dans cette région, c’est l’Autel, qui nous a été donné par les Gens Sacrés, et que les Quatre Montagnes Sacrées au milieu desquelles nous, les Diné, vivons est comme un hogan, et là où nous vivons sur Black Mesa c’est l’Autel. Et c’est précisément là qu’ils creusent le foie de Notre Mère la Terre, le charbon. Alors, nous nous battons pour protéger notre Autel, en ce moment. C’est la loi qui a été faite pour les Diné. »

« Nous ne le faisons pas seulement pour les êtres humains vivant maintenant. Nous pensons plus loin, toujours plus loin, pour les générations à venir, afin qu’ils puissent avoir une vie heureuse sur la planète. Nous voulons mettre fin à ces pollutions pour que nos jeunes puissent vivre sainement après nous. C’est comme cela que la prière et les chants sacrés ont été faits – c’est notre voie, pour un mode de vie sain. »

*Pour liquéfier le charbon et le transporter jusqu’à une centrale électrique.