Par Indigenous Action Media
8 octobre 2021
Traduction Christine Prat

Les organisations Autochtones à but non-lucratif sont le problème.

Le Complexe Industriel Non-Lucratif [Non-profit Industrial Complex – NPIC – ci-après CINL] est un système de relations conçu par les forces coloniales et capitalistes pour gérer et neutraliser les véritables organisations radicales.

  1. Le Complexe Industriel Non-Lucratif [CINL] est par essence profiteur et colonial.
    Le CINL a été établi pour gérer les groupes sociaux et environnementaux avec la même structure que les grandes entreprises. Les Organisations à But Non-Lucratif [Non-Profit Organizations – NPOs – ci-après OBNL] cooptent la dynamique du mouvement dans des campagnes qu’ils arrivent à contrôler et à capitaliser. Fondées sur le modèle de la charité, les OBNL concentrent leurs ressources dans la construction du pouvoir organisationnel, et non du pouvoir de la communauté, et par là dépouillent l’organisation radicale libératoire de première ligne de ressources essentielles, tout en reproduisant ou prolongeant l’inégalité et les hiérarchies sociales.
  2. Le Complexe Industriel Non-Lucratif entretient le capitalisme.
    Des familles, des individus, des fondations riches, des classes possédantes et des grandes compagnies utilisent le CINL pour protéger leur fortune des impôts. Ces capitalistes donnent des millions mais économisent bien plus de millions en profitant de la déductibilité des impôts des CINL. Ils n’ont pas le but sincère de mettre un terme aux injustices qu’ils ont souvent perpétuées et dont ils profitent.
  3. Les Organisations à But Non-Lucratif sont responsables devant leurs donateurs, pas leurs communautés.
    les rapports sur le financement de la plupart des OBNL ne sont pas transparents. Elles opèrent avec un certain niveau de secret pour s’assurer que les communautés désespérées, auxquelles elles imposent leur représentation, ne voient pas quel profit ils tirent de leur misère. Ils conçoivent souvent des budgets gonflés pour leur gain personnel et ne sont pas créatifs de ressources. En dernière analyse, ils créent des incitations à exploiter les luttes.
  4. Les Organisations à But Non-Lucratif encouragent des relations de pouvoir abusives.
    À cause de leur structure artificielle, et de la nature de l’attribution de postes comme ‘emplois’ du mouvement ou comme titres professionnels, la culture de la sécurité et les pratiques intersectionnelles sont presque toujours compromises dans ces groupes. Le plus souvent, les qualifications sont limitées à ceux qui ont des dossiers universitaires ou d’activisme, et ne sont pas fondées sur le dévouement ni l’engagement pour les causes défendues, ni sur le gros travail nécessaire pour faire face à des actions et des conduites répressives. Les OBNL Autochtones hiérarchiques sont facilement corrompues par le copinage, le népotisme et l’hétéro-patriarcat. Les « leaders » exploitent généralement les causes pour construire leur capital social et leur pouvoir. Une fois ces organisations établies, les individus abusifs qui les gèrent ont souvent les mains libres, à cause d’un manque de responsabilité fondée sur la communauté, et de leurs positions attitrées qui les absolvent de causer du tort. Les OBNL sont aussi des gardiennes notoires qui ont transformé et déformé ce pourquoi des mouvements politiques de la base, comme l’abolition et l’aide réciproque, avaient combattu dans l’histoire. Elles sapent aussi et délégitimisent les radicaux, dont elles cooptent le travail tout en canalisant et accumulant les ressources de ces individus, groupes ou activités. D’une manière générale, elles aliènent implicitement les tendances radicales par leur existence même, ce qui ne compromet pas seulement des ressources et du soutien potentiels, mais aussi leur sécurité. La professionnalisation de l’activisme et des mouvements en a piégé beaucoup, par le solide mensonge de l’indépendance et des relations réifiées qui sont dans une tension constante avec la pratique réelle de l’Aide Mutuelle.
    Les OBNL ont aussi collaboré ouvertement avec les agences de l’état et les forces de l’ordre, pour dénoncer, distancer et criminaliser les radicaux. Ceci a historiquement régulé notre résistance à ces structures répressives.
  5. Les stratégies des Organisations à But Non-Lucratif sont explicitement réformistes.
    En dépit du jargon radical et révolutionnaire de décolonisation qu’elles emploient, les OBNL ne veulent pas mettre fin au colonialisme et au capitalisme, parce qu’elles n’auraient pas d’emploi sans ces systèmes d’oppression. Les OBNL observent les mouvements et les cassent en campagnes gérables conformes aux conditions posées par les grandes fondations capitalistes pour obtenir des subventions. Elles éradiquent les tendances radicales en s’organisant avec des tactiques de gestion telles que « Désobéissance Civile Non-Violente » et redirige l’énergie populaire afin de mendier des concessions des politiciens coloniaux. Leur langage peut être radical, mais leurs actions sont modelées par la respectabilité et la légitimité qu’elles cherchent à maintenir auprès de leurs donateurs capitalistes et pour leurs buts politiques. Les colonisateurs ne vont pas renoncer à leur pouvoir par de la mauvaise publicité, les élections ou du lobbying agressif. Ces tactiques servent à renforcer le pouvoir colonial et à déradicaliser tous les efforts libérateurs.
  6. Les Organisations à But Non-Lucratif Peuvent Perpétuer une Fausse Représentation.
    Certaines OBNL paraissent être conduites radicalement par des Peuples Autochtones, mais leurs financiers ne sont pas Autochtones et elles n’ont pas de connexion réelle avec les communautés et les luttes qu’elles prétendent représenter. Seeding Sovereignty, en tant que mouvement conduit par des Non-Autochtones, est un exemple de base de cette mystification insidieuse et de course au profit. D’autres OBNL peuvent être dirigée par des Peuples Autochtones et fondées sur un mouvement de la base, et pourtant utiliser ces mouvements comme tremplin pour des gains personnels (financiers ou en influence) ou pour poursuivre des carrières politiques. Etant donné leurs ressources (et leur accès à des ressources), elles dominent souvent les discours des luttes. Agissant comme seules voix des questions Autochtones, beaucoup de OBNL dans le Mouvement pour la Justice Climatique ont des agendas dirigés par des OBNL sociales et environnementales de colons, comme 350.org ou le Sierra Club.

La stratégie générale du Complexe Industriel À But Non-Lucratif ne fait que maintenir les relations de pouvoir et le capitalisme.

Des groupes comme le Collectif NDN sont les meilleurs exemples des problèmes dus au Complexe Industriel Non-Lucratif. Ils ont coopté le terme ‘collectif’, qui est une pratique radicale non-hiérarchique, mais sont structurés avec un président et un PDG. Ils achètent et entretiennent de la propriété privée en tant que campagne ‘Rendez les Terres’, qui n’est pas une action radicale anticoloniale destinée à construire l’autonomie Autochtone, mais une stratégie capitaliste. Leur PDG est payé plus de 200 000 dollars par an et leur budget de fonctionnement annuel est de plus de 10 millions de dollars. Ils ont reçu récemment plus de 10 millions de dollars du capitaliste extrême et exploiteur de la classe ouvrière, Jeff Bezos. Le Collectif NDN s’organise avec l’idée de ‘Décoloniser la Richesse’, ce qui n’est en fait qu’une stratégie de marketing pour réduire en marchandises et gagner de l’argent des luttes Autochtones. Au plus haut point de la pandémie de COVID-19, en 2020, les Organisations Autochtones à But Non-Lucratif se sont précipitées pour s’approprier des fonds et appeler leurs actions ‘Aide Mutuelle’, alors qu’elles distribuaient des fonds et des ressources sous forme d’assistanat. Ce n’est pas de l’aide mutuelle, mais des actes de charité qui servent à maintenir les communautés dans la dépendance vis-à-vis des systèmes hiérarchiques et exploiteurs que nous voulons abolir.

Le Complexe Industriel à But Non-Lucratif est une barrière à la construction d’un pouvoir collectif vers la libération.

Le capitalisme Autochtone n’est pas la libération. Il faut détruire le Complexe Industriel à But Non-Lucratif !

Financez et soutenez directement les communautés de base en première ligne et les groupes et organisateurs Autochtones autonomes.

Voir aussi (en anglais) :

The Revolution Will Not Be Funded: Beyond the Non-Profit Industrial Complex
Decolonization is not a metaphor
Anti-History : An Indigenous Anti-Capitalist Analysis
Nonprofit Industrial Complex 101: a primer on how it upholds inequity and flattens resistance
What’s the Nonprofit Industrial Complex and why should I care?