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FAILLITE DE PEABODY: LES NAVAJO DEMANDENT UNE TRANSITION VERS L’ECONOMIE DURABLE

 

COMMUNIQUE à partager et diffuser le plus largement possible :
14 avril 2016
Publié sur Censored News
Traduction Christine Prat

 

Contacts :

Jihan Gearon
Directrice Exécutive
Black Mesa Water Coalition
(00 1) 928 380 6684

Wahleah Johns
Coordinatrice du Projet Solaire pour Black Mesa
Black Mesa Water Coalition
(00 1) 928 637-5281

 

LA DECLARATION DE FAILLITE DE PEABODY N’EST « PAS UNE SURPRISE » :
LES MEMBRES DE LA TRIBU NAVAJO DEMANDENT UNE TRANSITION JUSTE VERS UNE ECONOMIE DURABLE

NATION NAVAJO, Arizona – La plus grande compagnie charbonnière du pays, Peabody Energy Corporation, s’est enregistrée pour bénéficier de la protection du statut de faillite auprès du 11e Chapitre mercredi dernier, alors que l’industrie du charbon se débat avec la baisse du prix du gaz naturel et l’application plus stricte des règles fédérales. Peabody possède des titres de propriété dans 26 mines en Australie et aux Etats-Unis, entre autres la Mine de Kayenta, située dans la région de Black Mesa de la Nation Navajo. Cette déclaration de faillite amène beaucoup de communautés Navajos à demander ce que cela signifie en termes de responsabilité de Peabody envers les ouvriers, les soins de santé et la dépollution des terres et de l’eau de la région, et d’une économie de transition.

« Les réactions diverses des Navajo à la déclaration de faillite de Peabody en disent long » dit Jihan Gearon, Directrice Exécutive de l’ONG Navajo Black Mesa Water Coalition (BMWC). « Certains s’en réjouissent, y voyant la fermeture potentielle de la Mine de Kayenta et la fin de la pollution par le complexe charbonnier de l’environnement et de ses effets sur la santé des gens. D’autres s’inquiètent de la possible perte d’emplois et de l’impact sur l’économie de la Nation Navajo. Cependant tout le monde appelle à un engagement de Peabody et des membres du gouvernement de remplir leur obligation de dépolluer et de soutenir une transition juste vers une nouvelle économie. »

« Avant que les comptes bancaires de Peabody ne soient en faillite, ils avaient déjà mis en faillite l’état naturel de mes terres ancestrales, vidé et pollué notre seule source d’eau potable, profané des sites sacrés et perturbé notre obligation de prendre soin de notre Mère la Terre. De toute évidence, le modèle économique de Peabody est en faillite sur tous les plans » dit Wahleah Johns, membre de la tribu Navajo et Directrice du Projet Solaire pour Black Mesa.

« Aucun d’entre nous ne devrait être surpris de ce que Peabody se déclare en faillite » dit Enei Begay, fondateur de BMWC et membre du conseil d’administration. « Le déclin du charbon a été prévu depuis des décennies, c’est pourquoi BMWC a cherché à concentrer ses efforts sur la recherche d’une transition économique juste depuis plus de 15 ans. Je ne m’inquiète pas pour les cadres de Peabody, si nous avons appris quelque chose des renflouements de 2008, c’est qu’une compagnie et ses cadres supérieurs se sortent des crashs sans une égratignure. Mais est-ce que les Navajo et notre économie naissante seront jamais renfloués après cet effondrement de l’économie du charbon ? »

BMWC est partenaire de plusieurs autres organisations qui travaillent depuis des années pour promouvoir une transition honnête, équitable et juste pour les communautés de Black Mesa et la Nation Navajo.

  • Après la fermeture de la Centrale de Mojave (MGS) et de la Mine de Black Mesa en 2006, BMWC et d’autres créèrent la Coalition pour une Transition Juste, dont l’activité a culminé en 2013. La Commission des Services Publics de Californie a voté l’utilisation des revenus de la vente des quotas de dioxyde de soufre due à la fermeture de MGS, pour créer un fonds renouvelable de 4,5 millions par ans pour payer le développement de projets renouvelables pour la Tribu Hopi, la Nation Navajo et les contribuables de Californie.
  • En 2009, BMWC a établi la Commission et le Fonds pour une Economie Navajo Verte a sein même du gouvernement tribal de la Nation Navajo, la première législation pour une économie verte introduite par un gouvernement tribal. Le but était d’attirer des fonds fédéraux pour soutenir une transition juste et donner la capacité au gouvernement tribal d’envisager et de commencer à créer une économie plus durable et plus juste.
  • En 2011 BMWC a été l’un des cofondateurs d’un incubateur d’entreprises vertes Navajo, qui s’est maintenant développé pour devenir le Réseau Autochtone d’Incubateur d’Entreprises.
  • BMWC a mené à terme divers projets de recherche qui prouvent la viabilité d’une économie durable. Voir nos résultats [en anglais]
  • BMWC a piloté trois projets, qui prouvent à la fois la viabilité de – et démontrent le potentiel pour – une  économie qui construit sur la base de la culture Navajo et ses points forts, et donne la priorité au caractère durable et à la justice. Ce sont le Projet Solaire de Black Mesa, le Projet d’Amélioration du Marché de la Laine Navajo, et le Projet de Souveraineté Alimentaire.

« Chaque jour, des membres de la communauté Navajo travaillent à la transition vers une économie verte, je travaille depuis des années avec de nombreux partisans tribaux du solaire, et le futur solaire des Navajo est plus brillant que jamais. Mais ça a été difficile d’adopter complètement le solaire pour l’avenir, parce que notre gouvernement tribal était lié à un marché du charbon en train de sombrer » dit Wahleah, qui est aussi Commissaire à l’Economie Verte de la Nation Navajo. « Je suis persuadée que les investissements dans le solaire sont un des grands moyens de pouvoir prendre soin de notre territoire tout en prenant soin des gens. »

« La faillite de Peabody démontre la montagne d’instabilité et réflexion à court terme associées aux marchés spéculatifs » dit Roberto Nutlouis, Coordinateur du Programme de Restauration Economique de la BMWC. « En tant que Navajos, notre culture nous dit que notre économie traditionnelle et les systèmes sociaux compliqués que nous défendons, c’est ce qui va vraiment durer. »

« La faillite de Peabody montre que la transition a déjà commencé pour la Nation Navajo » ajoute Jihan. « C’est à nous, en tant que Navajos, de déterminer comment cette transition se passera et ce qu’elle créera. La Nation Navajo doit prendre des mesures décisives pour se distancer de cette économie instable reposant sur des carburants fossiles et mettre en route un projet de transition juste, vers une économie durable, maintenant plus que jamais. »

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Plus d’informations [en anglais] sur nos partenaires et alliés sur : http://www.ourpowercampaign.org/press-release-peabody-just-transition/

Jihan R. Gearon
Executive Director
Black Mesa Water Coalition
P.O. Box 613
Flagstaff, AZ 86002
Email: jihan.gearon@gmail.com
Office: 928-213-5909
Fax: 928-213-5905

Dons à BMWC: https://donatenow.networkforgood.org/blackmesawatercoalition

Pour plus d’infos:
<http://www.blackmesawatercoalition.org>
<http://www.ourpowercampaign.org/>
<http://www.storybasedstrategy.org>

 

 

Par Lyla Johnston
2 janvier 2015
Traduction Christine Prat

HUERFANO, Nouveau-Mexique – A l’aube du 6 janvier 2015, un groupe de jeunes femmes Diné (Navajo) et leurs supporters se rassembleront près d’une caserne de pompiers au pied de Dził Na’oodiłii (Mont Huerfano). De là, le groupe entreprendra une marche de 350 km à travers l’est du Nouveau-Mexique – en hommage au 150ème anniversaire de la tragique « Longue Marche ». Au cours de ce voyage, ils ont l’intention de faire prendre conscience des défis historiques et présents auxquels les Diné sont confrontés, et d’inspirer des solutions pour résoudre ces problèmes.

Les organisateurs lancent un appel à la communauté pour les soutenir en marchant avec eux, en les hébergeant ou en les aidant à se procurer le matériel de base. Le premier voyage se terminera à Tsoodził (Mont Taylor), leur montagne sacrée du sud. Trois autres marches seront organisées, au printemps, durant l’été et en automne, afin que chacune des quatre montagnes sacrées* soit visitée. Les marcheurs comptent parcourir 1600 km en 2015.

L’évènement commémoré a eu lieu en 1864, quand le Colonel Christopher ‘Kit’ Carson – sous le commandement du Général James Carleton – a appliqué une politique impitoyable de terre brûlée pour soumettre les Diné. A l’époque, près de 9000 Diné et 500 Apaches Mescalero, hommes, femmes, enfants et vieillards, ont été forcés de marcher à la pointe du fusil sur 480 km jusqu’à un petit morceau de terre aride connu sous le nom de Bosque Redondo, au Nouveau-Mexique. Beaucoup d’entre eux ont péri en route.

Pendant leurs quatre années d’internement dans cette ‘réserve expérimentale’** – appelée en Diné Hwééldii ou ‘lieu de la souffrance’ – des centaines sont morts de faim, de maladie et de violence physique. En 1868, le coût élevé des rations et des soldes des soldats ont conduit le gouvernement fédéral à annuler l’expérience et les libérer, les laissant retourner à Diné Tah, la patrie des Navajo.

« Nous marchons pour rendre honneur à la résilience de nos ancêtres qui, il y a 150 ans, ont été forcés de marcher sur des centaines de kilomètres au cours d’un hiver mortel, pour une marche génocidaire » dit Dana Eldridge, l’une des femmes organisatrices de la marche. « Ils ont tant sacrifié et tans souffert pour que nous puissions vivre au milieu de ces quatre montagnes sacrées. Alors nous marchons pour les honorer. »

D’après les organisateurs, la marche n’est pas une simple répétition de la Longue Marche, mais un retour au style de vie traditionnel.

« C’est quelque chose que les gens ne connaissent plus. Nous avons le confort d’avoir des véhicules. Mais marcher tout un voyage est quelque chose de révolutionnaire en un sens » dit le jeune organisateur Nick Ashley, de Gallup, au Nouveau-Mexique.

« Nos ancêtres ont marché afin que nous puissions être ici, dans notre pays, pour chanter, danser et prier leurs chants d’alors. Mais maintenant tout le monde poursuit le Rêve Américain et néglige notre pays, notre langue et notre mode de vie » dit Kimberly Smith de St. Michaels, en Arizona.

Plusieurs Anciens Diné, parmi lesquels Larry W. Emerson, pensent que les problèmes actuels pourraient être causés par « un abandon de soi-même. »

« L’un des buts de la marche pourrait être de nous ramener à nous-mêmes par le savoir traditionnel – dans nos foyers, nos familles, nos parents, nos communautés et le savoir de la terre et du ciel. Ké et k’é hwiindzin – être conscient de nos relations interdépendantes fondées sur la compassion, l’amour et l’éducation mutuelle – sont vitaux pour notre survie et nous ne pouvons pas revenir à nous-mêmes sans ces enseignements essentiels. [Nous] offrons plusieurs enseignements [aux marcheurs] pouvant concerner la pratique du retour à nous-mêmes chez nous, entre autres des chants de prière. »

D’après les organisateurs, la prière fondée sur la terre est une partie importante de leur voyage. « Tout ce que nous faisons est une prière pour retourner à notre être d’origine » dit Laura Red Elk de Pueblo Pintado, au Nouveau-Mexique. « Les montagnes étaient nos naat’áanii [leaders] d’origine, avant les gouvernements selon l’Indian Reorganization Act [de 1934] ou les conseils tribaux. Etant donné que notre gouvernement échoue à nous protéger, nous retournons à notre direction d’origine en laissant les montagnes déterminer comment nous marchons à travers notre terre. »

Les organisateurs et leurs Anciens ont choisi d’appeler leur mouvement « Nihígaal Bee Iiná » ou « Notre Voyage pour l’Existence. » A cause de la présence de l’uranium, du charbon et de l’extraction de gaz, largement répandus sur tout le territoire de Diné Tah, les organisateurs ont le sentiment que leur situation environnementale a atteint un point d’explosion.

« Il y a cent cinquante ans, nos ancêtres ont vu leur extinction en face. Et aujourd’hui, nous les jeunes voyons notre extinction en face. Notre foyer va devenir une friche toxique invivable si rien n’est fait » dit Dana Eldridge.

D’après l’Agence de Protection de l’Environnement des Etats-Unis [EPA], près de 4 millions de tonnes d’uranium ont été extraits de Diné Tah depuis 1944. Avec plus de 500 mines d’uranium abandonnées dans la région, les maisons et les sources d’eau sont contaminées avec des taux de radiation élevés.

De plus, plus de 20000 tonnes de charbon par jour sont extraites par explosion, de mines à ciel ouvert, des terres Diné et Hopi, rien que par la firme Peabody Coal. Ce charbon alimente la Centrale Navajo, estimée par l’EPA comme étant le premier émetteur d’oxyde nitrique toxique des Etats-Unis.

Les organisateurs prévoient que la prochaine menace majeure sera le boom du pétrole et du gaz naturel obtenus par fracturation hydraulique – un procédé qui vient d’être interdit dans l’état de New York.

Erin Konsmo, du Réseau pour la Santé Sexuelle des Jeunes Autochtones d’Alberta, au Canada, dit que l’extraction de ressources n’est pas seulement une menace pour l’environnement : « Certains des plus forts taux de disparitions et de meurtres de femmes se trouvent dans les zones d’extraction de sables bitumineux. C’est lié aux camps de travailleurs et au manque de protection juridique pour les femmes sur les terres tribales. » Les organisateurs indiquent que la forte présence d’industries d’extraction a un effet similaire pour les femmes Diné***.

« Nous donnons la vie et nous l’entretenons, comme fait la terre. Notre structure de direction traditionnelle est matrilinéaire parce que nous sommes la colonne vertébrale de la société, nous donnons les premiers enseignements aux enfants. Nous voyageons pour retourner à notre moi d’origine, y compris notre responsabilité en tant que femmes de protéger la terre et d’en prendre soin » dit Laura Red Elk.

« C’est une raison de plus pour que cette marche soit conduite en majorité par des femmes. Dans la mesure où elles prennent soin de la terre, leur présence physique est en soi et pour soi une résistance à l’extraction minière » dit Konsmo.

Le salaire hebdomadaire des mineurs et travailleurs des centrales Diné rappelle constamment leur dépendance économique de l’industrie du carburant fossile. Les marcheurs espèrent faire prendre conscience de l’autosuffisance comme alternative à l’économie d’extraction minière. Ils disperseront les graines de maïs ancestrales dans les communautés le long de leur trajet et parleront de la souveraineté et de l’autonomie alimentaires.

« On nous dit d’investir dans notre propre destruction au nom de l’économie » dit Dana Eldridge. « Les gens disent que nous avons besoin de ces emplois, mais ce n’est pas vrai. Çà demandera une incroyable quantité de travail de prendre soin de nous-mêmes, mais c’est un beau rêve et en plus, c’est possible. »

Les organisateurs appellent d’autres à les rejoindre, spécialement s’ils sont Diné, pour faire une partie de la marche.

Kimberly Smith résume l’esprit de la marche en ces termes : « Nous devons retourner là où la sagesse est intrinsèque. Nous devons nous faire connaître à nouveau par ces lieus. C’est notre droit et notre responsabilité inhérents. La motivation dont notre peuple a besoin est là. Nous devons le rendre à notre peuple, nous voulons honorer nos Anciens, nos enfants, et, plus important, nous voulons honorer la Terre. »

Pour plus d’informations sur « Le Voyage Pour l’Existence » contacter nihigaalbeeiina@gmail.com .
Pour soutenir la campagne de financement du groupe aller sur le site : http://igg.me/p/1055200/x.

Lyla Johnston
2 janvier 2015
(00 1) (575) 779 4443

 

* Les quatre montagnes sacrées qui délimitent le territoire d’origine des Navajo : au sud, le Mont Taylor (Nouveau-Mexique), à l’ouest, les San Francisco Peaks (Arizona), au nord, le Mont Hesperus (Colorado), à l’est le Pic Blanca (Colorado). [NdT]

Courtesy Lyla Johnston

 

** En fait, ce fut le premier ‘camp de concentration’ : il a servi de modèle, d’abord à Lord Kitchener en Afrique du Sud, puis aux Nazis qui s’y sont spécifiquement référés. Se ce n’est pas allé jusqu’à l’extermination totale, c’est, comme il est dit dans l’article, faute de moyens pour entretenir les soldats qui gardaient le camp: il faut se souvenir que çà s’est passé pendant la Guerre de Sécession, que l’armée yankee combattait les Sudistes et disposait de fort peu de moyens en hommes et en matériel à mettre ailleurs. [NdT]

*** Les Lakota et Dakota du Dakota du Sud se sont aussi plaints des agressions de femmes aux alentours des camps de travailleurs construisant le pipeline, voir les articles suivants:
Faith Spotted Eagle Yankton Dakota, 24 avril 2014
(F. Spotted Eagle a dit que les ‘camps masculins’ pour les équipes des compagnies pétrolières avaient accru la violence envers les Nations Indiennes. Une femme Yankton sur trois a été agressée sexuellement par des non-Indiens, dit-elle)
Lakota de Rosebud, Christine Prat, 15 avril 2014
Société de la Femme Bison Blanc, 17 août 2013