Geronimo et des guerriers au Mexique, 1886
LA NOUVELLE GOUVERNEURE DU NOUVEAU-MEXIQUE ABROGE QUATRE PROCLAMATIONS GÉNOCIDAIRES D’ANCIENS GOUVERNEURS DE LA FIN DU XIXÈME SIÈCLE
Par Brenda Norrell
Censored News
11 octobre 2022
Español
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan
SANTA FE, Nouveau-Mexique – La Gouverneure du Nouveau-Mexique Michelle Lujan Grisham a abrogé des ordres de gouverneurs des années 1800, qui visaient les Navajos et les Apaches pour être chassés et assassinés par la milice.
La mesure de la gouverneure est le résultat d’une longue recherche par l’historienne de Santa Fe Valerie Rangel, qui a documenté le génocide et a appelé la gouverneure à agir.
Les ordres infâmes et racistes du Gouverneur Calhoun, dans ses proclamations de 1851, demandaient d’exclure les résidents Autochtones des recensements officiels et d’autoriser les milices à « poursuivre et attaquer » les Autochtones du Nouveau-Mexique.
Les proclamations de 1869, publiées par les Gouverneurs Mitchell et Pile, déclaraient les Apaches et les Navajos « hors-la-loi » et autorisaient les résidents du Nouveau-Mexique à utiliser la violence contre eux, et même à les assassiner.
Au cours de sa recherche, l’historienne de Santa Fe Valerie Rangel a trouvé des récompenses pour des ‘scalps’ et des annonces dans des journaux au-delà du Nouveau-Mexique offrant des récompenses.
Dans sa lettre poignante à la gouverneure, V. Rangel fournit des éléments de recherche qui révèlent le génocide – tandis que les Navajos, les Apaches et les Pueblos luttaient pour survivre.
Dans sa lettre, V. Rangel fournit des documents sur l’emprisonnement de Navajos et d’Apaches à Bosque Redondo et les récompenses sur leurs vies.
Elle déclare que pendant le massacre du Camp Grant, le 30 avril 1871, les troupes des Etats-Unis ont tué et mutilé 144 Apaches, et scalpé presque toutes les femmes. Vingt-neuf enfants furent capturés et vendus comme esclaves au Mexique.
« Au milieu des années 1880, la Commission du Comté de Grant, située à Silver City, déclara une récompense de 250 dollars par scalp Apache. Des Ranchers près de Las Cruces offrirent une récompense privée de 500 dollars pour le scalp de Geronimo. »
« En 1909, le journal du Comté de Sierra publia les procédures du Commissionnaire qui déclaraient que 35 individus avaient reçu un total de 707 dollars de récompense pour des scalps, » dit V. Rangel dans sa lettre.
V. Rangel souligne que les Autochtones du Nouveau-Mexique ont lutté pour survivre aux colonisateurs violents et meurtriers de trois pays : l’Espagne, le Mexique et les Etats-Unis.
Le Diné Earl Tulley Remercie V. Rangel et la Gouverneure
« L’auteure de la lettre demandant à la Gouverneure du Nouveau-Mexique d’abroger des proclamations vieilles d’un siècle a des racines Apache et Navajo » dit Earl Tulley à Censored News.
« Merci à Valerie Rangel d’avoir eu le courage d’écrire sur un crime, et merci à la Gouverneure Michelle Lujan Grisham pour avoir appliqué un Ordre Exécutif » dit Earl Tulley.
« C’est à présent le bon moment pour réagir et parler des actes et des paroles. »
« Je suis fier des racines de mon géniteur, également fier de la branche matriarcale, enchanté d’être témoin de la diversité actuelle de nos familles à cinq doigts. »
Soulignant que le Navajo est Matriarche, Tulley dit « Pour moi, la branche matriarcale aurait des feuilles de diverses couleurs. Notre famille n’a pas la couleur du chocolat, notre clan est biracial et biculturel, nous sommes mélangés. »
Les Racines du Nouveau-Mexique pour abroger les Ordres Génocidaires ont commencé à Sand Creek
La Gouverneure Michelle Lujan Grisham a annoncé qu’elle signé l’ordre exécutif d’abrogation des proclamations du XIXème siècle d’anciens gouverneurs du territoire, le Jour des Peuples Autochtones, lundi.
Les actes devant abroger ces proclamations au Nouveau-Mexique ont commencé quand le Gouverneur du Colorado Jared Polis abrogea en 2021 un ordre de 1864, d’un des gouverneurs territoriaux de l’état, qui conduisit finalement au Massacre de Sand Creek.
Selon Associated Press, les troupes des Etats-Unis ont tué plus de 200 Autochtones au cours d’un des moments historiques les plus sombres du Colorado.
Les recherches de Valerie Rangel l’ont menée à un livre de coupures de presse à la Bibliothèque Huntington, en Californie, qui comprend la collection la plus complète des proclamations territoriales du Nouveau-Mexique.
« J’ai commencé par voir l’histoire autour des proclamations – y avait-il un effet, avaient-elles vraiment incité à la haine ? » dit V. Rangel, qui a des racines Apaches et Navajos entre autres.
Au cours de sa recherche, elle a trouvé plusieurs récompenses pour avoir scalpé, certains comtés allant jusqu’à payer des publicités dans les journaux dans des états au-delà du Nouveau-Mexique, pour solliciter les efforts des gens. Le Nouveau-Mexique est devenu un état des Etats-Unis en janvier 1912.
V. Rangel a montré ce qu’elle avait trouvé avec des officiels tribaux et de l’état. Elle fait partie de ceux qui poussent à inclure cette partie de l’histoire dans les programmes scolaires.
« J’aimerais qu’il y ait plus de communication avec les tribus et qu’elles soient la source de l’histoire qui est enseignée » dit-elle.
La Gouverneure Pojoaque Exprime sa Gratitude pour l’Abrogation des Proclamations
La Gouverneure Pueblo Pojoaque Jenelle Roybal dit « C’est encourageant de voir que nous pouvons nous réunir et guérir en respectant les histoires tribales, le Jour des Peuples Autochtones, et je suis reconnaissante à la Gouverneure Lujan Grisham pour avoir abrogé ces proclamations. »
« Pour mon peuple, ce jour, T’owa-ví Thaa Day dans la langue Tewa, consiste à nous souvenir de notre histoire et de nos ancêtres – ceux qui étaient là les premiers. J’encourage tous les Nouveau-Mexicains et tous les citoyens des Nations, Tribus et Pueblos de réfléchir aux valeurs, aux langues et à la culture que nous célébrons aujourd’hui. »
Les ordres d’Anciens Gouverneurs du Nouveau-Mexique Abrogés
12 mars 1851, proclamation du Gouverneur James S. Calhoun
18 mars 1851 proclamation du Gouverneur James S. Calhoun
2 août 1969, proclamation du Gouverneur Robert B. Mitchell
8 septembre 1869, proclamation du Gouverneur William A. Pile
La Gouverneure Lujan Grisham dit que les proclamations de 1851 du Gouverneur Calhoun ordonnaient que les résidents Autochtones soient exclus des recensements officiels et autorisaient les milices à « poursuivre et attaquer » les Nouveau-Mexicains Autochtones.
Les proclamations de 1869, des Gouverneurs Mitchell et Pile déclaraient que certaines nations Tribales étaient « hors-la-loi » et autorisaient les résidents du Nouveau-Mexique à commettre des actes de violence contre les citoyens Tribaux.
La Gouverneure Lujan Grisham dit qu’on ne trouvait aucune trace d’abrogation de ces proclamations par des gouverneurs précédents. Alors que des proclamations sont adoptées selon le bon vouloir des gouverneurs, il leur faut un ordre exécutif pour les abroger.
Nous ne pouvons jamais récrire l’histoire ni défaire les injustices du passé, » dit la Gouverneure Lujan Grisham. « Mais nous pouvons travailler ensemble pour guérir les vieilles blessures et construire des liens plus forts entre nous. À cette fin, j’ai abrogé aujourd’hui quatre proclamations officielles fameuses de mes prédécesseurs.
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Lettre d’une historienne de Santa Fe à la Gouverneure
Gouverneure Michelle Lujan Grisham
Requête pour Abroger des Proclamations de la Période Territoriale
Chère Gouverneure Lujan Grisham,
Je suis fière de servir en tant que quatrième historienne de la Ville de Santa Fe à un moment où la Vérité est reconnue. Cette lettre a pour but de soulever une question de justice sociale qui a été cachée, et que j’ai découverte dans les archives de notre passé (Voir ci-joint le PDF des proclamations de la Période Territoriale).
Il n’est pas facile de mettre en lumière des aspects de notre sombre histoire, mais nous le faisons dans l’intention d’établir la Confiance par un dialogue honnête. La Réconciliation est le processus par lequel des groupes en conflit acceptent de réparer, mais aussi de reconnaitre les torts qui ont eu lieu. Si notre quête de Vérité et de Réconciliation est vraiment équitable, nous devons admettre le pouvoir des dynamiques qui n’ont pas affirmé la propriété Autochtone de la terre, réduit au silence certaines connaissance, certaines langues, et des expressions d’expériences vécues.
Notre sagesse collective a le pouvoir de transformer notre société, de forger des lois et des politiques sociales, et de servir de guide aux générations futures.
La proclamation du Président Biden de 2021 d’une Jour des Peuples Autochtones déclare : « Nous ne devons jamais oublier des siècles d’une campagne de violence, de déportation, d’assimilation et de terreur dont ont été victimes les communautés Autochtones et la Nations Tribales dans tout le pays. Aujourd’hui, nous reconnaissons les sacrifices énormes faits par les peuples Autochtones de ce pays et nous reconnaissons leurs nombreuses contributions, toujours actuelles, à notre Nation. »
Depuis 2016, la Ville de Santa Fe a réservé le Jour des Peuples Autochtones comme journée pour honorer et soutenir ses citoyens Amérindiens de 47 chapitres Navajo, 19 Pueblos au Nouveau-Mexique, la Tribu Apache de Fort Sill, la Nation Apache Jicarilla et la Tribu Apache Mescalero, et ses citoyens Autochtones des villes. La Ville attache beaucoup de prix aux arts Amérindiens, et aux institutions culturelles et d’éducation, qui donnent à la ville un sens du lieu si fort.
Depuis l’arrivée des Espagnols en 1540, les colonisateurs ont imposé des changements radicaux à la terre et aux modes de vie qui existaient depuis des milliers d’années, et ont commis d’innombrables injustices, que les Autochtones ont combattues pour protéger leurs terres, leurs sites sacrés et obtenir des droits souverains.
Prenez le temps de reconnaitre la force de ces communautés qui ont surmonté trois forces coloniales : l’Espagne, le Mexique et les Etats-Unis, qui menaçaient de détruire les modes de vie traditionnels, les traditions culturelles, les langues, les cérémonies, le savoir écologique et la religion.
Le Nouveau-Mexique est entré dans un processus de révision de son histoire à cause d’incidents répétés de vandalisme de statues Onate, de monuments controversés, d’enterrements autour des Ecoles Indiennes, et plus récemment de changement de nom de lieux fédéraux comportant des termes méprisants.
Selon le Traité de Guadalupe Hidalgo, signé en 1848, « la propriété de toute sorte appartenant maintenant à des Mexicains non établis là-bas sera respectée et inviolable. » Selon le traité, tout résident du Nouveau-Mexique était placé sous la loi Mexicaine. Ceux qui choisissaient de rester dans les nouvelles frontières des Etats-Unis auraient leur droit à la terre et la propriété. Le traité reconnaissait aussi des concessions de terre pueblo qui avaient été donnés par l’empire espagnol, et qui avaient été respectées sous le gouvernement mexicain.
Le 12 mars 1851, le Gouverneur Territorial du Nouveau-Mexique, James S. Calhoun, introduisit une proclamation qui appelait à un recensement exact de tous les habitants (sauf les Indiens). Nous savons maintenant que, malgré la proclamation du Gouverneur Calhoun, chaque résident aurait dû être compté dans le recensement de 1851 comme citoyen du Nouveau-Mexique, y compris les Indiens. Ce n’est qu’en 1924 que la Loi de Citoyenneté Indienne, signée par Calvin Coolidge, autorisa les Amérindiens à voter au Nouveau-Mexique.
Le 18 mars 1851, le Gouverneur Calhoun fit une seconde proclamation qui « autorisait l’attaque de toute tribu d’Indiens hostiles qui auraient pu pénétrer dans les colonies pour les piller et les dégrader… et ordonna aux résidents de s’emparer de la propriété de toute tribu d’Indiens hostile ».
Une proclamation similaire fut faite par le Gouverneur Mitchell, datée du 2 août 1869 et de septembre 1869, qui déclarait les tribus Indiennes Navajo et Apache Gila comme « hors-la-loi » et autorisait les citoyens à tuer leurs ennemis et prendre leur propriété.
Ces proclamations ont probablement incité à des crimes de haine et punissaient deux groupes ethniques entiers, pour des actions attribuées à quelques-uns. Dans les livres d’histoire que j’ai lu en grandissant, les Apaches étaient décrits comme des « Indiens hostiles » et « des sauvages assoiffés de sang qui scalpaient leurs ennemis ».
Déranger les morts est un tabou culturel pour les Navajos et les Apaches et aucune des tribus ne pratiquait le scalp [NdT – La pratique avait été introduite par les Anglais au début du XVIIème siècle. On ne sait pas si certaines tribus l’ont fait aussi par vengeance, mais en tous cas, les Navajos et les Apaches trouvaient cela répugnant et ne l’ont jamais fait]. À partir de 1835, le gouvernement mexicain de Sonora mit une récompense sur les Apaches, payant 100 pesos pour chaque scalp d’un mâle de 14 ans ou plus.
« Des Navajos ont essayé d’attaquer les soldats, de voler leurs chevaux, des Navajos ont été capturés, fait prisonniers, il y avait une squaw parmi eux, peut-être une espionne, des femmes, certaines tuées, des pertes, certaines ont été scalpées, et des moutons, du bétail, récupéré. Un officier commenta que les Navajos ne scalpaient pas leurs ennemis, mais que c’était une pratique tolérée dans les troupes Fédérales. »
D’après le journal de la Campagne Navajo de Christopher Carson, première partie
Bien que la Proclamation d’Emancipation soit publiée le 1er janvier 1863, le massacre du Camp Grant, le 30 avril 1871, est un exemple du traitement brutal qui conduisit à la perte de vies et à des actions punitives infondées. Au cours de cette attaque conduite par des troupes U.S., 144 Apaches furent tués et mutilés, presque tous scalpés. » Selon des sources historiques, vingt-neuf enfants ont été capturés et vendus comme esclaves au Mexique.
Au milieu des années 1880, la Commission du Comté de Grant, située à Silver City, annonçait une récompense de 250 dollars par scalp Apache. Des Ranchers près de Las Cruces offrirent une récompense privée de 500 dollars pour le scalp de Geronimo.
En 1909, le journal du Comté de Sierra publia les rapports du Commissaire, qui déclarait que 35 individus avaient reçu un total de 707 dollars de récompense pour des scalps.
Des soldats de l’Union de la Guerre Civile ont eu l’instruction d’utiliser la force militaire et une politique de terre brûlée, qui brûla des maisons, des champs et des vergers des Diné – en une tentative de les affamer pour les soumettre. 500 Apaches Mescalero, une tribu migrante de chasseurs-cueilleurs depuis de milliers d’années, furent fait prisonniers dans un camp d’internement à Fort Sumner [Bosque Redondo]. De 1863 à 1868, 8000 Navajos y furent aussi retenus de force. Durant l’internement à Bosque Redondo, les Navajos comme les Apaches furent empêchés de pratique des cérémonies, de chanter leurs chants, ou de prier, et forcés de devenir des fermiers sédentaires – c’était un génocide culturel. [NdT – Pas seulement : l’eau de Bosque Redondo était inutilisable pour l’agriculture et rendait malade ceux qui en buvaient. Ils étaient donc en train de mourir de faim, pas de devenir des fermiers].
Bosque Redondo et les politiques autour de l’ « élimination des Indiens » est un exemple de racisme environnemental et donne le contexte pour les schémas et les pratiques d’utilisation des terres qui déplaceraient les Autochtones de leurs territoires d’origine et de leur sites sacrés. Les pratiques de déportation, d’éradication et d’assimilation forcées créèrent une crise sanitaire majeure, comme la famine, les maladies infectieuses, le logement inadéquat, les mauvais traitements, ainsi qu’une perte de vies considérable aux mais des militaires. Dans les tribus, ont se souvient de ces expériences qui y résonnent toujours, elles sont la source d’un profond traumatisme intergénérationnel et d’une défiance vis-à-vis du gouvernement fédéral aujourd’hui.
Le processus de Vérité et Réconciliation dans lequel s’embarque la Ville de Santa Fe exige la reconnaissance d’une dure vérité, un travail concerté vers la réconciliation et la paix. Le fait d’abroger les proclamations territoriales mentionnées plus haut serait un pas vers la réconciliation avec les communautés tribales qui se souviennent et encore de profondes cicatrices causées par la lutte et les sacrifices de cette période. Et il faut aussi reconnaitre le traumatisme historique qui persiste suite à des siècles de politiques d’éradication, d’assimilation, d’oppression, de déportation et d’élimination.
Cette lettre a pour but de demander à la Gouverneure Michelle Lujan Grisham d’abroger les proclamations suivantes, faites par des Gouverneurs du Nouveau-Mexique pendant la période Territoriale :
Le 12 mars 1851, le Gouverneur James S. Calhoun, introduisit une proclamation qui appelait à un recensement exact de tous les habitants (sauf les Indiens)
Le 18 mars 1851, le Gouverneur Calhoun fit une seconde proclamation qui « autorisait l’attaque de toute tribu d’Indiens hostiles qui auraient pu pénétrer dans les colonies pour les piller et les dégrader… et ordonna aux résidents de s’emparer de la propriété de toute tribu d’Indiens hostile »
La proclamation du Gouverneur Mitchell, datée du 2 août 1869 et de septembre 1869, qui déclarait les tribus Indiennes Navajo et Apache Gila comme « hors-la-loi » et autorisait les citoyens à tuer leurs ennemis et prendre leur propriété.
Au service de la Ville de Santa Fe et du futur du Nouveau-Mexique,
Valerie Rangel
Historienne de la Ville de Santa Fe, IV
valerierangel.com
http://www.santafenm.gov/city_historian
Dans la seconde moitié du XIXème siècle, la “conquête de l’Ouest” s’est intensifiée. En 1846, les Etats-Unis avaient attaqué le Mexique, indépendant depuis peu, et acquis une énorme portion de territoire, par le Traité de Guadalupe-Hidalgo de 1848. Avant, les colons voulaient surtout s’emparer de terres agricoles et avaient peu d’intérêt pour les terres rocheuses et désertiques du Sud-ouest. Cependant, dans la seconde moitié du XIXème siècle, les gens commencèrent à chercher de l’or et autres ressources minérales.
Dans les années 1860, l’Armée Américaine avait des postes militaires dans le Sud-ouest, sous prétexte que les Navajos et les Apaches faisaient des razzias dans la zone. Dans la région correspondant aux états actuels d’Arizona et du Nouveau-Mexique, les colons capturaient des femmes et des enfants Autochtones comme esclaves, ce qui revenait moins cher que d’acheter des esclaves Africains. Les guerriers Autochtones essayaient de libérer les captifs et faisaient des razzias dans ce but. Cependant, dans les années 1860, la rumeur s’est répandue parmi les Blancs qu’il devait y avoir de l’or dans le Territoire Navajo. Un de ceux qui crurent en cette rumeur était le Colonel Kit Carson. Il réussit à persuader son supérieur, le Général Carleton, qu’il était nécessaire de se débarrasser des Navajos.
L’Armée dirigée par Kit Carson attaqua le Territoire Navajo, tandis que Fort Sumner – nommé en mémoire du Général Edwin Vose Sumner – était construit, sur un site appelé Bosque Redondo par les Espagnols. Au cours de l’hiver 1863-64, l’armée de Carson tua des Navajos, détruisit les récoltes, et captura tous les Navajos qui n’avaient pu leur échapper. Dans le Canyon de Chelly, où les gens se cachaient dans des grottes, l’Armée détruisit tout ce qui pouvait pousser, entre autres les pêchers dont les Navajos étaient si fiers. Certains guerriers réussirent à se cacher dans les nombreuses grottes et canyons de la région. Mais des milliers de Navajos furent faits prisonniers et forcés de marcher sur environs 650 km, en hiver, jusqu’à Bosque Redondo. Beaucoup moururent en route. En particulier les enfants et les personnes âgées, moururent de faim et d’épuisement, ou se noyèrent en devant traverser des rivières.
Sur le lieu où ils devaient être détenus – appelé ‘réserve’, mais en réalité le premier camp de concentration de l’histoire moderne, avec intention d’extermination – ils devaient produire pour assurer leur survie. Ils devaient planter des céréales et autres produits alimentaires. Cependant, l’endroit était particulièrement inhospitalier, ils manquaient de bois, et l’eau de la rivière Pecos était alcaline, non-potable, la boire les rendait malades, et ne convenait même pas à l’irrigation. Quelques centaines d’Apaches Mescalero furent également détenus dans le camp.
Bien que les soldats du fort soient supposés surveiller le camp, et bien entendu, empêcher les prisonniers de s’évader, ils fermaient les yeux quand des Comanches – alors ennemis des Navajos et des Apaches, et au besoin collaborateurs – les attaquaient.
Après plusieurs années de mauvaises récoltes, durant lesquelles l’Armée devait fournir aux prisonniers des rations minimales, ce qui coûtait tout de même de l’argent, il fut décidé que ça coûterait moins cher de laisser les survivants rentrer ‘chez eux’, dans une réserve dessinée par un rectangle sur une carte, dans le cadre du Traité du 1er juin 1868. Les survivants ont probablement dû leur salut au fait que leur enfer ait eu lieu pendant la Guerre de Sécession. Ça réduisait énormément le budget de l’armée pour d’autres actions, et beaucoup de militaires de la région avaient choisi le camp des Confédérés, “les Sudistes”.
Les survivants rentrèrent chez eux, c’est-à-dire d’où ils venaient, n’ayant pas appris à reconnaître un rectangle abstrait dans le paysage. Depuis, la Réserve Navajo a été agrandie à plusieurs reprises, mais ils n’ont toujours pas récupéré leur Territoire ancestral, entre les Quatre Montagnes.
L’histoire de Hwééldi a été racontée de génération en génération. En 2009, Camille Manybeads Tso a raconté dans un film, “In the Footsteps of Yellow Woman”, l’histoire de son arrière arrière-grand-mère, qui avait réussi à se cacher avec son bébé et à échapper à la Longue Marche. Le film est passé en France, dans le cadre du festival Alter’Natif, à Nantes. Le film de Klee Benally, “Power Lines” – sorti aux Etats-Unis en 2015 et à Paris en 2016 – est d’un bout à l’autre parsemé d’allusions à Hwééldi, évènement crucial dans l’histoire de tous les Navajos.
Les photos ont toutes été prises sur le site du camp. Il a été déclaré Monument de l’état du Nouveau-Mexique en 1968. Un mémorial, qui héberge un musée, a été conçu par l’architecte Navajo David N. Sloan. Il a été ouvert le 4 juin 2005. Le site est actuellement géré par le Service des Sites Historiques du Nouveau-Mexique, qui dépend du Service des Affaires Culturelles du Nouveau-Mexique. Donc, les histoires ont probablement été quelque peu ‘adoucies’, croyez bien qu’en réalité, ça a été pire. Le site est proche de la tombe de Billy The Kid, et se trouve sur la Route Billy The Kid. Dans les guides touristiques et sur les panneaux indicateurs, vous ne trouverez que “Tombe de Billy The Kid” comme indication. Les racistes préfèreront toujours un voleur blanc à des Autochtones assassinés.
Christine Prat
Par Lyla Johnston
2 janvier 2015
Traduction Christine Prat
HUERFANO, Nouveau-Mexique – A l’aube du 6 janvier 2015, un groupe de jeunes femmes Diné (Navajo) et leurs supporters se rassembleront près d’une caserne de pompiers au pied de Dził Na’oodiłii (Mont Huerfano). De là, le groupe entreprendra une marche de 350 km à travers l’est du Nouveau-Mexique – en hommage au 150ème anniversaire de la tragique « Longue Marche ». Au cours de ce voyage, ils ont l’intention de faire prendre conscience des défis historiques et présents auxquels les Diné sont confrontés, et d’inspirer des solutions pour résoudre ces problèmes.
Les organisateurs lancent un appel à la communauté pour les soutenir en marchant avec eux, en les hébergeant ou en les aidant à se procurer le matériel de base. Le premier voyage se terminera à Tsoodził (Mont Taylor), leur montagne sacrée du sud. Trois autres marches seront organisées, au printemps, durant l’été et en automne, afin que chacune des quatre montagnes sacrées* soit visitée. Les marcheurs comptent parcourir 1600 km en 2015.
L’évènement commémoré a eu lieu en 1864, quand le Colonel Christopher ‘Kit’ Carson – sous le commandement du Général James Carleton – a appliqué une politique impitoyable de terre brûlée pour soumettre les Diné. A l’époque, près de 9000 Diné et 500 Apaches Mescalero, hommes, femmes, enfants et vieillards, ont été forcés de marcher à la pointe du fusil sur 480 km jusqu’à un petit morceau de terre aride connu sous le nom de Bosque Redondo, au Nouveau-Mexique. Beaucoup d’entre eux ont péri en route.
Pendant leurs quatre années d’internement dans cette ‘réserve expérimentale’** – appelée en Diné Hwééldii ou ‘lieu de la souffrance’ – des centaines sont morts de faim, de maladie et de violence physique. En 1868, le coût élevé des rations et des soldes des soldats ont conduit le gouvernement fédéral à annuler l’expérience et les libérer, les laissant retourner à Diné Tah, la patrie des Navajo.
« Nous marchons pour rendre honneur à la résilience de nos ancêtres qui, il y a 150 ans, ont été forcés de marcher sur des centaines de kilomètres au cours d’un hiver mortel, pour une marche génocidaire » dit Dana Eldridge, l’une des femmes organisatrices de la marche. « Ils ont tant sacrifié et tans souffert pour que nous puissions vivre au milieu de ces quatre montagnes sacrées. Alors nous marchons pour les honorer. »
D’après les organisateurs, la marche n’est pas une simple répétition de la Longue Marche, mais un retour au style de vie traditionnel.
« C’est quelque chose que les gens ne connaissent plus. Nous avons le confort d’avoir des véhicules. Mais marcher tout un voyage est quelque chose de révolutionnaire en un sens » dit le jeune organisateur Nick Ashley, de Gallup, au Nouveau-Mexique.
« Nos ancêtres ont marché afin que nous puissions être ici, dans notre pays, pour chanter, danser et prier leurs chants d’alors. Mais maintenant tout le monde poursuit le Rêve Américain et néglige notre pays, notre langue et notre mode de vie » dit Kimberly Smith de St. Michaels, en Arizona.
Plusieurs Anciens Diné, parmi lesquels Larry W. Emerson, pensent que les problèmes actuels pourraient être causés par « un abandon de soi-même. »
« L’un des buts de la marche pourrait être de nous ramener à nous-mêmes par le savoir traditionnel – dans nos foyers, nos familles, nos parents, nos communautés et le savoir de la terre et du ciel. Ké et k’é hwiindzin – être conscient de nos relations interdépendantes fondées sur la compassion, l’amour et l’éducation mutuelle – sont vitaux pour notre survie et nous ne pouvons pas revenir à nous-mêmes sans ces enseignements essentiels. [Nous] offrons plusieurs enseignements [aux marcheurs] pouvant concerner la pratique du retour à nous-mêmes chez nous, entre autres des chants de prière. »
D’après les organisateurs, la prière fondée sur la terre est une partie importante de leur voyage. « Tout ce que nous faisons est une prière pour retourner à notre être d’origine » dit Laura Red Elk de Pueblo Pintado, au Nouveau-Mexique. « Les montagnes étaient nos naat’áanii [leaders] d’origine, avant les gouvernements selon l’Indian Reorganization Act [de 1934] ou les conseils tribaux. Etant donné que notre gouvernement échoue à nous protéger, nous retournons à notre direction d’origine en laissant les montagnes déterminer comment nous marchons à travers notre terre. »
Les organisateurs et leurs Anciens ont choisi d’appeler leur mouvement « Nihígaal Bee Iiná » ou « Notre Voyage pour l’Existence. » A cause de la présence de l’uranium, du charbon et de l’extraction de gaz, largement répandus sur tout le territoire de Diné Tah, les organisateurs ont le sentiment que leur situation environnementale a atteint un point d’explosion.
« Il y a cent cinquante ans, nos ancêtres ont vu leur extinction en face. Et aujourd’hui, nous les jeunes voyons notre extinction en face. Notre foyer va devenir une friche toxique invivable si rien n’est fait » dit Dana Eldridge.
D’après l’Agence de Protection de l’Environnement des Etats-Unis [EPA], près de 4 millions de tonnes d’uranium ont été extraits de Diné Tah depuis 1944. Avec plus de 500 mines d’uranium abandonnées dans la région, les maisons et les sources d’eau sont contaminées avec des taux de radiation élevés.
De plus, plus de 20000 tonnes de charbon par jour sont extraites par explosion, de mines à ciel ouvert, des terres Diné et Hopi, rien que par la firme Peabody Coal. Ce charbon alimente la Centrale Navajo, estimée par l’EPA comme étant le premier émetteur d’oxyde nitrique toxique des Etats-Unis.
Les organisateurs prévoient que la prochaine menace majeure sera le boom du pétrole et du gaz naturel obtenus par fracturation hydraulique – un procédé qui vient d’être interdit dans l’état de New York.
Erin Konsmo, du Réseau pour la Santé Sexuelle des Jeunes Autochtones d’Alberta, au Canada, dit que l’extraction de ressources n’est pas seulement une menace pour l’environnement : « Certains des plus forts taux de disparitions et de meurtres de femmes se trouvent dans les zones d’extraction de sables bitumineux. C’est lié aux camps de travailleurs et au manque de protection juridique pour les femmes sur les terres tribales. » Les organisateurs indiquent que la forte présence d’industries d’extraction a un effet similaire pour les femmes Diné***.
« Nous donnons la vie et nous l’entretenons, comme fait la terre. Notre structure de direction traditionnelle est matrilinéaire parce que nous sommes la colonne vertébrale de la société, nous donnons les premiers enseignements aux enfants. Nous voyageons pour retourner à notre moi d’origine, y compris notre responsabilité en tant que femmes de protéger la terre et d’en prendre soin » dit Laura Red Elk.
« C’est une raison de plus pour que cette marche soit conduite en majorité par des femmes. Dans la mesure où elles prennent soin de la terre, leur présence physique est en soi et pour soi une résistance à l’extraction minière » dit Konsmo.
Le salaire hebdomadaire des mineurs et travailleurs des centrales Diné rappelle constamment leur dépendance économique de l’industrie du carburant fossile. Les marcheurs espèrent faire prendre conscience de l’autosuffisance comme alternative à l’économie d’extraction minière. Ils disperseront les graines de maïs ancestrales dans les communautés le long de leur trajet et parleront de la souveraineté et de l’autonomie alimentaires.
« On nous dit d’investir dans notre propre destruction au nom de l’économie » dit Dana Eldridge. « Les gens disent que nous avons besoin de ces emplois, mais ce n’est pas vrai. Çà demandera une incroyable quantité de travail de prendre soin de nous-mêmes, mais c’est un beau rêve et en plus, c’est possible. »
Les organisateurs appellent d’autres à les rejoindre, spécialement s’ils sont Diné, pour faire une partie de la marche.
Kimberly Smith résume l’esprit de la marche en ces termes : « Nous devons retourner là où la sagesse est intrinsèque. Nous devons nous faire connaître à nouveau par ces lieus. C’est notre droit et notre responsabilité inhérents. La motivation dont notre peuple a besoin est là. Nous devons le rendre à notre peuple, nous voulons honorer nos Anciens, nos enfants, et, plus important, nous voulons honorer la Terre. »
Pour plus d’informations sur « Le Voyage Pour l’Existence » contacter nihigaalbeeiina@gmail.com .
Pour soutenir la campagne de financement du groupe aller sur le site : http://igg.me/p/1055200/x.
Lyla Johnston
2 janvier 2015
(00 1) (575) 779 4443
* Les quatre montagnes sacrées qui délimitent le territoire d’origine des Navajo : au sud, le Mont Taylor (Nouveau-Mexique), à l’ouest, les San Francisco Peaks (Arizona), au nord, le Mont Hesperus (Colorado), à l’est le Pic Blanca (Colorado). [NdT]
** En fait, ce fut le premier ‘camp de concentration’ : il a servi de modèle, d’abord à Lord Kitchener en Afrique du Sud, puis aux Nazis qui s’y sont spécifiquement référés. Se ce n’est pas allé jusqu’à l’extermination totale, c’est, comme il est dit dans l’article, faute de moyens pour entretenir les soldats qui gardaient le camp: il faut se souvenir que çà s’est passé pendant la Guerre de Sécession, que l’armée yankee combattait les Sudistes et disposait de fort peu de moyens en hommes et en matériel à mettre ailleurs. [NdT]
*** Les Lakota et Dakota du Dakota du Sud se sont aussi plaints des agressions de femmes aux alentours des camps de travailleurs construisant le pipeline, voir les articles suivants:
Faith Spotted Eagle Yankton Dakota, 24 avril 2014 (F. Spotted Eagle a dit que les ‘camps masculins’ pour les équipes des compagnies pétrolières avaient accru la violence envers les Nations Indiennes. Une femme Yankton sur trois a été agressée sexuellement par des non-Indiens, dit-elle)
Lakota de Rosebud, Christine Prat, 15 avril 2014
Société de la Femme Bison Blanc, 17 août 2013