Vivre Sous Surveillance, par Ofelia Rivas, O’odham
Publié par Censored News
Le 6 juin 2022
Traduction française Christine Prat, CSIA-Nitassinan

En tant que protectrice des terres, je refuse de continuer avec mon cœur écrasé sur le sol. Cette vie dure maintenant 24 heures, 7 jours et tous les 365 jours du calendrier occidental, sous la surveillance en temps réel de la vidéo de la tour d’Elbit System.

Quand je vais tôt le matin à mon jardin de graines O’odham, pendant les heures calmes, les réglages automatiques brisent le silence quand la caméra de surveillance suit mes mouvements dans ma cour.

Le dérangement suivant vient des camions de la Patrouille des Frontières qui roulent très vite sur le bitume érodé.

Un camion passe près de la clôture est de ma cour et l’autre prend une autre route pour passer par le côté sud de ma clôture.

C’est tout à fait évident – il y a aussi des détecteurs de mouvement à l’intérieur ou le long de la clôture, pour déclencher non seulement la surveillance visuelle en temps réel, mais aussi activer les détecteurs de mouvement.

L’image visuelle des terres sacrées O’odham est changée pour toujours, d’une terre pleine d’herbes naturelles, de plantes médicinales, de vie sauvage et de collines et de montagnes intactes, en un véritable carnage de l’environnement écologique humain, dans le sud-ouest du Désert de Sonora.

Cette terre a fourni depuis des milliers d’années des ressources naturelles, des plantes comestibles sauvages et du gibier, dans une région à la signification culturelle immense, et maintenant, elle est en crise. La terre est devenue stérile et érodée par des routes illégales, les sommets des collines et des montagnes ont été arrachés pour y mettre des caméras de surveillance non-autorisées, et l’habitat animal et la vie des plantes ont été détruits par l’irresponsabilité de la patrouille des frontières, lâchée sur les terres sans surveillance quand elle joue avec les jouets de guerre de son gouvernement.

Les terres sont envahies par des militaires étrangers, avec leur équipement militaire et leur idéologie de guerre, qui attaquent la terre et les gens. Maintenant, ça fait un an, sur les 25, de construction de la technologie de surveillance permanente d’Elbit, dans notre communauté, et ça s’est produit après les objections du District.

Quels fonds ont été empochés par le Conseil Gouvernant de la Nation Tohono O’odham pour approuver ce projet – les membres de notre communauté attendent encore cette information privilégiée.

Il n’y a toujours pas de réponse à notre question : « Pourquoi les Terres, les Gens et la Culture (identifiés par 3 courtes phrases) sont-ils qualifiés d’ ‘Impact sans importance’, dans l’Évaluation Environnementale et le Rapport Final. »

Qui a effectivement lu l’original en 2006 – plus de 360 pages – de la proposition sur la sécurité de la frontière, créée sous Bill Clinton, en tant que Commandant en Chef ?

La frontière internationale sépare des communautés et des familles entre deux pays, ce qui impacte les ressources en nourriture, l’héritage culturel et les modes de vie. En 1853, la frontière physique était faite de troncs de mesquites et de fil barbelé, pour que le bétail reste de son côté de la frontière.

En 2002, le gouvernement de G.W. Bush a créé le Bureau de Sécurité Intérieure. Tous les présidents des Etats-Unis, depuis 2002, ont dépensé des milliards pour sécuriser la frontière avec de la surveillance en temps réel, des caméras portables et des détecteurs, et des centaines de militaires de la patrouille des frontières.

Les militaires U.S. ont continué à violer les terres O’odham, restreindre la mobilité et violer les droits humains et O’odham des premiers habitants de ces terres.

Toute assistance, comme la fourniture de nourriture et autres produits nécessaires aux familles se trouvant dans des zones à accès réglementé ou isolées, dans les terres O’odham du sud, est limitée et met en danger les communautés O’odham traditionnelles.

Postscriptum : vendredi 2 juin 2022, à 18h53, j’ai essayé d’appeler mon frère, mais n’ai pas pu faire un appel local. À 20h27, j’ai fait savoir à la Police Nationale Tohono O’odham qu’un hélicoptère volant à basse altitude, faisait de la poussière près de la maison depuis 25 minutes.

C’est une tactique utilisée par la patrouille des frontières contre les immigrants à pied, ils les attaquent en volant en rase-motte pour produire tellement de poussière que ça immobilise les gens. J’étais assise dehors pour profiter de la soirée fraiche avec une tasse de café. J’ai remarqué l’hélicoptère aller et venir le long de la frontière. Quand je me suis levée pour mieux voir, l’hélicoptère à tout de suite volé vers ma maison, puis a tourné continuellement autour ma maison d’une seule pièce, et soulevé tant de poussière que je me suis mise à tousser tout en essayant de protéger mes yeux.

Je suis rentrée, il y avait autant de poussière à l’intérieur. Je suis sortie pour essayer de faire une vidéo, mais mon téléphone ne marchait pas.

L’hélicoptère continuait de tourner et braquait un projecteur sur moi, tout ce que j’entendais, c’était les hélices.

L’hélicoptère est reparti aussi vite qu’il était venu. Il a été demandé à la police locale de contrôler si j’allais bien, mais ils ne m’ont pas appelée et ne sont pas venus pour faire un rapport. J’ai estimé les dommages le jour suivant, je tousse toujours et le vent causé par l’hélicoptère a fait des dégâts dans mon jardin, le maïs était haut et en pleine santé, maintenant il a été soufflé par le vent et des feuilles et des épis sont cassés.

Article et photos ©Ofelia Rivas. Aucun passage ne peut être utilisé sans permission écrite. Ceci inclut l’utilisation dans des médias, des films, des livres, des dissertations ou tout autre but.