Par Duane ‘Chili’ Yazzie
Publié par Censored News
Le 28 janvier 2023
Photo Tó Nizhóní Ání
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan

La compagnie Navajo d’Energie de Transition, la compagnie Navajo de Pétrole et de Gaz et les dirigeants Navajo qui les soutiennent, contribuent à endommager la planète Terre. Extraire ou brûler du charbon, développer l’exploitation de pétrole, de gaz, d’hydrogène et d’hélium, avec l’inévitable fracturation, sont les causes les plus importantes de la crise climatique. NTEC [Compagnie Navajo d’Energie de Transition] empiète maintenant sur les terres Hualapai pour encore plus d’exploitation. Qu’est-il arrivé à la transition pour laquelle NTEC a été créée ?

En février 2019, j’ai pris contact avec NTEC, proposant de nous mettre autour d’une table pour ouvrir un dialogue sur nos positions opposées. J’avais suggéré qu’il y avait peut-être une position médiane sur laquelle nous pourrions nous accorder. Mon frère Ernie Zah réagit positivement, disant que NTEC pourrait vouloir parler. Les blancs (Anglo/Caucasiens) de la direction ont fait taire Ernie et ce fut tout.

En septembre 2022, j’ai mis au défi James McClure, le PDG de NOGC [Compagnie Navajo de Pétrole et de Gaz], de venir à la table, suggérant à nouveau qu’il y avait peut-être une position médiane. McClure a dit publiquement être d’accord pour collaborer avec moi, pour organiser un forum. J’ai fait le suivi en envoyant deux lettres, il n’y a que le silence de la part de NOGC.

NTEC et NOGC rejettent la possibilité de parler au cours d’un forum ouvert, civil, délibéré et objectif. Je ne suis pas sûr de savoir pourquoi ils ne veulent pas venir autour d’une table. Je suppose qu’ils pensent ne pas avoir à discuter avec moi, je ne suis pas quelqu’un d’important. Peut-être pensent-ils qu’ILS sont trop importants. Peut-être savent-ils qu’ils n’auront pas de réponses à toutes nos questions. Je les soupçonne d’avoir peur de venir dans notre hogan (habitation traditionnelle) parce qu’ils n’ont pas la compréhension nécessaire pour nous rencontrer selon nos termes culturels et spirituels. Si c’est simplement leur arrogance de blancs de l’extérieur, ils sont vertigineusement à côté de la plaque, et ils n’ont pas à manquer de respect à quiconque d’entre nous, qui vivons ici sur nos propres terres.

Ces entreprises et la direction Tribale qui les soutient, sont poussés par ce qu’ils perçoivent comme un besoin d’encore plus d’argent. Ils sont l’essence du capitalisme (oui, le capitalisme est mauvais). Le capitalisme détruit la création de Dieu.

NTEC et NGOC croient que la direction Tribale a l’autorité pour autoriser leur exploitation, et ils ont tort. Le gouvernement Tribal imposé par l’impérialisme colonial, n’a pas le dernier mot. Le gouvernement Fédéral des Etats-Unis non plus. Les gens de ces terres, qui n’abandonneront pas la loi du Créateur pour prendre soin de la Terre, ont le dernier mot.

Aussi important que plus de revenus et d’emplois puissent être, ils ne sont pas aussi importants que défendre la vie de Notre Mère la Terre et ainsi le monde de nos petits-enfants dans l’avenir.

©Chili Yazzie

Shiprock, Diné bi Keyah

Les Navajos, dont la réserve est déjà ravagée par la présence d’un millier de mines d’uranium abandonnées, d’anciennes mines de charbon à ciel ouvert sur Black Mesa, et plusieurs centrales au charbon parmi les plus polluantes des Etats-Unis, sont maintenant menacés par un projet d’hélium obtenu par fracturation hydraulique. Le 18 avril, ils ont tenté de protester auprès du Conseil de la Nation Navajo, à Window Rock, mais se sont vu refuser l’entrée. Le même jour, Eugénie Picos Rodriguez, membre du CSIA qui se trouve actuellement là-bas, a recueilli le témoignage d’un Diné, habitant la région où la fracturation est prévue, qui avait protesté à Window Rock le matin. Ci-dessous, le témoignage recueilli par Eugénie, et plus bas, l’article de Brenda Norrell, publié le même jour sur Censored News.

Christine Prat, CSIA-Nitassinan

Par Eugénie Picos Rodriguez, CSIA-Nitassinan
18 avril 2022

“Window Rock, Nation Navajo le 18 avril 2022:

Ce lundi matin avait lieu une manifestation en face du Council Chambers du gouvernement de la Navajo Nation. Les manifestants s’opposaient en projet en cours de fracturation des sols afin d’en extraire de l’hélium au sein des Chuska Mountain.
Ce collectif est regroupé sous le nom de “Dooda Helium”: non à l’hélium. Lundi après-midi, au sein du Musée de la Nation Navajo, j’ai recueilli le témoignage d’un des participants. Ce Diné, la cinquantaine, était présent avec ses parents et habite le territoire affecté par la fracturation d’hélium, dans les Monts Chuska: « Nous n’étions qu’une poignée de personnes…” Il semblait refléter un mélange de rage et de désespoir. Leur territoire va être directement affecté sous de multiples formes:  la qualité de l’eau, de l’air, des sols. C’est irréversible. Il parlait, avait besoin de dire ce désespoir. « C’est un génocide culturel ». Pour lui le but est clair : transformer la réserve en « zone de risque industriel », rendue inhabitable par les pollutions de l’eau et de l’air, et expulser toute la population, rendre le territoire invivable, une zone sacrifiée. Pour lui, les politiciens Navajo ont tous été achetés, ainsi que le EPA (Environmental Protection Agency: institution en charge de la régulation des normes écologiques et du nettoyage des mines) : leurs tactiques est d’utiliser une carte des années 70 et de dire qu’ils n’y a pas d’habitations à proximité, pas de danger pour l’eau ou les habitants. Mais toute l’eau restante des nappes phréatiques va servir à la fracturation, contaminant de manière irrécupérable toute la réserve. Des politiciens achetés qui ne pensent pas au futur, au monde qu’ils vont laisser à leurs enfants. Tout comme pour Black Mesa : destruction pour du profit, avec soi-disant 1% des revenus générés pour la communauté. Il se demandait à quoi pouvait bien servir l’argent si la terre, le sol, l’air n’est plus respirable, plus habitable ?? Et au final, celleux subissant cette contamination ne perçoivent jamais aucune compensation. Ils souffrent de cancers, de maladies chroniques…

Il m’a également raconté que l’on ne pouvait pas se rendre à la réunion ce matin, qu’il fallait se joindre par google teams, via internet, plus en présentiel, mais que quand il essayait de commenter en ligne, il ne le laissait pas participer à la conversation. Aucune écoute, aucune attention.

Il y a déjà des animaux qui meurent à cause des fuites de gaz.  Les ranchers mettent des barrières autour et puis c’est tout… il a parlé de la zone des 4 corners, de la pollution. Du passé qui se répète encore et encore…

Les conséquences de la fracturation amènent aussi une augmentation des tremblements de terre. Les explosions répétées en profondeur sur la zone amènent une augmentation drastique des tremblements de terre. Il faisait le parallèle avec une personne à qui ont injectait de force du poison dans tout le corps « c’est ce qu’ils font à notre Mère la terre ».

Avant, Window Rock était un bassin plein d’eau du fleuve Colorado. C’est ce que sa mère lui racontait. Biden a signé tous les papiers pour la fracturation d’hélium, car ça fait soi-disant partie de l’agenda « vert », de la transition hors de l’énergie fossile.

Une énergie verte qui continue à se faire sur un territoire sacrifié et au dépend de populations présentes depuis des millénaires. Encore une fois, la Nation Navajo est une colonie extractiviste où aucune communauté n’est consultée. Le “diviser pour mieux régner” continue à s’appliquer, encore et encore…”

DES NAVAJOS PROTESTENT CONTRE DE NOUVELLES MINES (HÉLIUM…) ET EXPRIMENT LE BESOIN DE VRAIES SOLUTIONS POUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Des Anciens Navajo se sont vu refuser l’entrée à la session de printemps du Conseil de la Nation Navajo, ce 18 avril. Des manifestants Diné [Navajo] s’opposaient à l’ouverture d’une nouvelle mine d’hélium sur la montagne sacrée appelée Dziłkʼi Hózhóonii / Beautiful Mountain. Alors que les Navajos manquent d’eau et d’aide pour en transporter, le Conseil Navajo a l’intention de donner un demi-million de dollars à une école chrétienne privée. Des Diné se sont alignés devant le bâtiment des finances tribales, ayant désespérément besoin de fonds. Le gouvernement Navajo a reçu 2,1 milliards de dollars des fonds fédéraux pour les victimes du virus, mais il ne les a pas distribués. Jusqu’à maintenant, 1741 Navajos sont décédés du COVID-19.

Par Brenda Norrell
Censored News
18 avril 2022
Images Marley Shebala
Traduction Christine Prat

En ce moment, devant la Chambre du Conseil de la Nation Navajo, à Window Rock, des Diné s’opposent à une nouvelle mine d’hélium sur la Montagne Sacrée, Beautiful Mountain, à Sanostee.

Les Diné réclament de vraies solutions pour le changement climatique et demandent du soutien d’urgence pour les victimes d’agressions sexuelles et de nouvelles mesures pour rechercher les Diné disparues ou assassinées.

« Nous sommes là pour protéger notre précieuse Mère la Terre ; nous ne voulons pas que Notre Mère soit détruite par plus de pollution due à des émissions et à la destruction potentielle de nos réserves d’eau » ont dit dans une déclaration écrite les organisateurs de la manifestation d’aujourd’hui.

Un Ancien Diné, présent sur l’une des photos, a été renvoyé, à la porte de la session de printemps du Conseil de la Nation Navajo.

Au cours de son reportage en direct, la journaliste Diné/Zuni Marley Shebala a, elle aussi, été renvoyée parce qu’elle « n’était pas sur la liste ». Marley Shebala est reporter dans la capitale Navajo depuis 40 ans.

La session de printemps du Conseil a commencé aujourd’hui. L’agenda inclut un don d’un demi-million de dollars à une école privée chrétienne.

Le gouvernement Navajo a reçu, selon la Loi sur le Plan de Sauvetage Américain (ARPA), des fonds pour remédier aux dégâts du virus il y a un an, mais n’a pas distribué les 2,1 milliards de dollars.

À ce jour, 1741 Diné sont décédés du COVID-19. Beaucoup de Diné ont besoin d’aide pour transporter de l’eau et ne reçoivent aucune aide du gouvernement Navajo pour cela.