Christine Prat (CSIA-Nitassinan)
30 mars 2021
La « Ligne 3 » est un oléoduc de la compagnie canadienne de transport d’énergie Enbridge, qui en est propriétaire depuis 1968. Il va de Hardisty, en Alberta, au Canada, jusqu’à Superior, dans le Wisconsin, aux Etats-Unis.
Il y a eu de nombreuses marées noires, depuis que l’oléoduc fonctionne, la plus grave s’étant produite à Grand Rapids, dans le Minnesota, en 1991 – ce fut la plus grande marée noire terrestre de l’histoire des Etats-Unis – une autre très importante, s’est produite en 2010, relâchant du pétrole de sables bitumineux de la Ligne 3 dans la Rivière Kalamazoo, dans le Michigan. C’est à cette occasion qu’on s’est aperçu que les détergents utilisés pour nettoyer les marées noires ne marchaient pas pour ce type de pétrole (bitume dilué).
Au fil du temps, de nombreuses fissures et des trous se sont formés le long de l’oléoduc. Enbridge a dû réduire la quantité de pétrole transporté, mais en 2013, la compagnie a produit de nouveaux plans de ‘remplacement’ du vieil oléoduc.
En 2014, Enbridge a annoncé ses projets de construction d’un nouvel oléoduc sur la Ligne 3. Cependant, il s’est avéré qu’il ne s’agissait pas vraiment d’un ‘remplacement’, mais d’un nouvel oléoduc, suivant un autre trajet et accroissant sa capacité. Une fiche d’informations publiée par Honor the Earth [voir plus bas] dit : « De taille et de but similaires au Keystone XL, récemment vaincu, l’oléoduc d’Enbridge Ligne 3 est destiné à transporter du pétrole de sables bitumineux sur plus de 1600 km, de Hardisty, en Alberta, jusqu’à Superior, dans le Wisconsin, en passant par le cœur du territoire Anishinaabe et par les plus beaux lacs et les meilleurs massifs de riz sauvage du monde. Ils appellent ça le ‘Remplacement de la Ligne 3’, mais ne vous laissez pas tromper. C’est un nouvel oléoduc. La Ligne 3 existante traverse sur près de 500 km le nord du Minnesota, à travers les réserves de Leech Lake et Fond du Lac. Cette ligne est vieille et tombe en ruine, mais au lieu de la retirer, ils veulent tout simplement l’abandonner et en construire une nouvelle, dans un corridor totalement nouveau. Le trajet proposé met en danger les Grands Lacs, qui constituent le cinquième de l’eau douce du monde, et des sols extrêmement délicats, des nappes aquifères et des lacs encore purs, dans le nord du Minnesota. Ça menace aussi des ressources vitales sur les terres Ojibwe selon les traités, où les membres des tribus ont toujours les droits de chasser, pêcher, cueillir, tenir des cérémonies et voyager. C’est notre responsabilité, en tant que protecteurs de l’eau, d’empêcher cela. Les gouvernements tribaux, les organisations écologistes et les membres de la communauté sont unis pour arrêter la Ligne 3. »
Cependant, dès 2016, les autorités concernées au Canada, dans le Dakota du Nord et le Wisconsin, avaient approuvé leurs segments de l’oléoduc. Il y a plus de résistance dans le Minnesota : des groupes Autochtones, des groupes pour la justice climatique et des habitants se trouvant le long du trajet, se sont opposés au projet. Mais en juin 2018, la Commission des Services Publics du Minnesota a approuvé le trajet et accordé les permis nécessaires. Pourtant, en 2020, il y avait encore des appels en cours contre les Certificats et la Déclaration d’Impact Environnemental, de la part de communautés Autochtones et de groupes pour la justice climatique, dans le Minnesota. Dans un article écrit pour le MinnPost et publié le 3 décembre 2020 sur le site ‘Great Lakes Now’, Walker Orenstein écrivait qu’Enbridge avait alors tous les permis requis pour commencer la construction. En février 2020, la Commission des Services Publics du Minnesota avait approuvé le Certificat de nécessité et le Permis pour le Trajet, pour la seconde fois. De plus, « À la mi-novembre, l’Agence de Contrôle de la Pollution du Minnesota (MPCA) a accordé à Enbridge un permis clé pour la pollution de l’eau, appelé Certification 401, et le Corps des Ingénieurs de l’Armée des Etats-Unis a suivi, en approuvant son propre permis sur l’eau pure. » Finalement, en décembre 2020, la MPCA a approuvé un permis pour les eaux de ruissellement. Cependant, les tribus luttent toujours contre le projet, et ont déposé une plainte devant la Cour d’Appel du Minnesota, avec plusieurs groupes écologistes. [Article sur Great Lakes Now].
Le Guardian a interviewé Tara Houska, Anishinaabe, avocate et fondatrice du Collectif GINIW, et publié un article le 19 février 2021. A propos du nouveau corridor, le Guardian écrivait : « C’est une partie luxuriante et boisée de l’état, pleine de bouleaux et de pins, de ruisseaux et de lacs pleins de riz sauvage, un produit agricole historiquement important pour les Ojibwe. » « La ligne 3 est un projet de nouveau trajet pour un oléoduc vieux de 52 ans, opéré par Enbridge, une compagnie d’énergie canadienne basée en Alberta. » Plus loin, « Le combat contre la Ligne 3 évoque une série de traités signés entre les Etats-Unis et le peuple Ojibwe, entre autres le traité de 1837, qui accorde explicitement aux Ojibwe les droits de chasser, pêcher et faire la cueillette sur les terres qu’ils ont dû abandonner, et le traité de 1855, dont la Cour Suprême à affirmé en 1999, qu’il maintient ces droits ». The Guardian, 19 février 2021.
Ligne 3, Fiche d’Informations, par Honor The Earth [co-fondé par Winona LaDuke et les ‘Indigo Girls’, Amy Ray et Emily Saliers]
Résumé
Voir plus haut.
Le Sandpiper est Mort, mais la Ligne 3 Reste
La Ligne 3 d’Enbridge a déjà fait face à 2 ans de résistance féroce dans les Grands Lacs, menée par des tribus Ojibwe et des groupes de base comme Honor the Earth, MN350, et les Amis du Cours Supérieur [du Mississipi – Ch.P.]. Depuis 4 ans, nous combattons le projet d’oléoduc Sandpiper, qui devait établir le nouveau corridor de la Ligne 3. Finalement, en 2015, les Amis du Cours Supérieur ont engagé une poursuite en justice couronnée de succès, qui les a forcés à entreprendre d’établir une Déclaration d’Impact Environnemental (EIS) complète et cumulée pour les 2 lignes. En Août 2016, nous avons vaincu le Sandpiper, mais la bataille contre la Ligne 3 continue. Actuellement, le Minnesota est en train d’écrire une Déclaration d’Impact Environnemental pour la Ligne 3, après des mois de bataille sur ce que l’étude devait inclure et qui ferait les analyses. Le projet de Déclaration d’Impact (EIS) [était] prévu pour avril 2017 et le public [devait pouvoir] le commenter au cours de réunions publiques. La décision de permis définitif [était] attendue au printemps 2018.
Les Problèmes
- Abandon – La Ligne 3 a été construite en 1961 et présente maintenant des problèmes structurels importants. Enbridge estime qu’il y a plus de 900 ‘anomalies’ dans l’oléoduc, et l’utilise à des pressions réduites. Mais au lieu de le réparer ou de le supprimer, ils veulent tout simplement l’abandonner, et il n’y a malheureusement pas de règle fédérale ou d’état pour protéger les tribus et les propriétaires de terres des problèmes financiers et écologiques prévisibles que cela pose. La Commission des Services Publics du Minnesota (PUC), a le pouvoir et la responsabilité de réguler l’abandon, mais parce que la Ligne 3 est le premier oléoduc à être abandonné dans l’état, il y a un risque que le PUC veuille éviter ses responsabilités et crée un précédent dangereux. Nous pensons qu’Enbridge devrait nettoyer son gâchis et faire travailler des gens du Minnesota pour le faire.
- Fuites inévitables : Il ne s’agit pas de savoir si l’oléoduc va fuir, mais quand. Enbridge promet la sécurité de l’oléoduc, mais l’histoire montre qu’il en va autrement. Ils ont eu plus de 800 fuites au cours des 15 dernières années, entre autres la plus grande marée noire terrestre de l’histoire des Etats-Unis (plus de 4,5 millions de litres) dans la Rivière Kalamazoo en 2010.
- Violations des Droits selon les Traités : Le gouvernement des Etats-Unis a la responsabilité, selon la loi fédérale, d’honorer les droits garantis aux membres de tribus dans leurs traités. Le projet de corridor pour la Ligne 3 violerait les droits selon les traités des Anishinaabeg, en mettant en danger leurs zones principales de chasse, de pêche, de riz sauvage et de leurs ressources culturelles dans le territoire défini par le traité de 1855. La Cour Suprême des Etats-Unis a maintenu les droits des peuples Autochtones de chasser, pêcher et subsister hors du territoire. La Ligne 3 menace la culture, le mode de vie et la survie physique du peuple Ojibwe.
- Droits de propriété : Si le Minnesota approuve la Ligne 3, Enbridge obtiendra des pouvoirs de préemption et d’expropriation, sur des terres publiques qui fournissent des bénéfices publics. Ça les autoriserait à prendre des propriétés sans le consentement du propriétaire, comme le font les gouvernements pour construire des routes et autres infrastructures publiques. C’est un problème : Enbridge est une corporation canadienne privée qui gagnera des milliards de bénéfices en transportant du pétrole privé pour des compagnies pétrolières privées.
Original sur le site de Honor The Earth.
Les Opposants Craignent aussi un Accroissement du Trafic de Drogue et des Agressions Sexuelles
Le 8 mars 2021, le Minnesota Reformer écrivait : « De nombreuses personnes, disant avoir été agressées par des travailleurs de la Ligne 3 d’ Enbridge, dans le nord du Minnesota, ont demandé de l’aide à un abri bénévole près du chantier, selon des documents du gouvernement de l’état obtenus par le Reformer selon une requête de dossiers publics.
Le Projet d’Intervention sur la Violence de Thief River Falls a constaté un accroissement des appels et entendu des rapports de harcèlement sexuel dans les commerces locaux depuis que la construction a commencé en décembre, selon les documents. »
Collectif GINIW – Tara Houska, 2 mars 2021, sur Facebook
« [Tara Houska, Collectif GINIW] a noté les similarités entre les oléoducs [Keystone XL et Ligne 3], les deux étant destinés à transporter du pétrole de sables bitumineux canadiens.
« Même risque, mêmes impacts sur le climat, mêmes violations des droits selon les traités, » dit T. Houska.
En plein débat sur la Ligne 3, des activistes Autochtones ont installé des camps de protestations en divers points le long du trajet de la construction. Des officiels tribaux disent que l’oléoduc affecterait négativement les ressources naturelles dont ils dépendent, entre autres le riz sauvage. »
Dans un communiqué de presse du 15 janvier 2013, le Chef Allan Adam, de la Première Nation Athabasca Chipewyan [où les sables bitumineux sont extraits] disait déjà :
« Notre peuple est devenu le canari dans la mine. Nous sommes tous au bord d’un précipice et d’un tournant essentiel de l’histoire. Nous pouvons ne rien faire et regarder comment le gouvernement admet le droit de détruire les terres et les droits des gens de ce pays, ou nous pouvons résister et protéger nos terres et nos droits. » « Au cours des 50 dernières années, les gens du nord de l’Alberta ont vécu au niveau zéro, au milieu des projets industriels les plus destructeurs au monde, les Sables Bitumineux d’Alberta. » En anglais sur Censored News, en français sur ce site.
Sources (en anglais) :
Stop Line 3 (GINIW Collective)
Honor The Earth
Honor The Earth, factsheet
Le Guardian du 19 février 2021
Wikipédia Enbridge Pipeline System
Wikipédia Line 3 Pipeline
Great Lakes Now décembre 2021
Public News Service 1er mars 2021
Minnesota Reformer 8 mars 2021
APPEL URGENT
23 août 2016
Contact:
LaDonna Allard (CSS), ladonnabrave1@aol.com (00-1-701) 426-2064
Dallas Goldtooth (IEN), dallas@ienearth.org (00-1-507) 412-7609
Tara Houska (HTE), tara@honorearth.org (00-1-612) 226-9404
Traduction Christine Prat
Voir également l’article de Brenda Norrell sur Censored News
Le rassemblement historique de tribus de tout le continent pour s’opposer au Pipeline d’Accès Dakota continue, face à la répression agressive de l’état et aux manipulations des médias. Vendredi dernier, le Gouverneur Dalrymple a déclaré l’Etat d’Urgence afin de pouvoir mettre en jeu des ressources d’état supplémentaires pour « gérer les risques à la sécurité publique associés à l’action de protestation. » Dalrymple s’est plaint d’ ‘agitateurs extérieurs’ responsables de ‘centaines d’actes criminels,’ et a appelé à l’aide les officiels fédéraux. LaDonna Allard, Directrice du Camp de Sacred Stone, dit: « Le rassemblement reste 100% pacifique et cérémoniel, comme au premier jour. Nous sommes réunis pour prier. Les armes à feu ou autres ne sont pas permises. Pourquoi un rassemblement d’Indiens est-il menaçant et effrayant par nature pour certaines personnes? »
Lundi 22 août, le Conseil du Comté de Morton a également déclaré l’Etat d’Urgence pour avoir accès aux fonds accordés par le Gouverneur – pour demander le paiement d’heures supplémentaire, de l’équipement et de l’argent pour rembourser d’autres agences de maintient de l’ordre qui envoient des ressources. Cette décision repose sur un récit mensonger de violence, mis en avant par le Sheriff de Comté de Morton, qui la semaine dernière a lancée des affirmations choquantes et non fondées sur la présence de ‘bombes artisanales’ et de ‘violence par armes à feu’ sur le site. Dallas Goldtooth, Organisateur de la Campagne Laissez Le Dans le Sol pour le Réseau Environnemental Autochtone (IEN) dit : « Ce sont des déclarations dangereuses du Sheriff Kirchmeier qui ne font qu’accroître le ressentiment entre les résidents Autochtones et non-Autochtones. De plus, nous avons des femmes, des enfants et des personnes âgées dans notre camp; et à cause des récits mensongers du Sheriff, ces familles doivent maintenant craindre pour leur sécurité. »
Entretemps, la principale route d’accès au camp, la route 1806, a été fermée par les autorités depuis vendredi. Un check point de style militaire a été établi à Fort Lincoln, où les automobilistes sont constamment surveillés par des caméras et interrogés sur leurs activités. On enregistre leur identité et quiconque est suspecté d’aller au camp est forcé de faire demi-tour et d’emprunter un long détour. Ces check points enfreignent les protections constitutionnelles et la loi internationale en restreignant la liberté de mouvement sans justification. Ils isolent encore davantage des gens qui le sont déjà extrêmement, géographiquement et politiquement. En même temps, la présence policière a été augmentée sur la réserve et beaucoup de gens ont fait l’objet d’un profilage racial et de harcèlement injustifié.
Lundi, le Directeur de la Sécurité Intérieure du Dakota du Nord a ordonné l’enlèvement de caravanes médicales appartenant à l’état, et de réservoirs d’eau du camp, citant des rapports faisant état d’activité illégale et de craintes que l’équipement ne soit pas sûr. Tara Houska, Directrice des Campagnes Nationales de Honor the Earth dit: « C’est extrêmement ironique que le Gouverneur débloque des fonds d’urgence sous prétexte de santé et de sécurité publiques, puis retire l’infrastructure qui contribue à assurer la santé et la sécurité dans le camp. Ce n’est que de la répression contre notre mouvement grandissant pour protéger notre eau et les générations futures. »
La Patrouille des Autoroutes du Dakota du Nord et le FBI ont aussi annoncé qu’ils menaient une enquête sur deux incidents de ‘frappes au laser’ visant l’avion de surveillance patrouillant au dessus du camp. « Pourquoi ouvrir une enquête fédérale sur un laser au lieu de demander quel droit a le Gouvernement des Etats-Unis de faire passer des avions de surveillance au-dessus de nations souveraines? » dit Houska.
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No Dakota Access in Treaty Territory – Camp of the Sacred Stones
Indigenous Environmental Network