Par Brenda Norrell
Censored News
24 janvier 2018
Traduction Christine Prat

 

C’est avec tristesse que nous apprenons que les bénévoles qui avaient déposé de l’eau pour les migrants ont été arrêtés à la frontière Arizona/Mexique.

Il y a quelques années, une amie m’a emmenée sur ces lieux, et m’a montré les pistes. Il faisait plus de 40 degrés, et sa voiture n’avait pas de climatisation. Nous nous sommes enveloppées dans des serviettes mouillées pour continuer.

Nous avons vu les agents de la Patrouille des Frontières assis dans leurs véhicules climatisés qui jetaient leurs gobelets Starbucks sur le sol, et achetaient de la bouffe de snackbar à Three Points. Ils fainéantaient et aboyaient dans leurs téléphones portables, dans la zone même où des bénévoles plaçaient de l’eau pour sauver des vies et sont maintenant arrêtés.

A un autre moment, j’aurais pu être arrêtée avec eux.

Les bénévoles qui font cela depuis des années sont des héros.

Un autre jour, toujours avec des températures supérieures à 40 degrés, mes amis m’ont demandé de les aider à chercher le corps d’un migrant. La chaleur m’a mise K.O. en quelques minutes. Ils ont continué à marcher sous le soleil brulant et ont trouvé celui que quelqu’un aimait.

D’autres ont fourni un abri, de l’eau, un sandwich ou ont conduit quelqu’un à l’hôpital et sauvé une vie.

Quelques fois, la vie sauvée est celle d’un ou une Autochtone, qui a traversé à pied, depuis le Guatemala ou le Salvador, dans l’espoir de trouver un moyen de nourrir sa famille restée à la maison.

Les petites tombes dans le désert ont quelque fois un collier de perles Maya déposé dessus. Ces bénévoles sont des héros. Nous savons qui sont les monstres.

 

Brenda Norrell, journaliste en pays Indien depuis 36 ans, publie Censored News.

 

Photos: une tombe à la frontière de l’Arizona.
Des chaussures abandonnées par des migrants, photo par Brenda Norrell.
Un agent de la Patrouille des Frontières détruisant un bidon d’eau destiné à sauver des vies, filmé en caméra cachée.

 

Notes: Neuf volontaires de No More Deaths [Plus jamais de Morts] ont été arrêtés et risquent des poursuites fédérales pour avoir laissé de l’eau pour les migrants dans le Désert de Sonora, à la frontière de l’Arizona.

Cette région a l’un des taux les plus élevés de décès de migrants.

Un instructeur de l’Université d’Etat d’Arizona et bénévole de No More Deaths, a été arrêté cette semaine pour avoir aidé des migrants à Ajo, en Arizona, après que No More Deaths ait publié un rapport dénonçant les agents de la Patrouille des Frontières qui détruisent des bidons d’eau qui pourrait sauver des vies dans le désert.

No More Deaths est l’une de plusieurs organisations qui fournissent de l’aide humanitaire. Beaucoup d’individus, entre autres des Tohono O’odham, ignorent tout simplement les lois tribales et fédérales qui interdisent d’aider ou de sauver des vies de migrants.

 

Copyright Brenda Norrell

 

La veille, le 23 janvier, Censored News avait publié un communiqué de No More Deaths:

Chers amis de No More Deaths,

Aujourd’hui, No More Deaths, en collaboration avec La Coalición de Derechos Humanos, publie “Interférence avec l’Aide Humanitaire: Mort et Disparition à la Frontière US-Mexique”. Ce rapport est la deuxième partie d’une série de trois, intitulée “Disparus: Comment les Forces de l’Ordre de la Frontière des Etats-Unis Alimentent une Crise de Personnes Disparues”. Dans la 2ème partie, nous traitons en détail de la destruction intentionnelle de plus de 12 000 litres d’eau déposés pour ceux qui traversent la frontière, la majorité de ceux qui font cela étant de la Patrouille des Frontières des Etats-Unis.

Les dépouilles de plus de 7000 personnes qui, très probablement, avaient essayé de passer la frontière, ont été trouvées dans les régions frontalières au cours des dix dernières années. Entre 2012 et 2015, le Bureau d’Investigation Médicale du Comté de Pima a reçu les restes d’au moins 593 personnes ayant traversé la frontière. Ces chiffres n’incluent pas ceux qui sont morts mais n’ont jamais été retrouvés.

Au cours de la même période, plus de 13 000 litres d’eau placés par No More Deaths sur des pistes lointaines et difficiles dans le désert, ont été détruits intentionnellement, tout comme de la nourriture et des couvertures. Les vidéos et l’analyse statistique publiés dans le nouveau rapport impliquent la Patrouille des Frontières dans la destruction à grande échelle d’aide humanitaire. Des témoignages personnels nous montre que la Patrouille des Frontières est également coupable d’interférences routinières avec les actions d’aide humanitaire, entre autres par le harcèlement et la surveillance des bénévoles sur le terrain.

No More Deaths appelle instamment à mettre un terme à la politique de Prévention par le Découragement, qui force les gens à s’aventurer dans cette zone dangereuse. En attendant, la fourniture d’eau et autre aide humanitaire sont essentielles.

Les agents de la Patrouille de Frontières doivent être tenus pour responsables de ces actions. Nous vous demandons d’appeler la Police des Frontières du Secteur de Tucson à adopter une politique qui interdit formellement la destruction d’aide humanitaire et assure qu’elle sera passible de mesures disciplinaires. Appelez le (00 1) 520-748-3000 ou envoyez un email à steven.passement@cbp.dhs.gov . Demandez à ce que votre message soit transmis au vice-chef Raleigh Leonard, ou à Tom Martin, Chef de Division des Programmes Opérationnels d’Application de la Loi. Ils ont des années d’expérience dans le secteur de Tucson, et l’autorité pour faire passer cette politique immédiatement.

Nous demandons qu’il soit mis fin immédiatement à la destruction ou la confiscation d’eau, de nourriture, de couvertures et tout autre article d’aide humanitaire déposés pour ceux qui traversent la frontière. Nous demandons aussi la cessation immédiate de toute interférence avec les actions d’aide humanitaire. Nous exigeons que vous appliquiez une Procédure d’Opération Standard (SOP) ou une directive similaire, désignant formellement la destruction d’aide humanitaire et l’obstruction d’actions humanitaires comme des délits pouvant entrainer le renvoi d’agents de la Police des Frontières des Etats-Unis. Nous vous demandons aussi de détailler ces mesures et toutes les autres mesures disciplinaires internes dans des dossiers accessibles au public.

Merci pour votre soutien. Vous pouvez trouver le rapport complet sur http://www.thedisappearedreport.org/

Solidarité,

La communauté de No More Deaths

 

 

 

Des Agents de la Patrouille des Frontières ont attaqué un camp d’aide médicale aux migrants à Arivaca. Jeudi 15 juin 2017, 30 agents armés ont pénétré dans le camp avec au moins 15 camions, deux escadrons et un hélicoptère, et ont arrêté quatre migrants qui recevaient une aide médicale, alors qu’une chaleur mortelle atteint le sud de l’Arizona, avec des températures proches de 50 degrés.

 

Sur cette vidéo tournée en février 2017 par Unicorn Riot, on peut voir la tente (clinica) qui servait à l’aide médicale d’urgence – attaquée le 15 juin –  et une interview d’une doctoresse bénévole

 

LA PATROUILLE DES FRONTIERES SACCAGE UN CAMP D’AIDE HUMANITAIRE AU COURS D’UNE ATTAQUE CIBLEE

 

Par No More Deaths
Publié sur Censored News
Le 16 juin 2017
Traduction Christine Prat
Zie Nederlandse vertaling door Alice Holemans

Contact: media@nomoredeaths.org

 

Un hélicoptère, 15 camions et 30 agents armés se sont jetés sur une station d’aide médicale pour arrêter 4 personnes qui y recevaient des soins, par une chaleur estivale mortelle.

Jeudi 15 juin 2017, à 18h [heure locale], Arivaca, Arizona – Par des températures dépassant les 38 degrés, la Patrouille des Frontières de Etats-Unis a attaqué le camp d’aide médicale de l’organisation humanitaire No More Deaths, et détenu quatre personnes qui y recevaient une aide médicale. L’obstruction de l’aide humanitaire est un délit flagrant de l’administration de l’Intérieur, une violation évidente de la loi humanitaire internationale et une violation de l’accord écrit de l’organisation avec la Patrouille des Frontières du Secteur de Tucson.

Les agents de la Patrouille des Frontières ont commencé à surveiller le camp de No More Deaths mardi 13 juin, vers 16h30. Des agents motorisés, à pied et munis de caméras de surveillance, ont encerclé le site et érigé un point de contrôle temporaire sur la limite du camp, pour fouiller et interroger ceux qui en sortaient, pour vérifier leur nationalité. La présence massive des forces de l’ordre a découragé des gens de se rendre à ce centre d’assistance humanitaire cruciale, en cette période de temps mortellement chaud. Ces évènements correspondent aussi au schéma de surveillance accrue de l’aide humanitaire au cours des derniers mois, depuis l’avènement du gouvernement de Trump.

Cet après-midi [15 juin], en une démonstration de force jamais vue, environs 30 agents armés ont attaqué le camp avec au moins 15 camions, 2 escadrons et un hélicoptère, pour arrêter quatre malades qui étaient sous traitement médical.

Au cours des 13 dernières années, No More Deaths a fourni de la nourriture, de l’eau, et une assistance médicale aux gens qui traversent le Désert du Sonora à pied. La crise humanitaire causée par la politique appliquée à la frontière a causé la mort de plus de 7000 personnes depuis 1998. Des restes humains sont retrouvés, en moyenne, tous les trois jours dans le désert du sud de l’Arizona.

Kate Morgan, d’Abuse Documentation, coordinatrice de la défense légale de l’organisation dit: “No More Deaths a enregistré des informations sur la mort et la disparitions de centaines de migrants dans le couloir d’Arivaca le long de la frontière. L’attaque d’aujourd’hui contre le poste médical est inacceptable et interrompt nos accords de bonne foi avec la Patrouille des Frontières, visant à respecter le travail vital de No More Deaths”.

John Fife, un des fondateurs de No More Deaths, a dit dans un commentaire que “depuis 2013, le secteur de Tucson de la Patrouille des Frontières avait un accord écrit avec No More Deaths, stipulant qu’ils respecteraient le camp d’aide médicale selon les standards de la Croix Rouge internationale, qui interdit aux gouvernements de se mêler des centres d’aide humanitaire. Cet accord a été violé par la Patrouille des Frontières dans des circonstances extrêmement louches. La Patrouille des Frontières a admis avoir suivi le groupe sur 29 km, mais c’est seulement après que les migrants aient demandé de l’aide médicale que la Patrouille des Frontières a cherché à les arrêter. Le choix de poursuivre ces gens seulement après qu’ils aient atteint le camp de No More Deaths est une preuve évidente qu’il s’agissait d’une attaque directe contre l’aide humanitaire. Pendant ce temps, les prévisions météorologiques prévoient des températures record (donc mortelles)”.

Les gens qui traversent les régions éloignées et mortelles de la frontière US/Mexique, évitent souvent de demander de l’aide médicale urgente, par peur d’être expulsés ou emprisonnés. C’est pour cette raison qu’un poste d’aide humanitaire dans le désert est essentiel pour sauver des vies. Prendre pour cible cette aide médicale cruciale est un exemple honteux du mépris du gouvernement actuel pour la vie des migrants et des réfugiés, et rend leur voyage déjà dangereux de plus en plus mortel.

En dépit de cela, No More Deaths reste fidèle à sa mission de mettre un terme aux décès et à la souffrance dans le désert, et continuera à fournir de l’aide humanitaire, comme nous l’avons fait depuis 13 ans.

 

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Vendredi 4 mars 2016 des O’odham du Mexique ont coupé la clôture sur la frontière qui bloquait une voie traditionnelle pour les O’odham. La clôture, située à la Porte San Miguel, au sud de Sells, en Arizona, avait été installée jeudi 3 à 10h du matin. Cette clôture empêchait l’accès des O’odham [du côté mexicain] aux soins médicaux et aux commerces du côté nord des terres O’odham, dans la Nation Tohono O’odham.

 

Par Ofelia Rivas
Publié sur Censored News
Copyright Ofelia Rivas
Ne pas reproduire sans autorisation préalable
8 mars 2016
Traduction Christine Prat  (Zie Nederlandse vertaling)

 

Territoire O’odham – Des O’odham du Mexique ont entrepris une action vendredi 4 mars pour ouvrir la voie d’accès aux territoires du nord [USA] en retirant la clôture, les piquets et les poteaux indicateurs qui avaient été placés jeudi 3 mars 2016.
Depuis longtemps, des éleveurs Mexicains ont empiété sur les terres O’odham et se sont appropriés illégalement des terres O’odham. Ces éleveurs Mexicains ont squatté des terres O’odham.
Jeudi, ils ont fermé l’accès à une voie traditionnelle O’odham.
Vendredi 4 mars des O’odham, au Mexique, ont coupé la clôture à la frontière, qui bloquait une voie traditionnelle O’odham. La clôture à la Porte San Miguel, au sud de Sells, Arizona, avait été érigée la veille à 10h du matin. Cette clôture empêchait les O’odham d’avoir accès aux soins médicaux et aux commerces du côté nord [USA] des terres O’odham, dans la Nation Tohono O’odham.

 

Photos © Ofelia Rivas. Ne pas reproduire sans autorisation préalable

 


Par VOIX O’odham Contre le MUR
Publié sur Censored News
Photo Brenda Norrell
Traduction Christine Prat

Cat Mountain Lodge, contact@catmountainlodge.com
Site: www.catmountainlodge.com

Ofelia Rivas, www.solidarity-project.org
Dan Todd, langgore.dt@gmail.com

Dates: du 27 février au 26 mars 2016

TUCSON, Arizona – VOIX O’odham Contre le MUR annonce un évènement de soutien, présentant des poètes nouveaux ou déjà célèbres, des écrivains et des universitaires, à Tucson, à Cat Mountain Lodge – un des dix meilleurs gites à Tucson, d’après Trip Advisor – du 27 février au 26 mars.

Simon J. Ortiz, Pueblo Acoma, et Laura Tohe, poète lauréate 2015-2017 de la Nation Navajo, sont les têtes d’affiche de la série de Conférenciers Prestigieux 2016. Il y aura également le poète Ruben Cu:uk Ba’ak et les universitaires Dr. Julian Kunnie de l’Université d’Arizona et John Zerzan.

Ofelia Rivas, fondatrice de VOIX O’odham Contre le MUR, s’exprimera lors de toutes les manifestations. VOIX O’odham Contre le MUR est solidaire de tous les O’odham du Sud-ouest de l’Arizona et du Nord du Sonora pour maintenir la culture traditionnelle et les terres ancestrales dans les régions où elles sont illégalement occupées par les Etats-Unis et le Mexique. Depuis 2003, l’organisation a lutté contre la militarisation de la frontière et pour les droits garantis par les lois inhérente, nationale et internationale, et a fait des rapports sur les infractions contre les peuples autochtones en terre O’odham.

Simon J. Ortiz, Pueblo Acoma, qui s’exprimera le 26 mars, est l’une des personnalités clé de la deuxième vague de ce qui a été appelé la Renaissance Amérindienne. Il est l’un des poètes Amérindiens les plus respectés et les plus lus. Auteur de 25 livres, Ortiz est actuellement Professeur d’Anglais et d’Etudes Amérindiennes à l’Université d’Etat d’Arizona.

Les œuvres de Laura Tohe, qui parlera le 19 mars, ont été publiées dans les magazines Ploughshares, New Letters, Red Ink, World Literature Today, et beaucoup d’autres. Elle est professeur d’Anglais à l’Université d’Etat d’Arizona et sa publication la plus récente est Code Talkers Stories (2012), une histoire orale des Navajo ‘parlant en code’ [pendant la 2e guerre mondiale].

Ruben Cu:uk Ba’ak, Tohono O’odham, qui s’exprimera le 12 mars, est poète et écrivain en prose et est récemment diplômé en économie du pays Tohono O’odham.

Le Dr. Julian Kunnie, invité le 5 mars, est professeur d’études Religieuse, Latines Américaines, Moyen-Orientales et Nord-Africaines à l’Université d’Arizona. Il est auteur de nombreux articles publiés dans divers magazines et livres reconnus internationalement. Son dernier livre est The Cost of Globalization: Dangers to the Earth and Its People [Le Coût de la Mondialisation: Dangers pour la Terre et ses Habitants] (2015).

John Zerzan, qui parlera le 27 février, a milité dans le mouvement antiautoritaire depuis les années 60 et a développé une théorie de la technologie et de la civilisation qui met en lumière leur aspect régressif. Son livre le plus récent est Why Hope ? The Stand Against Civilization [Pourquoi Espérer? Prendre Position Contre la Civilisation] (2015).

 

 

 

17 janvier 2016
Rapport Spécial
Le Combat des Ouvriers de Ciudad Juarez traverse la Frontière en 2016
Par Frontera NorteSur
Publié par Censored News
Traduction Christine Prat

Durant l’été et l’automne 2015, une vague de protestations ouvrières contre les bas salaires, le harcèlement sexuel et autres mauvaises conditions de travail, a éclaté dans quatre usines possédées par des étrangers, ou maquiladoras, dans la ville frontière du nord du Mexique, Ciudad Juarez. Dans une ville où une véritable représentation syndicale dans les usines d’exportation est pratiquement inconnue, les demandes des travailleurs pour des syndicats indépendants a été particulièrement remarquée.

Au fil des jours, puis des semaines et des mois, des spéculations ont beaucoup circulé dans la presse de Juarez, qui se demandait si les compagnies, que les militants syndicalistes accusent de licencier les travailleurs impliqués dans les protestations et l’organisation de syndicats, allaient simplement attendre que le mouvement s’éteigne avec l’arrivée du froid et de la faim.

Début 2016, non seulement les manifestations ont défié le temps hivernal et ont continué dans au moins trois entreprises – Lexmark, Eaton et la division Scientifique d’Atlanta de Foxconn – mais les actions de soutien aux travailleurs actuels et aux licenciés s’étendent aux niveaux national et international.

La semaine dernière, des manifestations de solidarité avec les ouvriers de Lexmark ont été organisées à Mexico, El Paso et à Lexington au Kentucky, d’après l’Assemblée Régionale Populaire de Paso del Norte, un regroupement d’organisations de droits de l’homme et de droits des travailleurs, et d’individus à Juarez, El Paso et Chihuahua.

« Il y a beaucoup de harcèlement sexuel dans l’industrie. La forme la plus commune est que les chefs et superviseurs demandent des faveurs sexuelles en échange de choses aussi communes que les heures supplémentaires » dit un ouvrier de Lexmark à un journaliste de Mexico. « Le salaire de base ne permet jamais de survivre, et (les superviseurs) mettent comme condition pour travailler plus, ce que les ouvrières acceptent de leur accorder. »

Pendant ce temps, à Juarez, des dizaines d’anciens ouvriers de Lexmark brûlent leurs uniformes de travail devant le bâtiment de l’entreprise Américaine. « (Lexmark) n’a pas pris contact avec nous pour proposer une solution. Nous continuerons jusqu’à ce qu’il y ait une solution positive » dit Miguel Angel Sedano, un ouvrier de Lexmark cité dans El Diario de Juarez. « Nous organisons un boycott, et demandons au public de ne pas acheter de produits (de Lexmark) étant donné que cette entreprise viole les droits humains et les droits du travail des ouvriers. »

Parmi d’autres plaintes des travailleurs de Lexmark, il y a des déductions non-autorisées de leur fiche de paie et l’exposition à des produits chimiques dangereux dans les ateliers. Lexmark, qui a son siège principal à Lexington, au Kentucky, fabrique des cartouches pour imprimantes et des produits associés.

Il n’y a pas eu de réaction immédiate sur le site web de Lexmark, aux manifestations à Lexington et d’autres villes, mais le site de la compagnie proclame son adhésion aux ‘responsabilités sociales’, avec des buts de développement durable et ‘d’équilibre entre les préoccupations économiques, écologiques et sociales’.

En décembre, des centaines d’ouvriers de Lexmark à Juarez ont organisé des interruptions du travail pour appuyer leurs revendications. Le Lexington Herald Leader a attribué une déclaration de la firme, faite après les manifestations de décembre, à Leea Haarz, directeur général de l’usine de Juarez, qui assurait écouter les employés et se conformer à un engagement d’avoir « des conversations ouvertes et honnêtes avec nos employés afin d’assurer que Lexmark demeure un endroit gratifiant pour travailler. »
D’après le site de Lexmark, l’entreprise a rapporté 3,7 milliards de dollars de revenus en 2014, dont 57% venant de ventes internationales.

Dans une conférence de presse d’El Paso retransmise sur Internet avant Noël, Susana Prieto, avocate des ouvriers de Lexmark et d’autres travailleurs de maquiladora, a accusé l’entreprise d’avoir licencié des ouvriers après qu’ils aient demandé des augmentations de salaire de moins de quinze centimes par jour pour augmenter leur salaire hebdomadaire d’environs 40 dollars. Elle a accusé l’entreprise d’appeler la police de Juarez pour intimider les travailleurs, qui ont commencé à craindre que les flics locaux ne les mettent en détention.

Pendant les mois de protestations, le coût du travail pour les entreprises Américaines ayant des usines à Juarez et le reste du Mexique a encore baissé, suite à l’effondrement du cours du peso. Samedi 16 janvier, des bureaux de change au Mexique affichaient à nouveau un cours de 19 pesos pour un dollar.

A la veille du Nouvel An, alors que le Mexique était plongé dans les festivités, le Bureau de Juarez du Conseil de Conciliation et d’Arbitrage du Travail a rejeté les pétitions des ouvriers de Lexmark et Foxconn demandant la reconnaissance officielle de syndicats indépendants. Dans sa décision, le conseil fédéral du travail a cité la confusion quant au nom proposé pour un syndicat et un plan de gestion financière inadéquat. Les travailleurs ont juré d’aller en appel contre la négation de leurs revendications.

Sur le front juridique, l’avocat du travail Juan Pablo Delgado a déposé le 14 janvier une plainte auprès de la Commission des Droits de l’Homme de l’état de Chihuahua contre le directeur du bureau du Secrétariat au Travail de Chihuahua, au nom des travailleurs de maquiladora qui accusent les officiels de promouvoir une liste noire des travailleurs militants.

Samedi 16 janvier, le mouvement des travailleurs de maquiladora s’est uni à une autre lutte sociale importante au Mexique, lorsque trois parents de jeunes faisant partie des 43 étudiants disparus d’Ayotzinapa dans l’état de Guerrero en septembre 2014, se sont rendus au camp de protestation des travailleurs de Lexmark, devant le bâtiment de l’entreprise.

Avec les mères de jeunes femmes de Juarez disparues dans la ville frontière, les parents d’Ayotzinapa ont tenu un forum en plein air sur la répression et les disparitions, aux portes de Lexmark.

Autre évènement remarquable, la plus grande organisation syndicale des Etats-Unis exprime son soutien à la lutte des ouvriers de Juarez.
Le 11 janvier, sur le blog de l’AFL-CIO, Kathy Feingold a appelé à la réintégration des ouvriers licenciés, à la reconnaissance des syndicats, à l’intervention du gouvernement fédéral Mexicain et à un rapport des instances locales, d’état et fédérales des Etats-Unis pour déterminer si certains des produits qu’ils achètent proviennent de maquiladoras à Juarez « qui pourraient utiliser des dollars des contribuables américains pour subventionner des violations des droits du travail. »
K. Feingold a également souligné la contradiction entre les conditions de travail à Juarez et les nouvelles réformes soutenues par le gouvernement de Pena Nieto afin que le Mexique puisse accéder au projet de Partenariat TransPacifique qui implique la ratification de la Convention 98 de l’Organisation Internationale du Travail (un accord comportant le droit de s’organiser et les négociations collectives), des changements dans les conseils du travail Mexicains et de nouveaux protocoles pour l’inspection du travail.
« Si ces changements étaient mis en pratique, ils pourraient permettre aux travailleurs de Ciudad Juarez et d’autres centres industriels d’exercer effectivement leurs droits » écrit K. Feingold. « Malheureusement, ces annonces n’ont eu aucun effet sur les autorités du travail et les directeurs d’entreprises à Ciudad Juarez. »

Alors que les actions ouvrières se développaient à Juarez et que le soutien pour le mouvement grandissait à l’étranger, une nouvelle affaire de possible empoisonnement alimentaire de masse, un problème récurent dans les maquiladoras de la frontière, était signalé, jeudi 14 janvier, dans une usine de Lear Corporation. Plus de 160 travailleurs de Lear ont commencé à vomir et présenter d’autres symptômes après avoir mangé dans une cafétéria de l’entreprise. Eloy Coral Banda, chef de la commission du Chihuahua pour les risques sanitaires, dit que des échantillons de nourriture étaient relevés à l’usine pour essayer de déterminer la cause des maladies des travailleurs.

Alors que le mouvement des travailleurs se durcit et s’étend, tous les regards à Juarez sont tournés vers la visite, le mois prochain, du Pape François, dont beaucoup s’attendent à ce qu’il s’exprime sur la pauvreté et les conditions de travail. Entretemps, les habitants de la zone frontière de Paso del Norte de Juarez, El Paso et du sud du Nouveau-Mexique auront une occasion d’avoir des informations de première main sur le mouvement des travailleurs de maquiladora.

Samedi 23 janvier, le Projet d’Education en Justice Sociale d’El Paso parrainera, à 10 heures du matin, un forum auquel participeront l’avocate des travailleurs de Lexmark Susana Prieto et l’ouvrière militante de maquiladora de Juarez Miriam Delgado. Les Docteurs Kathy Staudt et Oscar Martinez, co-fondateurs du Projet d’Education en Justice Sociale, universitaires vétérans de la frontière et écrivains, doivent aussi y faire des commentaires. Le forum du samedi matin doit se tenir dans l’auditorium de la Bibliothèque Publique d’El Paso, au 501, N. Oregon, au centre de la ville jumelle de Ciudad Juarez [c.à.d El Paso, Texas].
Autres sources (en Espagnol ou en Anglais) :
Arrobajuarez.com, January 16, 2016. El Mexicano, January 16, 2016. Article by Juan Ramon Rosas. El Diario de Juarez, January 14, 2016. Article by Francisco Chavez. Nortedigital.mx, January 14, 2016. Article by Carlos Omar Barranco. El Diario de El Paso, January 14, 2016. Article by Juliana Henao. Lapolaka.com, January 14 and 16, 2016. Elpasoheraldpost.com, January 11, 2016. Article by Chris Babcock. La Jornada, December 31, 2015; January 13, 15, 16 and 17, 2016. Articles by Ruben Villalpando, Patricia Munoz Rios, Gloria Munoz Ramirez and Elio Henriquez. Lexington Herald Leader (kentucky.com), December 16, 2015.
Frontera NorteSur : en ligne, nouvelles de la frontière US/Mexique
Centre d’Etudes Latines Américaines et de la Frontière
Las Cruces, Nouveau-Mexique

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UN PACTE ENTRE LES ETATS-UNIS ET ISRAEL POUR CONSTRUIRE DES TOURS D’ESPIONAGE VISE LES TOHONO O’ODHAM TRADITIONNELS ET LEUR MONTAGNE SACREE

Par Brenda Norrell
Sur Censored News
7 septembre 2015
Traduction Christine Prat

GU-VO, Tohono O’odham Nation – Les Etats-Unis visent deux districts traditionnels des Tohono O’odham, celui de Gu-Vo et celui de Chukut Kuk, avec 15 nouvelles tours d’espionnage construites par la firme Israélienne pratiquant l’Apartheid Elbit Systems, qui est responsable pour la sécurité ségrégationniste entourant la Palestine.

Dans le territoire Tohono O’odham, les Etats-Unis cachent le fait que la Sécurité Intérieure a accordé le contrat pour les tours de surveillance à la firme Elbit Systems, responsable de la sécurité fondée sur l’Apartheid autour de la Palestine et fabricant de drones.

Le District de Gu-Vo s’oppose au projet. Gu-Vo est le district le plus à l’ouest de la Nation Tohono O’odham.

Les représentants du District de Gu-Vo ont déclaré : « Le District de Gu-Vo s’oppose à la localisation projetée pour les tours, pour de protéger des sites culturels sur la montagne sacrée aujourd’hui appelée Chaine Ajo. La montagne recèle des restes humains de notre peuple, ainsi que des sites de pratiques culturelles (sacs médecine) et l’habitat d’animaux faisant partie de nos cérémonies, comme le cerf, le mouton à longues cornes et les tortues de la montagne, qui sont protégés par la Loi sur les Espèces Menacées. »

« Les forces militaires du gouvernement des Etats-Unis et la Patrouille des Frontières n’ont pas présenté d’informations sur l’impact potentiel, tel que des effets sur la santé, et ont délibérément fourni de fausses informations sur l’impact immédiat sur l’environnement, comme les routes qu’ils construiront sur la montagne et l’installation de lignes à haute tension sur les sites, et le fait que les tours projetées auront un effet pendant au moins 25 ans sur la vie de la montagne, des animaux et des plantes, et les vies des O’odham. »

« Le paysage du District de Gu-Vo a déjà été énormément touché par des routes non autorisées et la destruction de nos montagnes et collines qui ont une grande importance pour le mode de vie O’odham. Nos futures générations seront confrontées à encore plus de restrictions pour vivre sur nos terres d’origine, étant donné que nos droits en tant que peuples Autochtones continuent à se dégrader. »

« Ces tours, projetées par les Etats-Unis ne sont pas sur la frontière mais dans nos communautés et à la limite de la Nation Tohono O’odham, répétant ainsi la discrimination et les attaques délibérées contre les O’odham » disent les représentants du District de Gu-Vo.

Alors que les Etats-Unis essaient de cacher à qui ce contrat pour la frontière a été attribué, il est fêté en Israël.

L’an dernier, la Sécurité Intérieure des Etats-Unis a attribué le contrat de 145 millions de dollars pour la Tour Fixe Intégrée à Elbit Systems, une firme Israélienne qui travaille pour la défense, au lieu de choisir une firme américaine. Avant la signature de ce contrat, Boeing avait dépensé 1 milliard pour tenter de construire des tours de surveillance, avant d’annoncer que les tours à la frontière d’Arizona ne marchaient pas.

Les tours d’espionnage Israéliennes sont la dernière attaque en date contre les O’odham traditionnels, et un moyen de surveillance et d’oppression des O’odham qui vivent dans leur pays souverain.

L’accroissement de la militarisation par les Etats-Unis et Israël en territoire Tohono O’odham souverain a résulté en de nombreuses violations des droits humains, entre autres des viols et des meurtres commis par les agents de la Patrouille des Frontières des Etats-Unis.

Des agents de la Patrouille des Frontières ont été arrêtés dans toutes les régions frontières des Etats-Unis pour trafic de drogues. Une audience du Congrès a révélé que des centaines d’agents de la Patrouille des Frontières et de l’ICE ont été arrêtés et condamnés pour trafic de drogue ou comme «spotters». Les ‘spotters’ sont des vigies au service des cartels mexicains et assurent, pour les cartels, le passage aux Etats-Unis de gros transports de drogue.

Le gouvernement des Etats-Unis a armé les cartels mexicains depuis 2005 à travers trois opérations (Projet Gunrunner, Wide Receiver et Fast and Furious). Les médias américains se sont abstenus de dénoncer la façon dont des agents des Etats-Unis sont impliqués dans le trafic de drogue à la frontière sud. Les Etats-Unis utilisent l’excuse d’une soi-disant guerre contre la drogue pour tenter de justifier l’installation de ces tours d’espionnage Américano- Israéliennes, qui violent toutes les lois sur la protection de la vie privée et les droits de l’homme des Etats-Unis.

Entretemps, des universités sont devenues partenaires d’Israël pour viser les Peuples Autochtones par la création de drones et la surveillance.

L’Université d’Arizona de Tucson est boycottée par les militants des droits de l’homme O’odham pour avoir conçu des drones et une surveillance de la frontière qui touchent et tuent des Autochtones en général. Les Apaches San Carlos boycottent l’Université d’Arizona pour avoir conduit, avec le Pape, l’installation d’énormes télescopes sur le Mont Graham sacré, en Arizona.

 

ARIVACA, EN ARIZONA, SE REVOLTE CONTRE L’ARMEE D’OCCUPATION DE LA PATROUILLE DES FRONTIERES

Les droits des photographes sont mis en cause, tandis qu’une communauté d’Arizona se rebelle contre «l’Armée d’Occupation» des agents de la Patrouille des Frontières

Par Jay Stanley, analyste politique du Projet sur l’Expression, la Vie Privée et la Technologie de l’ACLU [American Civil Liberties Union]
16 avril 2014
Publié sur Censored News
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Traduction Christine Prat

 

L’ACLU d’Arizona a envoyé ce jour une lettre à la Patrouille des Frontières des Etats-Unis demandant que ce service cesse immédiatement d’entraver les droits, garantis par le Premier Amendement [liberté d’expression – NdT], des habitants d’Arivaca, Arizona, de protester et de photographier les activités gouvernementales qui se déroulent à la vue de tous dans une rue publique.
Le conflit s’inscrit dans un contexte plus large et ce qui se développe à Arivaca, est une incroyable histoire de citoyens qui se rebellent contre les violations et la répression gouvernementales dans leur communauté. J’ai parlé récemment avec James Lyall, un avocat de l’ACLU d’Arizona, qui m’a décrit la situation :

« Arivaca est une communauté d’environs 700 personnes, située à 80 km au sud-ouest de Tucson. C’est une petite ville, dans une très belle région du désert de Sonora. Mais quand vous allez là-bas, vous avez parfois l’impression d’être dans un autre pays ou quelque part où la loi martiale a été déclarée, simplement à cause de la présence écrasante de la Patrouille des Frontières. Il y a un nombre incroyable d’agents fédéraux armés – çà donne l’impression que toutes les autres voitures ou personnes que vous rencontrez sont de la Patrouille des Frontières – ainsi que de nombreuses tours de surveillance, de drones, et d’hélicoptères. Notre bureau reçoit régulièrement des appels d’habitants qui ont été interpelés sans raison, détenus et interrogés à un point de contrôle, ou ont eu la visite d’agents de la Patrouille des Frontières qui ont coupé leurs clôtures pour pénétrer dans leur propriété. Les habitants disent avoir l’impression de vivre dans un état policier ou sous une armée d’occupation. Des agents disent aux gens ‘Vous n’avez pas de droits ici’ et ‘vous êtes suspect parce que vous vivez ici.’
On comprend facilement que les gens sont excédés par cette militarisation extrême de leur communauté. C’est pourquoi certains habitants d’Arivaca se sont unis pour former une organisation intitulée Les Gens Aident Les Gens. C’est vraiment une organisation de la base, dirigée par des membres de la communauté, et l’an dernier ils ont lancé une campagne pour exiger la suppression du point de contrôle sur la route d’Arivaca. Ce n’est qu’un des trois points de contrôle de la Patrouille des Frontières autour de la ville et çà a eu un effet dévastateur sur la communauté. Les habitants subissent depuis années un harcèlement routinier et des violations de leurs droits civils au point de contrôle de la Route d’Arivaca, qui se trouve à 40km au nord de la frontière. Ils disent aussi avoir remarqué une chute de la valeur des propriétés, un déclin du tourisme et des préjudices aux commerces locaux. Une commerçante locale a fait faillite récemment, d’après elle à cause du déclin du tourisme dû au poste de contrôle, qui existe depuis plus de sept ans, bien qu’il soit supposé être « temporaire ». Ils s’opposent aussi au fait que le point de contrôle fasse partie d’une stratégie plus large visant à repousser les immigrants vers des régions plus désolées du désert, ce qui cause d’innombrables décès. »

Lyall dit que les violations des droits à ces points de contrôle – et d’autres dans tout le Sud-ouest – consistent en retenues prolongées et des détentions, de longs interrogatoires qui n’ont rien à voir avec la vérification de la nationalité, des chiens supposés chercher de la drogue qui donnent de fausses alertes afin de justifier les fouilles, des insultes verbales, un usage excessif de la force et le profilage racial des habitants latinos.
En janvier, l’ACLU d’Arizona a déposé une plainte au Service de la Sécurité Intérieure pour des violations perpétrées à six points de contrôle dans le sud de l’Arizona, parmi lesquels le point de contrôle de la Route d’Arivaca. La lecture de la plainte donne une idée de ce que c’est pour les citoyens vivant dans la région – bien qu’il soit noté dans la plainte que les violations par la Patrouille des Frontières ne se limitent pas à l’Arizona ni même à la frontière du Sud-ouest – et indique comment les agents de la Patrouille des Frontières vont bien au-delà des limites de leur autorité aux points de contrôle, qui, selon l’Arizona Republic [quotidien de Phoenix – NdT] sont au nombre de 170 dans l’ensemble des Etats-Unis.
Ces points de contrôle de l’intérieur résultent d’une législation remontant à des décennies qui donne à la Patrouille des Frontières l’autorité pour opérer à une « distance raisonnable » de la frontière. Cette distance a été définie dans les années 1950 – sans consultation publique ni débats, à une époque où la Patrouille des Frontières comptait à peine 1100 agents – comme étant de 160 km de toute frontière extérieure des Etats-Unis. Cette zone comprend aujourd’hui les deux tiers de la population des Etats-Unis, neuf des dix plus grandes villes, et certains états en entier. La loi autorise aussi la Patrouille des Frontières à pénétrer dans des propriétés privées jusqu’à 40 km de la frontière.
En pratique, cependant, la Patrouille des Frontière va souvent encore plus loin à l’intérieur du pays. En 2008, un Sénateur Démocrate du Vermont a été arrêté à un point de contrôle à 200 km de la frontière canadienne, et c’est un des nombreux exemples d’agents outrepassant les limites géographiques et légales de leur autorité. […]

Lyall explique comment les gens d’Arivaca se sont organisés contre le point de contrôle :

« Ces gens doivent passer le point de contrôle quotidiennement – pour se rendre au travail, conduire les enfants à l’école, faire les courses. Et chaque jour ils doivent répondre aux questions d’un agent fédéral armé. Et ils ne savent pas s’ils vont pouvoir passer ou si les agents vont dire « je veux fouiller votre coffre ». Ils ont le droit de refuser la fouille, mais ils pourraient alors être détenus pendant que des chiens cherchant prétendument de la drogue démolissent leur voiture. Et c’est arrivé, à répétition. Ainsi ils ne savent jamais, quand ils arrivent au point de contrôle quotidiennement, ce qui les attend.
La première partie de leur campagne a été une pétition demandant la suppression du point de contrôle : la pétition a été signée par plus de 200 personnes et 10 commerces – donc environs un tiers des habitants de la ville, parmi lesquels la plupart des propriétaires de commerces. Leur Représentant au Congrès, Raùl Grijalva, a écrit une lettre pour soutenir leur pétition. La Patrouille des Frontières a répondu que leurs inquiétudes étaient prises au sérieux, mais qu’ils pouvaient aller se faire voir – c’est ce qu’ils disaient en substance. Rien au sujet d’une enquête sur les violations des droits civils. La Patrouille des Frontière a même refusé de publier les données qui permettrait de juger si le point de contrôle correspond à un besoin. »

Ce fut donc la première étape. L’étape suivante, selon Lyall, a été de démarrer une campagne de surveillance du point de contrôle, à la lumière de toutes les violations qui y avaient été commises :

« Ils ont commencé la surveillance du point de contrôle le 26 février. Cinq ou six surveillants en vestes jaunes, avec des caméras vidéo et des carnets de notes – ainsi qu’une douzaine de supporters – sont allés protester et surveiller le point de contrôle. Des médias locaux et le Los Angeles Times ont couvert l’évènement.
Ils sont arrivés au point de contrôle à pied, et se sont installés près de la zone d’inspection secondaire, où les agents de la Patrouille des Frontières demandent quelques fois aux gens de se garer pour fouiller leur voiture. Ils ont formé un piquet et ont commencé à filmer et noter les interactions des agents avec les automobilistes. Des agents se sont approchés d’eux et leur ont dit qu’ils ne pouvaient pas rester là, donnant toutes sortes de raisons vagues et incohérentes : que la Patrouille des Frontières avait un permis, qu’ils avaient l’autorité exclusive sur cette zone. Le sheriff est venu et leur a seulement demandé de se mettre de l’autre côté de la rue, ce qu’ils ont fait. Mais peu de temps après le départ du sheriff, les agents de la Patrouille des Frontières ont dit « vous devez reculer de 300 mètres ou nous vous arrêtons ». Donc, sous la menace, ils ont été forcés de s’éloigner du point de contrôle, derrière une barricade construite à la hâte, d’où ils ne pouvaient pas vraiment voir ou filmer ce qui se passait.
Quelques jours plus tard, ils sont revenus, et la Patrouille des Frontières avait placé un panneau ‘Interdit aux piétons’ et ajouté des barrières et des cordes empêchant le passage du public. La Patrouille des Frontières prétend maintenant que cette route publique et leur zone d’autorité exclusive et que les piétons n’y sont pas autorisés. Ils avaient aussi garé leurs véhicules derrière la barrière pour obstruer la vue des photographes et des manifestants. Une fois, ils ont laissé tourner pendant des heures le moteur d’un véhicule de la Patrouille des Frontières, afin que les gaz d’échappement atteignent directement les activistes qui les surveillaient, pour essayer de les faire partir. Ils ont aussi autorisé les gens qui soutiennent la Patrouille [les anti-immigration – NdT] – mais pas les autres – à s’installer dans la nouvelle zone. C’est un bon exemple de ‘discrimination au point de vue’, et c’est anticonstitutionnel.
La Patrouille des Frontières n’est pas habilitée à venir dans cette communauté et dire ‘maintenant c’est à nous et vous devez rester à 450 mètres derrière nos véhicules afin de ne pas pouvoir voir ce que nous faisons à vos voisins’. Ce n’est pas différent des autres points de contrôle, au sujet desquels les tribunaux ont exprimé clairement que l’application de la loi ne pouvait pas restreindre au-delà de limites raisonnables les droits reconnus par le Premier Amendement des manifestants et des photographes, et encore moins d’exercer des représailles pour avoir mis ces droits en pratique. Et des tribunaux ont souvent répété qu’un trottoir publique comme celui-ci était ‘l’archétype du forum publique traditionnel’, où la capacité du gouvernement à restreindre l’expression pour quelque raison que ce soit, est strictement limitée.
Ainsi, maintenant, en plus de tous les abus et violations de la Patrouille des Frontières auxquels cette communauté est confrontée, les agents enfreignent les droits fondamentaux à la liberté d’expression garantis par le Premier Amendement – le droit de protester contre un point de contrôle qui a des effets profondément négatifs sur leurs vies quotidiennes, et le droit de faire des vidéos d’un service connu pour des violations commises de façon routinière à l’encontre des habitants. Je ne pense pas que la démonstration pourrait être plus claire : au lieu de faire quelque chose contre ces violations des droits et de répondre aux inquiétudes de la communauté, ils interdisent littéralement aux habitants d’Arivaca de voir de que ces agents fédéraux armés font à leurs amis, leur famille, leurs voisins – dans leur propre communauté.
Donc, le travail des gens d’Arivaca est un précédent important et il est important que l’ACLU les soutienne – surtout maintenant que la Patrouille des Frontières violent les droits garantis par le Premier Amendement, en plus des autres violations de droits civils et humains que nous-mêmes et d’autres rapportent depuis des années. »
[…]