A LIRE D’URGENCE:

THE AWAKENING IN AMERICA
(Analysis of the “Occupy Wall Street” movement)
http://www.bopsecrets.org/recent/awakening.htm

Traduction Française autorisée par Gedicus et Ken Knabb parue entretemps:
http://www.bopsecrets.org/French/awakening.htm

Pour des infos sur les mouvements voir aussi:

http://occupytogether.org/

http://www.adbusters.org/

 

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LE REVEIL EN AMERIQUE

(Une analyse du mouvement « Occupez Wall Street »)

Article original en Anglais : http://www.bopsecrets.org/recent/awakening.htm

 

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LE REVEIL EN AMERIQUE

 

« Une situation radicale est un réveil collectif… Dans de telles situation les gens sont de plus en plus ouverts à de nouvelles perspectives, de plus en plus prêts à remettre en question les hypothèses précédentes, plus prestes à voir à travers les litanies habituelles… Les gens en apprennent plus sur la société en une semaine qu’en plusieurs années d’ ‘études sociales’ universitaires ou d’incitation gauchiste à la ‘prise de conscience’. … Tout semble possible – et beaucoup plus EST possible. Les gens ont peine à croire qu’ils ont pu tant supporter dans les ‘vieux jours’. … La consommation passive est remplacée par la communication active. Des inconnus entament des discussions passionnées au coin des rues. Les débats continuent nuit et jour, de nouveaux arrivants remplaçant constamment ceux qui partent vers d’autres activités ou essaient d’aller dormir quelques heures, bien qu’ils soient généralement trop excités pour dormir longtemps. Alors que des gens succombent aux appels des démagogues, d’autres commencent à faire leurs propres propositions et à prendre leurs propres initiatives. Ceux qui y assistent sont entrainés dans le tourbillon et se mettent à changer avec une étonnante rapidité… Les situations radicales sont les rares moments où un changement qualitatif devient réellement possible. Loin d’être anormales, elles révèlent combien nous sommes habituellement anormalement réprimés ; elles font apparaître notre vie ‘normale’ comme du somnambulisme. »

— Ken Knabb, LA JOIE DE LA REVOLUTION

Texte en Anglais : http://www.bopsecrets.org/PS/joyrev3.htm#situation

 

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Le mouvement « Occupez » qui a balayé le pays depuis les quatre dernières semaines est déjà l’avancée la plus radicale en Amérique depuis les années 60. Et ce n’est qu’un début.

Çà a commencé le 17 septembre, quand quelque 2000 personnes se sont rassemblées à New York pour « Occuper Wall Street » pour protester contre la domination de plus en plus évidente d’une petite minorité économique sur les « autres 99% ». Les participants ont commencé par une occupation, genre cité de toile, d’un parc près de Wall Street (rebaptisé Place de la Liberté en hommage 1a l’occupation de la Place Tahrir en Egypte) et formé une assemblée générale qui s’est réunie quotidiennement depuis. Bien qu’au départ totalement passée sous silence par les médias dominants, cette action a commencé à inspirer des occupations similaires dans des centaines de villes à travers le pays, et beaucoup d’autres dans le reste du monde.

L’élite au pouvoir ne sait pas d’où sont venus les coups et se retrouve soudain sur la défensive, tandis que les pontifes des médias, qui n’y comprennent goutte, tentent de balayer le mouvement d’un revers de la main, au prétexte qu’il n’arrive pas à présenter un programme cohérent ou une liste de revendications. Les participants au mouvement ont bien entendu exprimé de nombreux griefs, des griefs suffisamment évidents pour quiconque prêtait attention à ce qui se passait dans le monde. Mais il ont judicieusement évité de se limiter à une seule revendication, ou même à quelques revendications, parce qu’il est devenu de plus en plus clair que tous les aspects du système posent problème et que tous les problèmes sont interconnectés. Alors, reconnaissant que LA PARTICIPATION POPULAIRE EST EN ELLE-MEME UNE PART ESSENTIELLE DE TOUTE VRAIE SOLUTION, l’assemblée de New York a fait une proposition désarmante de simplicité et pourtant éminemment subversive, demandant au peuple du monde d’ « Exercer votre droit de vous rassembler pacifiquement ; d’occuper l’espace publique ; de créer un processus capable de traiter les problèmes auxquels nous faisons face ; et d’engendrer des solutions accessibles à tous. … Rejoignez nous et faites entendre vos voix ! »

Presqu’aussi incapables d’y comprendre quelque chose, les radicaux doctrinaires restent sur la touche, prédisant lugubrement que le mouvement va être récupéré ou se plaignant de ce qu’il n’a pas adopté dans l’instant les positions les plus radicales. Ceux-là plus que n’importe qui devraient savoir que la DYNAMIQUE des mouvements sociaux est beaucoup plus importante que les positions idéologiques affichées de manière ostentatoire. Les révolutions émergent de processus complexes de débat social et d’interaction qui se trouvent atteindre un point critique et déclencher une réaction en chaîne – des processus très semblables à ce que nous sommes en train de voir en ce moment. Le slogan des « 99% » peut bien ne pas être une « analyse de classe » très précise, mais c’est une approximation suffisante pour débuter, et un mème excellent pour dépasser tout un jargon sociologique traditionnel et signifier que l’immense majorité des gens sont subordonnés à un système géré par une minuscule élite au pouvoir. Et cela met à juste titre l’accent sur les institutions économiques plutôt que sur les politiciens qui ne sont que leurs laquais. Les innombrables griefs ne constituent peut être pas un programme cohérent, mais pris dans leur totalité ils impliquent déjà une transformation fondamentale du système. La nature de cette transformation deviendra de plus en plus claire au fur et à mesure que la lutte se développera. Si le mouvement force finalement le système à adopter des réformes plus ou moins significatives, style New Deal, tant mieux – cela allègera pour un temps les conditions existantes ce qui nous permettra d’avancer plus facilement. Si le système se révèle incapable d’introduire des réformes significatives, cela obligera les gens à se tourner vers des alternatives plus radicales.

Quant à la possible récupération, il y aura bien entendu de nombreuses tentatives de s’emparer du mouvement ou de le manipuler. Mais je ne pense pas que çà leur sera facile. Depuis le début le mouvement d’occupation a été résolument antihiérarchique et participatif. Les décisions des assemblées générales sont scrupuleusement démocratiques et la plupart des décisions sont prises par consensus – un procédé qui peut parfois être infructueux, mais qui a l’avantage de rendre les manipulations pratiquement impossibles. En fait, LA MENACE REELLE EST EXACTEMENT LE CONTRAIRE : l’exemple de démocratie directe menace finalement toutes les hiérarchies et toutes les divisions sociales, y compris celles entre les travailleurs de base et leurs bureaucraties syndicales, et entre les partis politiques et leurs électeurs. C’est pourquoi tant de politiciens et de bureaucrates syndicaux tentent de prendre le train en marche. Cela reflète notre force, pas notre faiblesse. (La récupération se produit quand nous tombons dans le piège de prendre LEUR train.)  Les assemblées peuvent évidemment accepter de collaborer avec un groupe politique pour une manifestation, ou avec un syndicat pour une grève, mais la plupart s’arrangent pour que les distinctions restent claires, et pratiquement toutes se sont profondément distanciées des deux grands partis politiques.

Alors que le mouvement est éclectique et ouvert à tous, on peut dire sans beaucoup de risques de se tromper que l’esprit qui l’anime est fortement anti autoritaire, et qu’il tire son inspiration non seulement des mouvements populaires récents en Argentine, en Tunisie, en Egypte, en Grèce, en Espagne et bien d’autres pays, mais aussi des théories et des tactiques anarchistes et situationnistes. Comme le rédacteur de Adbusters (un des groupes qui ont aidé à démarrer le mouvement) l’a noté :

« Nous ne sommes pas seulement inspirés par ce qui est arrivé pendant le Printemps Arabe récemment, nous avons étudié le mouvement Situationniste. Ce sont les gens qui ont donné naissance à ce que beaucoup pensent être la première révolution globale, en 1968, quand des émeutes dans Paris ont soudain inspiré des émeutes partout dans le monde. Tout d’un coup, les universités et les villes explosaient. Çà a été le fait d’un petit groupe de gens, les Situationnistes, qui étaient en quelque sorte l’armature philosophique du mouvement. L’un des personnages-clef était Guy Debord, qui avait écrit LA SOCIETE DU SPECTACLE. L’idée de base est que si vous avez un mème puissant – une idée très puissante – et que la situation est mûre, c’est suffisant pour déclencher une révolution. C’est le fond dont nous venons. »

La révolte de mai 1968 en France était en fait aussi un « mouvement d’occupation » – un de ses aspects les plus notoires était l’occupation de la Sorbonne et d’autres bâtiments publiques, qui a inspiré l’occupation d’usines dans tout le pays par plus de 10 millions d’ouvriers. (Il va sans dire que nous sommes encore très loin de cela, qui ne risque pas d’arriver avant que les travailleurs Américains ne se passent de leurs bureaucraties syndicales et entreprennent leur propre action collective, comme ils firent en France à l’époque.)

Alors que le mouvement s’étend à des centaines de villes, il est important de noter que chaque nouvelle occupation et assemblée demeure TOTALEMENT AUTONOME. Bien qu’inspirées par l’occupation initiale de Wall Street, elles ont toutes été créées par les gens dans leurs propres communautés. Aucune personne ou groupe extérieur n’a le moindre contrôle sur l’une de ces assemblées. Ce qui est exactement comme çà doit être. Lorsque les assemblées locales verront une nécessité pratique de se coordonner, elles se coordonneront ; en attendant, la prolifération de groupes et d’actions autonomes est plus sûre et plus fructueuse que l’ « unité » proclamée d’en-haut, à laquelle les bureaucrates appellent toujours. Plus sûre, car elle va à l’encontre de la répression : si l’occupation dans une ville est écrasée (ou récupérée), le mouvement sera toujours vivant et en pleine forme dans des centaines d’autres. Plus fructueuse, parce que cette diversité permet aux gens de partager et de comparer plus de tactiques et d’idées.

Chaque assemblée met au point ses propres procédures. Certaines opèrent sur le mode d’un consensus strict, d’autres par le vote à la majorité, d’autres avec diverses combinaisons des deux (par exemple, une politique de « consensus modifié » exigeant seulement 90% des voix). Certaines restent strictement dans les limites de la loi, d’autres entreprennent diverses actions de désobéissance civile. Elles établissent divers comités ou « groupes de travail » pour traiter des questions particulières, et emploient diverses méthodes pour s’assurer de la responsabilité des délégués ou des porte-parole. Elles prennent des décisions diverses sur la manière de se comporter avec les médias, la police et les provocateurs, et adoptent des façons différentes de collaborer avec d’autres groupes ou d’autres causes. De nombreux types d’organisation sont possibles ; ce qui est essentiel est que çà reste transparent, démocratique et participatif, et que toute tendance à la hiérarchisation ou la manipulation soit immédiatement dénoncée et rejetée.

Une autre caractéristique de ce mouvement est que, contrairement à des mouvements radicaux précédents qui tendaient à se rejoindre sur une question particulière, un jour particulier, puis à se disperser, les occupations actuelles s’installent localement sans qu’un terme soit annoncé. Elles sont là à long terme, avec assez de temps pour prendre racine et expérimenter toutes sortes de nouvelles possibilités.

VOUS DEVEZ PARTICIPER POUR COMPRENDRE CE QUI SE PASSE REELLEMENT. Tout le monde ne peut pas rejoindre les occupations instantanées, mais pratiquement tout le monde peut participer aux assemblées générales. Vous trouverez sur http://occupytogether.org des informations sur les occupations (ayant lieu ou prévues) dans plus de 1000 villes aux Etats-Unis et dans plusieurs centaines dans le reste du monde.

Les occupations rapprochent toutes sortes de gens issus de toutes sortes de milieux. Ceci peut être nouveau et même constituer une expérience déstabilisante pour certains, mais c’est incroyable de voir la rapidité à laquelle les barrières sont rompues quand on travaille ensemble à un projet collectif passionnant. La méthode du consensus peut sembler pénible au départ, surtout si l’assemblée recourt au système de « micro populaire »  (l’assemblée répète en écho chaque phrase de l’orateur afin que tout le monde entende). Mais çà a l’avantage d’encourager les gens à parler à propos, et très vite on prend le rythme et on commence à apprécier l’effet produit, qui est de faire que les gens se concentrent sur chaque phrase ensemble, et que chacun ait une chance de dire quelque chose et de voir que ses préoccupations ont l’attention respectueuse de tous les autres.

Au cours de ce processus, on a déjà un avant-goût d’une nouvelle sorte de vie, de la vie comme elle pourrait être si nous n’étions pas coincés dans un système social absurde et anachronique. Il se passe tant de choses si vite que nous avons du mal à l’exprimer. Des sentiments tels que « Je ne peux pas y croire ! Çà y’est ! Ou au moins çà POURRAIT l’être – ce que nous avons attendu depuis si longtemps, le genre de réveil de l’humanité dont nous avons rêvé mais dont nous ne savions pas que çà pourrait arriver au cours de notre vie. » Maintenant, c’est là et je sais que je ne suis pas seul à verser des larmes de joie. Une femme qui a pris la parole à la première assemblée générale d’Occupez Oakland a dit « Je suis venue ici aujourd’hui pas seulement pour changer le monde, mais pour me changer moi-même. » Je pense que tout le monde là-bas savait ce qu’elle voulait dire. Dans ce brave nouveau monde, nous sommes tous des débutants. Nous allons tous faire des tas d’erreurs. On peut s’y attendre et c’est bien commme çà. C’est nouveau pour nous. Mais dans ces conditions, nous apprendrons vite.

Au cours de la même assemblée quelqu’un portait une pancarte disant : « Il y a plus de raisons d’être enthousiasmé que d’avoir peur. »

 

BUREAU DES SECRETS PUBLIQUES
15 octobre 2011
BUREAU OF PUBLIC SECRETS
P.O. Box 1044, Berkeley CA 94701
Etats-Unis
http://www.bopsecrets.org

« Faire danser les conditions pétrifiées en leur chantant leur propre refrain »

 

 

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