Le Mouvement Brise les Frontières

Par Frontera NorteSur (Université d’Etat du Nouveau Mexique)

Article original en Anglais publié par Censored News: ‘Occupy’ Movement Breaks Borders

Traduction Christine Prat

Dimanche 16 octobre 2011

Une vague de protestation sans précédent contre l’élite financière internationale et les politiques économiques dominantes a balayé la planète le 15 octobre. Et le Nouveau Mexique, le Mexique et les régions frontalières des Etats-Unis n’ont pas fait exception. Des actions de protestations ont été organisées à San Diego, Tijuana, Las Cruces, Ciudad Juarez et Mexico, et dans beaucoup d’autres endroits. A El Paso, l’installation d’un camp pour lundi 17 octobre, sur la Plaza San Jacinto au centre ville, a été annoncé.

Dans la ville voisine de Ciudad Juarez, des manifestants issus de plusieurs groupes ont commencé leurs actions sur la place au centre ville mais elles ont culminé au Consulat des Etats-Unis où les participants ont conspué la domination économique des Etats-Unis. Selon l’activiste Julian Contreras, l’économie mondiale « laisse les gens abandonnés tout en privilégiant les banques et les grands hommes d’affaires et en ne créant pas d’emplois et n’offrant pas aux jeunes la possibilité de poursuivre des études… »

Les manifestants ont aussi critiqué les propositions visant à autoriser légalement les soldats à fouiller les domiciles privés sans mandat de perquisition d’un juge. La manifestation de Ciudad Juarez s’est tenue à un moment où la ville est en plein gala, un événement de deux semaines organisé par le gouvernement et le secteur privé pour améliorer l’image de la ville et attirer plus d’investissements.

A Mexico, diverses manifestations auxquelles ont participé des centaines de jeunes ont également fait le lien entre les problèmes de violence liés à la soi-disant guerre de la drogue et les injustices économiques.

« Nous devons unir tous les jeunes, utiliser les réseaux sociaux pour faire une nouvelle révolution, et construire une nouvelle démocratie sans violence et sans inégalités, » dit un étudiant d’un nouveau camp de protestation installé près du Monument à la Révolution.

D’autres actions de protestation ont eu lieu ou sont prévues à Guadalajara, Morelia, San Cristobal de las Casas, Oaxaca City, Cancun et plus d’une douzaine d’autres villes.

« De l’Amérique à l’Asie, de l’Afrique à l’Europe, les gens se lèvent pour recouvrer leurs droits et demander une démocratie authentique », ont scandé des dizaines de manifestants frappant sur des casseroles, à Monterrey, la vieille ville industrielle du Nord du Mexique déchirée par la violence.

Deux jours avant le 15 octobre, plus de 100 étudiants se sont rassemblés à l’Université de l’Etat du Nouveau Mexique à Las Cruces pour une manifestation locale du nouveau mouvement étudiant national qui s’est étendu à partir de la première occupation, celle du Parc Zuccotti à New York, maintenant rebaptisé Place de la Liberté, en bordure de Wall Street. D’autres villes du Nouveau Mexique ont connu des mouvements de protestations le 15 octobre, entre autres Carlsbad, Roswell, Farmington, Taos, Santa Fe et, bien sûr, la plus grande ville de l’état, Albuquerque.

Le 15 octobre, la manifestation de Duke City était une fusion d’Americana, d’iconographie du Tiers Monde et d’histoire de la classe ouvrière.

Des membres de l’AFSCME et de 1199 syndicats étaient visiblement en train d’exprimer fougueusement une indignation longtemps refoulée contre les pouvoirs économiques constitués. Une foule de manifestants plus jeunes a défilé sur Central Avenue du camp Occupez/Libérez Albuquerque à l’Université du Nouveau Mexique (UNM) pour rejoindre un groupe plus âgé brandissant des pancartes qui avait pris position devant la Wells Fargo Bank dans le quartier Nob Hill. Au milieu des drapeaux américains, une banderole représentant Che Guevara a été accrochée à la grille de la banque tandis qu’une autre pancarte citait de feu l’acteur George Carlin sur le Rêve Américain.

Un tract distribué pendant la manifestation et représentant une énorme truie, critiquait les pratiques de prêts de la Wells Fargo et soulignait le contraste entre les gains moyens des caissiers de banque et ceux du PDG de la compagnie, Richard Kovacevich, pour 2007-2008, qui d’après les auteurs du tract aurait gagné 662 fois le salaire d’un caissier.

Un échantillonnage visuel des pancartes brandies montrait tout de suite les sentiments politiques de la foule : « Personne n’a élu les Frères Koch, » « Mettez fin à la ploutocratie, » « Rendez nous Sherman Tillman et Glass Stegall, » « Mon fils mérite un Futur, » « Arrêtez les Guerres, » « Nous sommes la Vraie Tea Party, » « Faites du bruit si vous êtes Sous-payé. »

Et de nombreux automobilistes klaxonnaient en retour, tappant sur leurs klaxons dans un tel crescendo qu’il était parfois difficile d’entendre les slogans. « Nous sommes les 99%, » « Ceci est ce à quoi ressemble la Démocratie » et « Pouvoir du Peuple » scandait une foule de personnes âgées, de jeunes et de moins jeunes. On a entendu un homme demander le retour du FDR.

Une femme, couverte d’affiches et armée d’une liste de sites web relatifs au mouvement qui se propage à travers les continents contre les politiciens établis du nord au sud et d’est en ouest, et qui se disait Tami de Mountainair, dit que le 15 octobre était « contre la mondialisation et la privatisation dont les banques ont pris la tête avec leur masse d’argent… » et ajoutait « nous avons payé leur caution, nous en sommes propriétaires. »

Des femmes ont découvert un usage créatif des tonneaux orange qui balisent les travaux sans fin qui rendent cauchemardesque la circulation automobile autour d’Albuquerque ces temps-ci, en les transformant en tambour, tandis que le chœur des Grand-Mères Enragées offrait une version a capella de succès populaires, comme « Where Have all Our Taxes Gone, » (« Que sont devenus nos impôts »), sur l’air du classique « Where Have all the Flowers Gone » (« Que sont devenues les fleurs »).

Un message adressé aux maires et chefs de la police protestait contre l’évacuation des manifestants du Mouvement ‘Occupez’ dans des villes comme Denver et rappelait aux autorités l’existence de quelque chose appelé Premier Amendement (Premier Amendement de la Constitution Américaine, qui garantit la liberté d’expression – NdT).

Le message précisait que « quand les gens à travers le Moyen Orient occupaient les places publiques, les dirigeants à Washington acclamaient généralement les protestataires et prévenaient les gouvernements Moyen Orientaux de ne pas avoir recours à la force pour les évacuer ».

[…]

Les revendications des manifestants et les avertissements contre la répression d’Etat frappaient par leur similitude avec ceux des manifestations mexicaines qui éclatèrent après la crise économique et la recapitalisation des banques en 1994/95, évènements qui ont conduit à une ère d’austérité et une dette publique qui continue à être remboursée des années plus tard.

Comme ailleurs, les mouvements Occupez/Libérez du Nouveau Mexique ne se terminent pas le 15 octobre. Un séminaire est prévu à l’Université du Nouveau Mexique cette semaine, et le Conseil Municipal d’Albuquerque est sur le point de publier une proclamation soutenant les protestations ce lundi 17 octobre.

Soutenue par le Vice-président du Conseil Municipal Rey Garduno, la proclamation place le mouvement actuel dans un contexte historique, déclarant que les « Albuquerquois savent que faire partie des 99% signifie aussi remettre en question un héritage historique d’occupation par des pouvoirs étrangers se livrant à la course au profit ; être la cible d’industries polluantes ; et voir les dollars de leurs impôts aller recapitaliser de riches corporations alors que les jeunes n’ont pas les moyens d’aller à l’université…

En plus, la proclamation déclare que les ouvriers, les gens de couleur, les immigrés et les Nations Indigènes « ne savent que trop bien ce que l’occupation signifie vraiment, » et que le 1% de privilégiés et « leurs protecteurs au gouvernement » menacent de couper les filets de sécurité et les programmes économiques bénéficiant à tous.

La proclamation se termine par « Nous sommes les 99% et nous sommes avec le Mouvement Occupez Wall Street. »

D’après le site www.occupytogether.org , au dimanche 16 octobre, moins d’un mois après que la première étincelle ait jailli à New York, près de 2 000 villes dans le monde sont impliquées d’une manière ou d’une autre dans le nouveau mouvement qui commence à ébranler la politique mondiale.

 

Autres sources : Lapolaka.com, 15 octobre 2011. El Diario de Juarez, 15 octobre 2011, articles de Martha Elba Figueroa et Abigail Arredondo. El Paso Times, 15 octobre 2011, article de Alejandro Martinez-Cabrera. El Universal, 15 octobre 2011, articles de Patricia Salazar Martinez et Silvia Otero. La Jornada/AFP, 15 octobre 2011. KOAT.com, 15 octobre 2011. KOB.com, 15 octobre 2011.

 

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