Par Christine Prat
22 mars 2023
Une firme qui prétend « laver plus vert », a l’intention d’installer trois pompes de stockage d’eau sur Black Mesa, qui en manque déjà terriblement, comme le montre un très bref résumé de son histoire.
Peabody Coal, Déportation des Navajos de Big Mountain et Épuisement de l’eau
En 1882, le Président Chester A. Arthur créa, par un Ordre Exécutif, une Réserve pour les Hopis et « tels autres Indiens que le Secrétaire à l’Intérieur pourrait juger bon d’y placer. » Cette zone était connue sous le nom de Joint Use Area ou JUA. Les « autres Indiens » étaient les Navajos qui y vivaient depuis toujours. Cette situation a duré jusqu’en 1974.
Après que des géologues aient cru – à tort – que Black Mesa devait receler du pétrole, dès 1963, la compagnie charbonnière Peabody Coal a commencé à forer pour chercher du charbon. La plupart des Navajos et des Hopis étaient contre l’ouverture à la dynamite de la Terre Mère. Mais quelques dirigeants Hopi avaient besoin de l’argent que l’exploitation de charbon pourrait leur amener. Il y eut donc un conflit politique entre les dirigeants ‘modernistes’ et leurs administrés et voisins ‘traditionnels’.
En 1974, le Congrès des Etats-Unis a adopté la loi PL 93-531, qui décidait du partage de la zone jusque-là commune aux Navajos et aux Hopis, et de la déportation et ‘relocalisation’ forcée de milliers de familles Navajo de Big Mountain. La loi a été votée en plein scandale du Watergate, par conséquent, la plupart des Sénateurs et Représentants étaient absents des discussions de la loi.
Juste avant que la question de Big Mountain ne soit noyée par le scandale du Watergate, le conseiller juridique – Mormon – de la tribu Hopi, qui s’est avéré plus tard avoir été aussi le conseiller juridique de la firme Peabody Coal – fondée par des Mormons – (qui est toujours la plus grande compagnie charbonnière du monde), et avoir travaillé pour la firme de Relations Publiques – Mormone – qui se chargeait de manipuler les médias, avait réussi à présenter l’affaire comme une guerre tribale dévastatrice entre les Hopis et les Navajos.
En fait, c’était surtout les dirigeants Hopi de l’époque, occidentalisés – et, pour certains, convertis à la religion des Mormons – intéressés par les profits rapportés par l’exploitation du charbon, qui avaient choisi Peabody, contre leurs voisins Navajos et leurs propres administrés ‘traditionnels’, qui n’apprécient pas non plus la pollution au charbon de l’air qu’ils respirent, et l’épuisement des ressources en eau déjà rare.
La situation ne s’est pas améliorée. Encore en 2014, les habitants étaient harcelés, leur bétail saisi. Bien sûr, le harcèlement avait pour but de pousser les gens à partir, étant donné que Peabody voulait s’étendre. Des Hopis, au Conseil Tribal, soutenaient Peabody, vu qu’ils avaient besoin de l’argent que çà leur procurait. Les dirigeants Navajo avaient aussi des intérêts dans l’exploitation des ressources – la mine principale était en territoire Navajo – et avaient donné leur accord pour prolonger le permis d’exploitation de Peabody de 25 ans.
Cependant, les mines de charbon ont fermé, celle de Big Mountain en 2005 et celle de Kayenta en 2019. Mais depuis, Peabody s’acharne à échapper à l’obligation de réparer les dégâts. La firme s’est déclarée en faillite à plusieurs reprises.
Les gens en ont assez d’être empoisonnés par la poussière de charbon, et de manquer d’eau à cause des quantités phénoménales qui ont été utilisées pour extraire le charbon et le transporter sous forme liquéfiée jusqu’aux centrales. La centrale située au nord-ouest de la Réserve a fermé en décembre 2020. L’une des centrales de l’est, au Nouveau-Mexique, la centrale de San Juan, située à proximité de la Réserve, devait fermer en octobre 2022. Celle de Four Corners, extrêmement polluante, située dans la Réserve, près de Shiprock, a encore deux unités en service, les trois autres ont été fermées en 2014. Mais la poussière est toujours présente, la nature défoncée. Rien n’a été réparé.
En plus, il y a au moins 1000 mines d’uranium abandonnées mais toujours radioactives, dans et autour de la Réserve Navajo, et 22 puits ont dû être fermés parce qu’ils étaient radioactifs, privant les gens de sources d’eau proches.
Et le climat de la région est désertique et il ne faut pas trop compter sur la nature pour réalimenter les nappes phréatiques et les sources.
Maintenant, une firme spécialisée dans le « Laver Plus Vert » a demandé des permis pour installer des pompes de stockage d’eau sur Black Mesa. Elle prétend s’approprier le peu d’eau qui reste dans la nappe phréatique et quelques cours d’eau pas encore complètement épuisés. Cette firme a son siège à Paris, où il est plus facile de se faire passer pour écologiste.