LES TOURS DE SURVEILLANCE EN ARIZONA, LA BLAGUE A UN MILLIARD DE DOLLAR, SONT DE RETOUR
Par Brenda Norrell, 12 décembre 2011
Publié sur narcosphere Original article in English
Article et photos de Brenda Norrell, traduction Christine Prat
QUELQUE PART SUR LA FRONTIERE US/Mexique – La Sécurité Intérieure a décidé que d’avoir gaspillé 1 milliard de dollars pour placer des tours de surveillance inutiles en Arizona ne suffisait pas. Maintenant, la Sécurité Intérieure a décidé de gaspiller 1 milliard et demi de plus pour placer plus de tours de surveillance. (Oui, oui, nous savons pourquoi. Nous comprenons qu’il s’agit d’un nouveau ‘cadeau’ à Boeing et leur bon copain, la société d’armement Israélienne pour l’Apartheid en Palestine, Elbit Systems.)
La plupart des gens n’ont pas remarqué que, quand la Sécurité Intérieure a mis un terme au dernier cadeau d’1 milliard pour les tours de surveillance, un nouveau projet pour un autre cadeau 1,5 milliard était déjà prêt à être lancé.
Il n’y a pas encore eu d’appel d’offre officiel pour le nouveau contrat. Çà doit se faire en janvier 2012. Mais cela n’a pas empêché Boeing de recruter pour un emploi lié à ces nouvelles tours, Integrated Fixed Towers, dès novembre à Tucson. L’emploi a été attribué à un technicien de Ajo, pour travailler à ces nouvelles tours de surveillance destinées à remplacer le gâchis des initiatives de la Sécurité Intérieure des années précédentes.
Les districts Tohono O’odham ont déjà été sollicités pour approuver les nouvelles tours de surveillance US sur leurs territoires souverains.
La compagnie Israëlienne Elbit Systems se profile déjà pour le boulot. Elbit organise aussi quelques fuites sur des choses supposées secrètes, comme font tous les profiteurs. Elbit, l’entreprise d’armement Israëlienne, se vante d’avoir procuré un grand drone, utilisé sur la frontière sud entre les Etats-Unis et le Mexique.
En Novembre, afin de faire sa propre promotion, Elbit a déclaré : « L’un des principaux fournisseurs de UAS (drones – NdT), la branche Américaine d’Elbit Systems, a été l’une des premières compagnies aux Etats-Unis a faire voler un grand drone au dessus de la frontière sud dans le cadre d’un projet de la Police des Frontières, prouvant l’efficacité des drones comme complément aux missions sécuritaires aux frontières. »
Lors du gâchis précédent concernant des tours de surveillance, Boeing a sous-traité à Elbit. Tout comme Elbit l’a fait pour le Mur en Palestine, Elbit dit pouvoir livrer le matériel suivant aux frontières des Etats-Unis : capteurs, radars, optique électronique combinés avec des capteurs au sol, des systèmes aériens et des véhicules au sol, tous télécommandés, pour détecter, tracer et identifier.
Entretemps, les Etats-Unis et le Canada ont entamé des négociations secrètes pour accroître la sécurité sur la frontière nord. En public, les Etats-Unis et le Canada tentent de présenter comme une bonne chose le fait qu’ils veuillent partager les biographies des personnes traversant les frontières et envahir la vie privée des citoyens de toutes les manières possibles. Ne vous faites pas avoir pas la campagne de communication vantant le miracle des détecteurs à pied ou des drones sans pilote. Le drone qui s’est écrasé près de Nogales, en Arizona, et tous les civils tués par des drones américains dans d’autres pays, prouvent le danger des drones, qui volent maintenant au dessus des frontières nord et sud des Etats-Unis. Les drones américains, à l’intérieur des Etats-Unis et dans le reste du monde, sont contrôlés par des militaires US basés au Nevada. Une erreur humaine, une erreur informatique ou une panne technique sont toujours possibles.
A la frontière sud de l’Arizona, il est surprenant qu’il y ait encore de la place dans les airs pour des drones. Le ciel est bourré d’hélicoptères en patrouille et de jets d’entraînement, de Tucson au site de bombardement Barry Goldwater dans le désert près de Yuma (situé au même endroit que l’espèce menacée d’antilopes américaines). Ces jets se sont régulièrement écrasés dans et autour de la Nation Tohono O’odham et sont un danger pour la vie de ses habitants. De plus, les Etats-Unis violent l’espace aérien d’autres pays, y compris le Mexique, avec leurs drones, comme l’a révélé l’enquête sur le meurtre de l’agent du ICE Jaime Zapata, tué dans le nord du Mexique avec des armes fournies par les Etats-Unis aux trafiquants de drogue mexicains dans le cadre du Projet Gunrunner de l’ATF.
Mais ne vous méprenez pas : ces tours espionnes nous amusent énormément, nous qui vivons à la frontière sud de l’Arizona. Mais des milliards de l’argent des contribuables semblent un peu exagérés juste pour rigoler. Il y a quelques étés, en tant que journaliste ayant beaucoup de temps, j’ai entrepris d’enquêter sur ces tours de surveillance à la frontière de l’Arizona. D’abord, mon ami et moi avons dû nous envelopper dans des serviettes mouillées – vu qu’il y avait plus de 45 degrés – afin de ne pas défaillir dans la voiture non-climatisée. Et alors, la rigolade a commencé.
On a beaucoup rit. « Ils croyaient vraiment que les tours de surveillance allaient marcher à la frontière de l’Arizona, en Wi-fi, dans ce désert de montagnes rocailleuses. Je n’arrive même pas à fonctionner en Wi-fi dans un hôtel avec des murs épais. » Et : « Pourquoi ils n’ont pas embauché des gosses de 10 ans branchés ordinateur ? »
C’est ainsi qu’on discutait avec les braves gens d’Arivaca au sujet de leur tour de surveillance (celle que vous pouvez voir sur la photo). La tour était dirigée vers leurs maisons, pas vers la frontière. Ils faisaient voler des cerf-volant autour pour saboter. Puis, les officiels de la Patrouille des Frontières ont dit que les tours ne fonctionnaient pas du tout.
D’abord la Patrouille des Frontières a admis que les tours ne pouvaient pas vraiment faire la différence entre une vache, un coyote ou un être humain quand les capteurs se déclenchaient. On rit encore plus : « C’est un code 10-4. La patrouille des Frontières qui poursuit une vache découvre que le coyote a marché sur le capteur. » Côté sérieux, on s’inquiétait à l’idée que le radar pourrait désaxer les chauve-souris qui fournissent le pollen aux cactus du Désert du Sonora. Et, en fait, qu’est-ce qu’un désert sans cactus ?
A Arivaca, c’était toujours bon de faire un piquenique ou de regarder les colibris, même si les tours de surveillance ne marchaient pas.
Puis nous sommes allés à Sasabe pour demander aux braves gens s’ils avaient pu exprimer leurs commentaires sur la tour qui devait être installée dans leur petite ville-frontière. (Le gros guide officiel enterré à la bibliothèque dit que les commentaires populaires sont exigés par la loi). « Quelle tour de surveillance ? » demandèrent les braves gens de Sasabe. Nous nous sommes baladés et nous avons regardé la tour de surveillance de Sasabe. Il n’y avait pas grand-chose à faire, pas d’immigrés en vue, alors nous sommes allés à la boutique où les agents de la Police des Frontières achetaient leurs sucreries, leurs snacks et leur café.
Alors, j’ai fait un reportage sur certains agents de la Police des Frontières. Les agents jetaient les emballages et les gobelets sur le sol (infraction, dépôt d’ordures illicite). Sinon, les agents de la Police des Frontières restaient assis dans leurs véhicules climatisés et parlaient sur leurs téléphones mobiles. Puis, ils démarraient soudain à une vitesse extrême, mettant en danger la vie de quiconque circulait sur l’autoroute. Plus tard, ils revenaient, seuls, pour acheter plus de snacks et se livrer à plus de communications téléphoniques.
Il faisait chaud, vraiment très chaud. Le chauffeur du bus Wackenhut G4S était là aussi, à la boutique, sans immigrés dans son bus. Wackenhut G4S, dont le siège principal est à Londres, a un contrat pour transporter les immigrés. Wackenhut a très tôt trouvé le moyen de doubler ses bénéfices à la frontière de l’Arizona. Wackenhut s’est scindée en deux sociétés, Wackenhut Transport avec ses bus, et GEO, une prison privée parasite qui profite de l’incarcération de nombreux immigrés dans tout le Sud-Ouest.
Ainsi, au moins deux des compagnies qui font des profits à la frontière de l’Arizona sont étrangères, la société Israëlienne Elbit Systems et les transports Wackenhut, dont le propriétaire G4S a son siège à Londres.
Revenons-en aux tours de surveillance. Tandis que les jours de grande chaleur continuaient, nous sommes allés jusqu’à une réserve d’oiseaux à la frontière, un endroit stérile à l’exception de quelques arbres du désert, que les oiseaux semblent apprécier. De temps en temps, un hélicoptère passait juste au dessus, pour nous harceler. Puis, soudain, deux véhicules sont apparus, sortis de nulle part. L’un des véhicules était une voiture de tourisme, conduite par un type coiffé du genre à venir de Las Vegas, l’autre une petite camionette. Les deux conducteurs ont sauté de leurs véhicules avec leurs chiens de chasse en laisse, ont échangé quelques mots, et se sont précipités vers la réserve d’oiseaux et en direction de la frontière. (Aucune explication pour la présence de ces types).
A la fin de l’été, la chaleur suffocante a fait place à la saison des pluies, la terre dure et craquelée s’est transformée en petites rivières dans le désert. Notre enquête sur les tours de surveillance s’est terminée.
Nous nous sommes beaucoup amusés en enquêtant sur les tours, mais on ne peut pas dire que çà valait le milliard de dollars payé par les contribuables. D’accord, j’ai entendu parler de nouvelles tours, et j’ai souri en pensant comment on pourrait rigoler en enquêtant sur les prochaines tours à 1,5 milliard.
Bien entendu, les nouvelles tours sont très secrètes jusqu’à maintenant, donc n’en parlez pas à tout le monde !
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