Indigenous Action
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Jeudi 12 septembre 2013
CONTACT :
Anna Shireman-Grabowski : ashiremangrabowski@gmail.com
Amanda Lickers: amandalickers@gmail.com , tél. (705) 957-7468
Traduction Christine Prat
MIDDLEBURY COLLEGE, Vermont – Mercredi 11 septembre 2013, à 15h, cinq manifestants ont retiré des milliers de drapeaux qui profanaient des territoires occupés Abenaki. Les drapeaux américains faisaient partie d’une commémoration du 11 septembre organisée par des étudiants du Middlebury College.
Amanda Lickers, de la Nation Onondowa’ga, déclare : « Dans un moment où il fallait prendre une décision rapide, j’ai compris dans mon cœur que des terres où nos morts pourraient reposer ne devaient pas être profanées. Dans ma communauté, nous ne creusons pas la terre. Çà dérange les esprits, c’est important pour moi de respecter leur présence ».
« Depuis 500 ans notre peuple subit des attaques. Le vol de nos territoires, le saccage de nos eaux ; l’empoisonnement de notre peuple par l’empoisonnement de nos terres ; le rapt de gens de nos familles ; le viol de nos enfants ; les assassinats de nos femmes ; la stérilisation de nos communautés ; la maltraitance de génération en génération ; le déracinement de nos ancêtres et l’occupation de nos sites sacrés ; la réduction au silence de nos chants ; l’éradication de nos langues et des souvenirs de nos traditions. J’en ai eu assez » dit A. Lickers.
A. Lickers était à l’université pour participer à un atelier sur la Responsabilité des Colons et la Décolonisation.
« Aujourd’hui, avec un groupe d’étudiants extérieurs à Middlebury, j’ai aidé à retirer 3000 drapeaux américains de la pelouse de Mead Chapel » dit Anna Shireman-Grabowski, une étudiante du Middlebury College. « Mon intention n’était pas de heurter des sentiments mais de rendre visible la nécessité de respecter toute vie humaine… Si les drapeaux américains sur la colline de Middlebury symbolisent pour certains la perte de vies innocentes à New York, pour d’autres ils représentent des siècles de conquête sanglante et de massacres. En tant que colon sur une terre volée, je ne peux pas me permettre le luxe de me désoler sans prendre en compte la relation de pouvoir. Trois mille drapeaux, c’est beaucoup, mais le campus n’est pas assez grand pour contenir un symbole pour chaque vie sacrifiée au cours de l’histoire de la conquête de l’Amérique et du colonialisme » dit A. Shireman-Grabowski.
Cette action, en réaction directe à une expérience particulière de la souffrance due au colonialisme, n’a pas été entreprise au nom ou en relation avec les membres locaux de la tribu Abenaki ou autres habitants Autochtones de la région, c’était une manifestation spontanée de respect de la part d’une Autochtone d’une nation voisine, indignée par cette façon de traiter les sites Abenaki. Comme le dit Anna Shireman-Grabowski « je tiens à dire clairement que les membres de la communauté Abenaki locale ne sont en rien impliqués dans les évènements d’aujourd’hui. Je n’ai pas non plus la prétention d’exprimer leurs sentiments à propos des drapeaux, des sites funéraires ou du 11 septembre ».
Le Président de l’université Ronald D. Liebowitz a rejeté la manifestation en déclarant qu’il était « profondément perturbé par le manque de sensibilité » de « cet acte de protestation égoïste » et a menacé en disant que le College « avait entamé une enquête disciplinaire sur l’incident ».
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Déclaration d’Amanda Lickers :
Je suis une jeune Onkwehhon:we, membre du clan de la tortue et de la nation Onondowa’ga de la Confédération Haudenosaunee [« Iroquoise »]. J’ai toujours fait de mon mieux pour être à la hauteur des responsabilités que j’ai héritées avec le cadeau de la vie et des relations que je dois honorer avec mes ancêtres et tous nos parents.
Depuis 500 ans notre peuple subit des attaques. Le vol de nos territoires, le saccage de nos eaux ; l’empoisonnement de notre peuple par l’empoisonnement de nos terres ; le rapt de gens de nos familles ; le viol de nos enfants ; les assassinats de nos femmes ; la stérilisation de nos communautés ; la maltraitance de génération en génération ; le déracinement de nos ancêtres et l’occupation de nos sites sacrés ; la réduction au silence de nos chants ; l’éradication de nos langues et des souvenirs de nos traditions.
J’en ai eu assez .
Hier je me suis rendue en territoire occupé Abenaki. J’étais invitée au Middlebury College pour participer à un atelier sur la responsabilité des colons et la décolonisation. J’ai traversé ce campus dont les murs de pierre pèsent lourdement sur le paysage. L’histoire de l’eugénisme, du génocide et de la violence coloniale suinte de cet espace comme un fantôme envahissant tout. J’ai cru comprendre que ce complexe recouvre un site funéraire ; un site sacré.
En traversant le campus, j’ai vu des milliers de petits drapeaux américains. Mon dégoût naturel pour l’état colonial occupant a refait surface, dans un moment où il fallait prendre une décision rapide, j’ai compris dans mon cœur que des terres où nos morts pourraient reposer ne devaient pas être profanées. Dans ma communauté, nous ne creusons pas la terre. Çà dérange les esprits, c’est important pour moi de respecter leur présence, leur besoin de repos.
J’ai eu le cœur gros et j’ai eu profondément conscience que des milliers de drapeaux américains ne devraient pas pénétrer la terre où mes frères et sœurs Abenaki dorment. Nous avons tous survécu à tant d’épreuves – et en tant que visiteuse sur leur territoire, j’ai entrepris une action leur manifestant du respect et j’ai commencé à déterrer les drapeaux.
J’étais avec quatre non-Autochtones qui m’ont soutenue dans cette action. Il y avait tant de drapeaux qu’ils m’ont aidé pour gagner du temps. Cet acte de soutien de la part de mes amis, en tant que colons, était un petit geste, mais réconfortant et édifiant. Nous les avons mis dans des sacs poubelle et je me suis heurtée à un colon nationaliste, un jeune blanc étudiant au College qui m’a demandé de lui remettre les drapeaux. J’ai tenu bon et je les ai gardés. Je ne voulais pas céder devant son soutien à l’état occupant colonial et impérialiste qui admet le génocide des peuples autochtones dans le monde.
Il est du devoir du Middlebury College de consulter les peuples Abenaki et de leur rendre leurs sites.
Hier j’ai dit non à l’occupation des colons. J’ai pris ces drapeaux. C’est une petite restitution et un acte de résistance modeste.
Dans l’esprit de la résilience, dans l’esprit de la survie
Amanda Lickers
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Déclaration d’Anna Shireman-Grabowski :
A la communauté de Middlebury –
Aujourd’hui, avec un groupe d’étudiants extérieurs à Middlebury, j’ai aidé à retirer 3000 drapeaux américains de la pelouse de Mead Chapel. Bien que je ne sois pas la seule à avoir participé à cette action et que la décision n’ait pas été prise par moi seule, je suis celle qui vous rencontrera dans les cafétérias et en classe, et je veux répondre de la peine que vous pourriez ressentir et clarifier les mobiles de cette action.
Mon intention n’était pas de heurter des sentiments mais de rendre visible la nécessité de respecter toute vie humaine et d’aider une amie à guérir de la violence du génocide qu’elle doit supporter quotidiennement en tant qu’Autochtone. Si les drapeaux américains sur la colline de Middlebury représentent pour certains la perte de vies innocentes à New York, pour d’autres ils représentent des siècles de conquête sanglante et de massacres. En tant que colon sur une terre volée, je ne peux pas me permettre le luxe de me désoler sans prendre en compte la relation de pouvoir. Trois mille drapeaux, c’est beaucoup, mais le campus n’est pas assez grand pour contenir un symbole pour chaque vie sacrifiée au cours de l’histoire de la conquête de l’Amérique et du colonialisme.
Les courriels qui remplissent ma boîte électronique indiquent que ce n’était pas une manière productive d’entamer un dialogue sur l’impérialisme américain. Je ne pensais pas que çà le serait. Je vous prie d’essayer de comprendre que je me débat avec le sentiment de ma complicité dans l’écrasant héritage du colonialisme. Une part de ce processus est pour moi de respecter les sentiments et les souhaits de gens qui se trouvent de l’autre côté de cette histoire.
Je veux aussi dire clairement que les membres de la communauté Abenaki locale ne sont en rien impliqués dans les évènements d’aujourd’hui. Je ne prétend pas non plus exprimer leurs sentiments à propos de drapeaux, de sites funéraire ou du 11 septembre.
Aujourd’hui j’ai choisi d’être solidaire avec mon amie. Je comprend que cette action peut prêter à confusion et heurter les sentiments de beaucoup de gens de ma communauté. Je ne prétend pas être sûre que toute action que j’entreprend est juste ou justifiée – ce processus est douloureux et compliqué. Ce que je sais c’est que le colonialisme a été – et est toujours – une force réelle et destructrice dans le monde où nous vivons. Et pour moi, respecter la vie c’est soutenir ceux dont l’existence est une lutte contre le colonialisme.
N’hésitez pas à m’envoyer des courriels ou à me contacter si vous souhaitez en discuter personnellement.
Anna Shireman-Grabowski