Manif du 22-2-2014 à Nantes: ce que j’en ai vu
Par Christine Prat
Les médias sont laconiques: le centre de Nantes a été ‘dévasté’, des ‘casseurs’ ont gâché la manif, 8 (ou 6) flics ont été blessés et 14 personnes arrêtées. Là où j’étais, j’ai vu seulement une poignée de gens qui se battaient ou jetaient des projectiles, une grue en feu, ainsi qu’un arrêt de bus. Etaient-ils tous des ‘casseurs’ ou y avait-il aussi des gens qui n’admettaient pas les décisions autoritaires des pouvoirs publiques, qui ont d’abord annoncé – au dernier moment – que la manif (prévue depuis des mois) était interdite, puis fait bloquer une grande partie du centre ville, ce qui a obligé la manif à changer de parcours. A l’endroit où le parcours était bloqué, les tracteurs – majoritairement de la Confédération Paysanne – ont fait demi-tour, quelqu’un qui avait un micro dans le tracteur a annoncé une nouvelle destination pour la manif et dit aux gens de passer à gauche des tracteurs, qui formaient un rempart entre les manifestants et la zone d’escarmouches. Cependant, les flics ont tiré des grenades lacrymogènes et assourdissantes bien au-delà de la poignée de gens qui jetaient des projectiles. Les braves gens, manifestants pacifiques et passants égarés, ont du s’enfuir. Mais il y avait aussi des flics à l’autre bout de la rue, j’ai entendu des gens qui étaient allés voir dire « nous sommes pris au piège ». Plus tard, les flics ont attaqué le lieu où se terminait la manif. Là encore, ils ont tiré des grenades au-dessus des têtes des ‘casseurs’, au milieu de la foule. Deux grenades sont tombées juste à côté de moi – c’est pourquoi je n’ai pas de photos de l’assaut final, je n’y voyais plus rien. Là, je tiens à remercier encore une fois les gens qui sont tout de suite venus me rincer les yeux, me mettre des gouttes et tous ceux qui ont proposé leur aide: il y avait une vraie solidarité. Après çà, ayant besoin d’aller aux toilettes, je suis entrée dans un des deux bars de la place, dont les terrasses étaient pleines à craquer, beaucoup de gens buvaient debout entre les tables, faute de place. Quand je suis sortie des toilettes, l’intérieur du bar était envahi par le gaz lacrymogène, et par des gens gazés, et les terrasses n’existaient plus.
Je ne peux pas croire que seulement quelques flics aient été blessés, vu qu’une grande majorité de gens qui manifestaient étaient des gens ‘comme il faut’, qui n’ont jamais eu affaire à la police – des gens avec des enfants, des gens d’un certain âge, des personnes âgées – et qui ont dû être pris de panique par la violence de l’attaque, ou faire des malaises à cause des lacrymos, tirées, je le répète, au milieu de la foule, bien au-delà des points chauds.
Quant aux journalistes, je ne sais pas ce que pensaient ceux qui étaient sur place, mais en tous cas les médias pour lesquels ils travaillent sont fondamentalement malhonnêtes dans leur relation des faits. Ils ne parlent d’aucune victime parmi les manifestants, mais indymedia-Nantes a déjà signalé qu’un jeune a perdu un œil (il y a des photos et interviews à l’appui) et un autre a été grièvement atteint au visage (il y a au moins une photo).
Les autorités ont dû admettre qu’il n’y avait aucun des ces ‘dangereux militants radicaux’ qu’ils essaient de rendre responsables des violences, parmi les personnes arrêtées, et ont avancé comme excuse que la police ne pouvait pas en même temps ‘maintenir l’ordre’ et ‘exécuter des tâches de police judiciaire’ pour arrêter les responsables : comme si c’était les mêmes services de police qui faisaient tout cela ! Il y avait un camion de la BAC, on ne sait pas ce qu’ils ont fabriqué. Un photographe a pris un cliché d’un groupe de flics (voir ci-dessous), dont beaucoup sont de toute évidence en civil, avec des jeans et des chaussures de sport ordinaires, sous leurs blousons et leurs casques. De là à se demander si, au lieu d’infiltrer les soi-disant radicaux et de les arrêter, ils n’ont pas participé à la casse pour faire dégénérer la manif…