Par Indigenous Action Media
9 mars 2016
Traduction Christine Prat
FLAGSTAFF, Arizona – Plus de 100 personnes se sont rassemblées devant l’hôtel de ville de Flagstaff, puis sont entrées dans les salles du conseil pour soutenir une proposition de décréter une Journée des Peuples Autochtones. Après avoir entendu des témoignages convaincants sur les injustices auxquelles les membres Autochtones de la communauté, les membres du conseil ont discuté, puis soutenu unanimement la proposition introduite par la conseillère Eva Putzova.
La proposition comprend les points suivants : révision d’un protocole d’accord de 2012 sur les relations interraciales signé par la Ville avec la Commission des Droits de l’Homme de la Nation Navajo, des forums publics pour entendre les inquiétudes des habitants Autochtones sur les injustices auxquelles ils sont confrontés et chercher des solutions, des rapports et un plan d’action pour les politiques concernant les administrés Autochtones. Lorsque le processus sera achevé, le conseil votera sur la déclaration d’une Journée des Peuples Autochtones pour le deuxième lundi d’octobre.
Daisy Purdy, étudiante de la NAU, a lu une déclaration signée par plus de 230 habitants de Flagstaff, dont voici les points essentiels: « Nous […] soutenons la proposition soumise au conseil municipal de la Ville de Flagstaff en tant que premier pas nécessaire et approprié par lequel la Ville de Flagstaff travaillera avec les Peuples Autochtones concernés par la politique de la Ville de Flagstaff, afin d’honorer les histoires Autochtones, de respecter le bien-être des Autochtones y vivant actuellement, et de travailler sciemment et du mieux possible pour les intérêts des générations Autochtones futures. Nous […] soulignons le fait que ces changements sont systémiques, culturellement adéquats, transparents, et applicables par les actes politiques du conseil municipal de la Ville de Flagstaff » déclara Purdy au nom des signataires.
« Les discussions sur les races, le racisme, les traditions […] ne sont jamais faciles, mais ça ne veut pas dire qu’elles doivent être évitées » déclara le conseiller Coral Evans, qui compara la mise en question du ‘Columbus Day’ [Jour de Christophe Colomb] à la suppression du drapeau Confédéré en Caroline du Sud, ‘Ce que je pense d’une Journée des Peuples Autochtones ?’ dit Nikki Haley, le gouverneur de Caroline du Sud le 22 juin 2015, ‘c’est le moment où nous pouvons dire que ce drapeau, bien qu’il fasse intégralement partie de notre passé, ne représente pas l’avenir de notre grand état’. Je pense que la même chose peut et doit être dite de la Journée de Christophe Colomb » déclara Evans.
Radmilla Cody, chanteuse renommée, engagée dans la lutte contre les abus et la violence entre sexes, et ex-Miss Navajo, remercia la conseillère Eva Putzova pour avoir introduit la proposition d’une Journée des Peuples Autochtones et déclara « Aujourd’hui nous voyons la réalité que Colomb a contribué à créer. Nous le voyons ici dans la ville-frontière* de Flagstaff et d’autres villes-frontière*, où l’existence de SDF, le profilage racial, la discrimination, le racisme et la profanation de sites sacrés sont clairs et évidents à l’encontre des Autochtones, de leurs vies, de leur intelligence et de leurs terres. En votant pour cette proposition, vous serez du bon côté de l’histoire et ce sera un pas en avant vers des discussions critiques portant sur une longue histoire de racisme, de violence et de marginalisation des Autochtones » dit Radmilla Cody.
« Une Journée des Peuples Autochtones est un pas vers la reconnaissance, l’acceptation et la guérison dans notre communauté » dit Lyncia Begay, qui a habité Flagstaff toute sa vie et fait partie de Nihígaal bee Iiná, « Une Journée des Peuples Autochtones est une occasion de rendre et accroître la confiance des Autochtones qui vivent à Flagstaff. Une Journée des Peuples Autochtones nous permet de reconnaître ouvertement que les habitants non-Autochtones vivent en territoire Diné occupé, ce qui nous permet d’avoir accès à une réalité historique qui respecte et honore nos racines ancestrales qui continuent d’exister et représentent notre retour dans un lieu où nos ancêtres ont été massacrés ou déportés, et qui dépasse la colonisation de Flagstaff. Quelque chose doit céder, dans un monde qui nous dit que nous ne sommes qu’une retombée de Colomb » dit Lyncia Begay.
« Les problèmes complexes qui existent dans les communautés sont souvent amplifiés quand les inquiétudes ne sont pas entendues et les solutions ne sont pas admises » dit Adrian Manygoats, habitant de Flagstaff et Coordinateur du Programme pour le Réseau Amérindien de Pépinières d’Entreprises, « L’instauration d’une Journée des Peuples Autochtones est une action positive, présentée par les Amérindiens pour transformer une célébration du colonialisme en une occasion de révéler des vérités historiques sur le génocide et l’oppression des Autochtones d’Amérique. J’y vois une occasion d’enseigner, de soutenir et d’unifier la communauté de Flagstaff » dit Manygoats.
« Après l’adoption de la Journée des Peuples Autochtones, nous ne pouvons pas oublier les luttes encore en cours à Flagstaff et dans les environs » déclara Belinda Ayze, habitante de Flagstaff et étudiante à la NAU. « S’il doit y avoir des changements, le travail est devant nous, tous les membres de la communauté ».
Le Rapport Annuel de la Police de Flagstaff de 2014 montre que parmi les 7379 arrestations de l’année, 45% – ou 3044 – étaient des Amérindiens. Selon le Recensement de 2010, 7704 Autochtones résident à Flagstaff.
L’an dernier, près d’une douzaine de villes des Etats-Unis, et tout l’état d’Alaska, ont rebaptisé Columbus Day « Journée des Peuples Autochtones ». Ci-dessous, une liste partielle des villes qui actuellement célèbrent la Journée des Peuples Autochtones chaque deuxième lundi d’octobre :
Voir : https://chrisp.lautre.net/wpblog/?p=3234
Texte intégral de la déclaration de Radmilla Cody :
« Merci à la Conseillère Eva Putzova, pour avoir déposé le projet de ‘Journée des Peuples Autochtones’ au Conseil Municipal de Flagstaff.
Christophe Colomb a ouvert la voie au viol de notre Mère, La Terre. Le viol de notre pays et de nos femmes, c’est la même chose. Christophe Colomb a été le premier mâle européen sur ce continent, avec le soutien de l’autorité étatique et religieuse à ne pas voir et même à encourager, le meurtres et les enlèvements de femmes Autochtones, un héritage qui s’est terriblement prolongé jusqu’à exister encore aujourd’hui, quand plus de 3000 disparitions et assassinats de femmes Autochtones demeurent non résolus.
Colomb a tracé la voie de l’hétéro-patriarcat soutenu et appliqué par la violence, cette maladie que nous avons malheureusement héritée.
Aujourd’hui, nous voyons la réalité que Colomb a contribué à créer. Nous la voyons ici, dans la ‘ville-frontière’* de Flagstaff et autres villes-frontière’* où la prolifération des SDF, le profilage racial, la discrimination, le racisme et la profanation de sites sacrés (entre autres) sont clairs et évidents à l’encontre des Autochtones, de leur vie, leur intelligence, et leurs territoires.
Je le vois dans mon travail d’activiste contre les agressions et la violence contre les femmes dans et autour de notre territoire. Les traumatismes générationnels et psychologiques continuent d’empoisonner les relations saines entre nous et avec l’univers.
Pour les Diné, nous avons un système d’espoir et de résilience appelé Siihasin. Siihasin est mis en pratique par la vérité, et cette vérité est tout ce que nous aimons et la compassion entre nous. Nous désirons tous une vie vécue selon nos conditions et dans la dignité. Nous devons tous retourner à cette vérité, parce qu’elle existe en chacun de nous.
Aux Conseillers du Conseil Municipal de Flagstaff, nous disons: nous croyons que vous serez du côté de vos amis Autochtones et vos voisins, en votant cette proposition de remplacer le ‘Columbus Day’, Jour de Christophe Colomb, par la Journée des Peuples Autochtones. En votant pour cette proposition, vous serez du bon côté de l’histoire et ce sera un pas en avant vers des discussions critiques pour résoudre une longue histoire de racisme, de violence, et de marginalisation des Autochtones. »
*il s’agit de villes proches de la limite des Réserves Indiennes, pas de frontières internationalement reconnues