Par Brenda Norrell
Exclusivité Censored News
©Censored News
15 septembre 2020
Traduction Christine Prat

WINDOW ROCK, Arizona – Des Navajos sont déjà utilisés pour des transfusions de plasma au coronavirus par des chercheurs de l’Université Johns Hopkins, financés par le Ministère de la Défense des Etats-Unis.

Les transfusions controversées, qui ne sont pas approuvées par la FDA [Food and Drug Administration – supposée surveiller et autoriser ou non les produits alimentaires et les médicaments], sont déjà en cours, effectuées sur des Navajos dans les hôpitaux du Service de Santé Indien [IHS] à Shiprock, dans la partie de la Réserve Navajo au Nouveau-Mexique, et à Gallup, Nouveau-Mexique, à l’hôpital du Service de Santé Indien. La Nation Navajo l’a confirmé.

Jill Jim, directrice exécutive du Service de Santé Navajo, a répondu aux questions de Censored News mardi soir [15 septembre 2020].

« L’Université Johns Hopkins a reçu des fonds pour ces transfusions expérimentales. Des fonds du Ministère de la Défense et de la Fondation Bloomberg, pour effectuer ces essais cliniques, supervisés par la FDA » dit-elle à Censored News.

Les transfusions de plasma contenant le coronavirus à des Navajos n’ont pas été connues du grand public, jusqu’à ce que le gouvernement Navajo encourage des Navajos à se porter volontaire pour un deuxième projet de recherche médicale controversée, l’expérimentation de vaccins contre le coronavirus.

Les deux projets sont menés par l’Université Johns Hopkins, et non par le Service de Santé Indien. L’IHS est partenaire des expériences médicales, a dit le Service de Santé Navajo à Censored News.

Cependant, l’IHS n’a pas répondu à la question de Censored News, à savoir si le Service est effectivement partenaire des expériences médicales sur des Navajos.

En bref, l’Université Johns Hopkins se livre à de la recherche expérimentale sur des Navajos, elle a reçu des fonds du Ministère de la Défense en juillet [35 millions de dollars] pour effectuer les transfusions de plasma. Tout cela soulève des questions troublantes sur le fait que des Navajos soient utilisés pour la recherche sur le coronavirus, financée par le Ministère de la Défense et des firmes pharmaceutiques.

Le Président Navajo Jonathan Nez a dit vendredi que l’expérience sur les vaccins – Etude COVID-19 Pfizer BioNTech – serait dirigée par le Centre Johns Hopkins pour la Santé Amérindienne à Chinle, Arizona, à Shiprock, Nouveau-Mexique, les deux se trouvant dans la Réserve Navajo, et à Gallup, au Nouveau-Mexique.

La firme pharmaceutique Pfizer a son siège à New-York, la firme BioNTech en Allemagne.

Les risques associés à la recherche expérimentale ne sont pas toujours expliqués aux participants. Ce sont souvent les plus vulnérables qui sont visés, surtout quand la recherche peut se dérouler en secret. La question est toujours de savoir si les participants ont donné leur accord en étant totalement informés.

L’Université Johns Hopkins était responsable de contamination d’Autochtones du Guatemala avec des MST, au cours de recherche médicale secrète, dans les années 1940. Il a fallu des décennies avant que la vérité soit dénoncée, et l’affaire est actuellement devant les tribunaux des Etats-Unis.

Les transfusions de plasma contenant le coronavirus ne sont pas approuvées par la FDA

Le plasma est prélevé sur des gens qui ont eu le coronavirus et ont guéri. Il est injecté à des gens qui ont une forme bénigne de la maladie, ou à des gens qui ont été exposés au virus. On n’en a pas beaucoup parlé dans les médias du pays Indien.

La FDA n’a pas approuvé les transfusions, mais les a autorisées dans la mesure où il n’y a pas de traitement prouvé efficace. Ça reste dans la phase expérimentale.

Le Service de Santé Navajo dit à Censored News : « Le plasma de convalescents est une thérapie prometteuse, approuvée pour le traitement de patients atteints de COVID-19 hospitalisés. » Il dit aussi : « Le but de ces études est de déterminer si le plasma de convalescent marche sur des malades atteints de forme bénigne et empêche de développer une forme plus grave, et si ça peut empêcher des gens de tomber malade après avoir été en contact avec quelqu’un qui a la maladie. »

L’expérimentation de vaccins dans les hôpitaux Navajo est la prochaine phase

L’expérimentation de vaccins, le deuxième projet controversé, a été approuvé par la Nation Navajo. Le Président Navajo Jonathan Nez encourage les Navajos à se porter volontaire.

Des experts médicaux font remarquer que le vaccin de Pfizer BioNTech produit de la fièvre et des frissons comme effets secondaires. Il y a aussi le risque que le vaccin aggrave la maladie.

Le Service de Santé Navajo a déclaré que l’étude était menée par l’Université Johns Hopkins en partenariat avec les centres de santé de l’IHS. Cependant, quand Censored News a contacté l’IHS, ses représentants ont pris leurs distances avec le projet, disant de s’adresser à la Nation Navajo et à Johns Hopkins.

Ce qui est clair, c’est que des expériences sur le coronavirus sont effectuées dans les hôpitaux de l’IHS de la Nation Navajo et à l’hôpital de l’IHS dans la ville-frontière de Gallup, au Nouveau-Mexique. [Ici, ‘ville-frontière’ signifie à la frontière de la Réserve Navajo].

Censored News a demandé si la Nation Navajo bénéficierait financièrement des expériences. Le Service de Santé Navajo dit qu’aucun des partenaires de l’étude dans la Nation Navajo n’avait d’intérêt financier dans le vaccin. Les participants à l’étude recevraient une compensation pour leur temps.

Censored News a aussi demandé si la Nation Navajo était responsable au cas où le vaccin entrainerait des maladies, des handicaps ou des morts. Le Service de Santé Navajo a répondu que « la Nation Navajo n’est pas responsable. Les participants signent un formulaire de consentement, ce qui explique que le sponsor (BioNTech/Pfizer) couvre les frais de traitement rendus nécessaires par un accident de la recherche. »

Le Service de Santé Navajo dit aussi : « Les participants sont soumis à un processus complet d’accord informé pour s’assurer qu’ils comprennent ce que l’étude implique, les risques et les bénéfices, et la participation est volontaire. »

Les réponses aux questions de Censored News ont été faites par Jill Jim, directrice exécutive du Service de Santé Navajo. Jill Jim dit que les réponses avaient été faites en coordination avec Laura Hammitt, directrice des Programmes sur les Maladies Infectieuses du Centre Johns Hopkins pour la Santé Amérindienne.

Une firme pharmaceutique avait déjà essayé de profiter du hantavirus dans la Nation Navajo

Ce n’est pas la première fois que les Navajos sont visés par des firmes pharmaceutiques. En 1993, une tentative de pression sur le Conseil de la Nation Navajo a eu lieu, pour qu’ils acceptent de stocker du Ribavirin pendant l’épidémie de hantavirus. La membre du Conseil Genevieve Jackson a empêché le stockage. L’origine inexpliquée du hantavirus, suivie de la tentative d’une compagnie pharmaceutique d’en profiter, a causé un tollé chez les Navajos, qui ont dit qu’ils en avaient assez d’être utilisés comme cobayes de la recherche médicale. L’affaire a mis au grand jour les complicités des lobbyistes du Congrès, des politiciens et des firmes pharmaceutiques.

Le Service de Santé Indien – IHS – a une longue histoire de violations des droits des patients et est entre autres responsable de la stérilisation de femmes Autochtones contre leur volonté, au cours du 20ème Siècle.

L’Université Johns Hopkins a effectué des recherches médicales dans les hôpitaux de l’IHS dans la Réserve Navajo pendant des décennies, au moins depuis le début des années 1980.

D’après ce qu’ils avouent sur leur site, l’Université Johns Hopkins a commencé ses recherches en 1980, sur les Apaches de White Mountain, puis a continué dans la Réserve Navajo. Actuellement, ils disent être engagés dans le traçage du coronavirus et de la sérologie.

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Sur l’auteure : Brenda Norrell, éditrice de Censored News, a commencé sa carrière de journaliste au Navajo Times, pendant les 18 ans où elle a vécu dans la Nation Navajo. Elle a été pigiste pour Associated Press et USA Today, écrivant sur la Nation Navajo et les tribunaux fédéraux. Après avoir été longtemps reporter pour Indian Country Today dans le Sud-ouest, elle a été censurée et licenciée en 2006. Elle a été journaliste en Pays Indien pendant 38 ans et a un master en santé internationale.

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