Chihuahua News

LA COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME DE L’ORGANISATION DES ETATS AMERICAINS EXIGE LA PROTECTION DES ACTIVISTES

Par Frontera NorteSur : on-line, U.S.-Mexico border news (nouvelles de la frontière Etats-Unis-Mexique en ligne)
Center for Latin American and Border Studies, Las Cruces, New Mexico
Publié par Censored News
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Traduction Christine Prat

12 novembre 2012

La Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme a demandé au gouvernement Mexicain de protéger sept activistes ruraux Chihuahua qui sont à la pointe des mouvements contre la surexploitation de l’eau et l’activité minière. La demande a été effectuée dans l’intérêt des dirigeants d’El Barzon, une organisation de petits agriculteurs fondée dans les années 1990, et à la suite du meurtre du militant d’El Barzon Ismael Solorio Urrutia et de sa femme Manuela Martha Solis Contreras, dans la campagne Chihuahua, le 22 octobre dernier.

Un dirigeant d’El Barzon dans la région centre-nord du Chihuahua, Solorio, a été agressé physiquement avec son fils le 13 octobre dernier par des hommes apparemment liés à la branche mexicaine de la compagnie Canadienne MAG Silver Corporation, qui exploite une mine controversée sur un terrain appartenant au Benito Juarez Ejido dans la municipalité de Buenaventura.

Peu après l’agression de Solorio et de son fils, des dirigeants d’El Barzon ont rencontré le Secrétaire du Gouvernement de Chihuahua Raymondo Romero et demandé d’entreprendre une action pour mettre un terme à la violence et aux menaces contre les membres de leur organisation.

Seulement quelques jours plus tard cependant, Solorio et sa femme ont été retrouvés tués par balles dans un pick-up alors qu’ils se rendaient de leur domicile à un rendez-vous médical dans la capitale de l’état, Chihuahua City. Dénonçant les meurtres comme « crime d’état », des dirigeants d’El Barzon furieux ont exposé les corps de Solorio et de son épouse dans l’immeuble de l’état avant d’enterrer le couple au cours d’une cérémonie à laquelle des centaines de personnes ont participé.

Le gouverneur du Chihuahua Cesar Duarte du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) était parmi les endeuillés. Rejetant l’accusation selon laquelle le gouvernement était responsable de la mort de Solorio et Solis, Duarte a déclaré que Solorio était un de ses amis et un collaborateur pour les questions d’intérêts mutuels concernant les communautés rurales. Le dirigeant politique du Chihuahua a des racines professionnelles de longue date dans les secteurs de l’agriculture et de l’élevage de son état.

Les militants indiquent deux mobiles possibles pour les meurtres, qui se sont produits au milieu d’une convergence explosive de corruption, crime organisé et implication de multinationales dans le contentieux sur les questions d’eau et de ressources naturelles du Chihuahua, un état où la sécheresse et le changement climatique frappent simultanément les terres.

Le premier conflit oppose El Barzon à quelques agriculteurs Mennonites et Mestizo accusés de pomper illégalement de l’eau souterraine et de construire des barrières dans le bassin du Rio Carmen, dans cet état frappé par la sécheresse. La semaine dernière, la Commission Nationale de l’Eau et le Secrétariat au Développement Rural du Chihuahua ont envoyé des équipes dans la région pour commencer à démanteler des structures illégales.

Un deuxième conflit et indice pour les meurtres est précisément lié à la controverse sur la mine de MAG Silver, dans la mesure où un groupe de membres de l’ejido soutiennent le projet alors que beaucoup d’autres s’y opposent pour des raisons écologiques. Des groupements ruraux et syndicaux affiliés au PRI ont aussi soutenu activement la mine.

La région où Solorio et Solis ont été assassinés est aussi un corridor notoire pour le trafic de drogue, les stupéfiants étant transportés des montagnes vers les villes du Mexique et des Etats-Unis. Un article récent de l’hebdomadaire Proceso décrivait la région comme un « itinéraire de villes fantômes réduites au silence, une zone d’où on part à cause de la peur. »

Jusqu’à maintenant, personne n’a été arrêté pour les meurtres de Solorio et Solis. Les assassinats ont entraîné la formation d’une commission sénatoriale multipartis pour enquêter sur les activités minières dans le Chihuahua ainsi que l’envoi d’une lettre de sénateurs à l’Ambassade du Canada, selon le Sénateur du Chihuahua Javier Coral, du Parti d’Action Nationale.

« Nous avons la preuve que la compagnie MAG Silver a acquis illégalement des droits de 40 membres de l’ejido » dit le Sénateur Coral à propos des inquiétudes communiquées au gouvernement Canadien.

A la veille du Jour des Morts, le meurtre des Solorio a déclanché une manifestation à Mexico, devant l’Ambassade du Canada, où un autel a été élevé à la mémoire du couple assassiné.

Au cours du rassemblement organisé par El Barzon et des associations rurales et environnementales alliées, les manifestants ont demandé que les compagnies minières Canadiennes quittent le Mexique. Au Canada, entretemps, les meurtres du Chihuahua ont suscité des articles dans la presse et des expressions de solidarité de la part d’organisations des droits de l’homme et écologistes.

Vendredi 9 novembre El Barzon a rencontré le Gouverneur du Chihuahua Duarte dans la capitale de l’état pour discuter de la demande de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme d’organiser une protection active. Duarte a paraît-il promis de « prendre en considération la recommandation » de la Commission des Droits de l’Homme des Etats Américains et de fournir une protection aux militants et à leurs familles. Le Procureur de l’Etat de Chihuahua Carlos Manuel Salas a fait un commentaire similaire.

Ismael Solorio et Manuela Solis sont les dernières victimes en date d’une liste toujours plus longue de militants assassinés depuis 2008, l’année où la violence liée au crime organisé s’est intensifiée à Ciudad Juarez et dans l’état de Chihuahua.

Parmi les victimes précédentes, ont peut citer la militante de Juarez Valley Josefina Reyes Salazar et des membres de sa famille ; Geminis Ochoa, leader des vendeurs de rue de Ciudad Juarez ; Armando Villareal, dirigeant de l’organisation National Agrodynamic dans le nord-ouest du Chihuahua ; Ernesto Rabano, avocat d’une communauté autochtone Raramuri plongée dans une bataille pour la propriété d’une terre ; Le militant anti-kidnapping Mormon Benjamin LeBaron et son beau-frère Luis Widmar ; la poétesse et féministe de Ciudad Juarez Susana Chavez ; et Marisela Escobedo, tuée par balles en face du bureau du Gouverneur Duarte il y a près de deux ans alors qu’elle protestait contre le meurtre de sa fille et la libération du suspect numéro un.

Dans un contexte d’extrême violence des activistes comme Luz Castro, avocat du Centre des Droits Humains des Femmes de Chihuahua City, ont reçu des menaces, tandis que d’autres, comme Cipriana Jurado organisatrice écologiste et des mouvements de femmes, la militante contre le « femmicide » (meurtres en série de femmes à Ciudad Juarez) Marisela Ortiz et les membres survivants des familles Reyes Salazar et Escobedo, ont fui aux Etats-Unis et dans d’autres régions du Mexique pour leur sécurité personnelle.

 

Frontera NorteSur

Frontera NorteSur: on-line, U.S.-Mexico border news
Center for Latin American and Border Studies
New Mexico State University
Las Cruces, New Mexico

Voir aussi, si vous lisez les langues étrangères :

Additional sources: La Jornada, November 1 and 10, 2012. Articles by Matilde Perez, M.Breach and F. Camacho. El Diario de Juarez, October 23, 2012; November 10 and 11, 2012. Articles by Antonio Rebolledo, Reforma and editorial staff. Proceso/Apro, October 22 and October 31, 2012; November 3, 2012. Articles by Marcela Turati and editorial staff. Norte, October 23 and 26, 2012. Articles by Ricardo Espinoza and Don Mirione.