LES COLONIALISTES REMPORTENT LE REFERENDUM EN KANAKY (“NOUVELLE CALEDONIE”). LE PORTE-PAROLE DES JEUNES KANAKS EN FRANCE EN PARLAIT LORS DE LA JOURNEE DE SOLIDARITE DU CSIA-NITASSINAN

Par Christine Prat, CSIA English
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Rennes, France, 4 novembre 2018 – Aujourd’hui, les colonialistes ont remporté le référendum par lequel les habitants de Kanaky – soi-disant Nouvelle Calédonie – devaient se prononcer pour ou contre l’indépendance. Les partisans du colonialisme ont gagné avec un pourcentage bien moindre que ce qu’ils escomptaient. Cependant, les gens d’origine européenne étant maintenant plus nombreux que les Autochtones, ils ont remporté le scrutin.

Il y a quelques décennies, la situation politique s’était tendue, du fait que la France encourageait beaucoup l’immigration européenne. Des incidents violents avaient eu lieu au cours des années 1980, le plus connu des médias étant la prise en otage de gendarmes dans la grotte d’Ouvéa, en 1988 (auparavant, des indépendantistes avaient été tués). Finalement, en 1998, un accord a été conclu, prévoyant plusieurs référendums, auxquels seuls les gens habitant déjà en “Nouvelle Calédonie” en 1998 et leurs descendants pourraient prendre part. Mais la politique d’immigration avait eu lieu avant, donc les Européens et leurs descendants déjà présents en 1998 sont majoritaires.

La Kanaky – “Nouvelle-Calédonie” – est en tête de la liste des Nations Unies de pays qui devraient être décolonisés. Cependant, c’est l’un des plus grands producteurs de nickel au monde. Non seulement les Autochtones, mais aussi la plupart des écologistes, disent que l’exploitation du nickel risque de détruire une bonne partie du pays, qui héberge une faune et une flore exceptionnelles, inconnues ailleurs. Les adversaires de l’indépendance clament que si la France se retirait, le pays tomberait forcément sous l’influence de la Chine. Mais cela implique que le monde en général et la Kanaky en particulier, restent soumis au régime capitaliste, qui continuera à exploiter le nickel jusqu’à la destruction complète.

Le 13 octobre 2018, une délégation de jeunes Kanaks, conduite par Yvannick Waikata, porte-parole du Mouvement des Jeunes Kanaks en France, était invitée à la Journée Annuelle de Solidarité avec les Peuples Autochtones du CSIA-nitassinan, Comité pour la Solidarité avec les Indiens des Amériques.

Les jeunes Kanaks ont offert une danse traditionnelle, pour souhaiter la bienvenue aux invités Autochtones des Amériques, venus des Etats-Unis, du Chili, d’Argentine et de Guyane “Française”.

Yvannick a d’abord expliqué la signification de la danse. Il dit qu’il s’agissait de se courber devant les hôtes, parce que dans leur pays, les portes des maisons sont basses et qu’il faut se baisser pour entrer chez quelqu’un. Donc, la danse avait aussi pour but de se courber devant les invités et spectateurs, ce qui signifie aussi qu’ils s’excusent parce qu’ils vont faire du bruit. Au départ, c’est une danse d’initiation à l’art de la guerre, et c’est une façon pour les jeunes de montrer ‘leur visage’. Donc, cette danse avait pour but de montrer leur visage, leur identité, pour laquelle ils luttent depuis 1853. Yvannick dit “depuis qu’un vieux chiffon flotte sur le caillou (“Kanaky”), le drapeau de cet empire colonial”.

Yvannick est intervenu en tant que porte-parole des Jeunes Kanaks en France. Il a rappelé qu’un référendum allait avoir lieu le 4 novembre et expliqué: “Pourquoi un référendum d’autodétermination? C’est parce que nous sommes dans une situation de colonisateur à colonisés. Et ceux qui participeront à ce référendum sont les colonisés, donc nous, les Kanaks. Ce mot, “Kanak”, est un mot hawaïen qui veut dire ‘homme’.”

Puis il résuma l’histoire: l’entreprise coloniale dans le Pacifique a commencé en Tasmanie, et à Hawaï. L’empire colonial français l’a entreprise en “Nouvelle Calédonie”, une île baptisée par James Cook en 1774. Les Français l’ont conquise en 1853. Le but de l’entreprise était, à terme, la disparition du peuple Kanak.

C’est à cause de la négation du peuple Kanak qu’ils ont dansé ce jour-là. “…quand on vient danser, c’est pour montrer notre identité, que nous sommes en vie”. Depuis 1774 et 1853, l’entreprise coloniale, puis, plus tard, l’émigration européenne encouragée par la France, ont tenté de noyer la revendication Autochtone. Quand ils dansent, c’est pour dire qu’ils sont là, qu’ils existent.

Yvannick a rappelé que l’ancien leader assassiné, Jean-Marie Tjibaou, avait organisé le Festival Mélanésie 2000. Pour ce festival, les Autochtones ont décidé de ne plus limiter leurs danses et autres pratiques culturelles, aux cérémonies rituelles, mais de les montrer au public pour affirmer leur existence. Ils voulaient rompre complètement avec ce qui avait été montré en France, au cours “d’expositions coloniales”. Il souligna qu’il était important pour eux, avant le référendum, de venir danser à Paris, c’est-à-dire de montrer leur visage, leur culture, leur identité, leur histoire. “Notre histoire ne débute pas avec la colonisation française”. Ainsi, depuis le Festival Mélanésie 2000, le combat était “le champs politique, c’est-à-dire la revendication Kanak identitaire, l’avènement du champ culturel dans le champ politique.”

Après ce résumé de la période allant des années 1980 à aujourd’hui, Yvannick dit: “Nous, les jeunes, sommes la génération issue de ces accords de paix. Il y a eu deux accords, celui de Matignon en 1988, et celui de Nouméa en 1998. Et nous sommes de la génération qui a connu cette paix-là. En tous cas, pour le 4 novembre, le Mouvement des Jeunes Kanaks crée des espaces de parole pour sensibiliser nos gens, les gens de chez nous. Bien sûr, nous n’avons pas connu cette situation de guerre civile en “Nouvelle Calédonie”, des ‘évènements’, comme disent les historiens, mais c’était la guerre, il s’agissait bien d’une guerre d’indépendance”. [La France officielle a continué de parler des ‘évènements’ d’Algérie pendant des décennies, avant d’admettre récemment qu’il y avait eu une guerre d’indépendance… – Ch. P.].

Le Mouvement des Jeunes Kanaks s’efforce de sensibiliser les gens à l’histoire du Peuple Kanak, en particulier celle des héros de la lutte, étant donné que l’Education Nationale française ne fait rien et ne mentionne même pas le Peuple Kanak.

Ce que veut le Mouvement des Jeunes Kanaks, c’est une ‘renaissance identitaire’. Yvannick dit: “Pour nous, c’est important que vous puissiez nous identifier et voir qui nous sommes. Non pas nous résumer à ce que les expositions coloniales ont pu produire dans l’imaginaire du peuple Français. Donc, il est important de venir danser, de montrer notre culture. Pour s’approcher, apprendre à se connaître. Nous n’en voulons pas du tout au Peuple Français, mais à l’administration coloniale.” Il poursuit “vous êtes aussi des humains comme nous, donc nous pouvons vous toucher”. Les expositions coloniales ont créé cet imaginaire de l’Autre, supposé être sauvage. “A la dernière exposition coloniale, il y avait même le grand-père de Christian Karembeu, héros de l’équipe de France de football, son grand-père qui était pourtant instituteur en “Nouvelle Calédonie”, est venu jouer le sauvage ici.”

“Quand nous venons danser ici, c’est pour nous décoloniser. Le message que nous apportons à travers la danse, c’est apprendre à se connaître, à travers la lutte du Peuple Kanak. Je tiens à vous remercier de votre présence et espère que nous resterons connectés. Nous avons toujours besoin de vous, nous avons toujours besoin de solidarité. Merci beaucoup.”

 

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