VIOLENCE POLICIERE, COLONIALISME, ET JUSTICE POUR LOREAL, JEUNE FEMME NAVAJO TUEE PAR LA POLICE
Commentaire de Klee Benally
sur Indigenous Action Media
30 mars 2016
Traduction Christine Prat
D’après la base de données du Guardian intitulée ‘The Counted, People killed by police in the US’, 1403 personnes ont perdu la vie du fait du terrorisme policier aux Etats-Unis depuis 2015.
Cependant, nous ne parlons pas ici de quelques ‘mauvais’ flics, c’est tout le système qui est pourri jusqu’au trognon. Cette réalité nous a touchés près de chez nous, dimanche dernier, quand une jeune femme Diné de 27 ans, Loreal Juana Barnell Tsinijini a été abattue par un officier de police de Winslow, en Arizona, qui, parait-il, réagissait à un acte de vol à l’étalage. Apparemment, le fonctionnaire s’est senti menacé parce qu’elle avait des ciseaux.
53 personnes ont été tuées par des flics en Arizona depuis 2015. Personne n’a été tué avec des ciseaux.
La violence policière est enracinée dans le système de suprématie blanche, d’hétéro patriarcat, de capitalisme et de colonialisme. D’après le Professeur Victor E. Kappeler, de l’Université de l’Est du Kentucky, « Les colons de Nouvelle-Angleterre ont nommé des agents de police Indiens pour surveiller les Autochtones (National Constable Association, 1995), la police de St. Louis a été fondée pour protéger des Autochtones les résidents de cette ville sur la frontière*, et beaucoup de services de police du sud ont fondé des patrouilles d’esclaves. En 1704, la colonie de Caroline a créé la première patrouille d’esclaves du pays. Les patrouilles d’esclaves aidaient à maintenir l’ordre économique et assistaient les riches propriétaires terriens pour retrouver et punir des esclaves, qui étaient vus essentiellement comme propriété. »
D’après un recensement de 2010, plus de 25% des 10 000 habitants de Winslow sont Autochtones. Bien que Winslow soit considérée comme une ville ‘frontière’ de la Nation Navajo, comme Farmington, Nouveau-Mexique, Durango, Colorado, et plus près, Flagstaff, ce sont des territoires volés imprégnés d’un héritage de violence coloniale et de guerre de classes, qui retentissent encore des effets d’un traumatisme historique et d’une série de désordres sociaux (c.à.d. la pauvreté) qui y sont associés et affectent les relations de pouvoir jusqu’à nos jours. La Ville de Flagstaff, qui a approuvé la profanation des Pics San Francisco (sacrés pour plus de 13 Nations Autochtones), fait arrêter en moyenne plus de 3000 Autochtones par an, alors que seulement 7000 se considèrent comme habitants de Flagstaff. Des arrestations disproportionnées dues au profilage racial ne sont pas l’exception, on peut s’y attendre dans des environnements tellement hostiles.
Des petits changements sporadiques dans le fonctionnement de la police, tels que le port d’appareils photo, des stages de sensibilisation culturelle, et des armes soi-disant ‘non-mortelles’, ne montrent pas de changement significatif dans le pouvoir qu’ont les flics de tuer des gens qui ne constituent pas une menace importante (ce qui ne veut pas dire qu’il est légitime que les flics tuent des gens armés). A moins, bien sûr, d’admettre qu’une peau brune ou noire soit un facteur de ce qui constitue une ‘menace’.
D’après le Centre pour la Justice Juvénile et Criminelle, « le groupe racial le plus susceptible d’être tué par les forces de l’ordre est constitué par les Autochtones, suivis par les Afro-Américains, les Latinos, les Blancs et les Asiatiques. » Ceci n’a pas pour but d’affirmer que l’oppression des Peuples Autochtones est plus grave, mais d’identifier nos luttes communes pour nous assurer qu’il n’y ait plus jamais de Sarah Lee Circle Bear, Corey Kanosh, Paul Castaway, Allen Locke, Mahivist Goodblanket, John Williams, ou Loreal Tsinijini et de montrer que l’incessant terrorisme policier auquel nos communautés sont confrontées a son origine dans les mêmes systèmes d’oppression.
Ce qui veut dire aussi que nous devons joindre nos luttes au-delà des mots-dièse comme #NativeLivesMatter, comme le fait remarquer Sabah sur muslimgirl.com, « #BlackLivesMatter représente tout un mouvement et son histoire. Ce n’est pas ‘juste’ un mot-dièse, c’est un cri d’indignation puissant, né d’une injustice raciale ressentie par un peuple. Ça ne peut pas, et ne devrait pas, être remodelé pour s’adapter à la lutte d’un autre peuple. Et la solidarité, si importante qu’elle soit (en fait, essentielle), n’implique jamais de coopter un autre mouvement. »
Après tout, #BlackLivesMatter & #NativeLivesMatter signifient tous deux mettre un terme à la violence policière. (Voir la magnifique déclaration d’Alicia Garza [en anglais] sur ce pourquoi #alllivesmatter pose problème.)
Au-delà de plaidoyers pour qu’un système enraciné dans le génocide et l’esclavage reconnaisse que nos vies comptent, nos communautés et nos mouvements peuvent apprendre mutuellement de leurs luttes et construire ensemble des solutions durables pour nous défendre, défendre nos voisins, nos territoires, et résoudre nos problèmes par des moyens plus justes et plus sains.
#NativeJusticeNow #JusticeForLoreal #smashthepolicestate #powertothepeople
*Ici, ‘frontière’ désigne la limite des Territoires Autochtones, donc maintenant celle des Réserves. Rien à voir avec la ‘Frontière US/Mexique’ qui pose aussi beaucoup de problèmes.
Pour aider la famille de Loreal : www.gofundme.com/loreal