Une déclaration de deux Akimel O’odham – représentant respectivement ‘Gila River Contre le Périphérique 202’ et le ‘Collectif de Jeunesse Akimel O’odham’- expliquant leur non-participation à une conférence ‘anticapitaliste’ organisée par un groupe se disant anarchiste. Si les organisateurs ont envoyé des invitations à quelques Autochtones ne résidant pas en Arizona, ils ont négligé de consulter les Akimel O’odham, le peuple d’origine de la région de Phoenix.

Vous trouverez d’abord, ci-dessous, le commentaire de Klee Benally – Navajo, anarchiste … – qui est d’ordre plus général, et plus bas la traduction de la Déclaration des représentants Akimel O’odham.

Christine Prat

 

COMMENTAIRES D’ANDREW PEDRO ET LINDA PALOMA ALLEN, AKIMEL O’ODHAM, ET DE KLEE BENALLY, SUR UNE CONFERENCE PRETENDUMENT ANTICAPITALISTE ORGANISEE PAR DES SOI-DISANT ANARCHISTES

 

DE LA POSTURE ANTICOLONIALE

Par Klee Benally, publié le 2 février 2016

Cet évènement a été problématique dès le départ.

De la posture Anticoloniale.
Lorsque ça a été lancé sous la forme d’un texte intitulé ‘Soufflez sur les Flammes’, ‘Un Incendie sur la Montagne’ (une foire aux livres Autochtone/Anarchiste que j’avais organisée), Carpe Locus, les organisateurs de cette conférence anticapitaliste à Phoenix, ont été mis au défi par moi-même et un autre Autochtone sur ce qu’ils ne se soient pas engagés de manière significative avec les Autochtones dans le pays desquels ils vivent en colons. Après tout, c’était peut-être le message le plus important pendant ‘Un Incendie sur la Montagne’. Il y a un schéma de pose anticolonialiste perpétué par des groupes comme Carpe Locus et c’est la raison pour laquelle des lieus comme Taala Hooghan Infoshop se sont affirmés comme force opposée (bien que le collectif Taala Hooghan se soit temporairement effondré à cause d’une série de problèmes, entre autres un subterfuge de mâle Blanc). Dans le meilleur des cas, la pose est relativement inoffensive, constituant un vernis assez mince pour laisser voir où ces gens se situent. Au pire, c’est proclamé bruyamment et imposé par-dessus, et malgré, les analyses critiques et les problèmes exprimés (directement ou indirectement) par les Peuples Autochtones. La posture anticolonialiste cherche à se justifier et se légitimer aussi bruyamment que possible, quelquefois sciemment, d’autres fois pour la bonne cause, noyant toute expression Autochtone critique. Habituellement avec le vacarme familier d’une rhétorique visant à délégitimer et mettre la question de côté dans des discussions privées d’individu à individu (qui n’en sont pas plus fiables), des déclarations en ligne exposant le point de vue Blanc (qui signifie ‘nous ferons ce que nous voulons de toutes façons, nous n’avons fait que vous ‘entendre’), ou la tactique la plus courante qui consiste à vous ‘inviter à présenter vos problèmes’. Cette tactique est assimilationniste et extrêmement cynique. Vous voulez que nous apparaissions à votre manifestation pour dire combien c’est problématique, mais cependant ne rien faire qui pourrait changer ce que vous faites en réalité ? Ça n’a strictement rien de radical.

C’est le fascisme de l’alliance colon/blanc, c’est en réalité anti-Autochtone. Cette forme de pose radicale a un besoin tellement désespéré d’être validée qu’elle cherche agressivement ceux qui pourraient s’y conformer, et quand elle les trouve, les objective et capitalise sur leur participation. Ce n’est pas une forme de solidarité, c’est de l’exploitation perverse. C’est de la violence structurelle.
C’est là que la fausse alliance des colonialistes rejoint le capitalisme. Pour être clair, la pose anticolonialiste maintient la suprématie blanche et le capitalisme.
La forme la plus primaire de blanchiment du colonialisme anticolonial résulte en un masque Indien de façade. En l’état actuel, il y aura toujours quelques loups prêts à danser et là où il y a une chance de gagner une position sociale ou du pouvoir par la proximité avec les blancs, les loups sortent.
La pose anticolonialiste prospère grâce à la violence collatérale.
Jouer les radicaux et réduire au silence ceux qui pourraient ne pas être d’accord est le moyen pour la suprématie blanche de se perpétuer. En tant que radicaux, anarchistes, anticapitalistes, antiautoritaires Autochtones, nous en sommes familiers, vu que nous y avons déjà été confrontés et subissons ses coups constamment. Evidemment, nous sommes confrontés tous les jours au fait que nous sommes des gens dont on peut se passer et qui peuvent être éliminés. Les communautés et les lieus radicaux ne font pas exception à moins d’être les nôtres, à moins qu’un long travail en profondeur pour établir des relations dans le combat, pour devenir de vrais complices et pas des ‘alliés’, n’ait été accompli. Mais encore, l’importance de cette relation ne sera jamais déterminée par les colons blancs. Jamais.

 

COLLECTIF DE JEUNESSE AKIMEL O’ODHAM
26 janvier 2016

REFUS DE PARTICIPATION A LA CONFERENCE ANTICAPITALISTE
(Texte qui doit être lu à la 3ième Conférence Anticapitaliste de Phoenix, Arizona, samedi 13 février 2016)

Vu le peu d’attention manifestée à l’égard des Akimel O’odham, le Peuple Premier de la région de Phoenix, le Collectif de Jeunesse Akimel O’odham et Gila River Contre le Périphérique 202 ne participeront pas cette année à la Conférence Anticapitaliste de Phoenix. Carpe Locus n’a pas consulté les Akimel O’odham sur les effets du capitalisme à Phoenix, qui est un territoire Akimel O’odham occupé, avant d’organiser la Conférence Anticapitaliste de Phoenix de cette année.

Depuis trois ans que le Collectif Carpe Locus organise la Conférence Anticapitaliste de Phoenix, il y a eu fort peu d’efforts pour prendre contact avec les Akimel O’odham. Cela maintient la suprématie blanche en faisant taire et en se débarrassant socialement des activistes Autochtones que le collectif Carpe Locus n’approuve pas. Depuis trois ans, Carpe Locus n’a pas manifesté de solidarité significative contre l’extension du Périphérique 202, à part des ‘j’aime’ et des partages dans les réseaux sociaux. Ce projet d’autoroute à 2 milliards de dollars est le plus grand projet d’infrastructure de l’état d’Arizona, et par conséquent, le soutien anarchiste anticapitaliste doit aller plus loin que les réseaux sociaux. L’extension par la Montagne du Sud est un projet de trajet commercial qui doit détruire la Crête de la Montagne du Sud, considérée comme sacrée par les Akimel O’odham et les Pee Posh, ainsi que par 21 autres tribus.

Le combat Autochtone mené depuis 7 ans contre l’autoroute a été largement marginalisé par Carpe Locus, qui a envoyé des invitations pour la Conférence Anticapitaliste de cette année à des activistes Autochtones en dehors de l’état d’Arizona et appartenant à d’autres tribus. C’est une pose anticoloniale. Le fait que la conférence n’inclut quasiment pas le contexte Autochtone local dans une lutte basée à Phoenix, c’est le réduire à un simple symbole. L’une des oratrices prévus pour la conférence de cette année s’est déjà retirée à cause de la marginalisation des luttes O’odham par Carpe Locus, et Carpe Locus n’a pas réagi publiquement à cette annulation. C’est anti-Autochtone, et une insulte au travail de l’auteur Autochtone qui s’est retirée par respect. Cette annulation aurait pu servir de leçon à Carpe Locus, mais Carpe Locus a continué à ignorer les problèmes Autochtones, ou a réduit le conflit à une affaire de personnes.

Ceci en revient en partie à ne pas accepter le protocole Autochtone – quand on organise une action ou une manifestation anticolonialiste avec des buts qui mettent en lumière la lutte Autochtone, il est d’importance capitale, avant toute chose, d’obtenir les conseils, le consentement et la participation des gens qui sont originaires du territoire. Cependant, aucun membre des tribus O’odham n’a été impliqué dans l’organisation ou le planning de la conférence. Si une large base de leaders Autochtones avait été consultée convenablement, nous aurions fait savoir que, vu l’échelle colossale de menaces pesant sur les territoires Autochtones occupés en Arizona, ce n’est pas suffisant d’organiser une conférence pour y discuter seulement d’idées. Cette manifestation doit avoir des résultats qui affrontent directement et déstabilisent les capitalistes (leaders municipaux, compagnies minières, Service des Transports d’Arizona, la station de ski Snowbowl, l’équipe de football Washington NFL, etc.) et les services d’applications de la loi [la police] qui protègent le capital.

Les luttes anticapitalistes sont toutes liées. Ces dernières années, les Autochtones ont vu des réformes législatives, économiques et commerciales qui ont toutes eu pour résultat final de dévorer encore plus de territoires Autochtones au profit des colons. Nous sommes tous touchés et nous devons donc être tous unis dans le combat contre les projets de l’Etat. C’est en sachant tout cela que nous publions cette déclaration sur la marginalisation constante des Akimel O’odham par le collectif Carpe Locus dans l’organisation de la Conférence Anticapitaliste de Phoenix de cette année.

Linda Allen, de Gila River Contre le Périphérique 202
Andrew Pedro, du Collectif de Jeunesse Akimel O’odham

 

Commentaire de Linda Paloma Allen : Je suis l’une des auteurs de la déclaration diffusée par Klee sur Facebook. Il y a beaucoup plus à dénoncer des agissements de Carpe Locus depuis des années, mais Andrew Pedro et moi nous sommes intentionnellement limités à deux aspects, dans cette déclaration.
1) Ne pas se préoccuper de l’annulation de la première intervenante Autochtone, ce qui, comme nous l’avons dit dans la déclaration, est une insulte à son travail et représente un mépris supplémentaire des problèmes Autochtones.
2) Ne pas avoir planifié et organisé cette manifestation anticapitaliste avec les Akimel O’odham est néocolonialiste, étant donné que Phoenix est un territoire O’odham occupé.

Notre marginalisation est aggravée par le fait que Carpe Locus a invité à participer d’autres Autochtones, d’autres tribus et d’autres états que l’Arizona.

Dans leur réaction à notre déclaration, Carpe Locus n’a toujours pas parlé de l’annulation de la participation d’orateurs Autochtones, ce qui, à mon avis, contribue à démontrer que ces orateurs étaient invités de manière symbolique. Carpe Locus n’essaie même pas de limiter les dégâts en ce qui concerne ces annulations. Il semble que le retrait d’orateurs Autochtones qui avaient été d’abord confirmés n’a aucune importance pour le collectif.

Il y a de nombreux précédents en Arizona d’activistes Autochtones et non-Autochtones travaillant ensemble contre le racisme systématique et la violence structurelle. Donc, je ne dis pas que ça ne peut pas se faire.

 

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