Par Tom B.K. Goldtooth
Directeur Exécutif d’Indigenous Environmental Network
[Réseau Environnemental Autochtone]
Publié par Censored News
Le 11 décembre 2013
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Traduction Christine Prat
Ce qui ressort de la 9ème Conférence Ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce, qui s’est terminée samedi 7 décembre 2013
TURTLE ISLAND [l’Amérique du Nord] – Bien que l’OMC et ses 159 pays membres se soit ressuscitée sous la forme d’un premier pacte commercial multilatéral de l’histoire, j’ai le sentiment que c’était un combat désespéré de la part de riches pays développés comme les Etats-Unis pour redonner de la vie à un système économique et commercial entièrement voué au capitalisme. L’OMC n’existe que pour la liberté de commerce des grandes compagnies qui sont en train de détruire Notre Mère la Terre.
Le Réseau Environnemental Autochtone (IEN) a participé à des conférences de l’OMC au cours de son histoire, principalement à propos de stratégies externes plutôt que des stratégies internes. L’IEN a participé à la « Bataille de Seattle », la 3ème Conférence Ministérielle à Seattle, dans l’état de Washington, en décembre 1999 et à Cancun, à la 5ème Conférence Ministérielle en septembre 2003.
A Seattle, il y a 14 ans, l’IEN et des groupes Autochtones se sont rassemblés – pour en citer quelques-uns, le Fond de la Septième Génération, le Conseil des Peuples Autochtones sur le Bio Colonialisme, le Conseil de Préservation Eyak d’Alaska, l’Alliance Intérieure des Premières Nations du Canada, et sur le plan international, Tebtebba des Philippines et le Movimiento de la Juventad Kuna du Panama – pour analyser et articuler notre position sur l’OMC. La Déclaration de Seattle des Peuples Autochtones a été le document final de 1999. La Déclaration Autochtone de la 5ème Conférence Ministérielle de Cancún, au Mexique, en septembre 2003, n’en différait pas quant à sa liste des effets négatifs des accords commerciaux néolibéraux de l’OMC sur les Peuples Autochtones. Les temps n’ont pas changé entre la position de la Déclaration des Peuples Autochtones de Seattle et la Déclaration Autochtone de 2013 à Bali, en Indonésie (titrée « Déclaration – L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et les Peuples Autochtones : Résister à la Mondialisation, Affirmer l’Auto-détermination »). Par exemple, les Peuples Autochtones continuent à redouter l’Accord de l’OMC sur l’Agriculture (AOA) comme instrument des pays riches pour promouvoir la compétition à l’exportation et la libéralisation des importations, aboutissant à l’entrée de produits agricoles bon marché dans les communautés Autochtones. L’argumentation Autochtone, à l’époque, déclarait que c’était une des causes de la destruction des pratiques agricoles durables et écologiques des Peuples Autochtones. C’est toujours le cas aujourd’hui.
L’IEN est allé à Bali pour soutenir la société civile et demander la justice climatique pour tous, paysans, fermiers, pêcheurs, et pour toutes les communautés Autochtones subissant une crise climatique, spécialement suite au typhon Haiyan/Yolanda qui a frappé les Philippines, tuant plus de 10 000 personnes.
Nous avons des communautés Autochtones, du Nord au Sud, confrontées à des situations mettant leur vie en jeu à cause d’un système économique qui promeut les industries extractives qui violent Notre Mère la Terre, et causent des destructions écologiques et sanitaires qui touchent nos peuples sur les terres et les eaux.
L’OMC ne s’intéresse pas à une réduction du changement climatique. L’OMC n’a pas pour fonction de réduire les émissions toxiques causant des problèmes climatiques, ni d’aller vers un futur sans produits toxiques et un taux bas de gaz carbonique. Le commerce et les investissements libéraux sont intoxiqués à l’économie de l’énergie fossile. L’OMC est un instrument pour les promoteurs d’énergie qui poussent à plus d’exportation de pétrole sur le marché mondial.
L’OMC marche au pétrole, promeut les investissements dans l’abattage de la forêt boréale canadienne et l’extraction de sables bitumineux, également au Canada. L’OMC défendra le marché libre des sables bitumineux et la construction binationale des oléoducs devant les transporter à travers les frontières et leur exportation vers d’autres pays.
Le rôle des Etats-Unis dans les négociations de l’OMC est problématique. Peu importe qui est au gouvernement, que ce soit les Démocrates ou les Républicains. Nous avons affaire à un système capitaliste profondément enraciné.
Le Plan d’Action Climatique d’Obama dit aussi que les Etats-Unis vont « lancer des négociation à l’OMC pour aller vers un marché libéral global des biens environnementaux ».
Dès 2001, à Doha, à la 4ème réunion Ministérielle de l’OMC, les négociateurs ont adopté un régime commercial qui comprenait ce qu’ils appelaient un commerce « plus libre » dans l’agriculture, les produits manufacturés et les services, y compris le commerce des biens et services environnementaux. Nous le voyons maintenant mis en application comme « Paiement pour les Services Environnementaux ».
L’OMC est en train de pousser une économie verte « rapace » qui est en fait une privatisation de la nature.
En tant que Peuples Autochtones, nous demandons l’arrêt du capitalisme de la nature. Toutes les structures économiques et les régimes commerciaux qui privatisent et financiarisent les fonctions de la nature, y compris la biodiversité et les compensations qui mettent le profit au dessus de l’humanité et de la planète, doivent cesser. L’initiative de compensation du carbone des Nations Unies et de la Banque Mondiale intitulée Réduire les Emissions de la Déforestation et de la Dégradation (REDD) fait partie de ce que l’IEN a appelé l’OMC du Ciel, l’OMC des Forêts. Notre Mère la Terre est la source de la vie qui a besoin d’être protégée, pas une ressource à exploiter et à transformer en marchandise comme capital naturel. A Bali, l’IEN a découvert de nouvelles informations sur l’inclusion de la culture du riz dans le système du marché du carbone. A Bali, 77 organisations indonésiennes et du reste du monde ont adopté le Manifeste Non au REDD pour le Riz.
Dans notre Déclaration Autochtone, nous appelons à « l’arrêt de toutes les politiques contrôlant la capacité reproductive de Notre Mère la Terre par des mécanismes de marché qui permettent la quantification et la marchandisation des processus naturels de Notre Mère la Terre rebaptisés services d’écosystème ».
Nous en avons assez et nous appelons à la suppression de l’OMC – à mettre l’OMC à la décharge ! l’IEN et d’autres Peuples Autochtones appellent à une alternative pour l’OMC – une alternative fondée sur l’articulation entre les gens et le sol.
Les ministres du commerce de l’OMC célèbrent l’accord global de Bali, dont les officiels disent qu’il pourrait stimuler la production économique globale de jusqu’à 1000 milliards de dollars. Le Directeur Général de l’OMC Roberto Azavedo, dans sa déclaration de clôture à Bali, a dit « Cet accord global n’est pas final. C’est un début. En conséquence du progrès fait ici, nous allons maintenant pouvoir avancer dans les autres domaines de notre travail qui étaient bloqués depuis si longtemps ».
Notre combat n’est pas terminé. Nous devons continuer à nous organiser pour déclarer l’OMC et ses partenariats commerciaux bilatéraux et régionaux illégitimes. Pour les Peuples Autochtones d’Amérique du Nord et du Mexique, ceci inclut l’Accord de Libre Echange Nord Américain (NAFTA). Il y a 20 ans que le NAFTA a été signé, le 8 décembre 1993. Dans notre région d’Amérique du Nord, nos Peuples Autochtones et les Nations Autochtones doivent avoir une analyse critique du NAFTA et organiser notre réponse.
L’OMC a abusé de ses mécanismes légaux pour limiter l’autodétermination, la souveraineté et les droits des Peuples Autochtones à développer nos propres politiques pour nos communautés, en harmonie avec nos responsabilités vis-à-vis des lois naturelles de Notre Mère la Terre.
Nous voulons un monde sans OMC. Peu importe comment vous réformerez l’OMC ou améliorerez ses accords, elle ne sera jamais juste ou équitable, étant donné qu’elle est construite sur les principes du capitalisme, du libéralisme économique, de la croissance sans limite et l’exploitation des gens, de la Terre Mère et de toute Vie.
Pour plus d’information :
Tom B.K. Goldtooth
ien@igc.org