LES COMPAGNIES PROFITENT DE L’ÉPIDÉMIE POUR CONTRUIRE LEURS OLÉODUCS, ELLES NE RESPECTENT NI LES ORDRES DE CONFINEMENT, NI LES MESURES DE PROTECTION

Par Christine Prat
9 avril 2020

Depuis les derniers évènements relatifs à la lutte d’Autochtones des Premières Nations contre la construction d’oléoducs à travers leurs territoires, la pandémie du COVID 19 a frappé le Canada. Les multinationales en ont profité pour construire plus que jamais. Elles ne respectent ni les ordres de confinement, ni les précautions de base telles que la distance entre les personnes (2m au Canada), ou les interdictions de rassemblement des travailleurs dans des camps. Les Autochtones se sentent menacés et comparent ce qui se passe actuellement à la distribution consciente de couvertures infectées par la variole au 19ème siècle.

Coastal GasLink profite du confinement pour continuer à construire son oléoduc en territoire (non-cédé) Wet’suwet’en. Kinder Morgan, qui construit l’oléoduc dit « TransMountain », est en train de construire un nouveau « camp masculin » près de Clearwater, en Colombie Britannique, en territoire (non-cédé) Secwepemc.

La multinationale bien connue des Français, Vinci, a été choisie par la corporation LNG (Liquified Natural Gas) Canada pour construire d’énormes cuves pour stocker du gaz liquéfié et du pétrole.

Les oléoducs construits en Colombie Britannique ont pour but de transporter les carburants jusqu’à la côte ouest, afin de les exporter vers l’Asie.

La pandémie ayant fait oublier tous les autres problèmes, il est bon de rappeler brièvement la situation qui prévalait lorsque le Canada a été touché par le virus.

(Vous pouvez trouver des articles sur les luttes du début de l’année sur ce site.)

Le 1er mars, des discussions entre les chefs Wet’suwet’en, les autorités de la Province et les autorités fédérales, avaient débouché sur une proposition d’accord. Cela a causé une certaine confusion qui a pu faire croire qu’une solution au conflit était sur le point d’aboutir. Cependant, cette proposition ne concernait que les droits et titres des Wet’suwet’en et ne disait rien de l’oléoduc de Coastal GasLink. De ce fait, les groupes qui organisaient des actions contre le projet ont prévenu que rien n’était changé et que la lutte continuait. Il n’y a donc jamais eu d’accord.

Le 7 mars, les administrateurs de la page Facebook Unist’ot’en Camp publiaient un article disant :

« A la suite de pourparlers limités entre les chefs héréditaires Wet’suwet’en et des représentants de l’Etat Canadien, une certaine confusion a vu le jour. L’Etat et les médias dominants ont ajouté à cette confusion en décrivant ces pourparlers comme point final des actions de protestation qui duraient depuis des semaines, en soutien aux Wet’suwet’en et contre l’oléoduc de Coastal GasLink.

Mais la réalité est qu’il n’y a pas eu d’accord autorisant la construction de l’oléoduc et qu’aucun appel n’a été lancé, demandant aux gens de démonter leurs barricades. En dépit de ce qu’ils veulent que vous croyiez… ce n’est pas fini. »

Cependant, le COVID 19 est arrivé au Canada. Ça a détourné l’attention des médias de ce qui se passait chez les Autochtones, mais, en même temps, gravement augmenté les risques que constituaient pour eux les constructeurs d’oléoducs et leurs travailleurs, venus d’on ne sait où et logés dans ces « camps masculins » où règne la promiscuité. Il y a un ordre de confinement au Canada, et l’exigence d’une distance de 2 mètres entre les individus, cependant les compagnies n’en tiennent aucun compte, et, au contraire, profitent du confinement pour accélérer les constructions. Voir l’excellente vidéo – malheureusement pas encore sous-titrée en français – tournée les 30 mars et 1er avril et publiée sur le site Unist’ot’en Camp.

Dans l’est du Canada, des gens ont remercié les Mohawks qui avaient bloqué les chemins de fer en soutien aux Wet’suwet’en, car ça a probablement ralenti la propagation du virus. Par contre, en Colombie Britannique, les compagnies continuent à essayer de faire de l’argent avec ce qu’il reste de la planète.

Les Wet’suwet’en et les Secwepemc se sentent extrêmement menacés par le virus. Cependant, les employés et agents de sécurité des compagnies continuent à se promener dans leurs territoires sans aucune précaution. Les Autochtones se protègent comme ils peuvent, mais notre amie Secwepemc Kanahus Manuel, qui a été arrêtée pour cause de manifs et est en liberté conditionnelle, n’a pas le droit de se couvrir le visage !

Le 24 mars, Amanda Follett Hosgood écrivait sur le site canadien « The Tyee » : « Les camps de travailleurs de Colombie Britannique restent ouverts malgré les risques de pandémie. Des travailleurs propageant le virus pourraient inonder le système de santé, disent des experts. » Le 31 mars, elle écrivait : « L’oléoduc et la pandémie : ‘le plus grand risque que nous courons à ce moment’. L’Union des Chefs Indiens de Colombie Britannique appelle Coastal GasLink à arrêter le travail pour réduire les risques du COVID-19. […] ‘Nous devons répéter à la CGL qu’elle est par effraction sur notre territoire’ dit Dsta’Hyl, son nom anglais étant Adam Gagnon. ‘Mais ils reviennent tout le temps’. » (Chef Héréditaire Wet’suwet’en).

Le 3 avril, le National Observer écrivait : « BC Hydro a suspendu la navette pour le barrage du Site C, et six personnes sont en auto isolation dans le camp, suite à l’application des mesures devant faire barrière au Coronavirus.

La décision du service provincial arrive au moment où une dirigeante éminente des Premières Nations avait déclaré qu’elle était toujours inquiète à cause des camps de travailleurs des projets miniers, qui, comme le barrage du Site C sur la Peace River, dans le nord-est de la Colombie Britannique, continuent leurs travaux. »

LES COMPAGNIES

Les deux oléoducs en construction, respectivement en territoire Secwepemc et en territoire Wet’suwet’en :

TransMountain : construit par la branche canadienne de Kinder Morgan Energy Partners.

Coastal GasLink : TC Energy Corporation (ex-TransCanada).

Le barrage du site C : Financement publique.

LNG (Liquified Natural Gas) Canada : Groupe étranger, « joint venture » formé par la Royal Dutch Shell, la 4ème compagnie pétrolière dans le monde, 40%, Petronas, qui appartient au gouvernement malaysien, 25%, PetroChina Company, la compagnie nationale chinoise, 15%, et Korean Gas Corp., 5%. Le gouvernement Coréen est le principal importateur de gaz liquéfié dans le monde.

Enfin, Vinci (branche britannique) construit d’énormes cuves pour stocker le gaz liquide.

Christine Prat

Sources:

Page Facebook We Support the Unist’ot’en and the Wet’suwet’en Grassroots Movement
Page Facebook Unist’ot’en Camp
Page Facebook de Kanahus Freedom Manuel
Site Unist’ot’en Camp
Site The Tyee, Canada
Site The Narwhal, Canada
Site National Observer, Canada