Par Brenda Norrell
Censored News
26 janvier 2015
Traduction Christine Prat
Voir aussi
Témoignage écrit de Leonard Peltier ,
Témoignages devant le Tribunal en octobre 2014
GREEN BAY, Wisconsin – La Commission Vérité du Tribunal sur les Pensionnats pour Autochtones, qui s’est tenu ici en octobre dernier, a publié ses conclusions et recommandations, suite à trois jours de témoignages par ceux qui ont survécu aux sévices et à la torture dans les Pensionnats Indiens des Etats-Unis et du Canada.
Parmi les actes de maltraitance, on relève le fait que des enfants étaient kidnappés de chez eux et qu’on extirpait leur langue, leur culture et leur religion traditionnelle. Ces pensionnats ont créé des générations de traumatismes dans les familles Autochtones. Le nombre exact d’enfants Autochtones violés et assassinés dans ces pensionnats est inconnu.
Dans leurs conclusions les membres de la Commission déclarent que le gouvernement des Etats-Unis devrait appliquer la Déclaration des Droits des Peuples Autochtones aux Etats-Unis. De plus, ils estiment que le gouvernement des Etats-Unis devrait reconnaître les violations des droits de l’homme qui se sont produites dans des pensionnats établis par le gouvernement des Etats-Unis.
Les membres de la Commission ont dit que le gouvernement des Etats-Unis devrait travailler à une nouvelle Convention Internationale sur les Droits des Peuples Autochtones, en collaboration avec toutes les communautés Autochtones des Etats-Unis, et ratifier la Convention sur les Droits de l’Enfant.
Les membres de la Commission ont recommandé un statut consultatif entre les communautés Autochtones et le gouvernement des Etats-Unis. Il a également été recommandé que la Convention sur les Droits de l’Enfant soit ratifiée par les Nations Autochtones Souveraines dans tous les Etats-Unis.
Les membres de la Commission ont recommandé que les jeunes, jusqu’à 25 ans, soient impliqués dans le processus d’énonciation de la vérité et du souvenir. Les Anciens ont été encouragés à non seulement partager leurs expériences dans les pensionnats, mais à parler aussi de leur résilience, de leur courage et de la force qui les a poussés à surmonter les défis auxquels ils ont fait face.
Il a aussi été recommandé qu’une date de commémoration soit fixée, pour honorer et rendre hommage aux individus qui sont allés dans les pensionnats et ont subi la discrimination, la violence et même la mort.
Des projets d’histoire orale et d’autres Tribunaux similaires devraient être coordonnés pour rassembler des récits d’impact des pensionnats sur d’autres communautés Autochtones à travers les Etats-Unis.
Les conclusions indiquent aussi la nécessité de publier un témoignage commun comprenant les histoires de toutes les tribus Autochtones des Etats-Unis sur l’impact des pensionnats sur leurs droits humains.
Les Membres de la Commission de Vérité étaient : Fasoha (Maldives), Aneeta Aahooja (Pakistan), Abalo Assih (Togo), Shiran Gooneratne (Sri Lanka), Athar Waheed (Pakistan), Kristi Rudelius-Palmer (Université du Minnesota, Centre des Droits de l’Homme). C’était organisé par la Fondation Blue Skies. Le reportage en direct a été fait par Censored News, avec une diffusion en direct et des archives vidéo par Govinda de Earthcycles.
Photo Brenda Norrell, Censored News
Ci-dessous, la déclaration des membres de la Commission Vérité :
TRIBUNAL SUR LES PENSIONNATS
Déclaration Récapitulative des Membres de la Commission Vérité
Nous avons trouvé que les incidents relatés devant le Tribunal sur les Pensionnats pour les Autochtones qui s’est tenu du 22 au 24 octobre 2014, représentaient des violations, inter alia, des articles suivants de la Convention sur les Droits de l’Enfance :
Article 7 (Nom et Nationalité), Article 8 (Droit à la Préservation de l’Identité), Article 12 (Droit à la Participation), Article 13 (Liberté d’Expression), Article 30 (Droit à l’Identité Culturelle), Article 5 (Droit à la Guidance Parentale et au Développement des Capacités), Article 9 (Liberté de (non) Séparation des Parents), Article 35 (Liberté de non-Abduction Forcée), Article 6 (Droit à la Vie, à la Survie et au Développement), Article 24 (Droit à la Santé et aux Services de Santé), Article 25 (Droit à un Contrôle Périodique du Placement), Article 39 (Droits aux Soins Réparateurs), Article 14 (Liberté de Pensée, de Conscience et de Religion), Article 16 (Droit à la Correspondance et à la Vie Privée), Article 17 (Liberté d’Information), Article 19 (Protection contre les Sévices et la Négligence), Article 20 (Protection Spéciale des Enfants sous la Tutelle de l’Etat), Article 34 (Protection contre l’Exploitation Sexuelle), Article 36 (Protection contre d’autres formes d’Exploitation), Article 37 (Liberté de ne pas subir la Torture et des Châtiments Cruels, Inhumains et Dégradants).
Ces violations sont décrites en détail plus bas.
En plus de ces violations spécifiques, des articles fondamentaux de la Convention sur les Droits de l’Enfance, sujets à des violations systématiques, concernent l’Article 2 (Discrimination), l’Article 3 (l’Intérêt Supérieur de l’Enfant), l’Article 27 (Droit à un Niveau de Vie Décent), les Articles 28 et 29 (Droit à l’Education), l’Article 31 (Droit au Repos, aux Loisirs, à la Récréation et aux Activités Culturelles).
Cette Déclaration Récapitulative ne constitue pas une liste exhaustive des violations des Droits de l’Homme causées par le système des pensionnats. Les violations énumérées ci-dessous ne sont qu’un compte-rendu partiel du mal causé par les pensionnats, et ne limitent en aucun cas l’exposition d’autres violations dans le futur, que ce soit par nous ou par une autre instance. Nous avons été extrêmement honorés par l’invitation de participer à cet exercice de la vérité et de présenter nos réactions dans une déclaration récapitulative. Nous soumettons cette déclaration au tribunal comme un humble testament du fait que nous sommes solidaires des survivants des pensionnats et des communautés Autochtones qui continuent à souffrir des effets du système des pensionnats.
DROIT A LA LANGUE ET L’IDENTITE. Les témoins ont raconté comment on interdisait aux enfants de parler leur langue autochtone dans les pensionnats. Les enfants étaient punis pour parler leur propre langue et n’étaient autorisés à utiliser que l’anglais. De plus, on leur donnait de nouveaux noms et vêtements, pour détruire d’avantage leur identité culturelle, et les amener à en avoir honte. La coiffure et la longueur des cheveux des enfants étaient liées à leurs croyances spirituelles et leurs coutumes ; dans les pensionnats, leurs cheveux étaient coupés pour les punir et éradiquer leurs traditions spirituelles. Les enfants étaient privés du droit à leurs croyances traditionnelles et à leurs pratiques culturelles, du droit à leurs noms et à leurs nationalités tribales et du droit à participer librement à leur propre culture et à leur société avec leurs amis, leurs familles et les êtres chers. (Convention sur les Droits de l’Enfance, Article 7 – Nom et Nationalité, Article 8 – Droit à la Préservation de l’Identité, Article 12 – Droit de Participer, Article 13 – Liberté d’Expression, et Article 30 – Droit à l’Identité Culturelle).
En fait, non seulement ces droits étaient niés, mais il y avait des tentatives actives de la part des officiels des écoles pour détruire le lien des enfants avec leur culture et leur nationalité. On faisait honte aux enfants et on les punissait pour leur identité culturelle, leur langue, leur religion, leurs vêtements, leurs cheveux et leurs noms. On leur apprenait que leurs identités mêmes étaient mauvaises et erronées, et que pour être bon et dans le vrai, ils devaient cesser d’être Autochtones. Des témoins ont fait le lien entre cette démolition de la culture et la honte et l’injure systématiques et les forts taux de suicide et d’addictions qui ont ravagé les communautés Autochtones.
DROIT A UNE FAMILLE. Des témoins ont décrit une politique de stérilisation forcée de femmes Autochtones pour limiter les droits à la reproduction des familles Autochtones. Cette politique a existé de concert et parallèlement à la politique consistant à envoyer les enfants Autochtones dans des pensionnats.
Par le système des pensionnats, les enfants étaient retirés à la garde et aux soins de leurs parents, parfois explicitement à l’encontre de la volonté de leurs parents. Même lorsqu’il semblait qu’il y ait eu accord des parents, l’environnement de coercition et d’usage de la force dans les réserves rendait ce consentement en réalité non-existent. Il était interdit aux enfants d’avoir des contacts avec leurs parents et les parents n’avaient pas la possibilité d’établir un lien avec leurs enfants et de développer leurs capacités de parents. De plus, des frères et sœurs n’étaient pas autorisés à se parler dans les pensionnats. Les enfants étaient encouragés à se conduire violemment entre eux, dans les pensionnats, dans une tentative de détruire les relations de solidarité entre eux. En conséquence, des générations suivantes d’enfants Autochtones ont été affectées par les impacts physiques et psychologiques de ce qu’avaient subi leurs aînés dans les pensionnats.
La violence était institutionnalisée dans les pensionnats. On apprenait aux enfants que la violence contre les enfants était la norme, et même que c’était positif et accepté. Au lieu des qualités de bons parents, les élèves des pensionnats apprenaient à brutaliser leurs propres enfants, perpétuant ainsi ce cycle de violence et de traumatisme intergénérationnel. Certains témoins ont parlé de leur dure tâche pour apprendre à être de bons parents, abandonnant la violence qui leur avait été imposée dans les pensionnats, brisant ainsi le cycle des sévices. Ces témoins devraient être cités en exemple pour leur lutte contre la violence et les sévices institutionnalisés. Malheureusement, bien que des survivants des pensionnats aient été capables de se guérir eux-mêmes et leurs familles, le traumatisme intergénérationnel des pensionnats continue à faire des victimes, comme le démontre les forts taux de suicide et d’addictions dans les communautés Autochtones, comme il a été dit plus haut. (Convention sur les Droits de l’Enfance, Article 5 – Responsabilité des Parents et Possibilités de Développement, Article 9 – Liberté de [non] Séparation d’avec les Parents, Article 35 – Liberté de non-Abduction Forcée).
DROIT A LA SURVIE ET AU DEVELOPPEMENT & DROIT A LA SANTE. Les enfants ne recevaient pas de nourriture adéquate ni d’accès aux services de santé pour garantir leur développement complet. (Convention sur les Droits de l’Enfance, Article 6 – Droit à la vie, la Survie et le Développement, Article 24 – Droit à la Santé et aux Services de Santé, Article 25 – Droit au Contrôle Périodique du Placement, Article 39 – Droit aux Soins Réparateurs).
DROIT DE RELIGION OU DE CROYANCE. Les enfants étaient baptisés de force et obligés de participer et d’effectuer des activités religieuses qui ne venaient pas de leur origine. Ils étaient privés du droit de participer à leurs propres cérémonies spirituelles. (Convention sur les Droits de l’Enfance, Article 14 – Liberté de Pensée, de Conscience et de Religion).
CORRESPONDANCE PRIVEE. Des témoignages ont révélé que les officiels des écoles se mêlaient de la correspondance privée entre la famille et les enfants, créant des déchirements entre les familles et brisant les liens familiaux, ajoutant encore aux chocs psychologiques, physiques et spirituels subis par les enfants. Les papiers d’identité des enfants étaient saisis et ils ne savaient pas comment retourner chez eux. Les enfants pouvaient être transférés d’un pensionnat à un autre sans le consentement des parents. (Convention sur les Droits de l’Enfance, Article 16 – Droit à la Correspondance et la Vie Privée, Article 17 – Liberté d’Information).
CHATIMENTS CORPORELS, SEVICES ET EXPLOITATION. D’après les nombreux témoignages présentés au Tribunal, il est clair que beaucoup d’enfants des pensionnats subissaient différentes formes de châtiments corporels. Les enfants étaient envoyés dans des pensionnats à un très jeune âge. Il a été noté que les enfants devaient effectuer des travaux physiques inappropriés à leur âge. Là où les enfants étaient amenés avec leurs frères et sœurs, il est apparu que les écoles s’efforçaient de les séparer, leur infligeant ainsi un traumatisme mental supplémentaire. A part les châtiments corporels, un certain nombre de témoignages permettent de conclure que beaucoup d’enfants ont été abusés sexuellement dans les pensionnats. (Convention sur les Droits de l’Enfance, Article 19 – Protection contre les Sévices et la Négligence, Article 20 – Protection Spéciale des Enfants sous Tutelle de l’Etat, Article 34 – Protection contre l’Exploitation Sexuelle, Article 36 – Protection contre les autres formes d’Exploitation, Article 37 – Protection contre la Torture et les Traitements ou Punitions Cruels, Inhumains et Dégradants).
RECOMMANDATIONS
Que :
Les Peuples Autochtones
Impliquent les jeunes de moins de 25 ans dans le processus de révélation de la vérité et le souvenir
Encouragent les anciens à ne pas seulement raconter leurs expériences dans les pensionnats, mais à parler aussi de leur résilience, de leur courage et de leur force de surmonter les défis auxquels ils étaient confrontés
Fixent une date commémorative pour honorer et rendre hommage aux individus qui ont été dans les pensionnats et ont fait face à la discrimination, la violence et même la mort
Coordonnent des projets d’histoire orale et des Tribunaux similaires pour rassembler des histoires sur les impacts des pensionnats dans d’autres communautés Autochtones des Etats-Unis
Publient un témoignage commun incluant les histoires de toutes les tribus Autochtones des Etats-Unis sur les effets des pensionnats sur leurs droits humains
Mettent en place un statut consultatif entre les communautés Autochtones et le gouvernement des Etats-Unis
Encouragent la ratification de la Convention des Droits de l’Enfance par les Nations Autochtones Souveraines dans tous les Etats-Unis
Le Gouvernement des Etats-Unis
Reconnaisse les violations des droits de l’homme qui ont eu lieu par le fait des pensionnats établis par le Gouvernement des Etats-Unis
Applique la Déclaration des Droits des Peuples Autochtones aux Etats-Unis
Travaille à une nouvelle Convention Internationale sur les Droits des Peuples Autochtones, en collaboration avec les communautés Autochtones des Etats-Unis
Ratifie la Convention sur les Droits de l’Enfance
Les Membres de la Commission Vérité : Fasoha (Maldives), Aneeta Aahooja (Pakistan), Abalo Assih (Togo), Shiran Gooneratne (Sri Lanka), Athar Waheed (Pakistan), Kristi Rudelius-Palmer (Université du Minnesota, Centre des Droits de l’Homme)